Les engagements et les actions du Canada pour lutter contre les changements climatiques
Le bilan climatique du Canada devrait être évalué non pas uniquement en fonction des multiples promesses faites et objectifs fixés par le Canada au fil des ans, mais aussi en fonction des actions qui ont été menées. De fait, en dépit des engagements pris par les gouvernements qui se sont succédé de réduire considérablement les émissions de gaz à effet de serre au cours des 30 dernières années, le Canada n’a pas réussi à faire en sorte que ses engagements aboutissent à des réductions nettes et véritables de ses émissions. Les émissions produites par le Canada ont plutôt continué d’augmenter. Entre‑temps, la crise climatique mondiale s’est aggravée. Toutefois, la récente pandémie de la maladie à coronavirus (COVID‑19)Définition 2 a montré que le Canada a véritablement les moyens de surmonter des crises. Le Canada réussira‑t‑il enfin à « prendre le virage » et à faire sa part pour réduire les émissions de gaz à effet de serre?
Depuis plus de 30 ans, le Canada participe aux efforts collectifs internationaux de lutte contre les changements climatiques
Les activités scientifiques à l’échelle mondiale sont axées sur les changements climatiques depuis la fin des années 1980. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat a été créé en 1988 afin d’évaluer l’évolution du climat et de fournir aux gouvernements des données scientifiques à même d’orienter les politiques sur le climat. Grâce à ce Groupe d’experts, des scientifiques et d’autres spécialistes du monde entier, y compris du Canada, synthétisent les dernières avancées dans les domaines de la climatologie, de l’adaptation et de la vulnérabilité aux changements climatiques ainsi que de l’atténuation de leurs effets. Au fil des décennies, les principales constatations du Groupe d’experts ont décrit de manière plus catégorique les types de changements climatiques et leur gravité et ont conclu qu’ils étaient surtout attribuables à l’activité humaine.
En juin 1992, Rio de Janeiro (Brésil) a accueilli la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement. Cette conférence a abouti à la Convention‑cadre des Nations Unies sur les changements climatiques. Les signataires, dont le Canada, ont convenu de stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique. Le Canada a signé tous les grands accords internationaux de lutte contre les changements climatiques depuis (voir la pièce 5.2).
Pièce 5.2 — Mesures prises par le Canada pour lutter contre les changements climatiques et sa participation aux grands événements internationaux sur les changements climatiques
Source : Adapté de Le sixième rapport du Canada sur les changements climatiques 2014 : mesures prises pour mettre en œuvre les engagements du Canada sous la Convention‑cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, gouvernement du Canada, 2014 et de Les principaux risques des changements climatiques pour le Canada : Comité d’experts sur les risques posés par les changements climatiques et les possibilités d’adaptation, Conseil des académies canadiennes, 2019
Pièce 5.2 — version textuelle
Cette chronologie montre les mesures prises par le Canada pour lutter contre les changements climatiques et sa participation aux grands événements internationaux sur les changements climatiques.
1988 — Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat
- Le Canada accueille une conférence internationale importante, la Conférence mondiale sur l’atmosphère en évolution, et devient plus tard cette année-là un membre actif du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat.
1992 — Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques
- Le Canada ratifie la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques.
1997 — Protocole de Kyoto
- Le Canada signe le Protocole en 1998 et, en 2002, il le ratifie officiellement. Le Canada s’engage à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 6 % par rapport aux niveaux de 1990 entre 2008 et 2012.
2009 — Accord de Copenhague
- Le Canada s’engage, dans le cadre de cet accord non contraignant, à réduire de 17 % ses émissions de gaz à effet de serre par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2020.
2011 — Retrait du Canada du Protocole de Kyoto
- Le Canada abandonne son engagement en matière de réduction d’émissions pris dans le cadre du Protocole.
2015 — Accord de Paris
- Le Canada signe l’Accord de Paris en 2016 et s’engage à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 30 % par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2030.
2021 — Nouvelle cible de réduction des gaz à effet de serre du Canada
- Au titre de l’Accord de Paris, les pays sont tenus de renforcer leurs cibles au fil du temps. Le Canada a donc établi une cible plus ambitieuse : la réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40 % à 45 % par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2030, ce qui équivaut à environ 406 à 443 mégatonnes d’équivalents en dioxyde de carbone.
En 2015, 196 pays ont adopté l’historique Accord de Paris, un traité international juridiquement contraignant sur les changements climatiques. Son objectif est de limiter le réchauffement climatique à un niveau bien inférieur à 2 degrés Celsius, de préférence à 1,5 degré Celsius, par rapport aux niveaux préindustriels. Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, pour atteindre cet objectif et la carboneutralité à l’horizon 2050, les pays doivent réduire de manière notable leurs émissions de gaz à effet de serre dans les meilleurs délais. Toutefois, les engagements pris actuellement par les pays seront loin de suffire pour atteindre cet objectif. De fait, un réchauffement planétaire de 3 degrés Celsius est prévu d’ici 2100.
