Printemps 2018 — Rapports du vérificateur général du Canada au Parlement du Canada Rapport de l’auditeur indépendantRapport 5 — Les écarts socio-économiques dans les réserves des Premières Nations — Services aux Autochtones Canada
Printemps 2018 — Rapports du vérificateur général du Canada au Parlement du CanadaRapport 5 — Les écarts socio-économiques dans les réserves des Premières Nations — Services aux Autochtones Canada
Rapport de l’auditeur indépendant
Table des matières
- Introduction
- Constatations, recommandations et réponses
- Mesurer le bien-être dans les réserves des Premières Nations
- Recueillir, utiliser et partager les données sur l’éducation des Premières Nations
- Le Ministère n’a pas recueilli les données nécessaires pour améliorer les résultats en matière d’éducation
- Le Ministère n’a pas utilisé adéquatement les données pour améliorer les résultats en matière d’éducation
- Le Ministère a exigé que les Premières Nations lui fournissent une grande quantité de données sur l’éducation, mais il ne leur a pas communiqué les analyses qui en résultaient
- Rapports sur les résultats des Premières Nations en matière d’éducation
- Conclusion
- À propos de l’audit
- Tableau des recommandations
- Pièces :
- 5.1 — Depuis 2001, l’écart concernant l’obtention du diplôme d’études secondaires s’est élargi entre les Autochtones vivant dans les réserves et les autres Canadiens
- 5.2 — L’Australie rend compte chaque année de ses progrès pour combler les écarts socio-économiques entre les peuples autochtones du pays et les autres Australiens
- 5.3 — La Colombie-Britannique publie chaque année un rapport sur les résultats des élèves autochtones et non autochtones en matière d’éducation
- 5.4 — Services aux Autochtones Canada a surévalué dans une proportion allant jusqu’à 29 points de pourcentage les taux d’obtention du diplôme ou d’achèvement d’études secondaires des élèves des Premières Nations
Introduction
Information générale
5.1 Selon Services aux Autochtones Canada, en décembre 2017, il y avait près d’un million de personnes (987 520) inscrites en vertu de la Loi sur les Indiens, appartenant à l’une des 618 Premières Nations ou n’étant affiliées à aucune d’entre elles en particulier. Un peu plus de la moitié de la population inscrite (509 016) vit dans les réserves ou sur des terres de la Couronne. Sauf indication contraire, les « Premières Nations » désignent dans le présent rapport les membres des Premières Nations vivant dans les réserves.
5.2 Le bien-être socio-économique des membres des Premières Nations vivant dans les réserves a tendance à être considérablement inférieur à celui des autres Canadiens. Il peut se mesurer à l’aide d’indicateurs dans des secteurs tels que l’éducation, le revenu et la santé. Combler les écarts socio-économiques, c’est améliorer le bien-être social et la prospérité économique des membres des Premières Nations qui vivent dans les réserves.
5.3 Pour combler les écarts socio-économiques et améliorer la qualité de vie dans les réserves, les décideurs fédéraux et les Premières Nations doivent disposer d’une information fiable, pertinente et à jour au sujet des indicateurs socio-économiques des membres des Premières Nations.
5.4 Services aux Autochtones Canada demande aux Premières Nations de lui fournir un volume considérable de données sur les populations vivant dans les réserves. Le Ministère obtient également des données de Statistique Canada, ainsi que d’autres ministères fédéraux, d’organisations autochtones et d’autres sources.
5.5 L’amélioration de la qualité de vie des membres des Premières Nations demande une approche à long terme. La première étape consiste à connaître la nature des écarts socio-économiques actuels. La deuxième étape est de mesurer ces écarts régulièrement : si les écarts ne diminuent pas avec le temps, il faudra conclure à l’absence de progrès, ce qui signifierait que les programmes fédéraux doivent être modifiés. Le gouvernement fédéral a accès à des données qui peuvent servir à éclairer les décisions sur les programmes et le soutien gouvernementaux, et qui peuvent aider à réaliser des changements et à améliorer la qualité de vie.
5.6 Le gouvernement fédéral a pris de nombreux engagements pour s’acquitter des obligations du Canada envers les Premières Nations, les Inuits et les Métis. Affaires autochtones et du Nord Canada était l’entité chargée de donner suite à ces engagements. Le Ministère avait pour mandat de soutenir les Autochtones et les résidents du Nord dans leurs efforts pour :
- améliorer leur bien-être social et leur prospérité économique;
- établir des collectivités plus saines et plus durables;
- participer davantage au développement politique, social et économique du Canada.
5.7 En août 2017, le gouvernement fédéral a annoncé la dissolution d’Affaires autochtones et du Nord Canada et la création de deux ministères : Services aux Autochtones Canada et Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord. Nous avons audité Affaires autochtones et du Nord Canada avant août 2017 et, par la suite, le ministère nouvellement formé, Services aux Autochtones Canada, qui est maintenant le ministère responsable. Dans les paragraphes qui suivent, il ne sera fait mention que de Services aux Autochtones Canada.
5.8 La Commission de vérité et réconciliation du Canada, créée en 2008, s’est vu confier le mandat d’informer les Canadiens de ce qui s’est produit dans les pensionnats indiens. Le rapport définitif de la Commission de 2015 contenait 94 appels à l’action, dont plusieurs concernaient les facteurs socio-économiques abordés dans le présent audit. Le gouvernement s’est engagé en 2015 à donner suite à ces appels à l’action, sous la coordination de Services aux Autochtones Canada, y compris aux engagements consistant à :
- élaborer des stratégies conjointes pour combler les écarts en matière d’éducation et d’emploi;
- cerner, mesurer et combler les écarts dans les résultats en matière de santé entre les Premières Nations et les autres collectivités canadiennes;
- préparer et publier des rapports annuels sur ces questions et sur d’autres.
5.9 Également en 2015, le gouvernement fédéral s’est engagé à établir avec les peuples autochtones une relation renouvelée, fondée sur la reconnaissance des droits, le respect, la coopération et le partenariat. Selon son plan ministériel de 2017-2018, Services aux Autochtones Canada prévoyait de dépenser environ 10 milliards de dollars pour l’exécution de son mandat.
5.10 Dans sa lettre de mandat de novembre 2015, le Premier Ministre a demandé à la ministre des Affaires autochtones et du Nord de réaliser de véritables progrès sur les enjeux indispensables pour les collectivités autochtones, comme le logement, l’emploi, les soins de santé, la sécurité des collectivités, l’aide sociale à l’enfance et l’éducation.
5.11 En 2000 et en 2004, le Bureau du vérificateur général du Canada a publié des rapports dans lesquels il soulignait l’écart de scolarisation considérable entre les Premières Nations vivant dans les réserves et la population canadienne en général. Ces rapports adressaient à Services aux Autochtones Canada des recommandations visant à améliorer ses programmes d’enseignement et le soutien qu’il apporte aux étudiants autochtones de niveau postsecondaire. Dans le Rapport Le Point de la vérificatrice générale du Canada (juin 2011), chapitre 4, « Les programmes pour les Premières nations dans les réserves », le Bureau avait critiqué les progrès accomplis par le gouvernement fédéral à l’égard de l’amélioration de la qualité de vie et du bien-être des personnes vivant dans les réserves.
Objet de l’audit
5.12 Cet audit visait à déterminer si Services aux Autochtones Canada avait mesuré de manière satisfaisante les progrès globaux accomplis par le Canada en vue de combler les écarts socio-économiques entre les membres des Premières Nations vivant dans les réserves et les autres Canadiens, et en avait fait dûment rapport. Il visait aussi à déterminer si le Ministère avait utilisé adéquatement les données à sa disposition pour améliorer les programmes d’enseignement afin de combler les écarts en matière d’éducation et d’améliorer le bien-être socio-économique.
5.13 Nous avons choisi d’examiner les programmes d’enseignement du Ministère notamment pour les raisons suivantes :
- l’éducation est un élément essentiel à l’amélioration du bien-être dans les réserves;
- Services aux Autochtones Canada est l’entité à qui revient la responsabilité de procurer du soutien en éducation aux élèves autochtones vivant dans les réserves, et l’éducation représente le programme le plus important du Ministère sur le plan financier;
- Services aux Autochtones Canada recueille de grandes quantités de données relatives à l’éducation auprès des Premières Nations.
5.14 Cet audit est important parce que Services aux Autochtones Canada, le ministère fédéral principal chargé de gérer le soutien fédéral visant à améliorer la qualité de vie des membres des Premières Nations vivant dans les réserves, doit recueillir et analyser des données pertinentes pour savoir si son approche en vue d’améliorer la qualité de vie dans les réserves porte fruit.
5.15 Nous n’avons pas examiné le rendement des organismes non fédéraux, des collectivités des Premières Nations ou des organismes des Premières Nations. Nous n’avons pas non plus vérifié si les sommes dépensées pour les programmes et les services dans les réserves étaient adéquates.
5.16 La section intitulée À propos de l’audit, à la fin du présent rapport, donne des précisions sur l’objectif, l’étendue, la méthode et les critères de l’audit.
