Les obstacles systémiques — Service correctionnel Canada

Déclaration d’ouverture devant le Comité permanent des comptes publics

Les obstacles systémiques — Service correctionnel Canada

(Rapport 4 — Rapports de 2022 de la vérificatrice générale du Canada)

Le 9 février 2023

Karen Hogan, Fellow comptable professionnelle agrééeFCPA
Vérificatrice générale du Canada

Monsieur le Président, je vous remercie de nous donner l’occasion de discuter de notre rapport sur les obstacles systémiques, qui a été déposé à la Chambre des communes le 31 mai 2022. Je tiens à reconnaître que cette audience se déroule sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinaabe. Je suis accompagnée aujourd’hui de Carol McCalla et de Steven Mariani, qui étaient responsables de l’audit.

Dans cet audit, nous avons examiné si Service correctionnel Canada répondait aux besoins diversifiés de sa population carcérale. Nous avons constaté que Service correctionnel Canada n’avait pas réussi à cerner ni à éliminer les obstacles systémiques qui continuaient à défavoriser certains groupes de personnes détenues. La surreprésentation des détenus autochtones et noirs s’est aggravée en raison de la classification à un niveau de sécurité supérieur, du retard de la prestation des programmes correctionnels et de l’accès retardé à la libération conditionnelle. Nous avions soulevé des enjeux semblables en 2015, en 2016 et en 2017, et le présent audit a relevé que Service correctionnel Canada en avait peu fait pour remédier aux différences dans les résultats correctionnels, particulièrement en ce qui concerne les délinquantes et délinquants autochtones et noirs.

Ces délinquants étaient confrontés à des disparités dès leur admission dans un établissement fédéral. Par exemple, les hommes autochtones et noirs avaient été classés à niveau de sécurité maximale à un taux deux fois plus élevé que d’autres détenus, et représentaient la moitié de tous les placements à sécurité maximale.

Nous avons aussi constaté que les femmes autochtones étaient placées dans un établissement à sécurité maximale à un taux 3 fois plus élevé par rapport aux femmes non autochtones, et qu’elles représentaient presque 70 % des placements à sécurité maximale.

La fiabilité de l’Échelle de classement par niveau de sécurité qu’utilise Service correctionnel Canada pour déterminer la cote de sécurité initiale n’avait pas été validée depuis 2012, et elle n’avait jamais été validée pour évaluer les délinquantes et délinquants noirs. Nous avons constaté que le personnel correctionnel dérogeait souvent aux résultats de l’Échelle de classement en attribuant une cote de sécurité plus élevée aux délinquantes et délinquants autochtones sans vraiment tenir compte des particularités culturelles ou axées sur la justice réparatrice.

Les programmes correctionnels visent à préparer les personnes détenues pour une mise en liberté conditionnelle en toute sécurité et à favoriser leur réinsertion sociale. Nous avons constaté une dégradation continue de l’accès en temps opportun aux programmes correctionnels pour tous les groupes de délinquants par rapport à nos audits antérieurs. Cette dégradation a empiré pendant la pandémie de COVID‑19. En date de décembre 2021, seulement 6 % des hommes détenus avaient achevé les programmes dont ils avaient besoin avant leur première date d’admissibilité à une libération conditionnelle.

Même si la majorité des personnes détenues avaient été mises en liberté conditionnelle avant la fin de leur peine, les délinquants autochtones étaient restés en détention plus longtemps que les autres et dans des établissements à sécurité plus élevée jusqu’à leur mise en liberté. Depuis le début de la pandémie, les personnes autochtones et les personnes noires détenues étaient plus susceptibles d’être mises en liberté à leur date de libération d’office.

Les personnes autochtones et les personnes noires détenues étaient aussi plus susceptibles d’être libérées directement dans la collectivité à partir d’établissements à sécurité maximale. Les femmes autochtones représentaient notamment les deux tiers des détenues libérées d’établissements à sécurité maximale pour femmes et ne pouvaient donc pas profiter d’une réinsertion progressive dans la collectivité qui favoriserait la réussite de leur réinsertion sociale.

En ce qui concerne son effectif, Service correctionnel Canada n’a pas déployé des efforts suffisants pour favoriser une plus grande équité, diversité et inclusion. Il s’était engagé à établir un effectif qui reflète la diversité de la population de délinquants, mais n’avait pas encore établi de plan pour combler les écarts de représentation au sein de son effectif. Nous avons notamment constaté des écarts de représentation au sein de l’effectif dans les établissements en ce qui a trait aux délinquantes et délinquants autochtones et noirs, ainsi que des écarts de représentation des femmes parmi l’effectif des établissements pour femmes.

Il s’agit de notre quatrième audit depuis 2015 qui montrent des résultats piètres et qui s’aggravent pour différents groupes de délinquants. Service correctionnel Canada a pris peu de mesures concrètes pour modifier les politiques, procédures et pratiques d’apparence neutres qui produisent ces résultats. En novembre 2020, Service correctionnel Canada avait reconnu l’existence de racisme systémique dans le système correctionnel. Il est grand temps qu’il élimine les obstacles systémiques relevés dans notre rapport.

Monsieur le Président, je termine ainsi se termine ma déclaration d’ouverture. Nous serions heureux de répondre aux questions des membres du Comité. Merci.