Les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté au Canada au cours des 30 dernières années
Depuis 1990, le gouvernement du Canada a pris de nombreux engagements sur la scène nationale et internationale pour lutter contre les changements climatiques, y compris l’engagement de réduire ses émissions de gaz à effet de serre et d’atteindre la carboneutralité d’ici 2050. Les deux plans nationaux les plus récents sont le Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques de 2016, et Un environnement sain et une économie saine lancé en 2020 (voir la pièce 5.3). En 2021, le gouvernement a annoncé une nouvelle cible de réduction des émissions, mais il n’a pas encore publié un plan climatique actualisé.
Pièce 5.3 — Le Canada a deux plans climatiques en vigueur
Le Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques de 2016 était le tout premier plan national de lutte contre les changements climatiques du Canada. Il a été élaboré de concert avec les provinces et les territoires et en collaboration avec les peuples autochtones. Il renfermait plus de 50 mesures de réduction des émissions de carbone. Voici certains des grands engagements prévus dans le cadre :
- une tarification de la pollution par le carbone dans toutes les administrations d’ici 2018;
- une stratégie pancanadienne relativement aux véhicules électriques d’ici 2018;
- une norme fédérale sur les combustibles propres obligeant les fournisseurs de combustibles liquides à réduire l’intensité des émissions de carbone d’ici 2030;
- une accélération de l’élimination progressive du charbon d’ici 2030;
- un règlement sur le méthane dans le secteur du pétrole et du gaz;
- un investissement dans la technologie propre.
Le plan du Canada intitulé Un environnement sain et une économie saine, lancé en 2020, s’inspire du Cadre et du Rapport du Conseil Génération Énergie de 2018, lequel décrit quatre démarches qui pourraient permettre au Canada de bâtir un avenir énergétique abordable et viable. Le plan présente 64 politiques, programmes et investissements du gouvernement fédéral, nouveaux ou renforcés, visant à réduire les émissions de carbone. Les 5 piliers clés du plan sont les suivants :
- rendre les lieux dans lesquels se rassemblent et vivent les Canadiennes et Canadiens plus abordables en réduisant le gaspillage d’énergie;
- offrir des transports et de l’électricité propres et abordables dans toutes les collectivités canadiennes;
- continuer à assurer qu’il ne soit pas gratuit de polluer et que tous les ménages récupèrent davantage d’argent;
- bâtir l’avantage industriel propre du Canada;
- adopter le pouvoir de la nature pour soutenir des familles en meilleure santé et des collectivités plus résilientes.
Le plan prévoit aussi de nouvelles mesures pour appuyer le leadership des peuples autochtones, réduire les émissions produites par les déchets et les activités fédérales, et introduire des solutions climatiques naturelles, comme la plantation d’arbres et la remise en état des prairies.
Les engagements, stratégies et plans d’action de réduction des émissions du Canada qui se sont succédé n’ont donné aucun résultat (voir la pièce 5.4). Selon le Rapport d’inventaire national de 2021 du Canada [disponible en anglais seulement], le Canada a rejeté 730 mégatonnes d’équivalent en dioxyde de carboneDéfinition 3 en 2019, alors que son objectif pour 2020 était de 607 mégatonnes. La nouvelle cible du Canada pour 2030 est équivalente à environ 406 à 443 mégatonnes. Malgré des progrès dans certains secteurs, comme la production d’électricité et de chaleur dans le secteur public, les émissions canadiennes ont augmenté de plus de 20 % depuis 1990.
Pièce 5.4 — La quantité totale d’émissions de gaz à effet de serre a augmenté au Canada entre 1990 et 2019, malgré de nombreux plans visant à les réduire
Source : D’après des données sur les émissions tirées du Rapport d’inventaire national de 2021 du Canada
Pièce 5.4 — version textuelle
Ce graphique linéaire montre les quantités totales d’émissions de gaz à effet de serre au Canada en mégatonnes d’équivalents en dioxyde de carbone entre 1990 et 2019. Le graphique indique aussi quand le gouvernement du Canada a publié ses nombreux plans d’action visant les changements climatiques pendant cette période.
En 1990, le Canada émet 602 mégatonnes d’équivalents en dioxyde de carbone. Cette année‑là, le gouvernement publie le Plan vert du Canada.
Après une légère baisse en 1991, les émissions augmentent de façon constante, pour atteindre 656 mégatonnes en 1995. Cette année‑là, le gouvernement publie le Programme d’action national sur les changements climatiques.
Les émissions continuent d’augmenter, pour atteindre 734 mégatonnes en 2000. Cette année‑là, le gouvernement publie le Plan d’action 2000 du gouvernement du Canada sur les changements climatiques.
Après une légère baisse en 2001, les émissions augmentent, pour atteindre 727 mégatonnes en 2002. Cette année‑là, le gouvernement publie Les changements climatiques : respecter nos engagements ensemble.
