Déclaration d’ouverture du vérificateur general — Conférence de presse du Rapports du printemps 2018
Printemps 2018 — Rapports du vérificateur général du Canada au Parlement du Canada Déclaration d’ouverture du vérificateur général
Bonjour. Je suis ici aujourd’hui pour vous présenter nos rapports d’audit qui ont été déposés à la Chambre des communes ce matin. Ce dépôt inclut 7 rapports d’audit de performance de programmes ou d’activités du gouvernement, et 4 rapports d’examen spécial de sociétés d’État.
Nous avons aussi remis au Parlement un rapport sur des thèmes communs dégagés de nos travaux d’audit dans 13 sociétés d’État depuis mars 2016.
Avant de résumer nos audits, je veux souligner que je crois que nous nous trouvons à un moment critique, à un moment que le gouvernement se doit de saisir pour réfléchir à ce que j’appelle des « échecs incompréhensibles ». Le gouvernement doit en effet se demander dans quelle mesure sa culture l’empêche de produire des résultats véritablement axés sur les citoyens et citoyennes.
Dans notre audit sur la création et le déploiement du système de paye Phénix, nous avons conclu que le projet a été marqué par un échec incompréhensible de la gestion de projet, et de la surveillance de projet.
Nous avons aussi livré 2 audits de programmes destinés aux peuples autochtones. Lorsque j’additionne les constats de ces 2 audits à ceux de nos audits passés, je ne peux faire autrement que de reprendre les mots « échec incompréhensible » pour qualifier l’incapacité des programmes fédéraux à améliorer la situation des populations autochtones du Canada.
Je vais maintenant passer aux constats de chacun de nos audits. Cependant, le gouvernement doit examiner de plus près les thèmes communs qui se dégagent de ces rapports, pour voir comment sa culture permet des échecs incompréhensibles.
Passons maintenant aux 2 audits que je viens de mentionner, et qui portaient sur des programmes destinés aux peuples autochtones.
Le premier de ces audits a évalué les progrès réalisés par Services aux Autochtones Canada en vue de combler les écarts socio-économiques entre les membres des Premières Nations vivant dans les réserves et le reste de la population canadienne, de même que les rapports du Ministère à ce sujet.
Les gouvernements s’engagent depuis des années à combler ces écarts. Pourtant, Services aux Autochtones Canada ignorait l’importance véritable des écarts, et il ignorait si des progrès étaient faits pour les combler.
Nous avons examiné de plus près le secteur de l’éducation, et nous avons calculé qu’entre 2001 et 2016, l’écart séparant les membres des Premières Nations vivant dans les réserves qui détiennent au moins un diplôme d’études secondaires et le reste de la population canadienne s’était accru.
Nous avons aussi constaté que les résultats publiés par le Ministère n’étaient pas exacts. Il avait surévalué les taux d’obtention d’un diplôme d’études secondaires des Premières Nations dans une proportion pouvant aller jusqu’à 29 %.
Services aux Autochtones Canada a aussi mal utilisé les données sur l’éducation qu’il avait recueillies. Par exemple, le Ministère a consacré 42 millions de dollars sur 4 ans à aider des étudiants des Premières Nations à se préparer aux études postsecondaires. Nous avons constaté que seulement 8 % des personnes inscrites à ce programme préparatoire l’avaient terminé. Malgré la faiblesse de ces résultats, le Ministère n’a pas collaboré avec les Premières Nations ou les établissements d’enseignement pour améliorer le taux de réussite de ce programme.
Le deuxième de nos audits sur les programmes autochtones a examiné les efforts déployés par Emploi et Développement social Canada pour aider les peuples autochtones à acquérir les compétences nécessaires pour trouver un emploi, et le garder.
Malgré des dépenses qui dépassent les 300 millions de dollars par année, nous avons constaté qu’Emploi et Développement social Canada ne savait pas dans quelle mesure la Stratégie de formation pour les compétences et l’emploi destinée aux Autochtones et le Fonds pour les compétences et les partenariats aidaient les Autochtones à trouver un emploi, et à le garder. Le Ministère ne savait pas quels services donnaient les meilleurs résultats, ni comment il pouvait les adapter pour mieux satisfaire les besoins des clients autochtones. Par exemple, le Ministère sait que 16 % des clients autochtones bénéficient d’un minimum de 5 services, mais il ne sait pas si ces mêmes clients ont fait des progrès dans leur recherche d’un emploi durable.