Constatations, recommandations et réponses
Mesurer le bien-être dans les réserves des Premières Nations
Le Ministère n’avait pas un portrait complet du bien-être des membres des Premières Nations vivant dans les réserves par rapport à celui des autres Canadiens
Message général
5.17 Dans l’ensemble, nous avons constaté que le principal outil de Services aux Autochtones Canada pour mesurer le bien-être socio-économique dans les réserves, à savoir l’Indice du bien-être des collectivités, n’était pas complet. L’Indice intégrait des données de Statistique Canada sur la scolarité, l’emploi, le revenu et le logement, mais il ne tenait pas compte de plusieurs aspects du bien-être qui sont aussi importants pour les membres des Premières Nations, tels que la santé, l’environnement, la langue et la culture.
5.18 Nous avons aussi constaté que le Ministère n’avait pas utilisé de façon adéquate la grande quantité de données sur les programmes fournies par les Premières Nations, pas plus que les autres données et renseignements à sa disposition. Le Ministère n’a pas non plus noué un véritable dialogue avec les Premières Nations pour mesurer de manière satisfaisante si la qualité de vie des personnes vivant dans les réserves s’était améliorée et en faire dûment rapport. Par exemple, le Ministère n’a pas mesuré ni communiqué adéquatement l’écart en matière d’éducation. Nos calculs ont révélé, de fait, que l’écart s’était creusé depuis 15 ans.
5.19 Ces constatations sont importantes parce que le fait de mesurer les progrès réalisés pour combler les écarts et faire rapport à ce sujet permettrait à toutes les parties concernées, soit le Parlement, les Premières Nations, le gouvernement fédéral, les autres ministères et les autres partenaires, de savoir si les efforts qu’ils déploient pour améliorer la qualité de vie dans les réserves portent fruit. Si les écarts ne se réduisent pas au cours des années à venir, le gouvernement fédéral devra modifier son approche.
5.20 Notre analyse à l’appui de cette constatation rend compte de ce que nous avons examiné et porte sur :
- la mesure inadéquate du bien-être;
- l’utilisation limitée des données disponibles;
- les rapports incomplets sur le bien-être;
- l’absence de mobilisation significative.
5.21 L’Indice du bien-être des collectivités du Ministère, publié pour la première fois en 2004, est son seul outil public pour mesurer globalement le bien-être socio-économique des collectivités des Premières Nations par rapport à celui des autres collectivités du Canada. Il repose sur les données du programme des recensements de 1981 à 2011 recueillies tous les cinq ans auprès de l’ensemble des collectivités canadiennes, y compris de celles des Premières Nations d’au moins 65 habitants. L’Indice mesure quatre composantes :
- la scolarité (diplôme d’études secondaires et postsecondaires);
- le marché du travail (participation à la population active et emploi);
- le revenu (revenu total par habitant);
- le logement (surpeuplement et logements nécessitant des réparations majeures).
5.22 Les problèmes contribuant aux écarts socio-économiques entre les membres des Premières Nations et les autres Canadiens sont complexes et difficiles, et leur résolution dépend de la collaboration entre les Premières Nations, les gouvernements fédéral et provinciaux et les autres parties concernées.
5.23 Notre recommandation relativement au secteur examiné est présentée au paragraphe 5.37.
5.24 Ce que nous avons examiné — Pour déterminer si Services aux Autochtones Canada avait mesuré adéquatement les progrès globaux réalisés en vue de combler les écarts socio-économiques entre les collectivités des Premières Nations et les autres Canadiens et en avait fait dûment rapport, nous avons examiné l’Indice du bien-être des collectivités, des documents du Ministère et certaines données publiques. Nous nous sommes aussi entretenus avec des représentants du Ministère et de certaines provinces, des Premières Nations et des organisations de Premières Nations. De plus, nous avons calculé le taux d’obtention du diplôme d’études secondaires, ou l’équivalent, chez les membres des Premières Nations vivant dans les réserves et chez l’ensemble des Canadiens de 2001 à 2016.
5.25 La mesure inadéquate du bien-être — Nous avons constaté que le Ministère n’avait pas mesuré adéquatement le bien-être des membres des Premières Nations vivant dans les réserves. L’Indice du bien-être des collectivités ne mesurait que quatre composantes du bien-être, à savoir la scolarité, l’emploi, le logement et le revenu. Ce sont certes des aspects importants du bien-être, mais l’Indice ne tenait pas compte de variables essentielles telles que la santé, l’environnement, la langue et la culture. Or, les Premières Nations considèrent la langue et la culture, en particulier, comme des éléments essentiels à leur bien-être.
5.26 Bien que le Ministère ait admis que l’Indice était incomplet, il ne l’a pas modifié pour l’étoffer ou pour établir un outil ou un ensemble d’outils de mesure plus complets en vue d’évaluer le bien-être des membres des Premières Nations vivant dans les réserves.
5.27 En 2015, tous les pays membres de l’Assemblée générale des Nations Unies, dont le Canada, ont adopté le Programme de développement durable à l’horizon 2030 (« Programme 2030 »). Le Programme 2030 contient 17 objectifs de développement durable et 169 cibles connexes de croissance économique, d’inclusion sociale et de protection environnementale. Il vise à mobiliser les efforts à l’échelle mondiale pour permettre à tous de vivre en bonne santé, éliminer la pauvreté et lutter contre les changements climatiques. À notre avis, les résultats du Canada par rapport aux 17 objectifs seraient probablement bien pires pour les Premières Nations que pour la population canadienne dans son ensemble. De fait, selon l’Indice du bien-être des collectivités de 2011, 98 des 100 collectivités canadiennes ayant les résultats les plus bas étaient des collectivités des Premières Nations.
5.28 De 2001 à 2011, l’Indice du bien-être des collectivités a montré que les écarts s’étaient accrus pour les quatre composantes. Selon Services aux Autochtones Canada, entre 2006 et 2011, environ un tiers des collectivités des Premières Nations (comparativement à un cinquième des autres collectivités canadiennes) ont vu leurs résultats décliner selon l’Indice. En décembre 2017, le Ministère n’avait pas encore mis à jour l’Indice du bien-être des collectivités en y intégrant les données du recensement de 2016.
5.29 L’utilisation limitée des données disponibles — Nous avons constaté que le Ministère aurait pu utiliser les grandes quantités de données provenant de multiples sources à sa disposition pour comparer de façon plus approfondie le bien-être des Premières Nations d’une collectivité à l’autre et avec le bien-être des autres Canadiens, mais qu’il ne l’avait pas fait. Le Ministère disposait de données et pouvait accéder à des données venant de sources publiques, d’autres ministères et des Premières Nations, mais il n’en a tenu compte ni dans l’Indice du bien-être des collectivités ni dans un autre outil ou ensemble d’outils de mesure complet. Nous avons cerné plusieurs autres sources de données potentiellement utiles :
- Les profils internes des communautés des Premières Nations du Ministère contenaient une grande quantité de données, notamment sur les besoins en matière de logement et la qualité de l’eau.
- Emploi et Développement social Canada recueillait des données au sujet des programmes de formation professionnelle que les Autochtones recevaient dans le cadre de la Stratégie de formation pour les compétences et l’emploi destinée aux Autochtones et du Fonds pour les compétences et les partenariats. Ces programmes visent à aider les Autochtones à obtenir des certificats, des diplômes ou des grades professionnels et de qualification industrielle, ainsi que de l’expérience de travail et de l’emploi.
- Santé Canada recueillait de l’information sur la santé des Premières Nations, y compris de l’information sur les services et les prestations de soins de santé buccodentaire que le Ministère offrait aux Premières Nations, comme il est mentionné dans les Rapports du vérificateur général du Canada (automne 2017), rapport 4, « Les programmes de santé buccodentaire pour les Premières Nations et les Inuit – Santé Canada ». La Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuits de Santé Canada, qui était responsable de ces programmes, a depuis été transférée au nouveau ministère des Services aux Autochtones.
- En 2015, l’agent de la santé provincial de la Colombie-Britannique et la Régie de la santé des Premières Nations ont publié un rapport conjoint intitulé First Nations Health and Well-Being Interim Update ([traduction] « Mise à jour provisoire sur le bien-être et la santé des Premières Nations »). Ce rapport faisait le point sur les progrès accomplis à l’égard des sept indicateurs suivants : espérance de vie, taux de mortalité, taux de suicide chez les jeunes, taux de mortalité infantile, prévalence du diabète, obésité juvénile et nombre de professionnels de la santé autorisés des Premières Nations.
- Les provinces disposaient de données sur le nombre d’enfants autochtones qui avaient été placés dans une famille d’accueil comptant un ou plusieurs membres autochtones plutôt que dans une famille ne comptant pas de membres autochtones. Pour les enfants, il pourrait être plus difficile de s’adapter à un nouveau milieu familial dont la culture et la langue sont différentes.
- L’Enquête régionale sur la santé des Premières Nations de 2008-2010, menée par le Centre de gouvernance de l’information des Premières Nations, a fait ressortir la prévalence des problèmes de santé chroniques signalés par les adultes des Premières Nations vivant dans les réserves partout au Canada.
5.30 Les représentants du Ministère nous ont indiqué que ces données additionnelles n’avaient pas été intégrées à l’Indice du bien-être des collectivités parce que des données comparatives concernant les autres collectivités canadiennes n’étaient pas disponibles. Selon nous, le Ministère devrait mieux utiliser ces données pour évaluer de manière plus complète et mieux comprendre le bien-être des Premières Nations par rapport à celui des autres collectivités canadiennes, et pour mesurer si des progrès sont réalisés.
