Déclaration d’ouverture du vérificateur general — Conférence de presse du Rapports de l’automne 2017

Automne 2017 — Rapports du vérificateur général du Canada au Parlement du Canada Déclaration d’ouverture du vérificateur général

Bonjour. Je suis ici pour présenter les résultats de 6 audits de performance et de 2 examens spéciaux déposés ce matin à la Chambre des communes.

Quand je considère globalement ces audits, ce qui ressort pour moi encore une fois, c’est que les ministères n’envisagent pas du point de vue des citoyens les résultats des programmes et services qu’ils livrent. Cela veut dire que je répète le même message audit après audit et année après année, parce que nous voyons que les ministères continuent d’être fixés sur leurs propres activités et oublient le point de vue des citoyens. Les audits livrés aujourd’hui ne font pas exception, comme nous allons le voir.

Voyons d’abord notre audit du système de paye Phénix. Nous avons examiné les mesures prises par Services publics et Approvisionnement Canada et d’autres ministères et organismes pour corriger les problèmes du système de paye, afin d’avoir un jour un système qui exigera moins d’effort pour payer les employés du gouvernement, et non plus.

Nous avons constaté qu’un an et demi après le lancement du système de paye Phénix, plus de 150 000 fonctionnaires attendaient qu’une demande liée à leur paye soit traitée. La valeur des erreurs non corrigées était proche d’un demi-milliard de dollars à la fin de juin 2017. Ce chiffre comprend autant des fonctionnaires qui n’avaient pas reçu toute leur paie que d’autres qui avaient reçu des montants en trop.

Nous avons constaté que depuis le lancement de Phénix, Services publics et Approvisionnement Canada n’a fait en grande partie que réagir aux problèmes de paye.

À notre avis, il faudra des années pour normaliser le système de paye, et bien plus que les 540 millions de dollars annoncés jusqu’à présent par le gouvernement. Dans une situation semblable au Queensland, en Australie, il a fallu 7 ans et un 1,2 milliard de dollars pour régler la majorité des problèmes de paye.

Le prochain audit dont je vais parler a examiné comment les centres d’appels de l’Agence du revenu du Canada répondaient aux questions des contribuables.

Globalement, nous avons constaté que les résultats sur le service à la clientèle rapportés par l’Agence du revenu du Canada donnent l’impression que le service rendu par les centres d’appels est meilleur qu’il ne l’est en réalité.

Par exemple, l’Agence rapporte que les agents des centres d’appels ou le système libre-service répondent à 90 % des appels des contribuables. Si le chiffre de l’Agence n’est pas faux d’un point de vue technique, il ne reflète toutefois pas l’expérience globale du contribuable. Il ne rend pas compte du fait qu’en moyenne, le contribuable doit appeler l’Agence environ 4 fois en l’espace d’une semaine avant de joindre un agent ou le système libre-service.

Nous avons constaté que les chiffres rapportés par l’Agence ne tiennent pas compte des 29 millions d’appels qu’elle bloque au cours d’une année, et qui représentent plus de la moitié du volume total des appels qu’elle reçoit. Ces appels aboutissent à une tonalité de ligne engagée ou à un message enregistré qui invite le contribuable à consulter le site Web de l’Agence ou à rappeler plus tard. Nous avons constaté que seulement 36 % des appels adressés à l’Agence du revenu étaient transférés à un agent ou au système libre-service.

Les tests que nous avons effectués et ceux faits par d’autres organismes ont aussi montré que l’Agence donnait une réponse erronée à près de 30 % des questions des contribuables. Ce taux est beaucoup plus élevé que le taux d’erreurs d’environ 6,5 % estimé par l’Agence.

Passons maintenant à notre audit de l’initiative de 257 millions de dollars menée par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada afin d’aider des réfugiés syriens à s’établir au Canada.

Dans l’ensemble, nous avons constaté que les besoins d’établissement de plus de 80 % des réfugiés syriens avaient été évalués. Deux observations importantes ressortent néanmoins de cet audit.

Premièrement, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada a retardé d’au moins 3 mois le transfert de 51 millions de dollars à ses fournisseurs de services. Ce retard a entraîné des réductions de services.

Deuxièmement, le Ministère n’a pas recueilli tous les renseignements dont il a besoin pour vérifier si les réfugiés s’intégraient à la société canadienne. Par exemple, le Ministère ne sait pas quelle proportion d’enfants syriens d’âge scolaire sont inscrits à l’école.

Dans un autre audit, nous avons examiné les programmes fournis par Santé Canada pour aider les Inuit et les Premières Nations à améliorer leur santé buccodentaire.

Dans l’ensemble, nous avons constaté que Santé Canada consacre plus de 200 millions de dollars chaque année à des services dentaires médicalement nécessaires pour les Inuit et les Premières Nations. Le Ministère sait que la santé buccodentaire des Inuit et des Premières Nations est nettement inférieure à celle du reste de la population canadienne, mais il ne sait pas dans quelle mesure son programme de prestations dentaires fait effet.

