Exemple de pétition 3 : assez détaillé

Exemple de pétition 3 : assez détaillé

Pétition en matière d’environnement

Le 7 octobre 2016

Pétition envoyée par courrier électronique à petitions@oag-bvg.gc.ca

Commissaire à l’environnement
et au développement durable
Bureau du vérificateur général du Canada
240, rue Sparks
Ottawa (Ontario)  K1A 0G6

À l’attention de Julie Gelfand

Madame,

Objet : Pétition à la commissaire à l’environnement et au développement durable sur l’incidence des bassins de résidus sur les oiseaux migrateurs

Je vous écris au nom de Greenpeace Canada et de l’Alberta Wilderness Association, conformément à l’article 22 de la Loi sur le vérificateur général, pour présenter une pétition en vue d’obtenir des réponses à des questions sur les activités de réglementation et d’application des lois menées par le gouvernement fédéral à l’égard des oiseaux migrateurs et des bassins de résidus provenant des mines de sables bitumineux du Nord de l’Alberta.

Contexte

Bassins de résidus

Les résidus sont des déchets produits par les processus d’extraction des sables bitumineux lors de l’exploitation des mines. Ils sont composés d’un mélange d’eau, de sable, de limon, d’argile, de contaminants et d’hydrocarbures résiduelsNote de bas de page 1. Chaque baril de bitume extrait à partir des sables bitumineux produit 1,5 baril de résidus toxiquesNote de bas de page 2. Ces résidus sont stockés indéfiniment dans des bassins à ciel ouvert, qui couvrent actuellement plus de 220 kilomètres carréskm2 dans le nord‑est de l’Alberta et contiennent plus de 976 milliards de litres de déchets liquides.Note de bas de page 3 En 2008, dans la région d’exploitation des sables bitumineux, la superficie des bassins de résidus dépassait de 42 % l’étendue des plans d’eau naturels.

Incidence sur les oiseaux migrateurs

Les réserves de sables bitumineux exploitables sont situées le long d’une zone de convergence des voies de migration empruntées par les oiseaux qui se dirigent vers le delta des rivières de la Paix et Athabasca, qui est la plus importante aire de nidification et de rassemblement d’oiseaux aquatiques en Amérique du Nord. Environ 1,5 million d’oiseaux migrateurs utilisent le delta pendant les migrations du printemps et de l’automneNote de bas de page 4. Les oiseaux migrateurs risquent grandement de croiser des bassins de résidus de sables bitumineux en raison de leur proximité avec le delta des rivières de la Paix et Athabasca, et parce que les bassins situés le long des couloirs de migration attirent les oiseaux. Au cours de leur migration, les oiseaux peuvent se poser sur les bassins pour se reposer, se nourrir ou se reproduire, surtout si les bassins ne sont pas gelés, au début du printemps, ou qu’une tempête force les oiseaux à se poser brutalement.Note de bas de page 5 En tout, 214 espèces d’oiseaux ont été recensées dans le delta. Toutes ces espèces doivent survoler, directement ou à proximité, la région des sables bitumineux au cours de leur migration.Note de bas de page 6

L’exploitation des sables bitumineux menace gravement les oiseaux migrateurs, car elle entraîne une perte d’habitat, la contamination de l’eau et des risques de mazoutage des oiseaux dans les bassins de résidus. Les bassins représentent une menace pour les oiseaux migrateurs, car les nouveaux résidus contiennent plusieurs substances dont la toxicité est reconnue pour la faune, notamment du bitume, des acides naphténiques, des hydrocarbures aromatiques polycycliques, des métaux lourds et des sels concentrés. Même en petite quantité, le bitume peut recouvrir les plumes des oiseaux et les empêcher de voler, de flotter, de réguler leur température ou de chercher de la nourriture. Si du bitume est déposé sur la surface d’un œuf par un oiseau nicheur, cela a des effets toxiques sur le développement de l’embryon.Note de bas de page 7

Par ailleurs, les bassins de résidus toxiques sont en voie de remplacer l’habitat naturel des oiseaux migrateurs. Les oiseaux se posent sur les bassins qu’ils confondent avec des plans d’eau naturels et découvrent trop tard qu’il s’agit d’un piège mortel. Les oiseaux migrateurs sont particulièrement vulnérables au printemps, lorsque la chaleur des effluents des bassins crée un plan d’eau ouvert qui les attire alors que les plans d’eau naturels sont encore gelés.Note de bas de page 8