5.31 En 2000, Services aux Autochtones Canada s’était engagé à mesurer l’écart en matière d’éducation et à faire rapport à ce sujet tous les deux ans. Nous avons constaté qu’en décembre 2017 le Ministère ne s’était pas acquitté de cet engagement. L’Indice du bien-être des collectivités donnait une note pour chacune de ses quatre composantes, y compris la scolarité, ce qui permettait de produire une note générale relative au bien-être tous les cinq ans. Par exemple, en 2011, la note moyenne pour la scolarité des collectivités des Premières Nations était de 36, comparativement à 53 pour les autres collectivités canadiennes. À notre avis, ces notes ne dressaient pas un portrait significatif de l’écart en matière d’éducation parce qu’elles ne constituaient pas un moyen clair de mesurer les résultats et de faire rapport à cet égard.
5.32 Nous avons calculé, à partir des données de programme de recensement, le taux d’obtention d’un diplôme d’études secondaires, ou l’équivalent, pour les personnes vivant dans les réserves et pour l’ensemble des Canadiens de 2001 à 2016 (voir la pièce 5.1). Nous avons constaté que même si les résultats obtenus par les Premières Nations s’étaient améliorés, ceux de l’ensemble des Canadiens s’étaient améliorés davantage : en 2001, l’écart était de 30 point de pourcentage, en 2016, il était de 33 point de pourcentage. À notre avis, cette façon de mesurer les résultats en matière d’éducation et de faire rapport à cet égard est plus claire et pourrait aider à dresser un portrait plus significatif du bien-être des Premières Nations.
Pièce 5.1 — Depuis 2001, l’écart concernant l’obtention du diplôme d’études secondaires s’est élargi entre les Autochtones vivant dans les réserves et les autres Canadiens
Remarque : Ce graphique repose sur les données autodéclarées de personnes âgées de 15 ans et plus au sein de la population donnée.
Source : Données du programme des recensements de 2001, 2006, 2011 et 2016 de Statistique Canada fournies par Services aux Autochtones Canada (données non auditées)
Pièce 5.1 — version textuelle
Ce graphique permet de comparer, au moyen de données similaires, les pourcentages au fil du temps concernant les Autochtones dans les réserves et la population canadienne totale. Pour les deux populations, la comparaison s’applique aux personnes âgées de 15 ans et plus, et détenant au moins un diplôme d’études secondaires ou l’équivalent. Depuis 2001, l’écart en matière d’éducation s’est élargi entre les deux populations.
Population | Pourcentage (%) de la population détenant au moins un diplôme d’études secondaires ou l’équivalent | |||
---|---|---|---|---|
2001 | 2006 | 2011 | 2016 | |
Autochtones dans les réserves | 37 % | 40 % | 44 % | 49 % |
Population canadienne totale | 67 % | 76 % | 80 % | 82 % |
Remarque : Ce graphique repose sur les données autodéclarées de personnes âgées de 15 ans et plus au sein de la population donnée.
Source : Données du programme des recensements de 2001, 2006, 2011 et 2016 de Statistique Canada fournies par Services aux Autochtones Canada (données non auditées)
5.33 Les rapports incomplets sur le bien-être — Nous avons constaté que Services aux Autochtones Canada n’avait pas publié de rapport complet sur le bien-être socio-économique global des membres des Premières Nations vivant dans les réserves. Nous avons remarqué en revanche que le premier ministre de l’Australie publie depuis 2009 un rapport annuel, intitulé Closing the Gap ([traduction] « Combler l’écart »), présentant les progrès réalisés pour améliorer le bien-être des peuples autochtones australiens. Ces rapports montrent où des efforts restent à faire (voir la pièce 5.2).
Pièce 5.2 — L’Australie rend compte chaque année de ses progrès pour combler les écarts socio-économiques entre les peuples autochtones du pays et les autres Australiens
En 2008, le gouvernement de l’Australie et les Autochtones et Insulaires du détroit de Torres ont signé une déclaration d’intention les engageant à collaborer pour arriver à un état de santé et une espérance de vie comparables à ceux des autres Australiens d’ici 2030. Depuis 2009, l’Australie publie chaque année un rapport rendant compte des cibles suivantes :
- combler l’écart dans l’espérance de vie en une génération (d’ici 2031);
- réduire de moitié l’écart dans les taux de mortalité chez les enfants autochtones de moins de cinq ans d’ici 2018;
- s’assurer que 95 % des enfants autochtones de quatre ans dans les collectivités éloignées ont accès à l’éducation de la petite enfance d’ici 2025;
- réduire de moitié l’écart en lecture, en écriture et en calcul chez les élèves autochtones d’ici 2018;
- réduire de moitié l’écart dans la fréquentation d’une classe de 12e année ou l’équivalent chez les Autochtones âgés de 20 à 24 ans;
- réduire de moitié l’écart dans les résultats en matière d’emploi entre les Australiens autochtones et non autochtones d’ici 2018;
- combler l’écart dans la fréquentation scolaire d’ici la fin de 2018.
Sources : Close the Gap, Indigenous Health Equality Summit, Statement of Intent, 2008, et Closing the Gap-Prime Minister’s Report 2017 (données non auditées)
5.34 L’absence de mobilisation significative — Services aux Autochtones Canada n’a pas collaboré avec les Premières Nations à l’élaboration de l’Indice du bien-être des collectivités, publié la première fois en 2004. Nous avons constaté que depuis cette date, le Ministère n’avait pas révisé l’Indice pour y inclure la langue et la culture ou mis au point un autre ensemble complet d’outils de mesure pour évaluer le bien-être des Premières Nations.
5.35 En juillet 2016, le Ministère a noué un dialogue avec les Premières Nations et l’Assemblée des Premières Nations dans le cadre d’un forum national sur les critères à retenir pour mesurer la réussite scolaire des Premières Nations. Ces critères devaient être prêts en décembre 2017. Nous avons constaté qu’en juillet 2017, le Comité des chefs sur l’éducation avait demandé aux représentants des Premières Nations d’arrêter leur collaboration avec Services aux Autochtones Canada. Le Comité craignait que les processus fédéraux ne donnent pas assez de temps pour élaborer des cadres de mesure qui tiennent compte de la diversité, de l’autonomie et des pouvoirs des collectivités des Premières Nations et de leurs systèmes d’éducation.
5.36 Le gouvernement fédéral admet qu’il est essentiel que les Premières Nations participent activement à la mission collaborative visant à faire du Canada un meilleur endroit où vivre pour les peuples et collectivités autochtones et du Nord. Compte tenu de cette mission, nous croyons qu’il fallait en faire davantage pour mesurer et le bien-être général des membres des Premières Nations vivant dans les réserves comparativement à celui des autres Canadiens, et pour faire rapport à cet égard.
5.37 Recommandation — Avec la participation des Premières Nations et d’autres partenaires, Services aux Autochtones Canada devrait utiliser des données pertinentes pour mesurer de manière exhaustive le bien-être socio-économique général des membres des Premières Nations vivant dans les réserves comparativement à celui des autres Canadiens, et pour faire rapport à cet égard. Le Ministère devrait aussi mesurer les autres aspects du bien-être socio-économique jugés prioritaires par les Premières Nations, comme la langue et la culture, qui ne seraient peut-être pas directement comparables aux priorités des autres Canadiens, et faire rapport à cet égard.
Réponse du Ministère — Recommandation acceptée. Services aux Autochtones Canada s’appuiera sur l’Indice du bien-être des collectivités en élaborant, en collaboration avec les Premières Nations et d’autres partenaires, un tableau de bord du bien-être reflétant les mesures convenues d’un commun accord pour mesurer et rapporter les écarts socio-économiques. Une grande partie de ce travail est déjà commencé avec l’Assemblée des Premières Nations et d’autres partenaires dans l’élaboration d’une nouvelle relation financière. Cela comprend une vision commune de la responsabilité mutuelle et le développement conjoint d’un cadre national axé sur les résultats qui met à profit les objectifs de développement durable 2030 des Nations Unies. Dans le cadre de ce développement conjoint, le Ministère continuera de travailler en étroite collaboration avec les Premières Nations pour veiller à ce que les rapports sur le bien-être des Premières Nations intègrent d’autres résultats et mesures exhaustives qui sont importants pour les Premières Nations.
Recueillir, utiliser et partager les données sur l’éducation des Premières Nations
Message général
5.38 Dans l’ensemble, les résultats en matière d’éducation des élèves des Premières Nations ne se sont pas améliorés par rapport à ceux des autres Canadiens. Nous avons constaté que malgré les engagements pris il y a 18 ans, Services aux Autochtones Canada n’avait pas recueilli les données pertinentes ou utilisé adéquatement ces données pour améliorer les programmes d’éducation et éclairer les décisions en matière de financement. Le Ministère n’a pas non plus évalué les données pertinentes qu’il a recueillies pour vérifier si elles étaient exactes et complètes, pas plus qu’il n’a partagé régulièrement avec les Premières Nations l’information sur l’éducation ou les résultats de ses analyses de données ni donné accès à ces données. De plus, le Ministère n’était toujours pas en mesure de rendre compte du niveau de financement accordé à l’éducation dans les réserves par rapport au financement accordé aux autres systèmes d’éducation au Canada.