Notre prochain audit a examiné comment Affaires mondiales Canada avait répondu aux demandes d’assistance consulaire de Canadiens et de Canadiennes voyageant ou vivant à l’étranger.
Nous avons constaté qu’Affaires mondiales Canada avait réussi à déployer du personnel pour venir en aide aux Canadiens et Canadiennes confrontés à une crise en sol étranger.
Nous avons cependant aussi constaté que le Ministère avait mis trop longtemps à évaluer les signes que des Canadiens détenus à l’étranger étaient victimes de mauvais traitements ou de torture.
En 2004, le juge Dennis O’Connor recommandait à Affaires mondiales Canada de mieux former son personnel à reconnaître les signes de torture ou de mauvais traitements, et de veiller à ce que le ministre soit rapidement informé des cas confirmés.
Plus d’une décennie plus tard, nous constatons que l’approche du Ministère reste encore insuffisante. Il n’avait donné qu’une formation générale à son personnel consulaire sur la façon de mener les visites en prison et de déterminer si un prisonnier canadien avait été maltraité ou torturé. Dans un cas, nous avons vu qu’il lui avait fallu 7 mois pour informer le ministre.
Ces défauts sont critiques pour les Canadiennes et Canadiens qui se trouvent en situation de détresse. Affaires mondiales Canada doit veiller à ce que son personnel consulaire bénéficie de la formation et du soutien qu’il lui faut pour pouvoir venir en aide aux citoyens canadiens arrêtés ou détenus à l’étranger.
Passons maintenant à notre audit de performance qui examinait si les Forces armées canadiennes administraient de façon efficiente le système de justice militaire.
Nous avons conclu que ce système n’était pas efficient.
Nous avons constaté que les Forces armées canadiennes prenaient souvent trop de temps pour régler des poursuites devant la justice militaire, autant dans le cas d’infractions disciplinaires mineures jugées lors de procès sommaires que dans celui d’allégations jugées par une cour martiale.
Les Forces armées canadiennes ont dû abandonner 10 causes portées devant une cour martiale parce qu’elles n’avaient pas été traitées aussi rapidement qu’elles auraient dû l’être. Ces retards vont à l’encontre du principe selon lequel tout accusé a le droit d’être jugé promptement. Ils laissent aussi les victimes et leurs familles dans l’incertitude.
Les Forces armées canadiennes sont au courant de ces problèmes depuis au moins 10 ans, mais elles n’ont pas réussi à les corriger.
Notre prochain audit portait sur la manière dont les organisations fédérales se débarrassent de leurs biens et matériels excédentaires.
Nous avons constaté qu’au cours de l’exercice terminé le 31 mars 2017, la vente d’actifs a rapporté 50 millions de dollars aux organisations gouvernementales. Toutefois, nous estimons que la valeur de conserver ou de réutiliser ces actifs s’élevait à 82 millions de dollars. Nous sommes d’avis que le système actuel encourage les organisations fédérales à vendre leurs biens en trop pour en retirer un bénéfice au lieu de les réutiliser, de les remettre à neuf ou d’en faire don.
L’Agence du revenu du Canada a mis en œuvre un système pour réutiliser ses biens. Cela lui a permis d’économiser 4,5 millions de dollars en 3 ans. Cet exemple montre que le gouvernement peut réaliser des économies s’il réutilise avec prudence ses biens.
Passons maintenant à notre audit du projet du gouvernement de remplacer le pont Champlain, à Montréal.
Nous avons constaté que la décision de remplacer le pont Champlain aurait dû être prise des années plus tôt. Le retard a coûté aux contribuables plus d’un demi-milliard de dollars.
Nous avons constaté qu’Infrastructure Canada avait analysé le modèle du partenariat public-privé après que le gouvernement ait annoncé qu’il le retenait. Nous avons aussi constaté que le Ministère n’avait pas fait une analyse complète des autres modèles d’approvisionnement possibles. Une analyse approfondie aurait révélé qu’il était fort probable qu’un partenariat public-privé finirait par coûter plus cher qu’un modèle d’approvisionnement traditionnel.
