2024 — Rapports 6 à 10 du commissaire à l’environnement et au développement durable au Parlement du CanadaDéclaration d’ouverture du commissaire à l’environnement et au développement durable à la conférence de presse
Bonjour et merci de vous joindre à moi. Je m’appelle Jerry V. DeMarco et je suis le commissaire à l’environnement et au développement durable du Canada. Je tiens d’abord à reconnaître que nous sommes sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinaabe.
Ce matin, j’ai présenté au Parlement notre rapport annuel sur les pétitions environnementales et 4 audits qui soulignent l’importance de 2030, une année lourde d’attentes. En particulier, d’ici 2030, le Canada prévoit réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 40 % à 45 % par rapport aux niveaux de 2005, stopper et inverser la perte de biodiversité au Canada, produire 90 % de l’électricité à partir de sources renouvelables et non émettrices, économiser 600 pétajoules d’énergie par année, et atteindre les objectifs de développement durable établis dans le Programme 2030 des Nations Unies.
Je vais commencer par notre audit au titre de la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité. Dans le cadre de cet audit, nous avons examiné les progrès du gouvernement dans la mise en œuvre des mesures d’atténuation des changements climatiques. Le présent rapport est donc le deuxième au titre de la Loi. L’an dernier, nous avions examiné le Plan de réduction des émissions pour 2030 du gouvernement. Nous avions alors constaté que le plan ne suffisait pas pour atteindre l’objectif de réduction des émissions du Canada, parce que des mesures clés avaient été retardées ou n’avaient pas été hiérarchisées.
L’audit de cette année visait à évaluer les progrès réalisés jusqu’à maintenant dans la mise en place de 20 des 149 mesures établies dans ce plan et dans son rapport d’étape. Dans l’ensemble, nous avons constaté que la mise en place des mesures était trop lente et que les estimations des réductions d’émissions prévues étaient souvent trop optimistes.
Nous avons également fait un suivi des progrès accomplis par les organisations fédérales dans la mise en œuvre des 41 recommandations issues de certains de nos audits sur les changements climatiques depuis 2021. Nous avons constaté que, même si certaines recommandations avaient été mises en œuvre, les mesures prises par les organisations progressaient parfois lentement ou ne répondaient pas toujours pleinement aux préoccupations soulevées dans nos audits. C’est important parce que des mesures qui sont lentes à porter fruit et qui manquent de pertinence nuisent à la capacité du Canada à atteindre ses cibles.
Nos travaux montrent que les enjeux deviennent de plus en plus importants chaque année et que les possibilités de réduire les émissions pour atteindre la cible de 2030 diminuent rapidement. Le gouvernement fédéral doit agir rapidement et résolument pour mettre en œuvre des mesures efficaces.
Parlons maintenant de notre rapport sur les progrès des ministères dans la mise en œuvre des stratégies de développement durable. Nous avons évalué les progrès de 4 ministères quant à 2 cibles énergétiques : produire 90 % de l’électricité au Canada à partir de sources propres et réduire de 600 pétajoules la consommation d’énergie annuelle.
Nous avons constaté que les résultats étaient limités, que les progrès étaient lents et que la plupart de l’information rapportée par Ressources naturelles Canada, Environnement et Changement climatique Canada, Relations Couronne‑Autochtones et Affaires du Nord Canada, et Services aux Autochtones Canada ne démontrait pas clairement comment les résultats contribuaient directement aux cibles fédérales. Le gouvernement fédéral n’avait donc pas de vision claire de ses progrès relatifs aux cibles liées à la production d’énergie propre et à l’efficacité énergétique.
À l’heure actuelle, plus de 82 % de l’électricité produite au Canada provient de sources renouvelables non émettrices, alors que la cible pour 2030 est de 90 %. Cet écart est important, et l’écart par rapport à la cible liée à l’efficacité énergétique est encore plus large.
Il est essentiel pour le Canada de produire plus d’énergie propre et d’améliorer l’efficacité énergétique pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre et soutenir la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. En redoublant d’efforts pour atteindre ces 2 cibles d’ici 2030, le Canada ferait preuve de leadership dans la lutte mondiale contre les changements climatiques.