5.39 Ces constatations sont importantes parce que le Ministère et les collectivités des Premières Nations qui assurent la prestation des services d’enseignement doivent disposer de données complètes et exactes pour prendre des décisions fondées sur des éléments probants et, en fin de compte, pour améliorer les résultats en matière d’éducation et le bien-être socio-économique des Premières Nations.
5.40 Le Programme d’enseignement primaire et secondaire de Services aux Autochtones Canada vise à aider les élèves admissibles vivant dans les réserves à atteindre un niveau de scolarisation comparable à celui des autres élèves canadiens. Grâce à divers accords de financement avec le Ministère, les Premières Nations exécutent des programmes d’enseignement dans les réserves, achètent des services d’éducation aux conseils scolaires, ou en assurent la prestation en combinant ces deux approches. Il existe aussi dans les réserves sept écoles administrées par le gouvernement fédéral. Quelle que soit l’approche, le Ministère demande aux Premières Nations de fournir des données au sujet de leurs programmes d’enseignement.
5.41 Au niveau postsecondaire, Services aux Autochtones Canada vise à aider les étudiants des Premières Nations à acquérir des compétences professionnelles en leur apportant un soutien financier pour leurs études et le développement de leurs compétences. Le Ministère transfère des fonds aux Premières Nations pour les étudiants admissibles, qu’ils vivent ou non dans les réserves. Toutes les Premières Nations bénéficiaires doivent rendre compte des résultats et communiquer les données connexes sur les dépenses pour les étudiants de niveau postsecondaire ayant reçu un soutien financier.
5.42 Le Bureau du vérificateur général du Canada a publié des rapports sur les programmes d’enseignement de Services aux Autochtones Canada en 2000, 2004 et 2011. En réponse à nos recommandations antérieures, le Ministère s’était engagé à combler l’écart en matière d’éducation. Plus particulièrement, le Ministère avait promis il y a 18 ans (en 2000) de prendre les mesures suivantes :
- élaborer et utiliser des indicateurs de rendement pertinents;
- élaborer et utiliser de l’information comparative sur les coûts;
- publier un rapport tous les deux ans sur les progrès réalisés en vue de combler l’écart en matière d’éducation entre les élèves des Premières Nations vivant dans les réserves et les autres élèves canadiens.
5.43 Selon ses documents, Services aux Autochtones Canada a dépensé environ 2,1 milliards de dollars dans des activités liées à l’éducation au cours de l’exercice 2016-2017. Le nombre d’élèves des niveaux primaire et secondaire vivant dans les réserves s’élevait à environ107 000 pour cet exercice, et on estimait qu’environ 24 000 étudiants de niveau postsecondaire recevaient un soutien financier.
Le Ministère n’a pas recueilli les données nécessaires pour améliorer les résultats en matière d’éducation
5.44 Nous avons constaté que Services aux Autochtones Canada n’avait pas recueilli les données nécessaires pour améliorer les résultats en matière d’éducation. Plus particulièrement, il n’a pas recueilli :
- de renseignements en matière d’éducation, tels que les années d’expérience des enseignants ou les taux de participation des élèves;
- de renseignements au sujet des taux d’obtention d’un diplôme d’études postsecondaires;
- de renseignements servant à comparer les niveaux de scolarité des élèves des Premières Nations à ceux des autres Canadiens.
5.45 De plus, le Ministère n’a pas évalué les données pertinentes qu’il avait recueillies afin de vérifier si elles étaient exactes et complètes. Par exemple, il ne savait pas dans quelle mesure les élèves des Premières Nations obtenaient un diplôme d’études secondaires reconnu par les établissements postsecondaires ou bien un certificat de fin d’études secondaires qui, selon le Ministère, pourrait ne pas être reconnu par ces établissements.
5.46 Notre analyse à l’appui de cette constatation rend compte de ce que nous avons examiné et porte sur :
5.47 Cette constatation est importante parce qu’il est essentiel de disposer de données fiables, pertinentes et à jour en matière d’éducation pour prendre des décisions fondées sur des éléments probants afin de hausser le niveau de scolarité des élèves des Premières Nations. Lorsque ces élèves sont incapables de poursuivre des études supérieures, leur situation socio-économique risque d’en être affectée à long terme.
5.48 Notre recommandation relativement au secteur examiné est présentée au paragraphe 5.83.
5.49 Ce que nous avons examiné — Nous avons examiné si Services aux Autochtones Canada avait recueilli de l’information pour mesurer les résultats en matière d’éducation des Premières Nations, telle que les taux d’obtention d’un diplôme, et pour faire rapport à cet égard. Nous avons aussi analysé ces données quant à leur exactitude et à leur exhaustivité.
5.50 Le défaut de collecte de données pertinentes — En 2010, Services aux Autochtones Canada a élaboré la Stratégie de mesure du rendement en matière d’éducation pour mesurer les résultats des élèves et des écoles des Premières Nations, et pour déterminer si ces élèves obtenaient des résultats en matière d’éducation comparables à ceux des autres élèves canadiens.
5.51 Nous avons constaté que le Ministère n’avait pas recueilli l’information nécessaire pour comparer les résultats en matière d’éducation des élèves des Premières Nations à ceux des autres élèves canadiens. Par exemple, il n’a pas recueilli de données provinciales ou nationales sur les résultats des tests standardisés et sur les taux d’assiduité scolaire à des fins de comparaison. Sans cette information, le Ministère ne savait pas si son approche pour gérer les programmes d’enseignement des élèves des Premières Nations contribuait à combler l’écart en matière d’éducation.
5.52 Nous avons aussi constaté que le Ministère n’avait pas recueilli certaines données importantes auprès des Premières Nations sur les programmes d’enseignement primaire et secondaire. Ainsi, le Ministère n’a pas recueilli de données sur l’expérience des enseignants ou sur le taux de participation des élèves. Sans ces données, le Ministère ne pouvait avoir un portrait complet des programmes d’enseignement des Premières Nations.
5.53 Nous avons aussi constaté que le Ministère ne disposait pas de données sur les taux d’obtention d’un diplôme postsecondaire pour les étudiants des Premières Nations dans les réserves. Il n’a pas non plus recueilli de données complètes sur les élèves des Premières Nations qui voulaient poursuivre des études postsecondaires, mais qui n’avaient pas accès aux fonds nécessaires. Bien que le Ministère se soit engagé à examiner ces questions en 2004, il ne pouvait toujours pas rendre compte de la mesure dans laquelle le soutien aux études postsecondaires pour les membres des Premières Nations avait contribué à améliorer les résultats en matière d’éducation. Le Ministère ne pouvait pas non plus confirmer si son modèle de prestation donnait aux étudiants admissibles un accès équitable au soutien financier pour les études postsecondaires.
5.54 Le défaut d’évaluation des données pertinentes — Nous avons constaté que le Ministère n’avait pas fait de distinction entre les diplômes d’études secondaires et les certificats de fin d’études secondaires. Selon le Ministère, les certificats pourraient ne pas être reconnus par les établissements postsecondaires. Nous avons constaté que pour les 214 écoles des Premières Nations qui offraient la 12e année au cours de l’exercice 2016-2017, le Ministère n’avait pas recueilli d’information sur le type de diplôme d’études secondaires ou de certificat de fin d’études secondaires décerné aux élèves des Premières Nations. Le Ministère n’avait pas non plus recueilli cette information pour les écoles administrées par les provinces.
5.55 À partir de l’analyse effectuée par le Comité directeur de l’Éducation des Premières Nations sur les données recueillies par le ministère de l’Éducation de la Colombie-Britannique, nous avons calculé que pendant les exercices 2012-2013 à 2015-2016, environ 14,5 % (380 sur 2 621) des élèves vivant dans les réserves qui avaient terminé leurs études secondaires avaient reçu un certificat de fin d’études secondaires. À titre comparatif, seulement 2 % (2 365 sur 118 250) des autres étudiants de la Colombie-Britannique avaient reçu un certificat pendant la même période. À notre avis, en ne distinguant pas les diplômes officiels d’études secondaires des certificats de fin d’études secondaires, le Ministère et les Premières Nations ne pouvaient pas déterminer combien d’élèves diplômés des Premières Nations pourraient ne pas être admissibles à des études postsecondaires.
Le Ministère n’a pas utilisé adéquatement les données pour améliorer les résultats en matière d’éducation
5.56 Nous avons constaté que Services aux Autochtones Canada n’avait pas utilisé adéquatement les données pour améliorer les résultats en matière d’éducation. Nous avons constaté qu’il existait des données recueillies par le Ministère qui auraient pu être utilisées pour améliorer les programmes d’enseignement, mais qui ne l’avaient pas été. Par exemple, le Ministère n’a pas analysé les niveaux d’alphabétisation des élèves des Premières Nations en vue de les comparer à ceux des autres Canadiens. Il n’a pas non plus examiné si le soutien du Ministère avait produit les résultats prévus et de quelle façon ce soutien pouvait être amélioré.