Nous avons aussi constaté qu’Infrastructure Canada avait demandé des changements au projet après le début des travaux, ce qui a ajouté des risques importants à un projet déjà complexe.
Nous sommes d’avis que le nouveau pont coûtera plus cher que si la décision de le remplacer avait été prise plus tôt, qu’il coûtera plus cher que prévu à l’origine et qu’il n’est pas certain qu’il sera terminé avant l’échéance de décembre 2018.
Le dernier de nos audits de performance examinait encore une fois le système de paye Phénix. Cette fois, nous avons examiné si la décision de déployer le nouveau système de paye avait été raisonnable.
Nous avons conclu que le projet Phénix constituait un échec incompréhensible de la gestion de projet, et de la surveillance de projet, et que cet échec avait abouti au lancement d’un système qui n’était pas prêt. La décision de lancer Phénix était une mauvaise décision.
Pour respecter le budget et les échéanciers établis, les cadres responsables de Phénix ont décidé de supprimer des fonctionnalités essentielles du système, de réduire l’étendue des essais, et d’annuler une mise en œuvre pilote.
Les cadres responsables de Phénix ont ignoré des signes manifestes que le centre de la paye de Miramichi n’était pas prêt à assumer le volume d’opérations de paye, que les ministères et organismes publics n’étaient pas prêts à passer au nouveau système, et que Phénix lui-même n’était pas prêt à traiter correctement la paye des fonctionnaires fédéraux. Lorsqu’ils ont informé le sous-ministre de Services publics et Approvisionnement Canada que Phénix serait déployé, ils ont passé sous silence les problèmes graves dont ils avaient connaissance.
Enfin, la décision de déployer Phénix n’est pas documentée.
Étant donné les informations connues à l’époque, nous jugeons que la décision de déployer Phénix n’était pas raisonnable.
Le système Phénix ne fait pas ce qu’il devait faire, il a coûté des centaines de millions de dollars de plus que prévu, et il a eu des conséquences négatives pour des dizaines de milliers de fonctionnaires fédéraux et leurs familles.
Passons maintenant aux résultats des audits que nous avons faits dans les sociétés d’État. Depuis l’automne, nous avons audité le Musée canadien des droits de la personne, l’Administration de pilotage des Grands Lacs, Ridley Terminals incorporatedInc., et Exportation et développement Canada. Les sociétés d’État ont rendu publics les rapports de ces audits, comme elles sont tenues de le faire.
Nous avons relevé des défauts graves dans les moyens et méthodes de toutes ces sociétés d’État.
Dans le cas de Ridley Terminals Inc., les problèmes que nous avons cernés étaient tels que la Société opérait hors du champ de la pratique prudente attendue d’une société d’État. Ces problèmes ont été exacerbés par la surveillance inefficace de Ridley Terminals par Transports Canada.
Notre commentaire sur les audits de performance des sociétés d’État 2016-2018 analyse d’importants problèmes que nous avons relevés dans les 4 audits dont je viens de parler, et aussi dans 9 audits que nous avons réalisés depuis 2016. Ces problèmes s’inscrivent dans 5 grandes catégories. Par exemple, nous avons été préoccupés de constater que dans 8 sociétés d’État, le mandat d’un nombre élevé de membres des conseils d’administration était échu.
Je veux aussi vous signaler que vous pouvez consulter dans notre site Web notre commentaire et vidéo sur les audits d’états financiers des organisations publiques que nous avons effectués en 2016-2017. Ce commentaire a pour but d’aider les Canadiens et Canadiennes à mieux comprendre l’information financière du gouvernement.
Avant de passer à vos questions, je tiens à réitérer à quel point il est important que le gouvernement et la fonction publique considèrent nos audits sous un angle nouveau, pour y voir non une liste des problèmes relevés dans différents programmes, mais bien les symptômes d’un problème culturel fondamental.
Les ministères peuvent mettre en œuvre nos recommandations et réagir aux symptômes que nous signalons, et il est important qu’ils le fassent.
Par contre, la question cruciale que le gouvernement doit étudier, c’est de savoir pourquoi nous continuons de mettre au jour des problèmes graves, et pourquoi des échecs incompréhensibles continuent d’arriver.
Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.