2022 — Rapports 1 à 4 de la vérificatrice générale du Canada au Parlement du Canada Rapport de l’auditeur indépendantRapport 4 — Les obstacles systémiques — Service correctionnel Canada

2022 — Rapports de la vérificatrice générale du Canada au Parlement du CanadaRapport 4 — Les obstacles systémiques — Service correctionnel Canada

Illustration contenant une citation du rapport

Rapport de l’auditeur indépendant

Table des matières

Introduction

Information générale

4.1 Le profil démographique de la population carcérale a évolué au cours des 10 dernières années (voir la pièce 4.1). La surreprésentation des Autochtones dans le système correctionnel fédéral s’est aggravée. Il faut savoir que les Autochtones représentaient 4 % de la population adulte canadienne, mais 27 % de toutes les personnes détenues dans les établissements fédéraux au cours de l’exercice 2020‑2021. En particulier, 43 % des femmes incarcérées dans un établissement fédéral étaient autochtones. Elles forment le segment de la population qui affiche la plus forte croissance dans les établissements correctionnels fédéraux. Parmi les minorités visibles, les détenus noirs sont surreprésentés dans les établissements fédéraux, puisqu’ils constituent 3 % de la population adulte canadienne, mais 8 % de l’ensemble des détenus dans les établissements fédéraux.

Pièce 4.1 — Évolution démographique de la population de délinquants

Graphique illustrant l’évolution démographique de la population de délinquants

Remarque : Les groupes de population illustrés sont fondés sur les réponses données par les délinquants.

Source : Selon des renseignements fournis par Service correctionnel Canada.

Pièce 4.1 — version textuelle

Ce graphique illustre l’évolution démographique de la population de délinquants sur 10 exercices, soit de 2011 à 2021. Il montre également quatre groupes de délinquants : les Blancs, les Autochtones, les minorités visibles et les autres groupes. Les groupes de population indiqués sont fondés sur les réponses fournies par les délinquants.

Au cours de la période de 10 exercices, le nombre de délinquants blancs a diminué, tandis que le nombre de délinquants issus de groupes autochtones et d’autres groupes de délinquants a augmenté. La population de minorités visibles est demeurée stable.

Le nombre de délinquants blancs a diminué de façon constante, passant de 14 286 (ou 63 % de l’ensemble des délinquants) au cours de l’exercice 2011‑2012 à 11 234 (ou 52 % de l’ensemble des délinquants) au cours de l’exercice 2020‑2021.

Le nombre de délinquants autochtones a augmenté de façon constante, passant de 4 470 (ou 20 % de l’ensemble des délinquants) au cours de l’exercice 2011‑2012 à 5 790 (ou 27 % de l’ensemble des délinquants) au cours de l’exercice 2020‑2021. Les populations autochtones sont composées de délinquants des Premières Nations, inuit et métis.

Le nombre de délinquants appartenant à une minorité visible est demeuré stable, avec une légère baisse, passant de 3 265 au cours de l’exercice 2011‑2012 à 3 172 au cours de l’exercice 2020‑2021. Le pourcentage de délinquants appartenant à une minorité visible est également demeuré stable, soit 14 % de l’ensemble des délinquants au cours de l’exercice 2011‑2012 et 15 % au cours de l’exercice 2020‑2021. Les délinquants appartenant à une minorité visible comprennent ceux qui s’identifient comme faisant partie de l’un des groupes suivants : Sud‑Asiatique, Chinois, Noir, Philippin, Arabe, Latino-Américain, Asiatique du Sud‑Est, Asiatique occidental, Coréen et Japonais. Les délinquants de race noire constituent le groupe de minorités visibles le plus important.

Le nombre de délinquants qui n’ont pas précisé leur appartenance à une catégorie démographique est indiqué dans un groupe de population nommé « Autre ». Le nombre de ces délinquants a augmenté de façon constante, passant de 724 (ou 3 % de l’ensemble des délinquants) au cours de l’exercice 2011‑2012 à 1 211 (ou 6 % de l’ensemble des délinquants) au cours de l’exercice 2020‑2021.

4.2 En 2015, la Commission de vérité et de réconciliation du Canada a lancé plusieurs appels à action visant la surreprésentation des Autochtones au sein du système de justice pénale du Canada. Dans son rapport, elle demandait au gouvernement fédéral d’offrir aux Autochtones des services culturellement significatifs afin de réduire la surreprésentation des Autochtones dans les établissements correctionnels fédéraux et de corriger l’écart de longue date pour ce qui est des résultats obtenus par les délinquants autochtones.