5.57 Nous avons aussi constaté que le Ministère n’avait pas utilisé adéquatement les données pour déterminer le montant des fonds affectés à l’éducation. Nous avons constaté qu’il n’était pas clair jusqu’à quel point les décisions de financement avaient tenu compte des besoins scolaires particuliers des élèves des Premières Nations et des facteurs importants qui influent sur les coûts. Nous avons constaté que malgré la promesse faite en 2000, le Ministère n’avait pas présenté d’analyse comparative des fonds fédéraux affectés à l’éducation dans les réserves et des fonds affectés à d’autres systèmes d’éducation canadiens.
5.58 Notre analyse à l’appui de cette constatation rend compte de ce que nous avons examiné et porte sur :
- l’utilisation inadéquate des données pour améliorer les programmes d’enseignement;
- l’utilisation inadéquate des données pour éclairer les décisions de financement.
5.59 Ces constatations sont importantes parce que les faibles taux d’obtention d’un diplôme et d’alphabétisation ont un effet négatif sur la qualité de vie des membres des Premières Nations dans les réserves, à cause surtout de possibilités d’emploi réduites. Comme les écarts en matière d’éducation sont complexes – et varient selon la région, la population, l’âge des élèves et avec le temps – il importe d’utiliser des données exactes, complètes et à jour pour combler ces écarts.
5.60 Notre recommandation relativement au secteur examiné est présentée au paragraphe 5.83.
5.61 Ce que nous avons examiné — Nous avons examiné si Services aux Autochtones Canada s’était servi de données pour améliorer les résultats des programmes d’enseignement par rapport à ceux des autres Canadiens. Nous avons également examiné si le Ministère avait utilisé des données pour éclairer les décisions de financement et s’il avait présenté une analyse comparative des fonds affectés à l’éducation dans les réserves et des fonds affectés à d’autres systèmes d’éducation canadiens.
5.62 L’utilisation inadéquate des données pour améliorer les programmes d’enseignement — En 2008, Services aux Autochtones Canada a fait de l’alphabétisation une priorité nationale. Selon le Ministère, la recherche montre que l’alphabétisation a une forte incidence sur les possibilités de carrière, la stabilité socio-économique et la capacité décisionnelle. De plus, l’alphabétisation accroît les résultats en matière d’éducation et favorise la persévérance scolaire tout au long du parcours de l’élève.
5.63 Nous avons constaté que, même si le Ministère avait recueilli des renseignements auprès des Premières Nations sur les élèves vivant dans les réserves qui avaient participé aux tests standardisés, il n’avait pas analysé les niveaux d’alphabétisation des élèves pour déterminer si son soutien avait amélioré les résultats. Selon notre analyse des données ministérielles sur les taux d’alphabétisation, entre les exercices 2013-2014 et 2015-2016, le nombre d’élèves ayant atteint ou dépassé les niveaux d’alphabétisation n’avait augmenté chez les élèves (filles ou garçons) que dans une des cinq régions pour lesquelles des données existaient. Nous avons constaté que le Ministère n’avait pas comparé les niveaux d’alphabétisation des Premières Nations aux données d’autres administrations canadiennes, et qu’il ne s’était pas non plus servi de ces données pour déterminer le soutien à accorder aux programmes d’alphabétisation.
5.64 Nous avons aussi relevé d’autres exemples où le Ministère n’avait pas utilisé adéquatement les données pour modifier ses programmes. Par exemple, d’après le Ministère, les Premières Nations ont affecté des fonds ministériels de 42 millions de dollars au Programme préparatoire à l’entrée au collège et à l’université sur une période de quatre exercices (de 2012-2013 à 2015-2016). Ce programme visait à aider les élèves des Premières Nations à obtenir le diplôme requis pour leur permettre de s’inscrire à un programme d’études postsecondaires. En analysant les données ministérielles pour cette période, nous avons constaté que, sur les 4 919 élèves ayant reçu un soutien, seuls 397 (8,1 %) avaient terminé leur programme d’études. Malgré la faiblesse persistante de ces résultats, nous avons constaté que le Ministère n’avait pas collaboré avec les Premières Nations ou les établissements scolaires pour apporter les changements permettant d’accroître le taux de réussite des élèves du Programme.
5.65 Nous avons également constaté que le Ministère avait adopté une méthode de financement incohérente en matière d’éducation des élèves de plus de 21 ans. Le Programme d’enseignement primaire et secondaire du Ministère s’adressait aux élèves de 4 à 21 ans. Même si le Ministère savait que le Programme finançait l’éducation d’un nombre important d’élèves de plus de 21 ans, il n’a pas utilisé cette information pour modifier le Programme. Selon notre analyse des données ministérielles, au cours des exercices 2000-2001 à 2016-2017, 17 % des élèves inscrits à leur dernière année d’études secondaires avaient plus de 21 ans.
5.66 Le Ministère a estimé que dans une région, le coût de l’éducation donnée aux élèves de plus de 21 ans était d’environ 15 millions de dollars pour l’exercice 2011-2012. Les représentants du Ministère nous ont indiqué que les élèves qui atteignaient 22 ans lorsqu’ils étaient à l’école continuaient de recevoir un soutien financier. Toutefois, les élèves plus âgés qui souhaitaient retourner à l’école se voyaient refuser ce financement. À notre avis, le Ministère pourrait étudier des moyens d’aider les élèves des Premières Nations de plus de 21 ans à terminer leurs études secondaires.
5.67 L’utilisation inadéquate des données pour éclairer les décisions de financement — Par l’entremise de programmes de base et complémentaires, Services aux Autochtones Canada a appuyé financièrement les élèves admissibles des Premières Nations vivant dans les réserves pour qu’ils fréquentent des écoles des Premières Nations ou encore des écoles fédérales, provinciales ou privées.
5.68 En 2000, le Ministère s’était engagé à élaborer et à utiliser des données comparatives sur les coûts. Ces données sont importantes pour s’assurer que les élèves des Premières Nations reçoivent un enseignement comparable à celui des autres Canadiens. Il importe de connaître ces coûts pour pouvoir définir une stratégie d’éducation efficace, combler l’écart en matière d’éducation et répondre aux besoins éducatifs des élèves des Premières Nations vivant dans les réserves. Toutefois, nous avons constaté qu’en 2017, il restait encore du travail à faire, et que le Ministère n’était toujours pas en mesure de présenter une analyse comparative des fonds fédéraux affectés à l’éducation dans les réserves et des fonds affectés à d’autres systèmes d’éducation canadiens.
5.69 Nous avons également constaté qu’il était difficile d’établir clairement dans quelle mesure le Ministère tenait compte des besoins uniques des élèves des Premières Nations au moment de décider du financement de base à accorder. Par exemple, les coûts de l’enseignement pourraient être influencés à la hausse ou à la baisse par d’importants facteurs, notamment :
- l’isolement géographique de nombreuses collectivités des Premières Nations;
- le faible nombre d’élèves dans bon nombre d’écoles des collectivités des Premières Nations;
- la langue maternelle des élèves des Premières Nations (l’anglais ou le français n’étant pas la langue maternelle d’un grand nombre des membres des Premières Nations);
- la difficulté à attirer et à maintenir en poste des enseignants qualifiés.
Le Ministère a indiqué que sa méthode pour calculer le niveau du financement de base accordé à l’éducation des Premières Nations n’avait pas beaucoup changé depuis la fin des années 1990. La formule qu’il utilisait reposait sur des données historiques et périmées au sujet de la population et ne tenait pas systématiquement compte des importants facteurs influençant les coûts qui sont mentionnés ci-dessus.
5.70 Comme complément à son budget de financement de l’éducation de base, le Ministère a reçu une somme additionnelle de 2,6 milliards de dollars sur cinq exercices, de 2016-2017 à 2020-2021. Nous avons constaté que l’analyse du Ministère à l’appui de ce montant avait été insuffisante. Par exemple, ce montant comprenait 577,5 millions de dollars, ou 115,5 millions de dollars par année, pour le Programme d’éducation spéciale à coûts élevés. Le seul élément probant fourni par le Ministère pour corroborer la hausse annuelle de 115,5 millions de dollars était un dépassement budgétaire pour ce programme de 22 millions de dollars au cours de l’exercice 2012-2013. Le Ministère a également déterminé qu’il fallait refaire ou actualiser l’évaluation d’environ 4 400 des 13 000 élèves du Programme, sans par ailleurs fournir une estimation des coûts associés à cette évaluation.
5.71 Nous avons aussi constaté que le Ministère n’avait pas pu fournir d’analyse justifiant la somme de 275 millions de dollars qu’il avait consacrée au financement lié à la langue et à la culture, soit environ 55 millions de dollars par année entre les exercices 2016-2017 et 2020-2021. Selon le Ministère, ce montant était fondé sur une proposition soumise par une région, qui avait ensuite été extrapolée à l’échelle nationale sans égard aux conditions particulières.
Le Ministère a exigé que les Premières Nations lui fournissent une grande quantité de données sur l’éducation, mais il ne leur a pas communiqué les analyses qui en résultaient
5.72 Nous avons constaté que, même si les collectivités des Premières Nations devaient fournir à Services aux Autochtones Canada une grande quantité de données sur l’éducation, le Ministère ne leur avait pas donné accès au Système d’information sur l’éducation tel que promis. Les Premières Nations ne pouvaient donc pas accéder à l’information et aux analyses produites.
