Rapports de 2023 de la vérificatrice générale du Canada à l’Assemblée législative du NunavutDéclaration d’ouverture de la vérificatrice générale du Canada à la conférence de presse — 30 mai 2023
Cette déclaration d’ouverture est disponible en inuktitut (format de document portablePDF (114 kilo-octetsko)
Bonjour. Je m’appelle Karen Hogan et je suis la vérificatrice générale du Canada. Je suis heureuse d’être ici à Iqaluit pour parler des 2 rapports d’audit de performance que mon bureau a présentés à l’Assemblée législative du Nunavut aujourd’hui. Je vais prononcer ma déclaration en anglais, mais nous avons des versions en inuktitut et en français à votre disposition. Par ailleurs, n’hésitez pas à me poser vos questions en français.
Notre premier audit a porté sur les vaccins contre la COVID‑19 au Nunavut et le second, sur les services à l’enfance et à la famille. La pandémie de COVID‑19 a déclenché une réponse urgente au Nunavut, comme dans le reste du monde. Le Nunavut a réagi rapidement à la pandémie, en mobilisant des ressources, du temps et de l’argent afin d’opérer une intervention rapide et de grande portée. La crise persistante que vivent les enfants et les jeunes vulnérables ainsi que leurs familles au Nunavut est tout aussi grave. Pourtant, elle n’a pas suffi à susciter le même type de réaction de mobilisation générale.
Je vais aborder en premier notre rapport sur les vaccins contre la COVID‑19. Dans cet audit, nous avons examiné si le ministère de la Santé, le ministère de l’Exécutif et des Affaires intergouvernementales et le ministère des Services communautaires et gouvernementaux avaient protégé la santé et le bien‑être de la population du Nunavut en gérant le déploiement des vaccins d’une manière efficace et équitable.
Nous avons constaté que les 3 ministères ont travaillé ensemble afin de surmonter d’importants défis logistiques et pénuries de personnel et qu’ils ont rapidement livré les vaccins dans tout le territoire, y compris dans les collectivités éloignées. Les ministères ont mobilisé activement les organisations inuites et les groupes communautaires, ce qui a contribué au déploiement réussi des vaccins.
L’approche adoptée par le gouvernement du Nunavut pour assurer une vaccination en temps opportun consistait à transporter en avion des vaccins et du personnel infirmier dans les diverses collectivités, afin de vacciner aussi rapidement que possible toutes les personnes admissibles. En moyenne, il s’est écoulé 2 semaines entre le moment où les doses sont arrivées dans le territoire pour les acheminer aux 25 collectivités dispersées sur près de 1,9 million de kilomètres carrés, soit un territoire qui représente environ un cinquième de la superficie du Canada.
Toutefois, nous avons constaté que les efforts de vaccination avaient été entravés par l’absence d’un plan d’intervention en cas de pandémie et de systèmes d’information pour assurer le suivi et la surveillance des stocks de vaccins et en rendre compte. Par conséquent, le ministère de la Santé pourrait avoir gaspillé jusqu’à 31 % des doses qu’il a reçues.
Pour renforcer ses plans d’intervention dans l’éventualité d’autres pandémies et campagnes d’immunisation de masse, le gouvernement du Nunavut doit mettre en place des systèmes d’information adéquats, notamment un système de gestion des stocks. Cela permettrait aussi d’améliorer la prestation des services de soins de santé aux Nunavummiut et de réduire le fardeau pesant sur une main-d’œuvre surchargée.
Les constatations présentées dans notre rapport sur les vaccins contre la COVID‑19 racontent l’histoire d’une intervention efficace et équitable. Celles présentées dans notre rapport sur les services à l’enfance et à la famille brossent un tableau très différent — celui d’une situation dans laquelle la réponse est restée insuffisante face à une crise persistante.
En faisant cet audit, nous avons reconnu que la pandémie de COVID‑19 a eu une incidence profonde au Nunavut. Toutefois, les problèmes systémiques graves qui nuisent à la prestation des services à l’enfance et à la famille au Nunavut existaient avant la pandémie. Nous le savons à cause des audits que nous avons réalisés en 2011 et en 2014.
Notre audit le plus récent montre que la situation empire. Le ministère des Services à la famille manque à son devoir de protéger les enfants et les jeunes vulnérables et d’appuyer les familles, le personnel de première ligne et les collectivités. Le ministère de la Santé et le ministère des Ressources humaines n’ont pas fourni le soutien et les ressources requises dans des domaines critiques, comme la formation, la dotation et le logement pour le personnel.
Nos constatations préliminaires dans le cadre de cet audit étaient si inquiétantes que nous n’avons pas attendu d’avoir terminé nos travaux avant de signaler nos préoccupations au ministère des Services à la famille. Dans des lettres, nous avons souligné l’intervention inadéquate à la suite des signalements de cas de maltraitance envers les enfants, la supervision insuffisante des enfants et des jeunes pris en charge, ainsi que le non‑respect par le ministère de ses obligations à l’égard de la santé et de la sécurité de son propre personnel.