4.3 Le ministre de la Sécurité publique a admis qu’il fallait de toute urgence lutter contre les obstacles systémiques que doivent affronter tous les détenus et la commissaire de Service correctionnel Canada s’est engagée à le faire. En novembre 2020, Service correctionnel Canada a reconnu qu’il y avait du racisme systémique au sein du système correctionnel et a lancé un cadre de lutte contre le racisme afin de recenser et de supprimer les obstacles systémiques dans le système correctionnel, en mettant l’accent sur le personnel et les délinquants.

4.4 Service correctionnel Canada emploie plus de 17 000 personnes et, à titre d’employeur, il est tenu de favoriser la diversité au sein de son effectif. Il reconnaît aussi qu’un effectif qui reflète la diversité de la population de délinquants est plus susceptible de posséder les compétences culturelles, la sensibilité et le tact nécessaires pour mettre en œuvre des programmes et des services conçus pour favoriser la réussite de la réinsertion sociale des délinquants.

4.5 Au cours de l’exercice 2020‑2021, Service correctionnel Canada a consacré 496 millions de dollars à la mise en œuvre de programmes correctionnels destinés aux personnes détenues, ce qui représente 18 % de l’enveloppe de 2,8 milliards de dollars qu’il a consacrée à ses activités au cours de cet exercice. Les programmes correctionnels visent à réduire les risques de récidive. Ils ciblent les comportements criminels, notamment les violences, les toxicomanies et les agressions sexuelles. Service correctionnel Canada met aussi en œuvre des programmes qui sont adaptés aux besoins uniques des femmes et des Autochtones. Aux termes d’une modification apportée à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition en 2019, Service correctionnel Canada est aussi tenu d’offrir des programmes et des services qui répondent aux besoins uniques des membres des minorités visibles.

4.6 Service correctionnel Canada est chargé d’administrer les peines de deux ans ou plus prononcées par les tribunaux contre des délinquants. Il offre des services correctionnels qui visent à réduire le risque que des délinquants posent pour la sécurité publique et à les préparer à une libération conditionnelle. C’est donc dire que le moment où les délinquants bénéficient de ces services influe sur la durée de leur détention.

4.7 La durée moyenne de la plupart des peines de détention purgées dans des établissements fédéraux est inférieure à quatre ans (voir la pièce 4.2), ce qui signifie que les détenus peuvent demander une libération conditionnelle dans l’année qui suit leur incarcération. Pour préparer un délinquant à son audience de libération conditionnelle, Service correctionnel Canada évalue la pertinence de la libération conditionnelle de chaque détenu et recommande ou non sa libération. Les décisions d’accorder une libération conditionnelle (et la détermination des conditions applicables) sont prises par la Commission des libérations conditionnelles du Canada, qui est un organisme indépendant.

Pièce 4.2 — Les délinquants sont admis à une libération avant la fin de leur peine

Chronologie illustrant à quel moment les délinquants sont admissibles à différents types de libération

Remarque : La chronologie illustre le déroulement d’une peine de détention de 4 ans. Au cours de la période visée par l’audit, 72 % des délinquants admis dans un établissement fédéral avaient été condamnés à une peine de 2 à 4 ans. N’inclut pas les délinquants purgeant une peine d’emprisonnement à vie.

Pièce 4.2 — version textuelle

Cette chronologie illustre les moments auxquels les délinquants, autres que ceux qui purgent une peine d’emprisonnement à vie, sont admissibles à différents types de libération et s’appuie sur l’exemple d’une peine de détention de quatre ans. Au cours de la période visée par l’audit, 72 % des délinquants admis dans un établissement fédéral avaient été condamnés à une peine de deux à quatre ans.

Au début de la chronologie, le délinquant est condamné à une peine de 48 mois (ou quatre ans).

Le délinquant est admissible à une semi-liberté six mois avant le tiers de sa peine, soit à 10 mois pour un délinquant purgeant une peine de quatre ans.

Le délinquant est admissible à une libération conditionnelle totale au tiers de sa peine, soit à 16 mois pour un délinquant purgeant une peine de quatre ans.

Le délinquant est admissible à une libération d’office aux deux tiers de sa peine, soit à 32 mois pour un délinquant purgeant une peine de quatre ans.

Le mandat du délinquant expire, et la peine se termine après 48 mois de détention pour un délinquant purgeant une peine de quatre ans.

4.8 La pandémie de maladie à coronavirus (COVID‑19)Définition 1 a eu des répercussions importantes sur la population et les activités gouvernementales depuis la mi‑mars 2020. La pandémie n’a pas épargné non plus les établissements correctionnels. Des éclosions de COVID‑19 ont frappé plusieurs établissements, les forçant à adopter des directives sanitaires sur la distanciation physique et l’isolement. Résultat, Service correctionnel Canada a dû adapter ses modes traditionnels de mise en œuvre des programmes et services correctionnels destinés aux personnes détenues.

