Automne 2014 — Rapport du commissaire à l’environnement et au développement durable Le point de vue de la commissaire

Automne 2014 — Rapport de la commissaire à l’environnement et au développement durable
Le point de vue de la commissaire

Ce rapport, le premier que je présente à titre de commissaire à l’environnement et au développement durable, s’inscrit dans la poursuite des travaux de mes deux prédécesseurs immédiats, Scott Vaughan et Neil Maxwell. Je souhaite reconnaître leur contribution au rapport et les remercier de leur appui soutenu.

Ayant travaillé au sein de la fonction publique fédérale, ainsi que dans des organismes nationaux et internationaux de conservation et dans le secteur minier, je comprends l’importance et les avantages de mettre en commun différents points de vue sur les questions liées à l’environnement et au développement. Selon moi, il est manifeste qu’une économie prospère, une société dynamique et un environnement sain vont ensemble. Pendant mon mandat, je compte me concentrer sur le rôle du gouvernement fédéral dans la promotion d’un développement durable qui, à long terme, répond aux besoins des générations actuelles sans compromettre la capacité de répondre à ceux des générations futures. Je suis honorée de travailler au Bureau du vérificateur général du Canada et de pouvoir servir les parlementaires en jouant cet important rôle.

Le rapport de cette année regroupe des audits distincts portant sur les mesures prises par le gouvernement fédéral concernant :

Même si les activités auditées semblent toutes très différentes à première vue, les audits soulèvent tous la même question : les ministères fédéraux sont-ils prêts à relever les défis qui vont se poser à l’avenir? Par exemple, recueillent-ils des informations suffisantes pour gérer les risques environnementaux et sociaux pouvant être associés au développement économique, en particulier dans le secteur des ressources naturelles? Prennent-ils des décisions à la lumière de ces informations pour réduire les risques?

Il s’agit là de questions importantes. Les risques environnementaux d’aujourd’hui, s’ils ne sont pas gérés, entraîneront des coûts économiques et sociaux à l’avenir. Le déversement récent du bassin de décantation de la mine du mont Polley, le projet d’assainissement de la mine Giant, le nettoyage des étangs de goudron de Sydney et l’effondrement des stocks de morues du Nord nous rappellent tous que ces coûts peuvent être colossaux et chroniques. De plus, sans une réelle consultation des collectivités locales, des industries, des organisations environnementales et des peuples autochtones, les projets d’exploitation des ressources ne bénéficieront pas de l’appui nécessaire pour aller de l’avant.

Pour favoriser un développement économique solide et assurer la prospérité des générations futures, les décisions prises aujourd’hui doivent être fondées sur des informations suffisantes et adéquates afin d’atténuer les risques environnementaux et sociaux actuels et futurs.

Quelques progrès ont été réalisés

Dans le cadre de nos audits, nous avons constaté que le gouvernement fédéral avait réalisé des progrès à certains égards. Par exemple, il collabore avec la province de l’Alberta pour établir les bases d’une meilleure surveillance des effets environnementaux de l’exploitation des sables bitumineux. S’il est pleinement mis en œuvre, ce programme, financé par l’industrie pétrolière, permettra d’accroître la fréquence des suivis, le nombre de paramètres environnementaux mesurés et la couverture géographique de la surveillance. Ces résultats sont importants, car l’essor fulgurant que connaît l’exploitation des sables bitumineux soulève de nombreuses préoccupations environnementales, notamment à l’égard de ses effets cumulatifs.

Dans l’Arctique, Environnement Canada a grandement amélioré l’information recueillie sur la météo et l’état des glaces afin de soutenir l’accroissement de l’activité maritime et d’honorer ses engagements internationaux. Même si la circulation maritime demeure faible, l’exploitation potentielle des ressources pétrolières et gazières, l’expansion des localités dans le Nord, l’accroissement du tourisme et la fonte des glaces devraient tous contribuer à une augmentation de la navigation dans l’Arctique au cours des années à venir. Étant donné qu’une circulation accrue des navires pourrait présenter un risque pour l’environnement, le gouvernement fédéral a commencé à mettre en place des systèmes météorologiques afin d’accroître la sécurité dans ces eaux immenses et éloignées, où il est dangereux de naviguer.