Nous avons relevé des lacunes dans tous les secteurs que nous avons examinés. Dès le moment où quelqu’un signalait qu’un enfant pouvait se trouver dans une situation de préjudice potentiel, le ministère des Services à la famille n’était pas intervenu comme il est censé le faire, pour évaluer le risque que court l’enfant ainsi que ses circonstances, dans 20 des 92 renvois que nous avons examinés. Sur les 60 renvois que le Ministère a retenus aux fins d’une enquête, il n’a réalisé que la moitié des enquêtes. Le défaut de réaliser les enquêtes et les évaluations requises signifie que les enfants et les jeunes pourraient demeurer à risque.
Dans le cas des enfants et des jeunes placés dans des foyers d’accueil au sein du territoire, nous avons constaté que le Ministère n’avait pas d’éléments probants pour démontrer que les évaluations préalables et les suivis obligatoires étaient faits. De plus, nous avons constaté que le Ministère ne réalisait pas d’évaluation préalable des nouveaux foyers d’accueil ou n’assurait pas la surveillance obligatoire des foyers établis. Par exemple, les adultes habitant le foyer d’accueil avaient fait l’objet d’une vérification du casier judiciaire dans seulement 2 des 12 nouveaux foyers compris dans notre échantillon.
Dans le cas des 23 enfants et jeunes pris en charge à l’extérieur du territoire, nous n’avons pas pu obtenir d’éléments probants démontrant que les travailleuses et travailleurs des services sociaux communautaires effectuaient des suivis mensuels auprès de ces jeunes personnes, comme ils devaient le faire. Ces suivis permettent de veiller à ce que les enfants et jeunes soient logés dans des conditions appropriées et qu’ils reçoivent le soutien psychologique, émotionnel et culturel dont ils ont besoin. Même si les enfants et les jeunes ont pu avoir des contacts avec des agentes et agents de liaison avec la clientèle d’origine inuite ou encore avec des membres de leur famille pendant la période visée par l’audit, cela reste un exemple du manquement du ministère des Services à la famille à prendre les mesures qu’il est tenu de prendre.
Nous avons constaté que l’incapacité du ministère à s’acquitter de ses responsabilités à l’égard des enfants et des jeunes à risque du Nunavut était attribuable à de nombreuses causes profondes persistantes. Ces causes comprennent le financement, l’incapacité d’embaucher et de maintenir en poste du personnel permanent, le manque de logements et d’espaces de bureau, ainsi que le manque d’occasions de formation en temps opportun pour le personnel de première ligne.
Ces difficultés sont aggravées par de mauvaises pratiques de gestion de l’information. Pendant la période visée par notre audit, le ministère des Services à l’enfance n’avait pas de données fiables qui lui aurait permis de répondre à la question élémentaire du nombre d’enfants et de jeunes dont il avait la charge. Nous avons constaté que différentes collectivités avaient adopté différentes approches pour gérer leurs dossiers de cas. Certaines tenaient des dossiers papier, alors que d’autres tenaient des dossiers sur des ordinateurs individuels ou des clés bus série universelUSB. Lorsque le roulement du personnel est élevé, il est essentiel d’avoir accès à de l’information fiable, exacte et à jour pour assurer la continuité du savoir quant à l’état des enfants et des jeunes vulnérables et de leurs familles.
Le rapport est plus que des statistiques, des tendances et une compilation des faits. Il se veut un appel urgent à l’action. Au cours des 12 dernières années, nous avons brossé le tableau d’un système qui ne fonctionne pas, d’un système qui laisse tomber la population et, plus important encore, les enfants qu’il vise à protéger. Les ministères ont accepté les recommandations de nos 2 derniers rapports, mais nous n’avons pas encore pu constater que les enfants vulnérables bénéficient de la protection qu’ils méritent. C’est pourquoi j’ai pris la décision de ne pas formuler d’autres recommandations dans le présent rapport.
Pour protéger les enfants et les jeunes vulnérables du territoire et surmonter les difficultés à servir les 25 collectivités du Nunavut, il faut adopter non pas des solutions qui découlent de recommandations adressées à des ministères en particulier, mais plutôt une approche pangouvernementale. Je demande au gouvernement du Nunavut d’obliger les trois ministères, à savoir les ministères des Services à la famille, de la Santé, et des Ressources humaines, à unir leurs efforts et à prendre urgemment les mesures concrètes qui s’imposent pour aider à protéger les enfants du Nunavut et à appuyer les familles et les collectivités du territoire.
Merci. Je suis maintenant prête à répondre à vos questions.