Santé Canada sait que son initiative de prévention en santé buccodentaire, d’une valeur de 5 millions de dollars, a amélioré la santé buccodentaire de certains enfants autochtones. Les données du Ministère indiquent cependant une diminution du nombre d’enfants inscrits en vertu de cette Initiative ainsi que du nombre de services fournis. Comme il ne connaît pas les raisons de cette diminution, le Ministère peut difficilement corriger la situation.

Dans notre audit du Service correctionnel du Canada, nous avons constaté que les programmes et services ne répondaient pas aux besoins de réadaptation des femmes détenues, et surtout de celles qui souffrent de troubles mentaux.

L’outil qu’utilise le Service correctionnel pour déterminer quels cote de sécurité et programmes correctionnels assigner aux détenues a été conçu pour les hommes, et non pas pour les femmes. Cela signifie que certaines femmes ont été détenues à un niveau de sécurité plus élevé que nécessaire, et que certaines ont été inscrites à des programmes que le Service correctionnel n’a pu offrir avant que la majorité de ces détenues ne soient admissibles pour la première fois à la libération conditionnelle.

Lorsque la libération est retardée, les détenues ne peuvent bénéficier d’une réinsertion progressive dans la société, et il est plus dispendieux de les garder en prison.

Nous avons constaté que les équipes de santé mentale du Service correctionnel n’avaient pas le personnel nécessaire pour livrer les services dont les détenues avaient besoin. Nous avons aussi constaté que le Service correctionnel avait placé dans des cellules d’isolement des détenues qui risquaient de se faire mal ou de se suicider. Il n’est pas approprié de placer dans des cellules d’isolement des femmes souffrant de troubles mentaux graves, car elles n’y reçoivent pas le soutien clinique dont elles ont besoin.

Un autre de nos audits visait à déterminer dans quelle mesure le Collège militaire royal du Canada forme à un coût raisonnable des élèves-officiers pour qu’ils assument leur rôle de leaders dans les Forces armées canadiennes.

Le Collège militaire royal du Canada est une université financée par le gouvernement fédéral. Nous avons constaté que les programmes d’études du Collège sont de bonne qualité, mais que la formation d’un étudiant au Collège coûte environ deux fois plus cher que dans d’autres universités. La Défense nationale n’a pas été en mesure de montrer que les officiers formés au Collège sont plus efficaces dans leurs fonctions que ceux qui entrent dans les Forces armées canadiennes par un autre programme de recrutement.

Nous avons aussi constaté des lacunes sur le plan de la formation au leadership et à la conduite attendue de futurs officiers. Même si le Collège est intervenu dans les cas de mauvaise conduite grave, le nombre d’incidents impliquant des élèves-officiers montre que le Collège ne les avait pas préparés à servir de modèles à leurs pairs.

À notre avis, le milieu d’apprentissage au Collège n’appuie pas systématiquement l’instruction militaire et l’enseignement de comportements éthiques. Le Collège doit se recentrer sur sa vocation d’établissement militaire pour former les leaders dont les Forces armées canadiennes ont besoin.

Nos rapports au Parlement de l’automne comprennent aussi des copies des rapports d’examen spécial qui ont été présentés à Énergie atomique du Canada limitée et à la Commission de la capitale nationale depuis la sortie de nos rapports du printemps.

Dans l’ensemble, nous avons constaté qu’Énergie atomique du Canada limitée avait disposé des moyens et méthodes nécessaires pour devenir un organisme gouvernemental exploité par un entrepreneur du secteur privé. La société doit maintenant passer à la tâche d’évaluer l’efficacité et l’efficience de ce nouveau modèle d’entreprise.

Notre examen de la Commission de la capitale nationale a révélé que plus du quart des actifs de la Commission, dont certains ont une valeur historique, étaient dans un état passable, mauvais ou critique. Les ressources de la Commission autorisées dans son plan d’entreprise approuvé sont insuffisantes pour restaurer et entretenir ces actifs. La Commission s’est engagée à analyser ses besoins en ressources et à élaborer des scénarios pour y parer.

J’espérais pouvoir parler aujourd’hui d’un sujet autre que les résultats pour les citoyens. Je continue de rendre le même message, que le gouvernement ne comprend pas ses résultats du point de vue des citoyens.

Je pense que notre message sur l’importance d’offrir des services axés sur les citoyens est entendu programme par programme, mais rien n’indique qu’il est repris à l’échelle du gouvernement.

Quand nous entamons des nouveaux audits, nous notons encore l’absence du souci de bien comprendre ce que les Canadiennes et Canadiens retirent des programmes gouvernementaux, qu’il s’agisse de réponses à leurs questions fiscales, de soutien en santé mentale pour les détenues, d’une meilleure santé buccodentaire pour les Inuit et les Premières Nations, ou de l’étendue des difficultés qu’éprouve le gouvernement à payer ses employés.

Il semble que notre message n’est pas entendu à l’échelle du gouvernement, et cela me préoccupe. Le gouvernement est censé être au service des citoyens. Pour y arriver, il faut un effort concerté du gouvernement dans son ensemble pour comprendre et mesurer l’expérience des citoyens, pas seulement un programme à la fois, mais pour tous les programmes et services.

Je suis prêt à répondre à vos questions.