Ces initiatives valent la peine d’être signalées. Mais comme l’indiquent les audits présentés dans notre rapport, il reste encore beaucoup à faire.

Informations éclairant la prise de décisions

Il faut disposer d’informations fiables pour s’assurer que les ressources exploitées actuellement produisent des avantages sociaux et économiques durables sans entraîner des coûts environnementaux inacceptables à l’avenir.

L’évaluation environnementale est un outil important qui permet aux décideurs de connaître les effets environnementaux attendus des projets. Elle propose en outre des mesures visant à prévenir ou à atténuer ces effets. Il y a deux ans, le Parlement a adopté la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (2012), qui cible notamment les grands projets concrets de compétence fédérale les plus susceptibles d’avoir des répercussions négatives sur l’environnement. Toutefois, les critères appliqués pour déterminer les projets qui sont assujettis à la Loi ne sont pas bien documentés ni exhaustifs. C’est pourquoi certains projets pouvant produire des effets environnementaux importants pourraient être exclus du processus d’évaluation fédéral sans motif explicitement stipulé. Par conséquent, je crains que certains projets importants ne soient pas évalués adéquatement et que les décideurs ne disposent pas des informations nécessaires pour atténuer les effets environnementaux de ces projets.

Tandis qu’une évaluation environnementale s’applique à des projets concrets, une évaluation environnementale stratégique (EES) vise à tenir compte des considérations environnementales dans la prise de décisions relativement aux politiques, aux programmes et aux plans. En 1990, le Cabinet a exigé pour la première fois la réalisation d’EES pour tous les projets présentés aux ministres, et la dernière mise à jour de sa directive remonte à 2010. L’article 5 de la Loi fédérale sur le développement durable (2008) indique que le « gouvernement du Canada [...] reconnaît la nécessité de prendre ses décisions en tenant compte des facteurs environnementaux, économiques et sociaux. » En menant des évaluations environnementales stratégiques des politiques, programmes et plans, les ministères peuvent recenser les risques et les possibilités en matière d’environnement avant leur mise en œuvre et les adapter en conséquence.

Un processus d’EES efficace est donc un outil essentiel pour promouvoir le développement économique et social durable. Après une longue période de progrès insatisfaisants, les processus ministériels appuyant cet outil ont subi plusieurs améliorations importantes. Ces améliorations comprennent notamment des communications publiques sur l’étendue et les résultats des pratiques d’EES, des rapports trimestriels à l’intention de la haute direction et l’adoption d’outils d’évaluation du développement durable qui tiennent compte des répercussions environnementales, sociales et économiques des propositions. Toutefois, trois des cinq ministères examinés cette année n’avaient pas établi de processus pour soumettre systématiquement les propositions présentées à l’approbation de leur ministère à une EES. Dans 15 des 47 analyses environnementales préliminaires examinées où une EES détaillée n’avait pas été jugée nécessaire, les raisons données ne satisfaisaient pas aux critères de la Directive du Cabinet. C’est donc dire que les ministères et organismes fédéraux qui appliquent le processus d’EES ne respectent toujours pas entièrement l’esprit et l’intention de la Directive.

L’insuffisance des informations sur les risques environnementaux réduit la capacité du gouvernement d’éviter ou de réduire ces risques au minimum. Même si ces risques sont considérés au départ comme étant environnementaux – un écosystème détérioré ou un déversement de pétrole – ils entraînent presque toujours des coûts économiques et sociaux.

Donner suite aux informations recueillies

Lors de la conférence sur le changement climatique tenue à Copenhague en 2009, le Canada s’est engagé à réduire, d’ici à 2020, ses émissions de gaz à effet de serre (GES) de 17 % par rapport aux niveaux de 2005. Selon les plus récentes projections d’Environnement Canada, le Canada ne sera probablement pas en mesure de respecter cet engagement. Le gouvernement fédéral a décidé de réduire les émissions de GES en établissant des règlements pour chaque secteur. Il a adopté plusieurs règlements jusqu’à maintenant, notamment dans les secteurs des transports et de la production d’électricité. En 2006, le gouvernement a annoncé pour la première fois son intention de réglementer les émissions de GES dans le secteur pétrolier et gazier, mais il ne l’a pas encore fait, même si c’est dans ce secteur que les émissions augmentent le plus rapidement.