4.9 Lors de nos audits de 2015, de 2016 et de 2017 de Service correctionnel Canada, nous avions constaté qu’il y avait des obstacles à la préparation à la mise en liberté en temps opportun de la majorité des personnes détenues. Plus particulièrement, nous avions constaté qu’un nombre plus élevé de délinquants autochtones avaient été placés dans des établissements à sécurité maximale au moment de leur admission, par rapport aux délinquants non autochtones, et qu’ils n’avaient pas eu accès en temps opportun à des programmes correctionnels, y compris ceux conçus pour répondre expressément à leurs besoins. Dans l’ensemble, ces audits indiquaient que Service correctionnel Canada avait rarement recommandé la mise en liberté conditionnelle des délinquants et lorsqu’il l’avait fait, c’était généralement des mois après qu’ils étaient devenus admissibles.

4.10 Service correctionnel Canada doit fournir des programmes et des services correctionnels qui traitent des comportements criminels des délinquants et favorisent leur réinsertion sociale à titre de citoyens respectueux des lois. Les programmes et les approches correctionnels doivent respecter le genre et la spécificité ethnique, culturelle, religieuse et linguistique des délinquants, ainsi que leur orientation sexuelle et leur identité et expression de genre. Les programmes doivent aussi répondre aux besoins particuliers des femmes, des Autochtones, des minorités visibles et des personnes qui ont besoin de services de santé mentale, entre autres. De plus, la commissaire de Service correctionnel Canada, à titre d’administratrice générale de l’organisme, est chargée de favoriser l’établissement d’un effectif diversifié et inclusif qui répond aux objectifs relatifs à l’équité en matière d’emploi pour le personnel et les cadres, ou les dépasse.

Objet de l’audit

4.11 Cet audit visait à déterminer si les programmes de Service correctionnel Canada étaient adaptés à la diversité de la population de délinquants afin de favoriser le succès de leur réinsertion sociale en toute sécurité. L’audit a notamment porté sur les politiques et les pratiques mises en œuvre par Service correctionnel Canada pour promouvoir l’équité, la diversité et l’inclusion.

4.12 Cet audit est important parce que Service correctionnel Canada est chargé de préparer les détenus en vue de leur libération en toute sécurité dans la collectivité et d’offrir des programmes et des mesures qui sont adaptés aux besoins uniques des femmes, des peuples autochtones et des minorités visibles.

4.13 La section intitulée À propos de l’audit, à la fin du présent rapport, donne des précisions sur l’objectif, l’étendue, la méthode et les critères de l’audit.

Constatations, recommandations et réponses

Message général

4.14 Dans l’ensemble, nous avons constaté que Service correctionnel Canada n’avait pas traité ni éliminé les obstacles systémiques, relevés lors de nos audits précédents, qui continuaient de défavoriser certains groupes de détenus. Il n’a pas non plus défini un plan pour établir un effectif qui reflétait mieux la diversité de la population de délinquants. Par conséquent, les détenus autochtones et noirs se sont heurtés à un plus grand nombre d’obstacles sur la voie d’une réinsertion sociale sécuritaire et progressive que les autres groupes de détenus.

4.15 Les délinquants sont confrontés à des disparités dès leur admission dans un établissement fédéral. En raison du processus de classement par niveau de sécurité, y compris du recours à l’Échelle de classement par niveau de sécurité et aux dérogations fréquentes aux résultats de l’Échelle par le personnel correctionnel, un nombre disproportionnellement élevé de délinquants autochtones et noirs a été placé dans des établissements à sécurité maximale. Même si la majorité des délinquants ont été mis en liberté sous condition avant la fin de leur peine, les délinquants autochtones et noirs sont restés détenus plus longtemps que les autres, à un niveau de sécurité plus élevé.

4.16 Les programmes correctionnels sont conçus pour préparer les personnes détenues en vue d’une libération conditionnelle et favoriser leur réinsertion sociale. En 2015, en 2016 et en 2017, nous avions signalé qu’un accès en temps opportun à ces programmes constituait un problème pour les délinquants. Nous avions alors constaté que Service correctionnel Canada n’avait pas réussi à trouver une solution adéquate pour corriger ce problème de longue date. Par ailleurs, l’accès aux programmes s’est dégradé davantage pendant la pandémie de COVID‑19. De fait, 94 % des hommes purgeant une peine de deux à quatre ans qui avaient été libérés d’avril à décembre 2021 n’avaient pas terminé les programmes correctionnels dont ils avaient besoin avant leur première date d’admissibilité à la semi‑liberté. Il s’agit d’un obstacle qui les a empêchés de purger le reste de leur peine dans la collectivité sous surveillance.

