Les comportements sexuels inappropriés — Forces armées canadiennes

Déclaration d’ouverture au Comité permanent des comptes publics

Les comportements sexuels inappropriés — Forces armées canadiennes

(Rapport 5 — Rapports de l’automne 2018 du vérificateur général du Canada)

Le 29 janvier 2019

Andrew Hayes
Sous-vérificateur général

Monsieur le Président, je vous remercie de nous donner l’occasion de discuter de notre rapport de l’automne 2018 sur les comportements sexuels inappropriés dans les Forces armées canadiennes. Je suis accompagné de la directrice par intérim qui était chargée de cet audit, Mme Robyn Roy.

En juillet 2014, le chef d’état-major de la défense avait commandé un examen indépendant externe des politiques, procédures et programmes des Forces armées canadiennes portant sur les comportements sexuels inappropriés. L’ancienne juge de la Cour suprême du Canada, Marie Deschamps, avait mené l’enquête et présenté ses constatations et ses recommandations dans un rapport en mars 2015.

En août 2015, le chef d’état-major de la défense a lancé l’Opération HONOUR, une opération militaire fondée sur une approche descendante et couvrant l’ensemble de l’organisation, qui visait à éliminer les comportements sexuels inappropriés. Le chef d’état-major de la défense a du même coup informé tous les membres des Forces armées canadiennes que la haute direction des Forces et lui-même comptaient faire évoluer la culture de l’organisation et mettre fin à de tels comportements.

Notre audit visait à déterminer si les Forces armées canadiennes avaient pris des mesures adéquates pour contrer les comportements sexuels inappropriés afin d’intervenir auprès des victimes et de leur venir en aide, et pour comprendre et prévenir de tels comportements. L’objectif de l’audit n’était pas de tirer une conclusion sur le succès de l’Opération HONOUR, mais de fournir un examen indépendant des progrès réalisés par les Forces jusqu’ici, 3 ans après la mise en œuvre de l’Opération.

Nous avons constaté que les Forces armées canadiennes avaient offert divers services de soutien aux militaires victimes de comportements sexuels inappropriés ou les avaient dirigés vers ces services, notamment le Centre d’intervention sur l’inconduite sexuelle. Cependant, nous avons relevé des lacunes dans ces services. Ainsi, les Forces n’ont pas accordé la priorité au soutien aux victimes dans la conception et la mise en œuvre de l’Opération HONOUR. De plus, les services étaient mal coordonnés; par conséquent, les victimes n’avaient pas toujours facilement accès à des services appropriés au bon moment. Nous avons aussi constaté que les fournisseurs de services de soutien n’avaient pas tous suivi une formation suffisante pour venir en aide adéquatement aux victimes.

Nous avons également constaté que les Forces armées canadiennes n’avaient pas toujours traité les signalements de comportement sexuel inapproprié en temps opportun et de manière uniforme et respectueuse. Par conséquent, certaines victimes ont choisi de ne pas signaler un incident ou de retirer leur plainte, car elles étaient peu convaincues que les enquêtes aboutiraient à des résultats concrets.

Après la mise en œuvre de l’Opération HONOUR, le nombre de plaintes avait grimpé en flèche, passant d’environ 40 en 2015 à environ 300 en 2017. Selon les Forces, cette augmentation indiquait que les membres avaient confiance en l’efficacité de l’organisation pour contrer les comportements sexuels inappropriés.

Cependant, nous avons constaté que certains membres des Forces ne se sentaient toujours pas en sécurité ni soutenus. Ainsi, le devoir de signaler tout comportement sexuel inapproprié avait eu des conséquences non voulues en forçant les victimes à signaler un incident alors qu’elles n’étaient pas prêtes à le faire ou qu’elles ne désiraient pas le faire. Cela a dissuadé certaines victimes de dénoncer des incidents. Le devoir de signaler au sein des Forces armées canadiennes n’a pas permis de concilier la responsabilité juridique de protéger la sécurité des membres et la nécessité de respecter la volonté d’une victime de ne pas porter plainte officiellement. Les commandants étaient aussi placés devant un dilemme éthique : ils devaient choisir entre s’acquitter de leur devoir de signaler, d’une part, et respecter la volonté des victimes, d’autre part.

Nous avons également constaté que la sensibilisation et la formation sur les comportements sexuels inappropriés n’étaient pas adéquates. Même si les Forces armées canadiennes ont accru la sensibilisation auprès de leurs membres à l’égard des comportements sexuels inappropriés, elles n’ont pas fourni suffisamment d’information sur les causes et les effets de ces comportements ni sur la façon d’intervenir auprès des victimes et de leur venir en aide. En avril 2018, les Forces ont mis sur pied l’atelier « Le respect dans les FAC ». Il s’agit d’une formation plus complète qui corrige les lacunes que nous avons relevées dans d’autres formations offertes au cours de la période d’audit.

Enfin, nous avons constaté que les Forces armées canadiennes n’avaient pas surveillé adéquatement l’efficacité de l’Opération HONOUR dans le but d’éliminer les comportements sexuels inappropriés. Les Forces ne disposaient pas d’une source d’information indépendante et objective sur l’efficacité de l’Opération HONOUR. De plus, l’information recueillie par l’organisation sur les incidents liés à des comportements sexuels inappropriés était de mauvaise qualité. Les Forces ne disposaient pas non plus d’un cadre d’évaluation du rendement pour mesurer et surveiller les résultats de l’Opération HONOUR dans l’ensemble de l’organisation.

Nous avons conclu que les mesures prises par les Forces armées canadiennes pour intervenir auprès des victimes d’un comportement sexuel inapproprié et les aider, et pour comprendre et prévenir ce type de comportement, ne leur avaient pas encore permis d’atteindre pleinement l’objectif qu’elles s’étaient fixé. Nous avons recommandé que les Forces accordent la priorité au soutien aux victimes, qu’elles offrent de meilleures séances de sensibilisation et de formation sur les causes et les effets des comportements sexuels inappropriés, et qu’elles intègrent davantage les avis et les résultats d’examens externes indépendants pour avoir l’assurance qu’elles atteindront les objectifs de l’Opération HONOUR.

La Défense nationale a accepté toutes nos recommandations et préparé un plan d’action détaillé.

Monsieur le Président, je termine ainsi ma déclaration d’ouverture. Nous serons heureux de répondre aux questions des membres du Comité. Merci.