Les écarts socio-économiques dans les réserves des Premières Nations — Services aux Autochtones Canada; Formation à l’emploi pour les Autochtones — Emploi et Développement social Canada

Déclaration d’ouverture au Comité permanent des affaires autochtones et du Nord

Les écarts socio-économiques dans les réserves des Premières Nations — Services aux Autochtones Canada

(Rapport 5 — Rapports du printemps 2018 du vérificateur général du Canada)

Formation à l’emploi pour les Autochtones — Emploi et Développement social Canada

(Rapport 6 — Rapports du printemps 2018 du vérificateur général du Canada)

Le 19 février 2019

Jerome Berthelette
Vérificateur général adjoint

Madame la Présidente, je vous remercie de nous donner l’occasion de présenter les résultats de deux audits présentés dans nos rapports du printemps 2018. L’un des audits portait sur les écarts socio-économiques dans les réserves des Premières Nations et l’autre, sur la formation à l’emploi pour les Autochtones. Je suis accompagné des directeurs principaux de ces audits, Madame Dawn Campbell et Monsieur Glenn Wheeler.

Le Bureau du vérificateur général du Canada audite depuis longtemps les activités et programmes fédéraux qui touchent les peuples autochtones. Même si les différents gouvernements qui se sont succédé ont pris de nombreux engagements pour améliorer le bien-être des peuples autochtones, je constate malheureusement après des décennies d’audits que les résultats des programmes pour les peuples autochtones sont inacceptables.

Comme vous le verrez grâce aux constatations des 2 audits dont nous discutons aujourd’hui, les problèmes chroniques comprennent le manque d’information et la mauvaise utilisation des données disponibles pour comprendre et améliorer l’impact des programmes sur la vie des Autochtones.

Dans le premier audit, nous avons conclu que Services aux Autochtones Canada n’avait pas mesuré de façon satisfaisante les progrès du Canada pour combler les écarts socio-économiques entre les membres des Premières Nations vivant dans les réserves et les autres Canadiens, et qu’il n’en avait pas fait dûment rapport. Nous avons également conclu que l’utilisation des données pour améliorer les programmes d’enseignement et ainsi améliorer le bien-être socio-économique n’était pas adéquate.

Nous avons constaté que le principal outil du Ministère pour mesurer le bien-être socio-économique dans les réserves, soit l’Indice du bien-être des collectivités, n’était pas complet. En effet, l’Indice intégrait des données de Statistique Canada sur la scolarité, l’emploi, le revenu et le logement, mais il ne tenait pas compte de plusieurs facteurs du bien-être qui sont aussi importants pour les membres des Premières Nations, tels que la santé, l’environnement, la langue et la culture.

Nous avons aussi constaté que le Ministère n’avait pas utilisé de façon adéquate la grande quantité de données sur les programmes ainsi que les autres données disponibles, pour mesurer précisément si la vie des membres des Premières Nations vivant dans des réserves s’était améliorée, et en faire rapport. Par exemple, nous avons établi que l’écart dans l’obtention du diplôme d’études secondaires (ou l’équivalent) entre les membres des Premières Nations vivant dans des réserves et les autres Canadiens s’était élargi entre 2001 et 2016. Nous avons aussi constaté que le Ministère avait surévalué dans une proportion allant jusqu’à 29 points de pourcentage les taux d’obtention d’un diplôme d’études secondaires des élèves des Premières Nations, parce qu’il n’avait pas tenu compte des élèves qui avaient décroché entre les 9e et 11e années.

Services aux Autochtones Canada a aussi mal utilisé les données sur l’éducation qu’il avait recueillies pour améliorer les résultats en éducation. Par exemple, le Ministère a consacré 42 millions de dollars sur 4 ans pour préparer les élèves des Premières Nations à poursuivre des études postsecondaires. Nous avons cependant constaté que seulement 8 % des personnes inscrites à ce programme préparatoire l’avaient terminé. Malgré ces mauvais résultats, le Ministère n’a pas collaboré avec les Premières Nations ou les établissements d’enseignement pour améliorer le taux de réussite.

