Budget et financement du Bureau du vérificateur général du Canada
Déclaration d’ouverture au Comité permanent des comptes publics
Budget et financement du Bureau du vérificateur général du Canada
Le 13 juin 2019
Sylvain Ricard, Comptable professionnel agrééCPA, Comptable agrééCA
Vérificateur général du Canada par intérim
Monsieur le Président, je vous remercie de nous inviter à discuter de la situation budgétaire du Bureau du vérificateur général du Canada. Cette discussion est nécessaire pour garantir que notre bureau est en mesure de remplir son mandat. Je suis accompagné aujourd’hui du sous-vérificateur général, Monsieur Andrew Hayes, et de la vérificatrice générale adjointe chargée des audits de performance, Madame Casey Thomas.
Je vais vous présenter un résumé du financement du Bureau et des pressions auxquelles nous devons faire face. Ensuite, je vais expliquer certaines des difficultés que suscite le mécanisme actuel de financement.
Financement
Le Bureau est confronté à des contraintes budgétaires depuis quelques années. La situation a nui à notre capacité à remplir notre mandat, à nous adapter à un environnement d’audit de plus en plus complexe et à nous doter des ressources humaines, des services de soutien et des systèmes dont nous avons besoin pour nous acquitter de nos responsabilités.
L’ancien vérificateur général du Canada, Michael Ferguson, faisait valoir pour la première fois dans le Rapport sur les plans et les priorités 2016-2017 du Bureau, que notre Bureau avait besoin d’un financement supplémentaire. La situation a été signalée par la suite dans les rapports financiers trimestriels, puis dans une lettre officielle de Monsieur Ferguson au ministre des Finances en juillet 2017. À cette époque, nous n’avions pas demandé ni reçu d’augmentation budgétaire depuis environ 10 ans.
En 2011, le gouvernement a entrepris un vaste exercice de réduction budgétaire. Même si notre bureau, en tant qu’agent indépendant du Parlement, n’était pas tenu de procéder à des compressions budgétaires, le ministre des Finances nous a fortement encouragés à réduire notre budget.
Nous avons volontairement participé aux réductions. Nous avons mis fin à quelques missions d’audit et cessé ou reporté des investissements dans la technologie et le renforcement des connaissances. Ces mesures nous ont permis de réduire nos effectifs d’environ 10 % et notre budget, de 8 %. Nous avons ainsi pu rendre au Trésor 6,7 millions de dollars de notre Crédit 1 en 2014-2015.
Notre financement est resté pratiquement le même jusqu’au Budget 2018, exception faite de 3,2 millions de dollars que nous avons reçus pour des augmentations économiques annuelles, comme le reste du gouvernement. Il est important de préciser ici que nous avons dû, et que nous continuerons de devoir, utiliser environ 1,5 million de dollars par année de notre Crédit 1 pour couvrir les augmentations salariales non financées des exercices 2014-2015 et 2015-2016, et pour couvrir d’autres mesures que nous avons dû prendre à cause du système de paye Phénix, pour pouvoir payer nos employés.
Nous avons réussi à gérer nos activités avec le budget qui nous avait été alloué pendant quelques années, mais en 2017, il ne suffisait plus pour nous permettre de suivre le rythme de la complexification de l’environnement d’audit, de remplir notre mandat plus vaste et de financer nos activités opérationnelles. L’ancien vérificateur général a alors demandé une augmentation permanente de 21,5 millions de dollars de notre Crédit 1, qui devait se faire progressivement sur 2 ans : 9 millions de dollars de plus dès 2018-2019, et 12,5 millions de dollars à compter de 2019-2020. Cette augmentation visait uniquement à nous permettre de continuer à réaliser le même nombre d’audits, et non à en faire plus. Depuis cette demande, nous avons reçu des mandats additionnels non financés.
Dans le Budget de 2018, nous avons reçu 8,3 millions de dollars, dont un montant de 1,3 million de dollars au titre des bureaux et des cotisations aux programmes d’avantages sociaux. C’est donc dire que l’augmentation permanente approuvée par les parlementaires que nous pouvions utiliser pour nos activités totalisait 7 millions de dollars. Cela représentait un tiers de l’augmentation totale dont nous avions besoin pour nous acquitter de nos responsabilités.
En juillet 2018, Monsieur Ferguson a de nouveau écrit au ministre des Finances pour demander un financement supplémentaire de 10,8 millions de dollars, soit 3,7 millions de dollars de moins que le 21,5 millions qu’il avait demandés à l’origine. Dans sa réponse, le ministre a reconnu l’analyse rigoureuse que notre Bureau avait faite. Nous n’avons reçu aucun financement supplémentaire dans le Budget de 2019.
Charge de travail
Beaucoup de nos audits sont requis par la loi, y compris les examens spéciaux des sociétés d’État, la plupart des audits financiers et certains travaux réalisés par le commissaire à l’environnement et au développement durable. Nous continuons de recevoir des missions additionnelles sans financement connexe ni discussion relative au coût que représentent ces travaux pour notre bureau.
Soulignons par ailleurs le fait que les dépenses de programme du gouvernement ont augmenté de près de 75 milliards de dollars au cours de la période de 5 ans se terminant en 2019-2020, et que ces dépenses sont censées augmenter de quelque 40 milliards de dollars au cours des 4 prochaines années. Comme ces hausses sont reflétées dans les états financiers du gouvernement, elles augmentent la charge des missions obligatoires du Bureau.
En même temps, l’environnement d’audit est devenu de plus en plus complexe. Cela s’explique par de nombreux facteurs, y compris la transformation du système de paye du gouvernement, des nouveaux accords relatifs aux infrastructures qui intègrent des partenariats publics-privés, et un nombre accru d’opérations complexes, comme les placements faits par les régimes de retraite de la fonction publique.