4.17 Les efforts de Service correctionnel Canada pour favoriser une plus grande équité, diversité et inclusion en milieu de travail n’ont pas été suffisants, ce qui a permis à des obstacles de perdurer. Près du quart des membres de la direction et du personnel de Service correctionnel Canada n’avaient toujours pas suivi la formation obligatoire sur la diversité un an après la date butoir. Nous avons noté des écarts de représentation pour les Autochtones au sein des agents correctionnels dans tous les établissements, des écarts de représentation pour les personnes de race noire parmi les agents de programmes et de libération conditionnelle dans les établissements ayant un nombre élevé de détenus noirs, et des écarts dans la représentation des femmes au sein des agents correctionnels dans les établissements pour femmes.

Les personnes détenues font face à des obstacles systémiques

Les délinquants autochtones et noirs ont été placés dans des établissements à sécurité plus élevée

4.18 Nous avons constaté que le taux de délinquants autochtones et noirs qui avaient été classés à un niveau de sécurité plus élevé lors de leur admission dans un établissement correctionnel était le double du taux moyen des autres délinquants. Toutefois, la fiabilité de l’outil de classement de sécurité de Service correctionnel Canada, l’Échelle de classement par niveau de sécurité, n’avait pas été validée depuis 2012 et son utilisation n’avait jamais été validée expressément pour les délinquants noirs. Nous avons aussi constaté que les délinquants autochtones étaient plus susceptibles de voir leur classement initial à un niveau de sécurité être relevé à la suite de dérogations aux résultats de l’Échelle de classement par niveau de sécurité. En outre, nous avons constaté qu’il y avait eu moins de dérogations en faveur d’un niveau de sécurité minimale pour les délinquants autochtones par rapport aux délinquants non autochtones.

4.19 L’analyse à l’appui de cette constatation porte sur :

4.20 Cette constatation est importante parce que le placement initial par niveau de sécurité des délinquants a des répercussions sur leurs possibilités de libération conditionnelle et la durée de leur détention. Les délinquants qui sont placés initialement dans un établissement à sécurité minimale sont plus susceptibles de bénéficier d’une libération conditionnelle à leur première date d’admissibilité que ceux qui sont classés à un niveau de sécurité plus élevé. Il est donc primordial de recenser les outils, les pratiques et les politiques qui désavantagent certains groupes afin d’éliminer les obstacles au sein du système correctionnel.

4.21 Aux termes de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, chaque délinquant admis dans un établissement correctionnel est classé à un niveau de sécurité (maximal, moyen ou minimal). Le niveau de sécurité est déterminé en fonction d’une évaluation du degré de surveillance nécessaire, du risque d’évasion du délinquant et du risque qu’il pose pour la sécurité publique en cas d’évasion. Les évaluations tiennent compte de la gravité de l’infraction commise, des antécédents sociaux et du casier judiciaire du délinquant et du risque que ce dernier ait un comportement violent.

4.22 En juin 2019, la Loi a été modifiée afin d’interdire la prise en compte de tout facteur systémique et historique touchant les délinquants autochtones pour évaluer le risque de sécurité qu’ils posent, sauf dans les cas où cela pourrait abaisser leur niveau de sécurité. Service correctionnel Canada a donc établi des directives et une formation pour aider le personnel correctionnel lors de l’examen des antécédents sociaux des Autochtones (voir la pièce 4.3).

Pièce 4.3 — Prise en considération des antécédents sociaux des Autochtones

La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition exige que Service correctionnel Canada tienne compte des facteurs systémiques et historiques dans les décisions concernant les délinquants autochtones, en ce qui a trait notamment à leur cote de sécurité et à leur placement pénitentiaire.

Les antécédents sociaux des Autochtones englobent à la fois la situation particulière du délinquant et les injustices historiques liées à la surreprésentation des Autochtones dans le système de justice pénale, comme les traumatismes intergénérationnels, la dépossession et la perte de l’identité culturelle et spirituelle. En tenant compte de ces facteurs, Service correctionnel Canada peut offrir au délinquant une solution qui tient compte des particularités culturelles ou axée sur la justice réparatrice, par exemple le travail avec un aîné ou le placement dans un pavillon de ressourcement.

La prise en considération des antécédents sociaux des Autochtones est importante, car elle permet aux personnes ayant un pouvoir décisionnel de mieux comprendre les facteurs qui ont contribué à la situation d’un délinquant et elle peut aider Service correctionnel Canada à éliminer les obstacles systémiques.