Dans le deuxième audit, nous avons examiné comment Emploi et Développement social Canada avait géré deux programmes : la Stratégie de formation pour les compétences et l’emploi destinée aux Autochtones et le Fonds pour les compétences et les partenariats. L’objectif commun de ces 2 programmes était d’augmenter le nombre d’Autochtones qui occupent un emploi stable et intéressant. Pour ces deux programmes, le Ministère a travaillé avec les organisations autochtones de partout au pays qui fournissaient de la formation et de l’aide à l’emploi aux Premières Nations, aux Métis et aux Inuits.

Dans l’ensemble, nous avons constaté que le Ministère n’avait pas fait la preuve que ces programmes avaient augmenté le nombre d’Autochtones ayant obtenu et gardé un emploi.

En particulier, nous avons constaté que le Ministère n’avait pas défini les indicateurs de rendement nécessaires pour montrer si les programmes avaient atteint leurs objectifs. Par exemple, le Ministère a établi une cible annuelle pour le nombre de clients ayant trouvé un emploi après avoir reçu des services. Cependant, il a compté tout emploi décroché comme un résultat positif, que l’emploi soit à court terme, saisonnier, à temps partiel ou à temps plein. Cela signifie que le Ministère ne savait pas jusqu’à quel point les programmes avaient aidé les clients à trouver des emplois durables.

Nous avons aussi constaté que le Ministère n’avait pas analysé les données qu’il avait recueillies sur les programmes pour en faire ressortir les tendances, les problèmes ou les pratiques exemplaires pouvant aider les organisations autochtones à améliorer leurs services et leurs résultats. Par exemple, entre les exercices 2010-2011 et 2016-2017, le Ministère a consacré 130 millions de dollars aux subventions salariales pour les employeurs qui embauchaient des clients pour des périodes déterminées. Cependant, le Ministère n’a pas fait un suivi pour savoir si ces clients avaient conservé leur emploi une fois que les subventions avaient pris fin.

De plus, le Ministère n’a pas fait de suivi systématique auprès des organisations autochtones pour vérifier qu’elles s’acquittaient de leurs obligations prévues aux ententes de financement; il n’a pas non plus utilisé l’information obtenue du suivi exercé pour déterminer dans quelle mesure les programmes fonctionnaient. Cela signifie qu’il a manqué l’occasion d’explorer des moyens d’améliorer l’exécution des programmes et de collaborer avec les organismes autochtones pour trouver des domaines où il serait nécessaire de consolider les capacités.

Après le dépôt en mai de nos rapports au Parlement, Services aux Autochtones Canada et Emploi et Développement social Canada ont tous deux préparé un plan d’action pour donner suite à nos recommandations. Votre comité souhaitera peut-être demander aux deux ministères une mise à jour de leurs progrès dans la mise en œuvre de leurs engagements.

Je voudrais souligner que plusieurs de nos rapports précédents qui touchent au renforcement des capacités pourraient intéresser le Comité, à l’heure où les organismes autochtones assument de plus en plus de responsabilités relativement aux programmes. Ainsi, vous pourriez trouver utile de consulter notre rapport d’étape de juin 2011 sur les programmes des Premières Nations vivant dans les réserves, dans lequel nous avions ciblé des obstacles structurels qui nuisaient aux progrès dans l’amélioration des programmes. Dans un autre rapport publié à l’automne 2015 sur la création de la Régie de la santé des Premières Nations en Colombie-Britannique, nous avions recensé divers facteurs pour faciliter le transfert des responsabilités aux Premières Nations en matière de santé.

Madame la Présidente, c’est ainsi que se termine ma déclaration d’ouverture. Nous serons heureux de répondre aux questions des membres du Comité. Merci.