Le soutien fédéral à l’appui de l’infrastructure municipale durable
Déclaration d’ouverture au comité sénatorial permanent des finances nationales
Le soutien fédéral à l’appui de l’infrastructure municipale durable
Le 5 octobre 2016
Julie Gelfand
Commissaire à l’environnement et au développement durable
Monsieur le Président, je suis heureuse de comparaître aujourd’hui pour discuter de notre rapport du printemps 2016 sur le soutien fédéral à l’appui de l’infrastructure municipale durable. Ce rapport a été déposé à la Chambre des communes le 31 mai 2016. Je suis accompagnée de Kimberley Leach, la directrice principale chargée de l’audit.
Toute infrastructure planifiée aujourd’hui doit être pensée non seulement en fonction de la réalité actuelle, mais bien en fonction de ce que sera le Canada en 2040, en 2050 et même au-delà. Nous devons donc construire des immeubles, des routes, des ponts, des aqueducs, des égouts et des réseaux de transport résilients qui nous permettront de nous déplacer, de travailler, de faire rouler l’économie et de vivre dans des collectivités dynamiques et saines. Cette infrastructure doit aussi être construite de façon à répondre aux besoins des générations futures. Quand la résilience est intégrée à l’infrastructure, elle est aussi intégrée aux collectivités qui sont alors mieux en mesure de se rétablir rapidement après un désastre.
Notre audit a porté sur des programmes d’infrastructure fédéraux visant à améliorer la durabilité des collectivités canadiennes. Nous avons examiné si les objectifs du Fonds fédéral de la taxe sur l’essence et du Fonds municipal vert avaient été atteints. Nous avons également examiné si Infrastructure Canada, en collaboration avec des partenaires, avait coordonné adéquatement les programmes fédéraux dont le Ministère a la charge, y compris le Nouveau Fonds Chantiers Canada. Nous avons retenu les programmes qui finançaient l’infrastructure municipale et qui visaient entre autres à améliorer la performance et la durabilité des collectivités canadiennes sur le plan environnemental.
L’audit ne portait pas sur le financement de l’infrastructure annoncé dans le budget de 2016. Toutefois, j’estime que nos constatations et nos recommandations peuvent éclairer la conception et la prestation des nouveaux programmes dans le cadre de la phase 2 du nouveau plan d’infrastructure fédéral.
Dans l’ensemble, nous avons constaté qu’après une décennie de programmes de financement fédéraux dans lesquels des milliards de dollars ont été investis, il était difficile de déterminer dans quelle mesure ces programmes avaient permis d’obtenir les avantages escomptés sur le plan environnemental. Nous avons également constaté qu’Infrastructure Canada n’avait pas tous les renseignements et outils essentiels à la prise de décisions stratégiques et coordonnées en matière de financement pour répondre aux défis à long terme que doivent relever les municipalités à l’égard de l’infrastructure.
Par exemple, Infrastructure Canada ne disposait pas de renseignements suffisants sur l’état de l’infrastructure, les besoins de financement et les obstacles à la durabilité. Les lacunes en matière d’information limitent la capacité du gouvernement fédéral de s’assurer que ses programmes répondent aux besoins actuels et futurs des collectivités. Nous avons recommandé que le Ministère travaille de concert avec Statistique Canada afin de créer une source de données normalisées, fiables et régulièrement mises à jour concernant l’inventaire des infrastructures publiques de base et l’état de ces infrastructures.
En ce qui concerne l’examen des projets d’infrastructure aux fins de financement, nous avons constaté qu’Infrastructure Canada n’avait pas adéquatement cerné et géré les risques environnementaux. Le Ministère s’attendait à ce que les propositions de projets d’envergure contiennent des renseignements sur les risques environnementaux, mais il n’a pas utilisé ces renseignements pour analyser les risques liés au changement climatique, par exemple. Lorsque les risques environnementaux ne sont pas pris en compte, il se peut que les projets ne soient pas conçus de façon à réduire au minimum les effets environnementaux ou à résister aux impacts des phénomènes climatologiques futurs. Cela veut dire qu’un jour, les municipalités pourraient se trouver confrontées à des coûts élevés et imprévus.
Nous avons constaté qu’Infrastructure Canada ne disposait pas d’indicateurs, de cibles et d’un calendrier définitifs pour mesurer la performance sur le plan environnemental et rendre compte des résultats d’un projet ou d’un programme. En particulier, le Ministère n’avait pas évalué dans quelle mesure l’argent consacré à des projets financés par le Fonds de la taxe sur l’essence avait contribué, comme prévu, à assainir l’air et l’eau et à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Par contre, le Fonds municipal vert, plus petit et géré par la Fédération canadienne des municipalités, a mesuré les avantages environnementaux issus des projets qu’il a financés et en a fait rapport.
De plus, les programmes de financement fédéraux que nous avons examinés n’encourageaient pas activement le recours à des méthodes novatrices pour atténuer les risques environnementaux. L’innovation est essentielle pour répondre aux besoins futurs des municipalités canadiennes, particulièrement en raison des pressions exercées sur les ressources financières disponibles et de l’apparition de nouveaux risques, comme ceux liés au changement climatique. Au moment de l’audit, Infrastructure Canada nous a informés qu’il n’avait pas reçu le mandat de choisir les projets de façon à encourager les projets d’infrastructure novateurs. Cela veut dire qu’il y a un risque que des approches innovatrices « vertes » ne viennent pas remplacer les technologies vieillissantes.
À la lumière de nos constatations, dans notre recommandation finale, nous suggérons, entre autres, à Infrastructure Canada, en collaboration avec ses partenaires fédéraux, provinciaux, territoriaux et municipaux, de proposer une vision à long terme établissant les priorités du gouvernement fédéral relatives à l’infrastructure. Cette vision devrait être fondée sur des données fiables sur l’état de l’infrastructure et assortie d’objectifs, de mesures du rendement et d’une obligation de rendre compte clairement définis. Grâce à une vision à long terme, les Canadiens sauront à quels résultats s’attendre des milliards de dollars consacrés à l’infrastructure par la voie de programmes fédéraux et dans quelle mesure ces programmes contribuent à la durabilité des collectivités au profit des générations futures.
Infrastructure Canada a accepté cette recommandation ainsi que les autres recommandations du rapport. De plus, le budget de 2016 tient compte de l’engagement du gouvernement du Canada à donner suite aux éléments des recommandations. J’aimerais également souligner qu’à la suite de ma comparution devant le Comité permanent de l’environnement et du développement durable de la Chambre des communes le 2 juin 2016, on a demandé aux représentants d’Infrastructure Canada de comparaître de nouveau devant le Comité dans un an pour faire état des progrès accomplis par rapport aux recommandations.
Le gouvernement fédéral s’est engagé à faire des investissements futurs importants dans l’infrastructure et à élaborer un plan d’infrastructure à long terme fondé sur la collaboration avec ses partenaires et les intervenants. Il est important que le gouvernement établisse des objectifs pour les fonds et qu’il soit capable d’évaluer si ces objectifs sont atteints. De plus, il est primordial que l’infrastructure construite résiste aux effets du changement climatique et réponde aux besoins des générations futures.
Monsieur le Président, voilà qui conclut ma déclaration d’ouverture. Nous serons heureux de répondre aux questions des membres du Comité.