2023 — Rapports 1 à 5 du commissaire à l’environnement et au développement durable au Parlement du Canada — Déclaration d’ouverture du commissaire à l’environnement et au développement durable à la conférence de presse

2023 — Rapports 1 à 5 du commissaire à l’environnement et au développement durable au Parlement du Canada Déclaration d’ouverture du commissaire à l’environnement et au développement durable à la conférence de presse

Bonjour, je m’appelle Jerry DeMarco et je suis le commissaire à l’environnement et au développement durable du Canada. Je tiens à souligner que nous nous trouvons sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinaabe.

Je suis ici aujourd’hui pour parler des 5 rapports d’audit de performance qui ont été présentés au Parlement ce matin. Ensemble, ces 5 rapports font état du lien inhérent entre les changements climatiques et la perte de la biodiversité et de la manière dont ces 2 crises doivent être résolues au moyen d’ actions fortes et coordonnées.

Lorsque je pense à tous les rapports du Bureau du vérificateur général du Canada qui ont signalé ces sérieuses préoccupations au fil des ans, je considère que nous avons tiré la sonnette d’alarme à plusieurs reprises. Maintenant, ces sons de cloche sont presque assourdissants.

Nos audits antérieurs montrent que le Canada n’a pas atteint un grand nombre de ses cibles liées au climat et à la biodiversité, et je suis extrêmement inquiet que cette tendance ne se maintienne au cours des prochaines années à moins d’un changement de cap important. Même si nous réussissons à réduire la concentration de gaz à effet de serre dans l’atmosphère et à restaurer les habitats naturels, certains  dommages déjà produits sont irréversibles : il est possible de replanter des arbres, mais il n’y a aucune baguette magique qui fera revenir à la vie les espèces disparues.

Nous pouvons tirer les leçons des échecs du passé pour limiter les effets les plus graves des changements climatiques et de la perte de la biodiversité, et bâtir un avenir meilleur pour les générations à venir. Ou nous pouvons continuer dans la même voie, faire fi des sons de cloche assourdissants et léguer à nos enfants les conséquences de nos échecs.

Notre premier audit visait à déterminer si Environnement et Changement climatique Canada, Pêches et Océans Canada et Parcs Canada avaient respecté les délais de la Loi sur les espèces en péril pour élaborer les documents requis pour appuyer le rétablissement des espèces sauvages en péril. Nous voulions aussi savoir si les objectifs établis dans les programmes de rétablissement et les plans de gestion avaient été atteints.

Dans l’ensemble, nous avons constaté que les efforts déployés par les trois organisations pour planifier le rétablissement des espèces en péril et en rendre compte étaient lents et insuffisants, et que les objectifs avaient été atteints pour moins de la moitié de toutes les espèces pour lesquelles il y avait suffisamment de données.

Dans les faits, cela signifie que 416 des 520 espèces en péril ayant été évaluées à nouveau depuis 1982 ne présentaient aucun changement de situation ou faisaient dorénavant partie d’une catégorie de risque plus élevée. Autrement dit, plus de 4 décennies plus tard, la situation s’est améliorée pour seulement le cinquième des espèces en péril.

Nous avons constaté un retard considérable dans la production de rapports d’étape qui visent à tenir les ministères responsables des mesures prises et à montrer si ces mesures ont une incidence concrète. Sur les 399 rapports d’étapes qu’Environnement et Changement climatique Canada devait produire, seulement un avait été produit. Sans cette surveillance continue, le gouvernement pourrait rater des occasions de mieux protéger les espèces en péril.

Passons maintenant à notre deuxième audit, qui portait aussi sur les espèces en péril. Nous avons examiné si le gouvernement fédéral avait pris des mesures d’urgence, au besoin, pour protéger les espèces sauvages et leurs habitats sur le territoire non fédéral.

Nous avons constaté qu’Environnement et Changement climatique Canada ne disposait pas d’une approche proactive pour fournir au ministre des conseils opportuns sur le recours aux pouvoirs discrétionnaires d’urgence.

Les pouvoirs discrétionnaires prévus par la Loi sur les espèces en péril permettent au gouvernement fédéral d’intervenir lorsque les provinces et les territoires ne réussissent pas à protéger efficacement les espèces en péril et leurs habitats sur le territoire non fédéral. Depuis que la Loi est entrée en vigueur il y a près de 20 ans, un total de 3 décrets d’urgence ont été pris, et tous sont attribuables à des pressions externes. Le gouvernement fédéral a le pouvoir d’intervenir pour contrer des menaces imminentes pesant sur les espèces, mais il manque d’initiative et de politiques pour orienter ses actions. Les mesures prises par Environnement et Changement climatique Canada ne reflètent pas l’urgence de la crise de la biodiversité mondiale. Des centaines d’espèces canadiennes sont en péril, depuis le caribou emblématique figurant sur la pièce de 25 sous à la chouette tachetée en voie de disparition imminente, mais il est encore possible de les sauver.

J’aborderai maintenant notre audit sur les forêts et les changements climatiques. Le gouvernement fédéral a lancé le programme 2 milliards d’arbres pour lutter contre les changements climatiques, améliorer la biodiversité et favoriser le bien-être humain. Nous avons constaté que, compte tenu du nombre d’arbres plantés jusqu’ici, il est peu probable que le programme réussisse, à moins que des changements importants soient apportés.