Le risque de se poser sur un bassin de résidus est particulièrement élevé pour la grue blanche, car l’ensemble de la population mondiale de grues blanches sauvages migre deux fois l’an en suivant une voie qui chevauche la région de sables bitumineux exploitables. De plus, les mosaïques de terres humides constituent les aires de séjour les plus adaptées à cette espèce. Il devrait donc y en avoir tous les dix milles, au moins, le long de leur voie migratoire. Or, l’exploitation des sables bitumineux menace grandement les mosaïques intactes de terres humides qui constituent un habitat naturel.Note de bas de page 9 Environnement Canada a déclaré juger qu’il était particulièrement important d’éviter la perte de toute grue blanche puisque l’espèce est en péril. Le Ministère a ajouté que, vu la faiblesse de la population et sa désignation à titre d’espèce en péril, la perte même d’un petit nombre d’individus pourrait avoir une incidence considérable sur le niveau de la population.Note de bas de page 10

Colleen Cassady St. Clair, de l’Université de l’Alberta, a récemment constaté qu’environ 200 000 oiseaux se posent sur les bassins de résidus tous les ans en dépit des mesures dissuasives instaurées. Les recherches de Mme Cassady St. Clair indiquent aussi qu’il y aurait plus d’incidents qui se produiraient, mais qu’ils ne sont jamais signalés.Note de bas de page 11 Le nombre de cas signalés est probablement inférieur au nombre réel de décès d’oiseaux, pour diverses raisons :

Des oiseaux appartenant à 94 espèces ont été vus se posant sur des bassins de résidus.Note de bas de page 12 Ce nombre représente probablement une fraction du nombre total d’oiseaux qui se posent, dans les faits, sur des bassins de résidus, puisque des relevés ont été réalisés uniquement dans une partie des bassins et seulement pendant une courte période de chaque jour.

En 2010, 43 espèces d’oiseaux, surtout des oiseaux protégés par la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs, sont mortes après avoir été exposées à des bassins de résidus de sables bitumineux. Au moins neuf espèces protégées aux termes de la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs ont perdu plus de 50 % de leur population au cours des 40 à 50 dernières années, notamment le grèbe esclavon, le petit chevalier à pattes jaunes, le bécassin roux, la mésange à tête brune, le moucherolle à côtés olive, le gros‑bec errant, le petit fuligule, le fuligule milouinan et le canard pilet. Ces oiseaux aquatiques sont les victimes bien connues des bassins de résidus, selon les rapports.Note de bas de page 13

Même si le nombre total d’oiseaux morts en raison des bassins de résidus n’est pas connu avec certitude, on estime que les bassins tuent environ 5 000 oiseaux par année.Note de bas de page 14

De plus, divers incidents entraînant un nombre important de décès ont été rendus publics :

Selon Mme Cassady St. Clair, des oiseaux vont continuer de mourir après s’être posés sur des bassins toxiques en raison de la croissance constante de l’activité industrielle dans une région qui accueille plus d’un million d’oiseaux migrateurs chaque année. Les changements climatiques, qui font augmenter le nombre de tempêtes, suscitent également des inquiétudes, car le mauvais temps augmente les risques que des oiseaux se posent sur des bassins de résidus.Note de bas de page 18

Absence de réglementation

Dans le cadre du processus d’approbation environnementale de la province, les exploitants de mines de sables bitumineux doivent présenter un plan de protection de la sauvagine. Ce plan doit décrire les mesures que les exploitants comptent prendre pour surveiller le nombre d’oiseaux qui entrent en contact avec leurs bassins de résidus et réduire ces contacts au minimum.

Toutefois, ni le gouvernement fédéral ni son homologue provincial n’ont établi de normes relatives aux systèmes répulsifs à oiseaux qui sont scientifiquement valables et juridiquement contraignantes pour tous les exploitants. C’est donc dire que les exploitants n’ont aucune norme à respecter lorsqu’ils présentent leur plan de protection de la sauvagine. Même si diverses publications universitaires et rapports mentionnent un « système répulsif conforme à la norme de l’industrie », aucun document décrivant avec suffisamment de détails cette norme n’a été publié, et il n’y a aucune information sur le fait que le gouvernement exige le respect de cette norme. Chaque exploitant peut donc présenter et mettre en œuvre son propre programme de répulsif à oiseaux, sans avoir à respecter des directives contraignantes du gouvernement sur un système normalisé. Résultat, les systèmes employés par les exploitants pour empêcher les oiseaux de se poser sur les bassins varient grandement.