L’outil relatif aux antécédents sociaux des Autochtones de Service correctionnel Canada comprend un processus en quatre étapes conçu pour guider les agents dans les pratiques de gestion des cas, notamment dans le cadre des évaluations de sécurité. Toutefois, la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition ne permet pas à Service correctionnel Canada de prendre en considération les antécédents sociaux des Autochtones, à moins que ceux‑ci aient une incidence neutre ou favorable sur le niveau de risque que présente un délinquant. Autrement dit, les antécédents et l’outil ne peuvent pas être utilisés pour classer un délinquant à un niveau de sécurité plus élevé.

Processus en quatre étapes de l’outil relatif aux antécédents sociaux des Autochtones

1 — Examen

Examiner les facteurs systémiques directs et indirects et les antécédents familiaux qui pourraient avoir eu des répercussions sur la personne.

2— Analyse

Au moment de présenter des recommandations et de prendre des décisions, il faut analyser comment les facteurs systémiques et contextuels ont eu des répercussions sur les actions et les comportements de la personne.

3 — Options

Déterminer et prendre en considération les options tenant compte des particularités culturelles et/ou axées sur la justice réparatrice qui pourraient contribuer à réduire, à traiter et à gérer le risque global.

4 — Consignation

Consigner les justifications utilisées dans les recommandations et les décisions, y compris les options tenant compte des particularités culturelles et/ou axées sur la justice réparatrice prises en considération dans le processus.

Source : Outil relatif aux antécédents sociaux des Autochtones, Service correctionnel Canada, 2021

4.23 En 2019, l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées publiait diverses recommandations sur les détenues autochtones. Plus particulièrement, l’Enquête demandait à Service correctionnel Canada « d’évaluer, de mettre à jour et de mettre au point des échelles et des outils de classification des cotes de sécurité qui sont sensibles aux subtilités des antécédents et des réalités des Autochtones ». Elle demandait la création d’un poste de sous‑commissaire responsable des services correctionnels pour les Autochtones afin d’assurer une reddition de comptes à l’égard des questions autochtones. En juin 2021, le gouvernement fédéral publiait un plan d’action en réponse à l’enquête. Service correctionnel Canada s’engageait par ailleurs à trouver une solution au nombre disproportionné d’Autochtones qui étaient incarcérés et à améliorer les résultats obtenus par les femmes autochtones dans le système correctionnel.

4.24 Notre recommandation relativement au secteur examiné est présentée au paragraphe 4.33.

L’Échelle de classement par niveau de sécurité non validée récemment

4.25 L’Échelle de classement par niveau de sécurité est un outil actuariel qui est utilisé lors du processus visant à déterminer le classement initial par niveau de sécurité des délinquants. Elle est utilisée pour tous les délinquants qui sont admis dans un établissement correctionnel fédéral. L’Échelle accorde une plus grande importance, entre autres, à l’âge du délinquant au moment de la détermination de sa peine, à son âge lors de sa première détention dans un établissement fédéral et au nombre de condamnations antérieures. Or, même si l’âge d’un délinquant constitue un bon indicateur de l’inconduite en milieu carcéral, ce facteur peut désavantager les délinquants autochtones et noirs en particulier, car ils sont surreprésentés dans le système pénal. En effet, les délinquants autochtones et noirs sont, en moyenne, plus jeunes que les autres délinquants admis en détention.

4.26 Nous avons constaté qu’un plus grand nombre de délinquants autochtones et noirs avaient été placés à un niveau de sécurité moyenne ou maximale au moment de leur incarcération que la moyenne (voir la pièce 4.4). De fait, un taux deux fois plus élevé d’hommes autochtones et noirs ont été placés dans des établissements à sécurité maximale : ils constituaient 51 % de tous les placements à sécurité maximale. Nous avons aussi constaté qu’un taux trois fois plus élevé de femmes autochtones avaient été placées dans un établissement à sécurité maximale, par rapport aux femmes non autochtones, et qu’elles représentaient presque 70 % des placements à sécurité maximale. Les résultats étaient similaires pour les quatre exercices que nous avons examinés à la fois pour les hommes et pour les femmes.

Pièce 4.4 — Surreprésentation des délinquants autochtones et noirs placés initialement dans un établissement à sécurité maximale (avril 2018 à décembre 2021)

Graphiques illustrant le nombre de délinquants par groupe démographique, les pourcentages selon différents niveaux de sécurité et les comparaisons entre différents groupes de population

Remarque : Les pourcentages dans les tableaux ci‑dessus ont été arrondis.