Si le Canada n’honore pas ses engagements en matière de changements climatiques, il ne peut pas s’attendre à ce que d’autres pays honorent les leurs. Or, si les pays ne réussissent pas à réduire leurs émissions, la gravité des problèmes environnementaux et économiques que nous léguerons à nos enfants et petits-enfants – conditions météorologiques extrêmes plus fréquentes, réduction de la qualité de l’air, élévation du niveau des océans et propagation de maladies transmises par les insectes – dépassera probablement tout effet positif potentiel, comme une période d’agriculture plus longue.

Encourager la participation des Canadiens

Savoir écologique traditionnel — Une somme de connaissances et de croyances portant sur les relations des êtres vivants (y compris les êtres humains) entre eux et avec leur milieu, transmise d’une génération à l’autre par l’intermédiaire de la culture. Cela comprend le savoir des aînés, des utilisateurs actuels du territoire et d’autres membres de la communauté. Le savoir traditionnel est un attribut des sociétés dont les pratiques d’utilisation des ressources sont restées constantes au cours de l’histoire.

Source : Affaires autochtones et Développement du Nord Canada

Les meilleures décisions sont prises lorsque des personnes de divers horizons s’assoient à une même table, s’écoutent, apprennent et en arrivent à un consensus lorsque possible. Je connais par l’expérience les avantages qu’il y a à concilier différents points de vue sur une question : une analyse plus exhaustive des facteurs pertinents, de meilleures décisions et un plus grand soutien du public. Les politiques et lois fédérales reconnaissent l’importance d’encourager la participation des intervenants en principe, mais en pratique, les sujets audités cette année indiquent que le gouvernement pourrait faire mieux dans ce domaine non négligeable. Par exemple, de nombreux intervenants ont constaté qu’ils ne peuvent plus participer de façon utile aux évaluations environnementales fédérales parce qu’ils n’ont pas les ressources nécessaires pour le faire. Ils ont également indiqué qu’ils sont limités par les délais serrés que le gouvernement a établis pour les évaluations environnementales. Ces contraintes réduisent la contribution des intervenants, y compris le partage du savoir écologique traditionnel, et érodent la confiance du public envers le processus.

Pour prendre les meilleures décisions possibles, le gouvernement doit encourager la participation des citoyens et partager l’information. Pour plusieurs des activités auditées cette année, je note que le gouvernement a seulement mené des consultations restreintes, par exemple sur ses projets de règlement visant les GES émis par le secteur pétrolier et gazier, et qu’il n’a pas expliqué ses décisions, par exemple la façon dont il a élaboré la liste des projets assujettis à une évaluation environnementale en vertu de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (2012).

La participation du public est plus qu’une simple valeur appréciée des Canadiens dans notre système démocratique. Elle est une caractéristique essentielle du développement durable. Faute d’informations et d’une participation publique suffisantes, la population canadienne aura moins d’occasions de communiquer ses préoccupations aux décideurs publics et de légitimer les décisions à venir sur l’exploitation des ressources.

Conclusion

Les Canadiens s’attendent à ce que le gouvernement se prépare pour l’avenir. Nous savons que plus nous attendrons avant d’agir, plus il sera difficile de s’attaquer aux changements climatiques. Nous savons que l’empreinte écologique de l’exploitation des sables bitumineux ne cesse de s’accroître. Nous savons que les voies de navigation dans l’Arctique seront de plus en plus utilisées à mesure que les glaces de mer fondent, ce qui augmentera les risques dans cet écosystème fragile. Il est probable que l’inaction d’aujourd’hui alourdira les coûts de demain.

Pour relever ces enjeux, le gouvernement doit connaître :

Compte tenu de la taille des enjeux, les Canadiens ont besoin de réponses à ces questions.

Lorsque les ministères fédéraux planifient l’exploitation de ressources, ils doivent adopter un processus décisionnel intégré qui tient compte des nombreuses interactions entre l’économie, l’environnement et la société. Pour ce faire, ils peuvent investir dans la collecte de meilleurs renseignements, prendre des mesures en fonction des informations recueillies et consulter la population canadienne lors de la prise de décisions.

 

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