5.73 Notre analyse à l’appui de cette constatation rend compte de ce que nous avons examiné et porte sur :
- l’accès limité des Premières Nations au Système d’information sur l’éducation du Ministère;
- le lourd fardeau administratif imposé aux Premières Nations.
5.74 Cette constatation est importante parce que faute de pouvoir accéder aux données sur l’éducation et aux analyses connexes, les collectivités des Premières Nations ne peuvent pas collaborer de façon significative avec Services aux Autochtones Canada en vue d’améliorer les résultats en matière d’éducation ou de recenser des initiatives pouvant encourager la réussite des élèves.
5.75 Notre recommandation relativement au secteur examiné est présentée au paragraphe 5.83.
5.76 Ce que nous avons examiné — Nous avons examiné les renseignements à saisir dans le Système d’information sur l’éducation, ainsi que le volume d’information que les Premières Nations devaient fournir. Nous avons examiné si le Ministère avait partagé avec les Premières Nations des analyses utiles de ces données.
5.77 L’accès limité des Premières Nations au Système d’information sur l’éducation du Ministère — En 2008, le Ministère a proposé d’élaborer un système de collecte des données sur les programmes d’enseignement des Premières Nations, que ces dernières pourraient également consulter.
5.78 En 2010, le Ministère s’est engagé de nouveau à ce que le système soit une ressource d’information partagée avec les Premières Nations. Le Ministère a également cerné la nécessité de réduire le fardeau administratif des Premières Nations, qui devaient produire 20 rapports annuels au moyen de données provenant d’environ 1 500 sources, notamment :
- 119 000 élèves du primaire et du secondaire;
- 19 000 étudiants de niveau postsecondaire;
- 450 rapports sur des initiatives éducatives fondées sur des propositions;
- les activités de 110 centres d’éducation culturelle.
5.79 Selon les constatations d’un audit interne du système réalisé en décembre 2015, les Premières Nations n’avaient qu’un accès limité aux outils de déclaration pour pouvoir comparer, par exemple, les résultats des élèves de leurs collectivités à ceux d’autres régions. De plus, les Premières Nations ont reçu peu de formation sur le fonctionnement du système. L’audit a également révélé que certaines régions utilisaient leurs propres outils et processus pour surveiller les données sur l’éducation et faire rapport à ce sujet, ce qui a eu pour effet d’alourdir leur charge de travail.
5.80 Nous avons constaté qu’en 2017, Services aux Autochtones Canada n’avait toujours pas fourni aux Premières Nations et à leurs organisations l’accès aux données sur l’éducation et aux analyses connexes dans le Système d’information sur l’éducation. Le Ministère a indiqué que, de l’exercice 2008-2009 à l’exercice 2017-2018, il avait dépensé environ 64 millions de dollars pour élaborer, mettre en œuvre et exploiter son système d’information sur l’éducation.
5.81 Le lourd fardeau administratif imposé aux Premières Nations — Les Premières Nations nous ont fait savoir que les données exigées au sujet des programmes d’enseignement leur imposaient un lourd fardeau. Nous avons constaté qu’au cours de l’exercice 2017-2018, jusqu’à 13 formulaires comportant 920 champs de données devaient être remplis au titre des exigences du Ministère en matière de rapports. Un grand nombre de ces champs devaient être remplis pour chacun des élèves bénéficiant du financement du Ministère, soit environ 107 000 élèves du primaire et du secondaire et 24 000 étudiants de niveau postsecondaire au cours de l’exercice 2016-2017.
5.82 Nous avons aussi constaté que le Ministère n’avait pas beaucoup utilisé les données qu’il avait recueillies pour améliorer les résultats en matière d’éducation (comme il est expliqué aux paragraphes 5.62 à 5.66) ni éclairer les décisions importantes en matière de financement (voir les paragraphes 5.67 à 5.71). En outre, les Premières Nations et leurs organisations n’avaient pas entièrement accès aux données recueillies sur l’éducation ni aux analyses connexes (voir les paragraphes 5.77 à 5.80). À notre avis, en n’utilisant pas ces données, le Ministère a imposé un fardeau administratif inutile aux Premières Nations.
5.83 Recommandation — Avec la participation des Premières Nations et d’autres partenaires, Services aux Autochtones Canada devrait recueillir et utiliser les données et les communiquer aux Premières Nations de manière appropriée afin d’améliorer les résultats en matière d’éducation des membres des Premières Nations vivant dans les réserves.
Réponse du Ministère — Recommandation acceptée. Services aux Autochtones Canada a investi dans des relations avec les Premières Nations pour gérer les données sur l’éducation, y compris dans une collaboration continue pour déterminer les résultats importants en matière d’éducation qui remplaceraient l’approche actuelle. Ces buts renouvelés en matière d’éducation, de concert avec les mesures convenues et une stratégie de collecte de données, seront élaborés dans le cadre de la transformation prochaine de l’éducation primaire, secondaire et postsecondaire. Entre-temps, le Ministère échange activement des données avec les Premières Nations pour appuyer la transformation de l’éducation.
Rapports sur les résultats des Premières Nations en matière d’éducation
Les rapports publiés par le Ministère sur les résultats étaient incomplets et inexacts
Message général
5.84 Dans l’ensemble, nous avons constaté que les rapports en matière d’éducation présentés au Parlement par Services aux Autochtones Canada étaient inexacts. Le Ministère a surévalué le taux d’obtention d’un diplôme d’études secondaires des élèves des Premières Nations vivant dans les réserves. En effet, la méthode de calcul et de production de rapports qu’il a appliquée ne tenait pas compte des élèves qui avaient décroché entre les 9e et 11e années. Par exemple, les données communiquées par le Ministère démontraient qu’entre 2011 et 2016, environ un étudiant des Premières Nations sur deux en moyenne (soit 46 %) obtenait un diplôme. Or, selon nos calculs, seulement environ un étudiant sur quatre en moyenne (soit 24 %) obtenait un diplôme d’études secondaires dans un délai de quatre ans. De plus, les données du Ministère indiquaient qu’entre les exercices 2014-2015 et 2015-2016, ce taux s’était amélioré, alors que selon nos calculs, il s’était détérioré.
5.85 Nous avons également constaté que le Ministère n’avait pas fait rapport sur la plupart des résultats en matière d’éducation (17 sur 23), même s’il s’était engagé à le faire, pour vérifier si des progrès avaient été réalisés afin de combler l’écart dans ce domaine. Par exemple, il n’a pas fait rapport sur l’assiduité scolaire ni sur l’enseignement des langues des Premières Nations.
5.86 Ces constatations sont importantes parce qu’en l’absence d’information exhaustive et exacte, la population canadienne, les Premières Nations et les parlementaires ne pouvaient pas pleinement connaître l’état réel des résultats en matière d’éducation chez les Premières Nations ni les écarts à ce chapitre.
5.87 Notre analyse à l’appui de cette constatation rend compte de ce que nous avons examiné et porte sur :
- la présentation de rapports incomplets;
- la communication de données inexactes sur le taux d’obtention du diplôme d’études secondaires.
5.88 En vertu des politiques du Conseil du Trésor, les ministères doivent définir des indicateurs valables et fiables, assortis de cibles mesurables, et obtenir des données fiables, régulières et exactes permettant de surveiller les progrès et d’en rendre compte.
5.89 Notre recommandation relativement au secteur examiné est présentée au paragraphe 5.98.
5.90 Ce que nous avons examiné — Nous avons examiné si Services aux Autochtones Canada avait publié de l’information exhaustive et exacte sur les progrès globaux réalisés par le Ministère pour combler l’écart qui sépare les élèves des Premières Nations vivant dans les réserves des autres Canadiens en matière d’éducation. Nous avons également examiné des données extraites du Système d’information sur l’éducation du Ministère pour déterminer si les taux d’obtention du diplôme d’études secondaires tenaient compte des élèves qui avaient décroché avant d’entamer la 12e année.
5.91 La présentation de rapports incomplets — En 2000, le Ministère s’était engagé à définir des indicateurs de rendement appropriés et à publier un rapport tous les deux ans sur les progrès réalisés en vue de combler l’écart qui sépare les élèves des Premières Nations vivant dans les réserves des autres Canadiens en matière d’éducation. En 2010 et en 2014, le Ministère a établi une stratégie de mesure du rendement en matière d’éducation comportant des mesures de rendement précises.
5.92 Nous avons constaté que le Ministère n’avait pas fait rapport sur les résultats concernant la plupart des mesures. Plus particulièrement, sa stratégie de 2014 prévoyait 23 mesures précises, mais nous avons constaté que le Ministère n’avait jamais communiqué les résultats de 17 d’entre elles. Par exemple, il n’a pas fait rapport sur l’assiduité scolaire ni sur l’enseignement des langues autochtones. Nous avons constaté que le Ministère n’avait comparé les résultats des membres des Premières Nations à ceux des autres Canadiens dans aucune de ses deux stratégies, et ce, malgré l’objectif ultime de ces dernières de faire en sorte que les membres des Premières Nations atteignent des niveaux de scolarité comparables à ceux des autres Canadiens. Nous avons noté que la Colombie-Britannique avait publié un rapport annuel comparant les résultats des élèves autochtones et non autochtones en matière d’éducation (voir la pièce 5.3). Ce type de rapport est un bon exemple de la façon dont le Ministère pourrait communiquer les résultats en matière d’éducation.
