Perspectives sur l’action contre les changements climatiques au Canada — Rapport collaboratif de vérificateurs généraux
Présentation au Comité permanent de l’environnement et du développement durable
Perspectives sur l’action contre les changements climatiques au Canada — Rapport collaboratif de vérificateurs généraux
Le 27 mars 2018
Julie Gelfand,
Commissaire à l’environnement et au développement durable
Madame la Présidente, je vous remercie de nous donner l’occasion de présenter notre rapport collaboratif sur l’action contre les changements climatiques au Canada, qui a été déposé plus tôt ce matin à la Chambre des communes. Je suis accompagnée de Madame Kimberley Leach, la directrice principale responsable de ce projet.
Ce rapport est historique parce que c’est la première fois qu’autant de vérificateurs généraux au niveau fédéral et des provinces unissent leurs efforts pour se pencher sur un enjeu qui a une telle importance à l’échelle du pays.
Au cours des 18 derniers mois, les bureaux provinciaux participants ont chacun audité le dossier des changements climatiques et présenté leurs conclusions à leur assemblée législative. Comme vous le savez, j’ai fait la même chose pour le fédéral, livrant mon rapport au Parlement l’automne dernier.
Le vérificateur général du Canada, qui se trouve à être l’auditeur désigné des gouvernements des trois territoires, a fourni un rapport sur les changements climatiques aux assemblées législatives du Yukon, des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut.
J’aimerais vous résumer ce matin les grandes thématiques soulevées dans le rapport collaboratif.
Tout d’abord les bonnes nouvelles: Les audits effectués au niveau fédéral ainsi que dans les provinces et les territoires confirment que les gouvernements du pays se penchent sur la question des changements climatiques. Tous ont reconnu l’importance de l’enjeu et se sont engagés à prendre des actions substantielles. Autrement dit, le Canada a pris le départ.
Et maintenant, les moins bonnes nouvelles — il reste beaucoup de travail à faire. Les audits sur les changements climatiques ont montré que dans l’ensemble :
- Aucun gouvernement au Canada n’a pleinement atteint ses engagements liés aux changements climatiques;
- La majorité de ceux qui ont fixé des cibles de réduction des gaz à effet de serre ne sont pas en voie de les atteindre.
- Et aucun gouvernement n’est entièrement prêt à s’adapter aux impacts des changements climatiques.
Autrement dit, le Canada a encore bien du chemin à faire.
Comme je l’ai indiqué, la plupart des gouvernements ne sont pas en voie d’atteindre leurs cibles de réduction des gaz à effet de serre. Sept gouvernements n’avaient pas fixé de cible globale de réduction à l’horizon 2020. Six gouvernements avaient fixé une cible : le gouvernement fédéral ainsi que la Colombie-Britannique, l’Ontario, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse, et Terre-Neuve-et-Labrador. De ceux-ci, deux provinces sont en voie de les atteindre : le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse.
Le Canada a maintenant fixé une cible de réduction des gaz à effet de serre d’ici 2030. Les provinces et territoires ont tous indiqué qu’ils comptent contribuer à l’atteindre. Cependant, seulement le Nouveau-Brunswick, l’Ontario et les Territoires du Nord-Ouest ont établi une cible à atteindre d’ici 2030. Et le gouvernement fédéral ne savait pas encore comment il allait mesurer la contribution de chaque province et territoire à l’atteinte de la nouvelle cible nationale.
Les audits ont montré que la majorité des provinces et territoires avaient élaboré des stratégies générales pour réduire les émissions, mais qu’elles n’incluaient pas d’échéanciers détaillés, de plans de mise en œuvre et d’estimations des coûts prévus. De plus, bien des gouvernements ignoraient si les mesures qu’ils comptaient prendre leur permettraient d’atteindre leurs cibles de réduction, ou ils savaient déjà qu’elles seraient insuffisantes.
Par exemple, en 2016, le gouvernement de la Colombie-Britannique a livré un plan de leadership sur les changements climatiques. Dans ce plan, il présente les mesures qu’il comptait prendre pour réduire les émissions. Cependant, le plan n’indiquait pas clairement et de façon mesurable comment les cibles seraient atteintes. Il manquait aussi un échéancier clair et de l’information détaillée sur la mise en œuvre du plan d’action.
