Rapports du printemps 2019 du vérificateur général du Canada
Déclaration d’ouverture au Comité permanent des comptes publics
Rapports du printemps 2019 du vérificateur général du Canada
Le 9 mai 2019
Sylvain Ricard, Comptable professionnel agrééCPA, Comptable agrééCA
Vérificateur général du Canada par intérim
Monsieur le Président, j’ai le plaisir de vous présenter les résultats de 5 rapports d’audit de performance de programmes ou d’activités du gouvernement, et de 4 rapports d’examen spécial de sociétés d’État, qui ont été déposés mardi à la Chambre des communes. Je suis accompagné de Jean Goulet, Carol McCalla, Philippe Le Goff, Michelle Salvail et de Nicholas Swales, les directeurs principaux responsables pour les audits.
Le premier audit de performance dont je vais parler a porté sur les centres d’appels de 3 ministères : Emploi et Développement social Canada; Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, et Anciens Combattants Canada.
Dans l’ensemble, nous avons constaté qu’il faut du temps et de la persistance pour réussir à joindre un centre d’appels du gouvernement. Nous avons vu que la moitié des 16 millions de Canadiens qui ont voulu parler à un agent n’y sont pas arrivé. Sept millions d’appels ont été renvoyés à un système de réponse automatique ou à un site web, ou encore la communication a été coupée. C’est sans oublier le plus d’un million de personnes qui en ont eu assez d’attendre et qui ont raccroché.
Nous avons constaté que les décisions relatives à l’offre de services des centres d’appels n’étaient pas fondées sur les besoins des Canadiennes et Canadiens. Par exemple, les ministères n’offraient pas aux gens la possibilité de rester en ligne ou de demander qu’un agent les rappelle.
Et il est peu probable que la situation s’améliorera dans un avenir proche. En effet, la Stratégie relative aux services axés sur la clientèle du gouvernement ne tient pas compte des centres d’appels, même si plus du quart de la population canadienne choisit le téléphone comme moyen de communiquer avec le gouvernement. De plus, 5 ans après avoir entamé un projet de modernisation des centres d’appels du gouvernement, Services partagés Canada n’en avait modernisé que 8 sur 221. Le Ministère n’avait pas de plan pour moderniser les 213 autres.
Passons maintenant à notre deuxième audit. Dans cet audit, nous avons examiné comment l’Agence des services frontaliers du Canada, Immigration, Refugiés et Citoyenneté Canada, et la Commission de l’immigration et du statut de réfugié traitaient les demandes d’asile.
Nous avons constaté que le système de protection des réfugiés du Canada n’était pas en mesure de traiter les demandes d’asile dans le délai de 2 mois fixé par le gouvernement. En fait, les arriérés et les temps d’attente sont pires aujourd’hui qu’au moment de la dernière réforme du système, en 2012, qui visait à régler ces mêmes problèmes. L’arriéré des demandes est passé de 59 000 en 2010 à 71 000 en 2018, et les temps d’attente sont passés de 19 mois en 2010 à 2 ans aujourd’hui.
Fondamentalement, le système est incapable de s’adapter aux pointes du volume des demandes. Si le problème reste sans solution et que le volume actuel de demandes reste le même, d’ici 5 ans, les demandeurs d’asile devront patienter 5 ans pour savoir si le Canada leur accordera une protection.
Le problème fondamental est aggravé par des faiblesses administratives qui amélioreraient le traitement des demandes d’asile si elles étaient réglées. Par exemple, nous avons constaté que les systèmes informatiques des 3 organisations ne fonctionnent pas bien ensemble. Cela entraîne des retards, un dédoublement des efforts et une dépendance sur les dossiers papier. Nous avons constaté que près des deux tiers des audiences ont été reportées au moins une fois, et que ce délai ajoute en moyenne 5 mois au temps qu’il faut pour rendre une décision.
Je vais maintenant passer aux résultats de notre audit de la taxation du commerce électronique. Cet audit a examiné si l’Agence du revenu du Canada, l’Agence des services frontaliers du Canada et le ministère des Finances s’assuraient que le régime de la taxe de vente pour le commerce électronique était neutre et que l’assiette fiscale était protégée.
Nous avons constaté que le régime de la taxe de vente du Canada ne s’était pas ajusté à l’évolution rapide du marché numérique. Nous avons estimé que le Canada s’était privé de recettes de 169 millions de dollars en taxe de vente sur les produits numériques.
L’analyse du régime de la taxe de vente pour le commerce électronique effectuée par le ministère des Finances a montré que le régime actuel risque de dissuader les entreprises étrangères de s’installer au Canada et d’encourager les entreprises canadiennes à déplacer leurs activités vers d’autres pays.
L’Agence du revenu du Canada et l’Agence des services frontaliers du Canada ont un rôle à jouer pour s’assurer que toutes les taxes sont perçues et versées au gouvernement. Nous avons constaté qu’elles n’avaient pas fait assez de travail pour s’assurer d’arriver à ce résultat.