Pièce 5.3 — La Colombie-Britannique publie chaque année un rapport sur les résultats des élèves autochtones et non autochtones en matière d’éducation
Depuis l’exercice 1998-1999, le gouvernement de la Colombie-Britannique publie chaque année le rapport How Are We Doing? ([traduction] « Où en sommes-nous? »), dans lequel il compare les résultats des élèves autochtones et non autochtones qui fréquentent les écoles publiques de la province. Ce rapport aide le ministère de l’Éducation, les collectivités autochtones et les arrondissements scolaires à examiner les enjeux, à formuler des recommandations et à prendre des mesures pour améliorer les résultats des élèves autochtones en matière d’éducation.
Le rapport présente des comparaisons en parallèle des résultats des élèves autochtones et non autochtones de la province dans son ensemble, ainsi que par arrondissement scolaire. Il comporte des données sur diverses mesures. Il présente notamment les résultats des tests standardisés en lecture, en écriture et en calcul des 4e et 7e années, ainsi que les notes finales moyennes pour tous les cours obligatoires des 10e, 11e et 12e années. Le rapport fournit également des données sur les taux d’achèvement des études secondaires pour les élèves autochtones et non autochtones, y compris une ventilation entre élèves obtenant le diplôme officiel d’études secondaires et élèves obtenant un simple certificat de fin d’études.
Enfin, le rapport présente des données sur la capacité des élèves autochtones et non autochtones à passer avec succès de l’école secondaire à un établissement d’études postsecondaires.
Source : Selon des renseignements provenant du rapport How Are We Doing? de 2015-2016 de la Colombie-Britannique (données non auditées)
5.93 Nous avons également constaté que Services aux Autochtones Canada n’avait pas évalué les mesures de rendement établies dans les stratégies de 2010 et de 2014 par rapport à des cibles cohérentes. Définir des cibles cohérentes et mesurables aide à améliorer les résultats et à amener des changements systémiques. Pourtant, au cours des sept exercices allant de 2010-2011 à 2016-2017, le Ministère a communiqué le taux d’obtention du diplôme d’études secondaires des membres des Premières Nations pour six exercices et les taux d’alphabétisation disponibles pour quatre exercices. Pendant cette période, la cible du Ministère pour le taux d’obtention du diplôme a changé à quatre reprises. En outre, le Ministère n’a pas établi de cible précise pour les taux d’alphabétisation avant l’exercice 2016-2017.
5.94 La communication de données inexactes sur le taux d’obtention du diplôme d’études secondaires — Nous avons constaté que le taux d’obtention du diplôme d’études secondaires des élèves des Premières Nations vivant dans les réserves communiqué par le Ministère était inexact. Le taux présenté tenait uniquement compte des élèves inscrits à la dernière année d’études secondaires. Il était donc surévalué puisque les élèves ayant décroché en 9e, 10e ou 11e année étaient exclus du calcul du Ministère. L’utilisation de données reposant uniquement sur la dernière année d’études secondaires d’un élève ne correspond pas à la méthode employée par la majorité des gouvernements provinciaux et par le Conseil des ministres de l’Éducation pour calculer les taux d’obtention du diplôme. Par exemple, le Manitoba divise le nombre d’élèves diplômés par le nombre total d’élèves qui étaient inscrits en 9e année quatre ans plus tôt.
5.95 À l’aide de données ministérielles des exercices 2011-2012 à 2015-2016, nous avons calculé un taux d’obtention du diplôme ou d’achèvement d’études secondaires tenant compte de tous les élèves ayant décroché en 9e, 10e ou 11e année (voir la pièce 5.4). Nous avons constaté que ces taux étaient inférieurs de 10 à 29 points de pourcentage à ceux présentés par le Ministère. Les données du Ministère indiquent qu’en moyenne, environ un élève des Premières Nations sur deux (soit 46 %) a terminé ses études. Or, nos calculs révèlent qu’en moyenne, seulement un élève ayant amorcé la 9e année sur quatre environ (soit 24 %) a achevé ses études secondaires dans un délai de quatre ans. À notre avis, toute personne qui se fierait aux seules données ministérielles ne serait pas pleinement informée. Par exemple, le Ministère a signalé que de l’exercice 2014-2015 à l’exercice 2015-2016, les taux d’obtention du diplôme avaient augmenté, alors qu’en fait nous avons constaté qu’ils avaient baissé.
Pièce 5.4 — Services aux Autochtones Canada a surévalué dans une proportion allant jusqu’à 29 points de pourcentage les taux d’obtention du diplôme ou d’achèvement d’études secondaires des élèves des Premières Nations
Exercice | Taux d’obtention du diplôme ou d’achèvement d’études secondaires selon les données publiées par le Ministère (12e année seulement) |
Taux d’obtention du diplôme ou d’achèvement d’études secondaires selon nos calculs (de la 9e à la 12e année) |
Taux de surévaluation par le Ministère (en points de pourcentage) |
---|---|---|---|
2011-2012 | 49 % | 20 % | 29 |
2012-2013 | 50 % | 24 % | 26 |
2013-2014 | 53 % | 26 % | 27 |
2014-2015 | 37 % | 27 % | 10 |
2015-2016 | 40 % | 24 % | 16 |
Moyenne sur cinq ans | 46 % | 24 % | 22 |
Remarque : Selon les documents du Ministère, les changements apportés aux méthodes de collecte de données ont fait augmenter considérablement et faussé les taux d’obtention d’un diplôme d’études secondaires chez les élèves des Premières Nations qui ont été communiqués au cours des exercices 2011-2012, 2012-2013 et 2013-2014. Les erreurs ont été corrigées pour l’exercice 2014-2015, ce qui a fait baisser les taux d’obtention du diplôme pour les exercices 2014-2015 et 2015-2016.
Sources : Selon des données extraites du Système d’information sur l’éducation et les rapports sur les résultats ministériels de Services aux Autochtones Canada
5.96 En outre, le calcul du taux d’obtention du diplôme d’études secondaires présenté par le Ministère (voir la pièce 5.4) englobait les élèves qui avaient obtenu un diplôme d’études secondaires reconnu par la province et ceux qui avaient reçu un certificat de fin d’études secondaires (ou leur équivalent). Or, les élèves qui ont obtenu un certificat auraient pu ne pas être admissibles aux études postsecondaires. À notre avis, les données présentées pour le diplôme et le certificat devraient faire l’objet d’un calcul de taux distinct. Nous notons que, pour cette raison, les taux que nous avons calculés et qui sont présentés à la pièce 5.4 ont eux aussi été surévalués, puisque les données du Ministère ne faisaient pas la distinction entre un diplôme et l’achèvement d’études secondaires.
5.97 Un autre exemple de communication de données inexactes est la manière dont le Ministère a rendu compte des résultats du Programme préparatoire à l’entrée au collège et à l’université. Dans son rapport ministériel sur le rendement de 2014-2015, le Ministère a signalé qu’au cours de l’exercice 2011-2012, 1 017 étudiants se préparaient à passer du Programme préparatoire à l’entrée au collège et à l’université à un établissement d’enseignement postsecondaire. Nous avons constaté, et le Ministère l’a confirmé, qu’il s’agissait d’une interprétation erronée des résultats. En fait, le nombre communiqué concernait simplement le nombre d’étudiants qui recevaient un soutien financier, et non le nombre d’étudiants qui avaient été acceptés dans un établissement d’enseignement postsecondaire.
5.98 Recommandation — Services aux Autochtones Canada devrait s’assurer que les données qu’il communique sur les résultats des Premières Nations en matière d’éducation sont complètes et exactes.
Réponse du Ministère — Recommandation acceptée. Services aux Autochtones Canada travaille activement avec les Premières Nations à la transformation de l’éducation primaire et secondaire et élaborera conjointement des résultats renouvelés en matière d’éducation, des mesures et une stratégie de données connexe. Parallèlement, le Ministère travaille avec les Premières Nations et autres partenaires autochtones à la transformation de l’éducation postsecondaire. Une entente de responsabilisation mutuelle et de pratiques communes favorisant une reddition de comptes complète et exacte sera comprise dans l’approche visant le renouvellement de l’éducation.
Conclusion
5.99 Nous avons conclu que Services aux Autochtones Canada n’avait pas mesuré de manière satisfaisante les progrès accomplis par le Canada en vue de combler les écarts socio-économiques entre les membres des Premières Nations vivant dans les réserves et les autres Canadiens, et qu’il n’en avait pas fait dûment rapport. Nous avons également conclu que le Ministère n’avait pas utilisé adéquatement les données à sa disposition pour améliorer les programmes d’enseignement.
À propos de l’audit
Le présent rapport de certification indépendant sur les écarts socio-économiques entre les membres des Premières Nations vivant dans les réserves et les autres Canadiens a été préparé par le Bureau du vérificateur général du Canada. La responsabilité du Bureau était de donner de l’information, une assurance et des avis objectifs au Parlement en vue de l’aider à examiner soigneusement la gestion que fait le gouvernement des ressources et des programmes et d’exprimer une conclusion à savoir si l’utilisation des données par le Ministère, y compris la mesure de ces données et la production de rapports, était conforme, dans tous ses aspects importants, aux critères applicables.