Source : Selon des renseignements fournis par Service correctionnel Canada

Pièce 4.4 — version textuelle

Les tableaux et les graphiques présentés dans cette pièce contiennent trois principaux types de renseignements pour la période d’avril 2018 à décembre 2021, soit le nombre d’admissions de délinquantes et de délinquants par groupe démographique, le pourcentage de l’ensemble des admissions de délinquantes et de délinquants, par groupe démographique, et le pourcentage de délinquantes et de délinquants placés initialement dans un établissement à sécurité maximale, par groupe démographique.

Dans l’ensemble, les femmes autochtones et les hommes autochtones et de race noire représentaient un pourcentage plus élevé des délinquants ayant reçu un classement initial de sécurité maximale par rapport aux délinquants d’autres groupes de population. En revanche, sur l’ensemble des admissions, le pourcentage des femmes autochtones et des hommes autochtones et de race noire était plus faible que celui des autres groupes.

Entre avril 2018 et décembre 2021, 13 647 hommes ont été admis dans un établissement correctionnel fédéral. De ce nombre, 30 % ont reçu un classement de sécurité minimale, 61 %, un classement de sécurité moyenne et 9 %, un classement de sécurité maximale.

Il y avait 6 831 délinquants blancs de sexe masculin : 36 % ont reçu un classement de sécurité minimale, 58 %, un classement de sécurité moyenne et 6 %, un classement de sécurité maximale.

Il y avait 3 880 délinquants autochtones de sexe masculin : 19 % ont reçu un classement de sécurité minimale, 70 %, un classement de sécurité moyenne et 11 %, un classement de sécurité maximale.

Il y avait 1 134 délinquants noirs de sexe masculin : 23 % ont reçu un classement de sécurité minimale, 62 %, un classement de sécurité moyenne et 15 %, un classement de sécurité maximale.

Il y avait 277 délinquants arabes et asiatiques occidentaux de sexe masculin : 36 % ont reçu un classement de sécurité minimale, 56 %, un classement de sécurité moyenne et 8 %, un classement de sécurité maximale.

Il y avait 216 délinquants asiatiques orientaux et du Sud-Est de sexe masculin : 43 % ont reçu un classement de sécurité minimale, 50 %, un classement de sécurité moyenne et 7 %, un classement de sécurité maximale.

Il y avait 186 délinquants sud-asiatiques de sexe masculin : 47 % ont reçu un classement de sécurité minimale, 46 %, un classement de sécurité moyenne et 7 %, un classement de sécurité maximale.

Il y avait 180 délinquants latino-américains : 38 % ont reçu un classement de sécurité minimale, 56 %, un classement de sécurité moyenne et 6 %, un classement de sécurité maximale.

Dans le groupe de population nommé « Autre », il y avait 943 délinquants de sexe masculin. Les pourcentages relatifs aux niveaux de sécurité minimale, moyenne et maximale n’ont pas été fournis.

Le pourcentage de l’ensemble des admissions des différents groupes de population de délinquants de sexe masculin a été comparé au pourcentage de délinquants de sexe masculin placés initialement dans un établissement à sécurité maximale. Les hommes autochtones représentaient 28,4 % de toutes les admissions, mais 36,3 % des délinquants de sexe masculin ayant reçu un classement initial de sécurité maximale. Les hommes noirs représentaient 8,3 % de toutes les admissions, mais 14,3 % des délinquants de sexe masculin ayant reçu un classement initial de sécurité maximale. Ensemble, les hommes autochtones et noirs représentaient 36,7 % de toutes les admissions, mais 50,6 % des délinquants de sexe masculin ayant reçu un classement initial de sécurité maximale. En revanche, tous les autres groupes représentaient 63,3 % de l’ensemble des admissions, mais 49,4 % des délinquants de sexe masculin ayant reçu un classement initial de sécurité maximale.

Entre avril 2018 et décembre 2021, 1 170 femmes ont été admises dans un établissement correctionnel fédéral. De ce nombre, 43 % ont été placées dans un établissement à sécurité minimale, 53 %, dans un établissement à sécurité moyenne et 4 %, dans un établissement à sécurité maximale.
Il y avait 549 délinquantes blanches : 49 % ont reçu un classement de sécurité minimale, 49 %, un classement de sécurité moyenne et 2 %, un classement de sécurité maximale.

Il y avait 462 délinquantes autochtones : 26 % ont reçu un classement de sécurité minimale, 66 %, un classement de sécurité moyenne et 8 %, un classement de sécurité maximale.

