L’administration de la justice dans les Forces armées canadiennes
Déclaration d’ouverture au Comité permanent des comptes publics
L’administration de la justice dans les Forces armées canadiennes
(Rapport 3 — Rapports du printemps 2018 du vérificateur général du Canada)
Le 22 octobre 2018
Jerome Berthelette
Vérificateur général adjoint
Monsieur le Président, je vous remercie de nous donner l’occasion de discuter de notre rapport du printemps 2018 sur l’administration de la justice dans les Forces armées canadiennes. Je suis accompagné de Monsieur Andrew Hayes, qui était le directeur principal chargé de l’audit et qui est maintenant notre avocat général principal. Je suis aussi accompagné de Madame Chantal Thibaudeau, qui était la directrice de l’audit.
Le système de justice militaire canadien fonctionne en parallèle avec le système civil de justice. Le but du système de justice militaire est le maintien de la discipline, de l’efficience et du moral au sein des Forces armées canadiennes. Comme le système civil, le système militaire doit être juste et respecter la primauté du droit.
Dans le système de justice militaire, les accusations peuvent être jugées par procès sommaire ou en cour martiale. Les circonstances de chaque cause, y compris la nature des accusations et le grade de l’accusé, détermineront le type de procès. Dans certains cas, l’accusé peut choisir le type de procès.
Un procès sommaire vise à rendre la justice de façon rapide et équitable en cas d’infraction mineure. Un commandant ou un autre officier autorisé préside ce type de procès. Une cour martiale est un tribunal officiel présidé par un juge militaire. Une cour martiale suit en grande partie les mêmes règles que celles des procédures criminelles appliquées dans les tribunaux civils.
L’audit visait à déterminer si les Forces armées canadiennes avaient administré le système de justice militaire avec efficience, notamment si elles traitaient les causes de justice militaire en temps opportun. Nous avons conclu que les Forces armées canadiennes n’avaient pas administré le système de justice militaire avec efficience.
Nous avons constaté qu’il y avait des retards tout au long des étapes du processus de justice militaire, et que les Forces armées canadiennes n’avaient pas établi des normes de temps pour certaines étapes, ce qui a favorisé les retards. Ainsi, nous avons constaté qu’il avait fallu beaucoup de temps pour déposer les accusations. Concernant les cours martiales, il a fallu beaucoup de temps pour renvoyer les causes aux procureurs, pour décider de porter la cause devant la cour et pour fixer la date de l’audience.
La Cour suprême du Canada a établi le principe que la plupart des procès doivent se tenir dans un délai de 18 mois après le dépôt des accusations. Pour les 20 causes jugées devant une cour martiale que nous avons examinées, nous avons constaté que la durée moyenne de traitement avait été de 17,7 mois après le dépôt des accusations. Pour 9 de ces causes, la durée du traitement a dépassé 18 mois.
Pendant l’exercice 2016-2017, une cour martiale a abandonné des accusations en raison de retards, et les retards étaient un des motifs invoqués par des procureurs militaires pour abandonner neuf autres causes. La population canadienne s’attend à ce que les forces armées soient disciplinées et que les comportements inacceptables soient jugés rapidement. La Cour suprême du Canada a aussi souligné l’importance d’administrer la justice promptement.
Nous avons aussi noté que les changements fréquents d’affectation des avocats militaires dans divers secteurs de services juridiques ont empêché les procureurs et les avocats de la défense d’acquérir l’expertise et l’expérience nécessaires pour bien s’acquitter de leurs fonctions.
De plus, nous avons constaté que le Cabinet du Juge-avocat général n’avait pas surveillé efficacement le système de justice militaire. Les examens périodiques requis du système n’avaient pas été faits, et les systèmes et les méthodes de gestion de cas étaient inadéquats. Certaines unités militaires tenaient leurs propres systèmes de suivi des cas, lesquels ne saisissaient pas toute l’information nécessaire. D’autres unités n’avaient aucun mécanisme ou processus pour faire le suivi et la surveillance de leurs cas de justice militaire.
Nous avons constaté que les procureurs avaient rarement documenté les motifs de leur décision de porter une cause en cour martiale. Une telle décision nécessite un niveau élevé de discrétion professionnelle, et de mauvaises décisions peuvent miner la confiance accordée au système de justice militaire. Sans information sur les motifs pour lesquels les procureurs décident de porter une cause en cour martiale, le directeur des poursuites militaires ne peut surveiller et démontrer comment les procureurs ont appliqué les principes juridiques et ont exercé leur discrétion professionnelle dans chaque cause.
Nous avons aussi constaté que le Service canadien des poursuites militaires n’avait pas établi de processus clairs et bien définis pour appliquer sa politique en matière de poursuite. La délégation des pouvoirs et des fonctions en matière de poursuite n’était pas toujours documentée, et la procédure d’attribution des causes et des pouvoirs décisionnels n’était pas claire.
La Défense nationale a accepté nos recommandations. Le Ministère a établi un plan d’action qui contient les étapes et un échéancier des mesures visant à donner suite à nos recommandations. Nous avons noté que selon le plan d’action, certaines mesures et étapes établies par la Défense nationale devraient déjà avoir été achevées.
Monsieur le Président, je termine ainsi ma déclaration d’ouverture. Nous serons heureux de répondre aux questions des membres du Comité. Merci.