Les auditeurs doivent s’adapter à cet environnement de plus en plus complexe. Ils doivent avoir accès à des savoirs dans des domaines comme les environnements de contrôle des systèmes informatiques et l’analyse de données, et pouvoir continuer de se perfectionner dans ces domaines. Il est tout aussi important que les auditeurs restent au fait des normes de comptabilité et d’audit et puissent perfectionner leurs compétences techniques. Sans fonds supplémentaires, nous aurons de la difficulté à offrir à notre personnel cette expertise.
Pour ce qui est des audits de performance, nous avons vu une érosion de notre capacité à recueillir et à maintenir les compétences et l’expertise requises à l’égard des programmes complexes du gouvernement que nous auditons. Nous devons pouvoir permettre à nos employés d’acquérir ces connaissances avant le début des audits, pour que nous ayons toute l’information qu’il nous faut pour bien choisir nos audits et être prêts quand vient le moment de commencer notre travail d’audit.
Notre incapacité à investir dans les nouvelles technologies ou les approches d’audit qui sont nécessaires pour préparer le Bureau à faire face au présent et à l’avenir pose toujours problème. Par exemple, certains de nos systèmes informatiques ne bénéficieront plus de soutien à compter de 2019-2020. Avec notre niveau actuel de financement, nous ne pourrons pas les remplacer avant 2021-2022 au plus tôt. Nous prévoyons aussi que notre risque relatif à la sécurité informatique ne sera pas ramené à un niveau acceptable au mieux avant 2021.
Des experts sectoriels ont signalé que nous accusons un grave retard sur eux en ce qui concerne l’élaboration et l’application d’approches d’audit fondées sur les technologies de l’information. Nous n’avons pas le financement qui nous permettrait de moderniser nos approches et de former nos employés afin de suivre le rythme de la profession.
Pression sur les audits de performance
Étant donné que la plupart de nos audits financiers et de nos autres travaux nous sont imposés par la loi, si notre financement demeure inadéquat, nous serons forcés de redéfinir nos priorités pour nous acquitter de nos obligations législatives, nous conformer aux politiques gouvernementales et satisfaire à nos propres exigences organisationnelles, comme celle de remplacer nos systèmes informatiques. Cela signifie que les parlementaires recevront moins de rapports d’audit de performance qu’ils peuvent utiliser pour tenir les organisations gouvernementales responsables des résultats qu’elles obtiennent dans l’intérêt de la population canadienne.
Il y a 10 ans, nous réalisions environ 27 audits de performance par année. En 2019, nous en effectuerons 16. Au cours des prochaines années, si notre budget ne change pas, nous prévoyons pouvoir réaliser 14 audits de performance chaque année, à savoir 3 audits destinés aux assemblées législatives des territoires, 4 audits présentés par le commissaire à l’environnement et au développement durable et 7 audits du vérificateur général.
Mécanisme de financement
Avant de terminer, j’aimerais aborder la question plus vaste qui, selon notre ancien vérificateur général Michael Ferguson, était à l’origine des pressions financières que nous ressentons : le processus de financement de notre Bureau et des autres agents du Parlement.
Le fait que les organismes gouvernementaux que nous auditons contribuent à déterminer les sommes qui nous sont allouées ne cadre pas avec le principe de notre indépendance ou de la reddition de comptes uniquement au Parlement. Pour vous donner un exemple : les audits que nous avons rendus publics au début du mois de mai dernier visaient entre autres les activités du ministère des Finances et du Secrétariat du Conseil du Trésor, deux organisations qui participent au processus de décision du gouvernement sur notre budget. Cela n’a aucun sens.
Nous notons que, dans sa lettre de mandat de novembre 2015, le Premier Ministre avait chargé le leader du gouvernement à la Chambre des communes de veiller à ce que, et je cite, « les agents du Parlement aient le financement dont ils ont besoin et qu’ils rendent des comptes uniquement au Parlement, et non pas au gouvernement en place, et ce, en collaboration avec le président du Conseil du Trésor ».
Dans une lettre adressée au Bureau du greffier du Conseil privé en janvier 2019, 6 agents du Parlement, dont l’ancien vérificateur général Michael Ferguson, exprimaient leur désir d’avoir un autre mécanisme de financement, indépendant de l’exécutif du gouvernement. Ils avaient expliqué en détail la nécessité de prévoir un ajustement budgétaire annuel automatique qui serait fondé sur un facteur directement lié ou pertinent au mandat et aux fonctions de chaque agent du Parlement. Une option envisageable pour notre Bureau serait d’établir notre budget en fonction du montant total des dépenses de programme du gouvernement. En juillet 2018, Monsieur Ferguson a écrit au ministre des Finances pour proposer un tel mécanisme.
Le processus de décaissement des fonds est aussi difficile, non seulement pour notre bureau, mais pour l’ensemble de l’administration publique. Par exemple, nous avons reçu l'augmentation de 7 millions de dollars à notre Crédit 1 prévue dans le Budget de 2018 en octobre seulement, et ce, après un processus laborieux de demande auprès du Secrétariat du Conseil du Trésor. Ce retard nous a empêchés d’utiliser l’ensemble de ces fonds en raison du temps qu’il faut pour engager du personnel et mettre en place des contrats.
Conclusion
Pour conclure, Monsieur le Président, je remercie le Comité de nous avoir permis de présenter l’historique récent du financement de notre Bureau et des défis qui en résultent.
Nous sommes prêts à répondre à vos questions.