Il y avait 50 délinquantes noires : 74 % ont reçu un classement de sécurité minimale, 26 %, un classement de sécurité moyenne et 0 %, un classement de sécurité maximale.

Dans le groupe de population nommé « Autre », il y avait 109 délinquantes. Les pourcentages relatifs aux niveaux de sécurité minimale, moyenne et maximale n’ont pas été fournis.

Le pourcentage de l’ensemble des admissions des différents groupes de population de délinquantes a été comparé au pourcentage de délinquantes placées initialement dans un établissement à sécurité maximale. Les femmes autochtones représentaient 39,5 % de l’ensemble des admissions, mais 68,6 % des délinquantes ayant reçu un classement initial de sécurité maximale. En revanche, les femmes non autochtones représentaient 60,5 % de l’ensemble des admissions, mais 31,4 % des délinquantes ayant reçu un classement initial de sécurité maximale.

Les groupes de population d’hommes et de femmes sont fondés sur les réponses fournies par les délinquants et étaient de taille suffisamment importante pour permettre d’établir une comparaison utile. Les pourcentages des tableaux ont été arrondis.

4.27 Nous notons que la surreprésentation des femmes et des hommes autochtones dans les établissements à sécurité élevée est un problème de longue date. Nous avions formulé des observations similaires dans notre audit de 2016.

4.28 Par ailleurs, l’utilisation de l’Échelle de classement par niveau de sécurité n’a pas été validée récemment pour garantir qu’elle fonctionne comme il se doit. La dernière validation de la fiabilité de l’Échelle a été réalisée par Service correctionnel Canada en 2012. L’Échelle a été élaborée il y a plus de 30 ans à partir de données provenant d’un échantillon de délinquants de sexe masculin non autochtones. Elle n’a jamais été validée pour évaluer les délinquants noirs. Nous avons noté que Service correctionnel Canada avait examiné le bien‑fondé potentiel d’une Échelle repondérée en fonction des femmes en 2014, mais ne l’a pas mise en place. Il s’emploie actuellement à élaborer un processus d’évaluation des risques et des outils connexes adaptés, en collaboration avec des universités et des groupes autochtones. Il importe également de valider l’utilisation de l’Échelle pour le classement des autres populations de minorités visibles, y compris les délinquants noirs, afin de contrer le risque de surclassement à des niveaux de sécurité trop élevés.

Le recours aux dérogations qui défavorise les délinquants autochtones

4.29 Le personnel correctionnel doit évaluer les résultats de l’Échelle de classement par niveau de sécurité de chaque délinquant admis dans un établissement correctionnel afin de déterminer son niveau de sécurité. Nous avons constaté que le personnel correctionnel avait dérogé à la recommandation de l’Échelle pour 30 % des évaluations de sécurité, en octroyant un niveau de sécurité plus élevé dans près de la moitié des cas.

4.30 Nous avons aussi constaté qu’il y avait des écarts dans le recours aux dérogations entre les différentes populations de délinquants, et ce, pour tous les niveaux de sécurité. Pour les femmes autochtones, la plupart des dérogations ont abouti à un placement à un niveau de sécurité plus élevé : le personnel correctionnel a relevé le niveau de sécurité pour 53 % des délinquantes autochtones classées à un niveau de sécurité minimale, contre 27 % pour les délinquantes non autochtones. Pour les hommes autochtones, le personnel correctionnel a dérogé aux décisions de classement à un niveau de sécurité minimale dans 46 % des cas en attribuant un niveau de sécurité plus élevée, tandis que pour les délinquants non autochtones, cette proportion était plutôt de 33 %. Seulement 10 % des délinquants autochtones classés à un niveau de sécurité moyenne ont été reclassés à un niveau de sécurité minimale, comparativement à 19 % des délinquants non autochtones. En revanche, la plupart des dérogations ont abouti à une réduction du niveau de sécurité recommandé pour les délinquants noirs et les femmes.

4.31 Nous avons examiné un échantillon ciblé de 20 décisions visant des délinquants autochtones qui avaient abouti à un classement à un niveau de sécurité plus élevé que celui recommandé par l’Échelle de classement par niveau de sécurité. Les informations consignées dans les dossiers des délinquants indiquaient que la dérogation était fondée sur le risque de sécurité posé par le délinquant. Pour ce qui est des antécédents sociaux des délinquants, aucun des dossiers examinés n’indiquait si des options tenant compte des particularités culturelles ou axées sur la justice réparatrice pouvaient aider à réduire le risque posé par le délinquant, comme l’exige la politique en vigueur.