De plus, la stratégie des Territoires du Nord-Ouest sur les gaz à effet de serre, qui a pris fin en 2015, ne comportait pas de cibles significatives sur les émissions.
À l’échelle nationale, le Cadre pancanadien est censé être le plan d’action national pour atteindre la cible canadienne de réduction des émissions d’ici 2030.
Les audits ont aussi examiné les actions prises par les gouvernements pour aider la population canadienne à se préparer pour faire face aux impacts des changements climatiques. La première chose que les gouvernements doivent faire, c’est de cerner les risques associés aux changements climatiques. Le rapport indique que seule la Nouvelle-Écosse avait entrepris une évaluation détaillée et pangouvernementale des risques.
Les audits ont relevé de très bonnes pratiques dans certaines régions, tels que le mappage des zones d’inondation et le travail qui est en cours dans le Nord pour réagir à la fonte du pergélisol. Certains gouvernements avaient évalué les risques pesant sur des collectivités, des secteurs ou des ministères en particulier.
Par exemple, au Nunavut en 2017, le gouvernement a évalué les risques découlant des changements climatiques pour les sources d’eau potable des collectivités. Il a aussi fait une évaluation des risques pesant sur le secteur des mines dans le territoire, y compris les routes d’accès, les pistes d’atterrissage, les résidus et les déchets miniers.
Au niveau fédéral, nous avons constaté que seulement 5 des 19 ministères que nous avons audités avaient évalué leurs risques liés aux changements climatiques. À cause des lacunes touchant l’évaluation des risques, les stratégies d’adaptation étaient souvent trop générales, et le gouvernement fédéral, l’Alberta, la Saskatchewan, le Manitoba et les Territoires du Nord-Ouest n’avaient ni plan ni stratégie d’adaptation.
Plusieurs bureaux d’audit ont relevé des lacunes au plan de la coordination entre les ministères. Par exemple, les ministères chargés de piloter la lutte contre les changements climatiques avaient souvent fourni trop peu d’information, de directives et de formation aux autres ministères et organismes de leur gouvernement. C’était le cas d’Environnement et Changement climatique Canada au niveau fédéral. Dans certains cas, les organismes qui étaient censés mener la charge n’avait pas l’autorité ou les ressources suffisantes requises pour imposer des actions précises à d’autres ministères.
En ce qui concerne la production de rapports, sept gouvernements – y compris le fédéral – présentaient régulièrement et des rapports d’étape sur les progrès réalisés à l’égard des mesures prises pour réduire les émissions. À défaut de surveiller et de communiquer régulièrement les progrès réalisés, les gouvernements ne peuvent évaluer l’efficacité de leurs actions et la population ne peut pas demander à ses élus des comptes sur les engagements qu’ils ont pris.
Le rapport collaboratif propose des questions que les législateurs et les Canadiens pourraient poser à mesure que les administrations publiques de l’ensemble du pays donneront suite à leurs engagements liés aux changements climatiques.
Des questions telles que : Comment les gouvernements vont-ils démontrer qu’ils seront capables d’atteindre leurs cibles de réduction des émissions? Comment seront financées les actions prévues? Ou, alors que les gouvernements affectent des ressources aux mesures d’adaptation, comment s’assureront-ils de prioriser les risques les plus urgents?
J’encourage les membres de ce Comité de se pencher sur ces questions.
Quelle est l’importance de tout cela? Et bien d’abord, les émissions n’ont pas encore diminué, et les impacts des changements climatiques se font déjà sentir. Les Canadiens ressentent déjà les effets d’événements météorologiques plus sévères, d’inondations plus nombreuses, de feux de forêts plus intenses et d’augmentations des niveaux des océans. Il faudra des efforts et des mesures en plus de ce qui est déjà prévu ou en place pour atteindre la cible de 2030.
Le Cadre pancanadien est un pas dans la bonne direction. Des acteurs importants se sont réunis pour esquisser l’avenir. Ce qu’il faut maintenant, c’est de passer à l’étape de la mise en œuvre.
Madame la Présidente, nous avons bon espoir que des progrès sont possibles. Nous continuerons d’auditer ce dossier très important.
Je termine ainsi ma déclaration d’ouverture. Nous serons heureux de répondre aux questions des membres du Comité. Merci.