2024 — Rapports 2 à 4 de la vérificatrice générale du Canada au Parlement du CanadaDéclaration d’ouverture de la vérificatrice générale du Canada à la conférence de presse
Bonjour, je vous remercie de vous joindre à moi aujourd’hui pour discuter des 3 rapports que mon bureau a publiés ce matin. Je tiens d’abord à reconnaître que nous sommes réunis sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinaabe. Ce lieu est aussi appelé Ottawa. J’exprime ma gratitude et mon respect à tous les peuples autochtones qui ont contribué à façonner et à protéger les magnifiques territoires qu’ils occupent partout au Canada.
Deux des audits dont je vais parler aujourd’hui ont porté sur des programmes qui appuient les peuples autochtones du Canada. Le troisième, que je vais aborder en premier, a examiné la conception et la mise en œuvre du Fonds national des corridors commerciaux. Ce fonds vise à améliorer la circulation de marchandises à l’échelle du pays en renforçant le réseau de routes, de chemins de fer, d’aéroports et de ports maritimes. Des réseaux de transport fluides et résilients favorisent les échanges commerciaux par le biais des importations et exportations, et contribuent ainsi à la santé économique du Canada.
Nous avons constaté que Transports Canada avait fait un bon travail dans la conception et la mise en œuvre du Fonds. Le ministère a recueilli et utilisé des données sur l’état et le rendement des corridors commerciaux pour voir où étaient les goulots d’étranglement et autres obstacles à la fluidité. Cette approche fondée sur des données probantes a informé une sélection de projets visant à combler des lacunes connues de l’infrastructure.
Cependant, en raison de faiblesses dans le suivi des résultats et la reddition de comptes que fait Transports Canada, il était difficile d’établir si les projets avaient les effets escomptés. Il faut des années avant que des programmes d’infrastructure comme le Fonds national des corridors commerciaux ne produisent des résultats. En raison de cet aspect lié au temps écoulé, il est d’autant plus important de mettre en place un système rigoureux pour suivre les résultats, afin que Transports Canada puisse démontrer la mesure dans laquelle le Fonds a contribué à améliorer la fluidité de l’infrastructure nationale de transport.
Je vais passer maintenant à nos audits de programmes qui visent à soutenir les peuples autochtones du Canada. Le premier a porté sur le logement dans les collectivités des Premières Nations. Nous avons constaté que Services aux Autochtones Canada et la Société canadienne d’hypothèques et de logement avaient fait peu de progrès pour aider les Premières Nations à améliorer les conditions de logement dans leurs collectivités.
Services aux Autochtones Canada et la Société canadienne d’hypothèques et de logement sont tenus de travailler avec les Premières Nations afin de combler leurs besoins en matière de logement d’ici 2030. Au cours des 5 dernières années, le Ministère et la Société ont dépensé près de 4 milliards de dollars pour construire de nouveaux logements, réparer des logements existants et renforcer la capacité des Premières Nations à gérer le portefeuille. Nous avons constaté qu’en 2023, 80 % des besoins restaient à combler. Le pourcentage de logements qui nécessitaient des réparations majeures ou qui devaient être remplacés est resté essentiellement inchangé, malgré les efforts mis à construire ou réparer des logements. En 2021, l’Assemblée des Premières Nations avait évalué à 44 milliards de dollars le montant nécessaire pour améliorer le logement dans les collectivités des Premières Nations, et les besoins ne cessent d’augmenter.
Nous avons constaté que le Ministère et la Société n’avaient pas accordé la priorité aux collectivités où les besoins étaient les plus pressants. Les collectivités des Premières Nations où les conditions de logement laissaient le plus à désirer avaient reçu moins de fonds que leurs homologues de même taille où les conditions de logement étaient meilleures.
La moisissure dans les logements des Premières Nations est un risque pour la santé qui persiste depuis longtemps, et nous avons constaté que Services aux Autochtones Canada et la Société canadienne d’hypothèques et de logement ne connaissaient toujours pas l’ampleur du problème. En fait, le Ministère et la Société ne suivaient pas la stratégie de lutte contre les moisissures qu’ils ont élaborée en 2008, et ils n’ont pas été en mesure d’expliquer pourquoi. Il n’existe pas de plan pour s’attaquer à ce problème.