Toujours sur le thème de la carboneutralité, notre prochain rapport examine la stratégie sur les minéraux critiques de Ressources naturelles Canada. Le gouvernement fédéral a accordé 3,8 milliards de dollars sur 8 ans pour stimuler l’offre de minéraux critiques provenant de sources responsables et durables. Le Canada a besoin de ces ressources pour appuyer les technologies vertes, comme les batteries pour véhicules électriques, les éoliennes et les panneaux solaires. Notre audit a porté sur 2 des objectifs de la stratégie : promouvoir la protection de l’environnement et faire progresser la réconciliation avec les peuples autochtones.
Nous avons constaté que Ressources naturelles Canada n’avait pas suffisamment analysé les bienfaits d’augmenter l’approvisionnement du Canada en minéraux critiques par rapport aux effets sur l’environnement et les collectivités autochtones. Même si ces ressources sont essentielles pour soutenir la transition vers l’économie carboneutre, il faut faire preuve de prudence et d’une bonne planification pour éviter des conséquences néfastes sur le climat, la biodiversité et les collectivités autochtones. Par exemple, l’intensification des activités minières pourrait aussi entraîner une hausse des émissions de gaz à effet de serre, de la pollution de l’eau et de la perte de l’habitat des espèces sauvages.
À l’avenir, Ressources naturelles Canada devra évaluer pleinement les risques et les répercussions de la Stratégie canadienne sur les minéraux critiques pour en optimiser les avantages et réduire les effets négatifs de l’augmentation des activités minières. Sinon, les progrès technologiques appuyant la transition vers une économie carboneutre pourraient être annulés par les effets néfastes sur le climat, la biodiversité, les collectivités autochtones et les générations futures.
Passons maintenant à notre audit du soutien apporté par Environnement et Changement climatique Canada aux évaluations et aux réévaluations de la situation des plantes et des animaux en voie de disparition. Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada a la responsabilité d’effectuer ces évaluations aux termes de la Loi sur les espèces en péril. Selon cette loi, Environnement et Changement climatique Canada doit fournir au Comité le soutien financier, administratif et technique nécessaire pour exercer ces fonctions.
Nous avons constaté qu’en 2023‑2024, le Ministère avait fixé la cible de soutenir 60 évaluations et réévaluations par année sans effectuer d’analyse officielle pour justifier cette décision. Cependant, le Ministère n’a pu fournir au Comité le soutien nécessaire pour réaliser 60 évaluations. C’est important parce que l’évaluation par le Comité de la situation des espèces en péril est la première étape essentielle pour protéger et rétablir les espèces.
Avec la cible de 60 évaluations et réévaluations par année fixée par Environnement et Changement climatique Canada, il faudrait au Comité près de 30 ans pour évaluer les espèces prioritaires, et plus d’un siècle pour évaluer les espèces possiblement en péril. De plus, avec la limite imposée par le ministère, le Comité ne peut effectuer les réévaluations dans les délais prévus par la Loi, c’est‑à‑dire tous les 10 ans pour chaque espèce en péril.
Étant donné l’ampleur de la crise mondiale de la biodiversité, le rythme actuel des évaluations et des réévaluations complique la tâche du Canada lorsqu’il s’agit de protéger les plantes et les animaux afin d’éviter qu’ils ne disparaissent en raison de l’activité humaine.
Pour conclure, je souhaite réitérer que le temps presse et que le Canada progresse beaucoup trop lentement. Il sera bientôt trop tard pour éviter les effets catastrophiques des changements climatiques. La gravité et la fréquence des feux de forêt intenses, des vagues de chaleur, des orages violents et des inondations augmentent, et ces événements ont une incidence sur toute la population partout dans le monde.
La population canadienne actuelle et future n’est pas la seule à être touchée par l’action et l’inaction du Canada. Notre pays joue un rôle très important pour surmonter les défis mondiaux liés au développement durable, aux changements climatiques et à la perte de la biodiversité. Le Canada doit intensifier ses mesures et contribuer aux efforts mondiaux.
Merci. Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.