Les émissions augmentent légèrement, pour atteindre 739 mégatonnes en 2005. Cette année‑là, le gouvernement publie le Projet vert.
Après une légère baisse en 2006, les émissions augmentent encore une fois, pour atteindre 752 mégatonnes en 2007. Cette année‑là, le gouvernement publie Prendre le virage.
Après une baisse en 2009, les émissions augmentent, pour atteindre 703 mégatonnes en 2010. Cette année‑là, le gouvernement publie le Plan sur les changements climatiques aux fins de la mise en œuvre de la Loi de mise en œuvre du Protocole de Kyoto.
Les émissions augmentent légèrement au cours des cinq années suivantes, mais chutent pour s’établir à 707 mégatonnes en 2016. Cette année‑là, le gouvernement publie le Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques.
Les émissions augmentent, pour atteindre 730 mégatonnes en 2019. L’année d’après, le gouvernement publie Un environnement sain et une économie saine.
Le Canada a fait certains progrès pour ce qui est de dissocier les émissions de la croissance démographique et du produit intérieur brut : la population et l’économie du Canada ont connu une croissance plus rapide que les émissions. Toutefois, les émissions de gaz à effet de serre du Canada ont augmenté depuis la signature de l’Accord de Paris, ce qui fait du Canada le pays avec la pire performance de toutes les nations du groupe des 7G7 [disponible en anglais seulement] depuis la Conférence des Parties qui a eu lieu à Paris (France) en 2015.
Les changements climatiques et les objectifs de développement durable
En septembre 2015, le Canada et 192 autres pays se sont engagés à mettre en œuvre le Programme de développement durable des Nations Unies à l’horizon 2030 [disponible en anglais seulement]. Il s’agit d’un appel universel à l’action pour éradiquer la pauvreté, protéger la planète et renforcer la prospérité, la paix et les partenariats, en aidant avant tout les populations les plus vulnérables, et ce, sans laisser personne de côté. Le programme définit 17 objectifs de développement durable qui couvrent une grande diversité de problèmes sociaux, économiques et environnementaux, comme la pauvreté, la santé, l’égalité entre les sexes, la croissance économique durable, l’accès à l’eau et les changements climatiques.
En 2017, le Bureau du vérificateur général du Canada s’est engagé à examiner, dans le cadre de ses audits de performance et de ses examens spéciaux, les efforts déployés par les organisations fédérales pour contribuer à la réalisation des objectifs de développement durable des Nations Unies. Les questions examinées dans le cadre du présent rapport se rattachent à l’objectif numéro 13, qui demande que les gouvernements s’engagent à « prendre d’urgence des mesures pour lutter contre les changements climatiques et leurs répercussions ». De nombreux autres objectifs de développement durable comportent des éléments se rapportant aux changements climatiques, notamment :
- Énergie propre et d’un coût abordable (objectif numéro 7)
- Travail décent et croissance économique (objectif numéro 8)
- Industrie, innovation et infrastructure (objectif numéro 9)
- Inégalités réduites (objectif numéro 10)
- Villes et communautés durables (objectif numéro 11)
- Vie aquatique (objectif numéro 14)
- Vie terrestre (objectif numéro 15)
- Paix, justice et institutions efficaces (objectif numéro 16)
Nous avons réalisé plusieurs audits qui concernaient ces objectifs et leurs cibles et nous continuerons de le faire pour contribuer au suivi des progrès enregistrés à l’échelle nationale et internationale dans la mise en œuvre du programme et des objectifs.
Leçons que le Canada peut tirer de la crise causée par la COVID‑19
La pandémie de COVID‑19 a permis de constater qu’une action vigoureuse et concertée du gouvernement permet d’éviter les pires conséquences d’une crise. Toutefois, la crise à plus long terme des changements climatiques nous menace comme jamais.
Les gouvernements au Canada et ailleurs dans le monde ont pris diverses mesures pour faire face à la COVID‑19 : confinements et couvre‑feux, port obligatoire d’un couvre‑visage, campagnes de vaccination, aides financières aux travailleuses et travailleurs et aux petites entreprises touchées par les fermetures économiques, et achat d’équipement de protection individuelle et de respirateurs. Les pays dont les gouvernements ont pris rapidement des mesures rigoureuses et suivi les avis scientifiques s’en sont généralement mieux sortis que les autres.
Les changements climatiques, comme les pandémies, constituent une crise mondiale sur laquelle les experts tirent la sonnette d’alarme depuis des décennies. Tant les changements climatiques que les pandémies posent des risques pour la santé humaine et l’économie et nécessitent des réponses de l’ensemble de la société pour empêcher d’autres catastrophes.
C’est donc dire que la population canadienne peut tirer des leçons de la pandémie de COVID‑19 en matière de gestion de crise. De même, les efforts déployés pour relancer l’économie après la pandémie vont favoriser l’émergence d’une société plus forte et plus résiliente face aux changements climatiques, à condition que les gouvernements de tous les niveaux, les citoyennes et les citoyens, le secteur privé et la société civile collaborent.