Tous les travaux effectués dans le cadre du présent audit ont été réalisés à un niveau d’assurance raisonnable conformément à la Norme canadienne de missions de certification (NCMC) 3001 — Missions d’appréciation directe de Comptables professionnels agréés du Canada (CPA Canada), qui est présentée dans le Manuel de CPA Canada — Certification.
Le Bureau applique la Norme canadienne de contrôle qualité 1 et, en conséquence, maintient un système de contrôle qualité exhaustif qui comprend des politiques et des procédures documentées en ce qui concerne la conformité aux règles de déontologie, aux normes professionnelles et aux exigences légales et réglementaires applicables.
Lors de la réalisation de nos travaux d’audit, nous nous sommes conformés aux règles sur l’indépendance et aux autres règles de déontologie des codes de conduite pertinents applicables à l’exercice de l’expertise comptable au Canada, qui reposent sur les principes fondamentaux d’intégrité, d’objectivité, de compétence professionnelle et de diligence, de confidentialité et de conduite professionnelle.
Conformément à notre processus d’audit, nous avons obtenu ce qui suit de la direction de l’entité :
- la confirmation de sa responsabilité à l’égard de l’objet considéré;
- la confirmation que les critères étaient valables pour la mission;
- la confirmation qu’elle nous a fourni toutes les informations dont elle a connaissance et qui lui ont été demandées ou qui pourraient avoir une incidence importante sur les constatations ou la conclusion contenues dans le présent rapport;
- la confirmation que les faits présentés dans le rapport sont exacts.
Objectif de l’audit
L’objectif de l’audit consistait à déterminer si Services aux Autochtones Canada avait mesuré de manière satisfaisante les progrès globaux accomplis par le Canada en vue de combler les écarts socio-économiques entre les membres des Premières Nations vivant dans les réserves et les autres Canadiens, et s’il en avait fait dûment rapport. Nous avons aussi vérifié si le Ministère avait utilisé adéquatement les données à sa disposition pour améliorer les programmes d’enseignement afin de combler les écarts en matière d’éducation.
Étendue et méthode
Nous avons examiné si Services aux Autochtones Canada avait noué un dialogue avec les Premières Nations afin de définir les composantes à utiliser pour mesurer le bien-être social et la prospérité économique des membres des Premières Nations vivant dans les réserves par rapport à ceux des autres Canadiens. Nous avons examiné comment le Ministère avait mesuré les progrès globaux accomplis en vue de combler les écarts socio-économiques, et comment il avait fait rapport à cet égard.
Nous avons également examiné si Services aux Autochtones Canada avait noué un dialogue avec les Premières Nations afin de pouvoir utiliser adéquatement les données à sa disposition pour améliorer les programmes visant à combler les écarts en matière d’éducation.
Dans le cadre de l’audit, nous n’avons pas examiné les éléments suivants :
- le rendement des organisations non fédérales, des collectivités des Premières Nations ou des organisations des Premières Nations;
- l’évaluation du caractère adéquat des ressources fédérales consacrées aux programmes et aux services destinés aux membres des Premières Nations vivant dans les réserves.
En résumé, notre méthode d’audit a consisté à :
- nous entretenir avec des représentants du gouvernement fédéral, des gouvernements provinciaux (Manitoba et Colombie-Britannique), des collectivités des Premières Nations et des organisations des Premières Nations;
- visiter sept collectivités des Premières Nations dans deux régions;
- analyser des données provenant du Système d’information sur l’éducation de Services aux Autochtones Canada;
- examiner d’autres sources d’information et documents pertinents.
Critères
Pour déterminer si Services aux Autochtones Canada avait mesuré de manière satisfaisante les progrès globaux accomplis par le Canada en vue de combler les écarts socio-économiques entre les membres des Premières Nations vivant dans les réserves et les autres Canadiens, s’il en avait fait dûment rapport, et s’il avait utilisé adéquatement les données pertinentes à sa disposition pour améliorer les programmes d’enseignement afin de combler les écarts en matière d’éducation, nous avons utilisé les critères suivants :
Critères | Sources |
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En collaboration avec les Premières Nations et d’autres ministères fédéraux, Services aux Autochtones Canada :
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Services aux Autochtones Canada utilise des données pertinentes pour évaluer les progrès et améliorer les résultats des programmes visant à combler les écarts entre les membres des Premières Nations vivant dans les réserves et les autres Canadiens en matière d’éducation. (Aux fins du présent audit, « utilise » signifie recueillir et analyser les données, les communiquer aux Premières Nations, et publier des rapports sur les progrès accomplis.) |
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Période visée par l’audit
L’audit a porté sur la période allant d’avril 2015 à décembre 2017. Il s’agit de la période à laquelle s’applique la conclusion de l’audit. Toutefois, afin de mieux comprendre l’objet considéré de l’audit, nous avons aussi examiné certains dossiers antérieurs à la date du début de notre audit.
Date du rapport
Nous avons fini de rassembler les éléments probants suffisants et appropriés à partir desquels nous avons fondé notre conclusion le 11 avril 2018, à Ottawa, au Canada.
Équipe d’audit
Directeur principal : Joe Martire
Directrice : Dawn Campbell
Alex Fontaine
Sean MacLennan
Joseph O’Brien
Jacqueline Warren
Tableau des recommandations
Le tableau qui suit regroupe les recommandations et les réponses apparaissant dans le présent rapport. Le numéro qui précède chaque recommandation correspond au numéro du paragraphe de la recommandation dans le rapport. Les chiffres entre parenthèses correspondent au numéro des paragraphes où le sujet de la recommandation est abordé.
Mesurer le bien-être dans les réserves des Premières Nations
Recommandation | Réponse |
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5.37 Avec la participation des Premières Nations et d’autres partenaires, Services aux Autochtones Canada devrait utiliser des données pertinentes pour mesurer de manière exhaustive le bien-être socio-économique général des membres des Premières Nations vivant dans les réserves comparativement à celui des autres Canadiens, et pour faire rapport à cet égard. Le Ministère devrait aussi mesurer les autres aspects du bien-être socio-économique jugés prioritaires par les Premières Nations, comme la langue et la culture, qui ne seraient peut-être pas directement comparables aux priorités des autres Canadiens, et faire rapport à cet égard. (5.24 à 5.36) |
Réponse du Ministère — Recommandation acceptée. Services aux Autochtones Canada s’appuiera sur l’Indice du bien-être des collectivités en élaborant, en collaboration avec les Premières Nations et d’autres partenaires, un tableau de bord du bien-être reflétant les mesures convenues d’un commun accord pour mesurer et rapporter les écarts socio-économiques. Une grande partie de ce travail est déjà commencé avec l’Assemblée des Premières Nations et d’autres partenaires dans l’élaboration d’une nouvelle relation financière. Cela comprend une vision commune de la responsabilité mutuelle et le développement conjoint d’un cadre national axé sur les résultats qui met à profit les objectifs de développement durable 2030 des Nations Unies. Dans le cadre de ce développement conjoint, le Ministère continuera de travailler en étroite collaboration avec les Premières Nations pour veiller à ce que les rapports sur le bien-être des Premières Nations intègrent d’autres résultats et mesures exhaustives qui sont importants pour les Premières Nations. |
Recueillir, utiliser et partager les données sur l’éducation des Premières Nations
Recommandation | Réponse |
---|---|
5.83 Avec la participation des Premières Nations et d’autres partenaires, Services aux Autochtones Canada devrait recueillir et utiliser les données et les communiquer aux Premières Nations de manière appropriée afin d’améliorer les résultats en matière d’éducation des membres des Premières Nations vivant dans les réserves. (5.49 à 5.55, 5.61 à 5.71, 5.76 à 5.82) |
Réponse du Ministère — Recommandation acceptée. Services aux Autochtones Canada a investi dans des relations avec les Premières Nations pour gérer les données sur l’éducation, y compris dans une collaboration continue pour déterminer les résultats importants en matière d’éducation qui remplaceraient l’approche actuelle. Ces buts renouvelés en matière d’éducation, de concert avec les mesures convenues et une stratégie de collecte de données, seront élaborés dans le cadre de la transformation prochaine de l’éducation primaire, secondaire et postsecondaire. Entre-temps, le Ministère échange activement des données avec les Premières Nations pour appuyer la transformation de l’éducation. |
Rapports sur les résultats des Premières Nations en matière d’éducation
Recommandation | Réponse |
---|---|
5.98 Services aux Autochtones Canada devrait s’assurer que les données qu’il communique sur les résultats des Premières Nations en matière d’éducation sont complètes et exactes. (5.90 à 5.97) |
Réponse du Ministère — Recommandation acceptée. Services aux Autochtones Canada travaille activement avec les Premières Nations à la transformation de l’éducation primaire et secondaire et élaborera conjointement des résultats renouvelés en matière d’éducation, des mesures et une stratégie de données connexe. Parallèlement, le Ministère travaille avec les Premières Nations et autres partenaires autochtones à la transformation de l’éducation postsecondaire. Une entente de responsabilisation mutuelle et de pratiques communes favorisant une reddition de comptes complète et exacte sera comprise dans l’approche visant le renouvellement de l’éducation. |