C’est la quatrième fois depuis 2003 que nous sonnons l’alarme au sujet des logements insalubres et inadéquats dans les collectivités des Premières Nations. L’accès à un logement adéquat est un besoin humain fondamental. Après 4 rapports d’audit, je suis absolument découragée de voir que la situation a si peu changé et que tant de personnes et de familles autochtones continuent de vivre dans des logements de qualité inférieure.
Les constatations issues de notre troisième audit, celui du Programme des services de police des Premières Nations et des Inuit, sont tout aussi préoccupantes. Dans l’ensemble, nous avons constaté que ni Sécurité publique Canada ni la Gendarmerie royale du Canada n’avaient travaillé en partenariat avec les collectivités autochtones afin de fournir des services de police proactifs et axés sur les collectivités. Ni le ministère ni la GRC ne recueillaient suffisamment d’information pour savoir si le Programme produisait les résultats prévus, y compris si les exigences énoncées dans les ententes de services de police étaient respectées.
Notre dernier audit de ce programme remonte à 2014, il y a 10 ans, et nous avons à nouveau constaté des lacunes profondes dans sa gestion. Le financement accordé au programme a beaucoup augmenté au cours des 10 dernières années. Nous avons constaté que 13 millions de dollars liés à l’exercice 2022‑2023 n’avaient pas été dépensés. Cette constatation est préoccupante dans le contexte d’un programme qui a pour objectif de veiller à la sécurité des collectivités autochtones.
Nous avons constaté que Sécurité publique Canada n’avait pas d’approche pour répartir les fonds équitablement entre les collectivités. Le ministère nous a indiqué que, pour déterminer les sommes attribuées, il se fiait à la mesure dans laquelle les provinces et les territoires étaient disposés à financer leur part du Programme ainsi qu’au financement que les collectivités avaient reçu par le passé.
Nous avons constaté un manque d’engagement soutenu et de partenariat avec les collectivités. Par exemple, bon nombre des ententes sont renouvelées automatiquement pour une période de 10 ou 15 ans. Cela veut dire que l’engagement avec les collectivités peut être reporté pendant très longtemps.
Nous avons aussi constaté qu’en raison de pénuries de personnel au cours des 5 dernières années, la Gendarmerie royale du Canada n’a pas été en mesure de combler tous les postes qui sont financés en vertu d’ententes du Programme. Autrement dit, les collectivités des Premières Nations et des Inuit ne reçoivent pas le niveau de services de police proactifs et axés sur la collectivité qu’elles devraient obtenir.
Qu’il s’agisse du logement, des services de police, de la salubrité de l’eau potable ou d’autres dossiers critiques, il se dégage de nos audits des programmes fédéraux visant à soutenir les peuples autochtones du Canada une succession d’échecs inquiétants et persistants. L’absence de progrès montre clairement que l’approche passive et cloisonnée du gouvernement est inefficace et qu’en fait, elle va à l’encontre de l’esprit d’une véritable réconciliation. Un changement fondamental s’impose de toute urgence pour que des progrès marqués surviennent quant à l’offre d’un soutien adéquat aux familles et aux collectivités autochtones partout au pays, en particulier celles qui sont les plus défavorisées et qui actuellement sont trop souvent laissées pour compte.
En omettant de prendre des mesures concrètes pour transférer pleinement aux peuples autochtones le pouvoir et la compétence, l’approche du gouvernement fédéral ne respecte pas les engagements qu’il a pris d’aider ces peuples à atteindre l’auto‑détermination.
Il est important de comprendre que ces enjeux ne sont pas des problèmes hérités du passé. Ils sont actuels et perpétuels, avec des conséquences directes que les gens vivent au quotidien, en plus d’être contraires aux engagements que le Canada a pris en faveur de la vérité et de la réconciliation.
Je vous remercie de votre attention. Je suis prête à répondre à vos questions.