Dans tous les cas, il faut noter que même si l’établissement d’exigences juridiquement contraignantes à l’égard des systèmes répulsifs à oiseaux uniformisait l’application des meilleures normes disponibles pour les bassins existants, ce qui pourrait ainsi réduire certains effets néfastes, il resterait des risques inacceptables pour les oiseaux migrateurs. Comme nous en discuterons en détail dans la prochaine partie du document, il n’y a actuellement aucun système répulsif scientifiquement éprouvé qui puisse empêcher adéquatement les oiseaux de se poser sur les bassins de résidus.

Efficacité des systèmes répulsifs

Il n’y a aucune donnée empirique prouvant que les normes contenues dans les plans de protection de la sauvagine autorisés jusqu’ici, ou tout système répulsif respectant les normes en vigueur, sont efficaces pour repousser les oiseaux. Au contraire, les éléments probants décrits ci‑dessus laissent fortement croire que les systèmes répulsifs qui sont actuellement en place sont impuissants à empêcher les oiseaux de se poser sur les bassins de résidus.

L’efficacité des systèmes répulsifs utilisés dans les bassins de résidus bitumineux n’est pas entièrement comprise parce que les études sont généralement réalisées pendant la journée. Or de nombreux oiseaux migrent la nuit, et aucune étude n’a examiné le comportement des oiseaux ou l’efficacité des systèmes répulsifs pendant la nuit. Des études ont clairement démontré l’absence d’efficacité des systèmes répulsifs. Une étude a constaté que, par rapport à un contrôle non répulsif, le risque d’atterrissage sur un bassin de résidus protégé par un système répulsif reconnu par l’industrie était de 38 % pour les canards et de 69 % pour les oiseaux de rivage.Note de bas de page 19 De plus, selon un programme de surveillance de 2013, une fois les données sur deux espèces d’hirondelles ayant des taux anormalement élevés de survol supprimées de l’analyse, 63 % des oiseaux observés appartenant à des espèces en péril selon le gouvernement fédéral ou l’Alberta se seraient posés sur des bassins de résidus20.

Ce risque élevé n’est pas acceptable. Et s’il est extrapolé, le taux augmente considérablement pendant la nuit, lorsqu’il y a un plus grand nombre d’oiseaux qui migrent et qui sont plus susceptibles de se poser sur les bassins de résidus.Note de bas de page 20

Dans tous les cas, les systèmes répulsifs ne constituent pas une solution à long terme au problème de mortalité aviaire dans la région des sables bitumineux.Note de bas de page 21 Peu importe l’efficacité d’un système répulsif donné, les oiseaux vont se poser sur le plan d’eau le plus proche en cas de mauvais temps, qu’il y ait un système répulsif en place ou non.

Un examen des systèmes répulsifs utilisés dans les bassins de résidus soumis lors des auditions sur le projet d’expansion de la mine de la rivière Pierre et de la mine Jackpine par Shell a conclu ce qui suit : [traduction] « Hélas, les interactions entre les oiseaux et les bassins de résidus devraient se poursuivre au cours des années à venir. Pour le projet de la mine Joslyn North, le promoteur a prédit qu’il était « probable que des oiseaux aquatiques se posent sur les bassins » et qu’il était aussi « probable » que le pire scénario possible se réalise, ce qui aurait une incidence de « grave à majeure » (Total E&P Joslyn limitéeLtd. 2010, « Accidents and Malfunctions », Tableau 1‑1). […] les incidents de mortalité dans la mine de la rivière Muskeg et la mine Jackpine de Shell continuent de se produire, même après l’installation du programme de répulsif à oiseaux. À la lumière de ces éléments probants et des limites du système, qui ont été analysées précédemment, Shell semble faire preuve d’une confiance excessive à l’égard du système BirdAvertTM. Or l’efficacité de ce système demeure contestable. »Note de bas de page 22

Absence de mesures de contrôle d’application de la loi

Des mesures de contrôle d’application de la loi peuvent être prises par le gouvernement fédéral aux termes du paragraphe 5.1(1) de la Loi de 1994 sur la convention concernant les oiseaux migrateurs :

5.1 (1) Il est interdit à toute personne et à tout bâtiment d’immerger ou de rejeter ou de permettre que soit immergée ou rejetée une substance nocive pour les oiseaux migrateurs dans des eaux ou une région fréquentées par ces oiseaux ou en tout autre lieu à partir duquel la substance pourrait pénétrer dans ces eaux ou cette région.