Même si Ressources naturelles Canada a presque atteint son objectif de planter 30 millions d’arbres en 2021, le Ministère a manqué de beaucoup son objectif de planter 60 millions d’arbres en 2022. Les retards dans la signature des accords avec les partenaires de plantation d’arbres ont non seulement entravé la capacité du Ministère à planter le nombre prévu d’arbres pour 2022, mais ces retards auront aussi une incidence sur les années subséquentes, pour lesquelles les objectifs sont encore plus ambitieux.

Nous avons constaté que Ressources naturelles Canada, en collaboration avec Environnement et Changement climatique Canada, n’avait pas fourni de vue d’ensemble claire et complète du rôle des forêts canadiennes en matière d’émissions de gaz à effet de serre. Par exemple, les estimations des émissions variaient considérablement dans les rapports d’année en année en raison de recalculs à la suite de la mise à jour des données. Les estimations changeaient lorsque les forêts étaient présentées à titre de sources nettes d’émissions plutôt que des puits absorbant les émissions, ce qui rendait très difficile la prise de décisions éclairées.

Je tiens à préciser qu’il est important de ne pas abandonner. Nous devons plutôt nous réorienter pour que des solutions comme le programme 2 milliards d’arbres aboutissent et que nous ayons le tableau complet de l’incidence de nos forêts sur les émissions de gaz à effet de serre. La restauration des habitats, y compris les forêts, fait partie de la solution à la double crise des changements climatiques et de la perte de la biodiversité.

Notre audit de certains règlements sur les gaz à effet de serre, a examiné si le Canada avait atteint ses cibles de réduction et contribué aux objectifs nationaux d’atténuation à long terme des changements climatiques.

Environnement et Changement climatique Canada ne savait pas dans quelle mesure les règlements sur les gaz à effet de serre que nous avons examinés contribuaient à l’atteinte de l’objectif global de réduction des émissions du Canada. L’approche adoptée par le Ministère pour mesurer les émissions ne permettait pas d’associer les résultats à des règlements en particulier. Le Ministère reconnaissait que ce type d’association est difficile à faire à cause des interactions entre certaines mesures stratégiques.

En examinant chacun des règlements, nous avons constaté des résultats inégaux. Les règlements qui visaient à réduire les émissions liées à la production d’énergie avaient atteint leurs cibles, mais certains règlements visant à réduire les émissions des véhicules ne les avaient pas atteintes. Le Ministère prenait aussi trop de temps à élaborer de nouveaux règlements, comme le règlement sur les combustibles propres.

Les règlements sont un élément important de l’atteinte de la cible de réduction des émissions du Canada. Toutefois, sans information complète sur les répercussions, le gouvernement fédéral ne sait pas s’il utilise les bons outils pour réduire suffisamment les émissions en vue d’atteindre cette cible.

Notre dernier audit visait à examiner si le Bureau du surintendant des institutions financières du Canada — aussi appelé le BSIF — avait intégré les risques financiers liés aux changements climatiques à ses systèmes et à ses cadres de gestion des risques visant les institutions financières et régimes de retraite sous réglementation fédérale.

Les risques financiers liés aux changements climatiques prennent différentes formes. Les incendies à Fort McMurray et dans les environs, qui ont occasionné des pertes dévastatrices pour toute la collectivité, en sont un exemple. Lorsque les dommages sont importants, certains propriétaires peuvent avoir de la difficulté à rembourser leurs prêts hypothécaires, ce qui peut entraîner des pertes pour les banques. Cela pourrait amener les banques à réduire les prêts qu’ils consentent, et les assureurs pourraient augmenter les primes.

Nous avons constaté que le Bureau du surintendant des institutions financières — ou BSFI —  avait récemment réalisé des progrès importants en vue d’intégrer ces risques à son cadre de surveillance, mais la pleine mise en œuvre prendra des années.

De plus, le BSIF ne considérait pas que son rôle inclue la promotion des objectifs climatiques plus vastes du gouvernement du Canada. Le BSIF a l’occasion d’examiner comment il pourrait adapter son rôle afin de contribuer à l’approche pangouvernementale du Canada en matière de développement durable et de lutte contre les changements climatiques.

Il est encourageant de constater que le BSIF et la communauté internationale des instances de surveillance financière sont conscients des risques que posent les changements climatiques pour les institutions financières et l’ensemble du système financier, et qu’ils prennent des mesures pour s’attaquer au problème. Cependant, des mesures s’imposent depuis longtemps, et elles doivent maintenant être prises en urgence.

Encore une fois, ces rapports viennent allonger la liste des échecs. Contrairement à l’urgence évidente d’une pandémie immédiate, la double crise des changements climatiques et de la perte de biodiversité sont chroniques, insidieuses et trop souvent ignorées parce que leur gravité devient manifeste principalement à long terme. Le gouvernement dispose d’un éventail d’outils stratégiques pour mieux protéger les espèces sauvages, remettre en état les habitats, réduire les gaz à effet de serre et mieux se préparer aux changements climatiques. La question que je pose est de savoir si le gouvernement interviendra — pour notre bien-être, pour la nature et pour les générations à venir.

Si nous agissons maintenant, nous pourrons changer les résultats. Ce week-end, lorsque nous célébrerons le Jour de la Terre, qui a pour thème « Investissez dans notre planète », rappelons-nous qu’il n’est jamais trop tard pour renverser la vapeur, recentrer la discussion vers l’atteinte des cibles et l’inversion de la tendance à l’échec actuelle. Les constatations et les recommandations dans ces rapports font partie de ce débat.

Merci. Je suis prêt à répondre à vos questions.