Par exemple, nous avons constaté que l’Agence du revenu du Canada avait reconnu le commerce électronique et le partage d’hébergement comme étant des risques d’entreprise, mais qu’elle avait fait peu de travail pour y répondre. Prenons l’exemple du partage d’hébergement ― un secteur dont la valeur s’est multipliée par presque 10, pour atteindre 2,8 milliards de dollars, en seulement 3 ans ― l’Agence a confirmé qu’elle avait audité seulement 4 entreprises.
L’Agence du revenu du Canada n’a pas le pouvoir de mettre en œuvre des mesures qui ont fonctionné dans d’autres pays ou provinces, comme la mise en place d’un `système d’enregistrement simplifié pour les entreprises étrangères.
Nous avons aussi examiné comment l’Agence des services frontaliers du Canada gérait la perception des taxes sur les colis de faible valeur importés par des entreprises de messagerie. Nous avons constaté que les systèmes et les pratiques de l’Agence étaient dépassés et qu’elle se fie donc sur les entreprises de messagerie pour lui verser les taxes dues. L’Agence a fait peu de travail en réaction à des signaux d’alarme qu’elle a notés, comme l’augmentation inexpliquée du volume de colis évalués à moins de 20 $ ― et donc exemptés de la taxe de vente ― ou des audits qui ont fait ressortir une sous-évaluation importante de la valeur des colis importés par des entreprises de messagerie.
Le prochain audit que je vais aborder examinait le mécanisme de surveillance mis en place par le gouvernement pour respecter son engagement d’interdire les publicités partisanes. Il est important de comprendre que le gouvernement a une politique qui interdit toute partisannerie dans ses communications. Pour la publicité ― qui est un sous-ensemble des communications ― il a mis en place un mécanisme d’examen pour s’assurer que l’argent des contribuables ne sert pas à financer des publicités partisanes.
Pour les campagnes qui ont un budget de moins de 500 000 $, l’examen est effectué par Services publics et Approvisionnement Canada. Les campagnes qui ont un budget qui dépasse 500 000 $ sont revues à l’externe par une organisation appelée Normes de la publicité.
Nous avons constaté que le seuil monétaire est le seul facteur qui détermine si l’examen de la publicité est externe. À notre avis, d’autres facteurs ― comme le sujet d’une campagne ou sa portée potentielle ― pourraient aussi être pris en compte lors de l’évaluation du risque de partisannerie puisque, par exemple, une campagne de faible valeur sur un sujet sensible d’un point de vue politique peut risquer davantage d’être partisane qu’une campagne plus coûteuse, mais qui est strictement informative.
Il est aussi ressorti de l’audit qu’il existait peu de documents pour montrer que les examens ― autant internes qu’externes ― avaient été effectués avec assez de rigueur pour en assurer le caractère non partisan.
Dans notre dernier audit, nous avons cherché à savoir si la Gendarmerie royale du CanadaGRC fournissait à ses agentes et agents les gilets pare-balles rigides et les carabines dont ils avaient besoin pour neutraliser un tireur actif.
Nous avons constaté que la GRC avait suffisamment de gilets pare-balles à l’échelle du pays, mais que la répartition était inégale. Autrement dit, nous avons constaté que pas tous les agents avaient accès à un gilet pare-balles. Nous avons aussi constaté que la GRC ignorait si tous les agents qui avaient besoin d’une carabine y avaient accès.
Faute de planification, la GRC n’était pas prête à composer avec les exigences à long terme suscitées par l’ajout d’une nouvelle arme à son inventaire. Cette lacune a eu des conséquences sur l’entretien des carabines et la requalification annuelle des agents à les utiliser. Nous avons constaté que l’entretien requis n’avait pas été fait pour environ la moitié des carabines.
Comme je l’ai indiqué au début de cette déclaration, nous avons aussi livré mardi matin des exemplaires des rapports des audits que nous avons effectués dans des sociétés d’État depuis l’automne dernier. Ces rapports ont déjà été rendus publics par les sociétés d’État qui les ont reçus.
Nos audits de la Banque de développement du Canada et de la Société canadienne des postes n’ont pas dégagé de défaut grave dans les pratiques de ces sociétés.
Nous avons signalé un défaut grave dans les audits de Marine Atlantique et du Musée national des sciences et de la technologie. Dans le premier cas, le problème était dû au temps qu’avait mis le gouvernement à approuver les plans d’entreprise de Marine Atlantique. Le délai avait empêché la société de prendre des décisions stratégiques à long terme. Nous avions soulevé le même problème dans notre audit de 2009.
Dans le cas du Musée national des sciences et de la technologie, nous avons constaté de nombreuses faiblesses dans la manière dont la Société gérait, protégeait et préservait sa collection. Prises ensemble, ces faiblesses constituaient un défaut grave.
Monsieur le Président, je termine ainsi ma déclaration d’ouverture. Nous serions heureux de répondre à vos questions.