De plus, des mesures de contrôle d’application de la loi peuvent être prises si l’oiseau migrateur est désigné comme une espèce en péril aux termes du paragraphe 32(1) de la Loi sur les espèces en péril de 2002 :

32. (1) Il est interdit de tuer un individu d’une espèce sauvage inscrite comme espèce disparue du pays, en voie de disparition ou menacée, de lui nuire, de le harceler, de le capturer ou de le prendre.

En dépit de ces mécanismes d’application de la loi qui sont à la disposition du gouvernement fédéral, nous constatons toujours qu’aucune mesure de contrôle d’application de la loi n’est prise.

Comme cela est dit précédemment, le nombre exact d’oiseaux touchés n’est pas connu. Nous savons cependant que les bassins de résidus ont une incidence continue sur les oiseaux migrateurs, puisqu’il pourrait y avoir jusqu’à 5 000 oiseaux morts par année. Nous sommes aussi témoins d’incidents discrets qui font des centaines d’oiseaux morts d’un seul coup. De plus, il est manifeste que les systèmes répulsifs à oiseaux ne sont pas efficaces pour prévenir les nombreux effets négatifs des bassins, particulièrement la nuit ou en cas de mauvais temps. Néanmoins, l’approche adoptée par les deux ordres de gouvernement est de permettre aux exploitants de compter sur des systèmes répulsifs à oiseaux défectueux comme mesure de diligence raisonnable qui leur permet d’éviter toute poursuite devant les tribunaux.

Le principe de diligence raisonnable ne peut simplement être réputé avoir été respecté par une société qui n’a fait qu’installer des systèmes répulsifs à oiseaux lorsque des données scientifiques prouvent qu’ils sont impuissants à lutter contre les effets néfastes des bassins sur les oiseaux. Étant donné que les systèmes sont inefficaces même le jour et lorsque le temps est clément, le risque accru d’inefficacité des systèmes la nuit ou en cas de mauvais temps n’est pas acceptable. Des conditions météorologiques incertaines, comme du brouillard, des vents, de la neige ou des températures sous le point de congélation, sont fréquentes dans le Nord de l’Alberta. Il n’est donc pas suffisant pour les exploitants miniers de disposer de systèmes répulsifs à oiseaux qui ne peuvent même pas repousser une proportion importante des oiseaux aquatiques dans des conditions climatiques optimales. Cela ne devrait pas être une norme de diligence raisonnable.

La norme à respecter doit plutôt être l’installation d’un système répulsif à oiseaux qui tient compte de conditions météorologiques non optimales et qui est entièrement fonctionnel à toute heure du jour et de la nuit. Si un bassin de résidus ne peut pas être géré de manière sécuritaire en tout temps et dans toutes les conditions climatiques, il ne devrait pas être autorisé du tout. En effet, permettre la gestion de ces bassins irait à l’encontre des obligations du gouvernement fédéral aux termes de la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs et de la Loi sur les espèces en péril. À tout le moins, les exploitants devraient être tenus pour responsables aux termes de la loi et ne pas pouvoir compter sur une défense fondée sur la diligence raisonnable pour éviter les poursuites judiciaires. Or, nous continuons de constater l’absence de mesures de contrôle d’application de la loi contre les exploitants pour des infractions possibles aux lois fédérales.

Questions

  1. Pourquoi, à la lumière des données prouvant l’incidence continue des bassins de résidus sur les oiseaux migrateurs, Environnement Canada ne prend‑il pas des mesures de contrôle d’application de la loi en vertu de la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs et de la Loi sur les espèces en péril?
  2. Étant donné ses responsabilités légales prévues par la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs et la Loi sur les espèces en péril, comment le gouvernement fédéral justifie‑t‑il le maintien de l’approbation des mines de sables bitumineux, qui ont manifestement des répercussions importantes et permanentes sur les oiseaux migrateurs?
  3. Comment le gouvernement fédéral justifie‑t‑il l’autorisation donnée aux exploitants de recourir à une défense de diligence raisonnable lorsque des preuves démontrent clairement que les systèmes actuels visant à repousser les oiseaux sont au mieux partiellement inefficaces, et au pire totalement inefficaces pour protéger les oiseaux migrateurs?
  4. Comment le gouvernement fédéral justifie‑t‑il le fait qu’il ne participe pas aux activités de recherche et de surveillance à l’égard des effets des bassins de résidus sur les oiseaux migrateurs et sur les moyens d’atténuer leur incidence?

Je vous remercie à l’avance de l’attention que vous accorderez à cette pétition.

Je vous prie d’agréer, Madame, l’assurance de ma considération distinguée.

Avocate, Ecojustice
Au nom des pétitionnaires

copie conformec.c. Greenpeace Canada
      Alberta Wilderness Association