4.32 Nous avons constaté que Service correctionnel Canada n’avait pas vérifié si le personnel correctionnel avait tenu compte comme il se doit des antécédents sociaux des délinquants autochtones lors de l’évaluation de leur classement par niveau de sécurité, notamment en cas de dérogation aux résultats de l’Échelle de classement par niveau de sécurité. Nous avons noté que chaque dérogation recommandée devait être approuvée par un gestionnaire. À la fin de la période visée par l’audit, Service correctionnel Canada avait actualisé sa politique afin d’exiger que les cadres supérieurs supervisent plus étroitement les dérogations dans le cadre des décisions de classement par niveau de sécurité des délinquants autochtones.

4.33 Recommandation — Service correctionnel Canada devrait améliorer le processus de classement initial par niveau de sécurité des délinquants en prenant les mesures suivantes :

Réponse de Service correctionnel Canada — Recommandation acceptée.

Le Tableau de recommandations, à la fin du rapport, présente les réponses détaillées de Service correctionnel Canada.

La dégradation continue de l’accès en temps opportun aux programmes correctionnels

4.34 Nous avons constaté que Service correctionnel Canada avait continué à rencontrer des difficultés pour assurer la prestation des programmes correctionnels destinés aux délinquants, y compris les programmes tenant compte des particularités culturelles des Autochtones, avant leur première date d’admissibilité à la libération conditionnelle. La pandémie a grandement nui à l’accès aux programmes en temps opportun.

4.35 L’analyse à l’appui de cette constatation porte sur :

4.36 Cette constatation est importante parce que les délinquants ont peu de chance d’obtenir une libération conditionnelle s’ils n’ont pas terminé les programmes correctionnels qui leur ont été assignés. L’accès en temps opportun aux programmes est particulièrement important pour les délinquants qui purgent des peines de courte durée qui peuvent être admissibles à une libération conditionnelle dans l’année qui suit leur incarcération. Parmi les personnes détenues qui purgeaient de courtes peines, 75 % ont été dirigées vers un programme correctionnel.

4.37 Nos recommandations relativement au secteur examiné sont présentées aux paragraphes 4.45 et 4.46.

Un accès aux programmes correctionnels retardé par la pandémie

4.38 Nous avons constaté qu’il y avait eu, au cours de la période visée par l’audit, une dégradation continue de l’accès aux programmes correctionnels pour toutes les populations de délinquants et que la pandémie de COVID‑19 avait aggravé la situation. Or, la majorité des personnes détenues purgent de courtes peines (2 à 4 ans) et il est important qu’elles aient accès en temps opportun à des programmes vu que la plupart sont admissibles à une libération conditionnelle dans l’année qui suit leur admission. Toutefois, parmi les délinquants purgeant une peine de 2 à 4 ans qui avaient été libérés entre avril et décembre 2021, seulement 6 % des hommes avaient pu terminer leurs programmes correctionnels avant leur première date d’admissibilité à la semi‑liberté (voir la pièce 4.5). Ce taux est bien pire que les taux enregistrés avant la pandémie. Il est aussi inférieur aux résultats de nos audits antérieurs. Au cours de l’exercice 2018‑2019, 19 % des hommes libérés avaient terminé leurs programmes correctionnels avant la première date d’admissibilité à la libération conditionnelle. Le taux d’achèvement des programmes pour les femmes, avant la pandémie, était de 50 %, à savoir le même taux que celui signalé dans notre audit précédent. Toutefois, d’avril à décembre 2021, seulement 29 % des femmes libérées avaient achevé leurs programmes avant leur première date d’admissibilité à la libération conditionnelle.

Pièce 4.5 — Un pourcentage de moins en moins élevé de délinquants condamnés à des peines de 2 à 4 ans ont achevé leurs programmes correctionnels avant leur première date d’admissibilité à la libération conditionnelle

Un pourcentage de moins en moins élevé de délinquants condamnés à des peines de 2 à 4 ans ont achevé leurs programmes correctionnels avant leur première date d’admissibilité à la libération conditionnelle
Population de délinquants 2018‑2019 2019‑2020 2020‑2021 Avril à décembre 2021
Femmes 50 % 40 % 25 % 29 %
Hommes 19 % 14 % 11 % 6 %

Source : Selon des renseignements fournis par Service correctionnel Canada

4.39 La prestation des programmes correctionnels en temps opportun est particulièrement importante pour les délinquants qui purgent des peines de 2 à 4 ans, car la plupart peuvent demander une libération conditionnelle dans l’année qui suit leur incarcération. Nous avons constaté qu’après le début de la pandémie en mars 2020, les programmes avaient commencé avec un retard d’environ 9 semaines et qu’il avait fallu 3 semaines de plus pour les achever parce que des séances de programmes avaient été retardées ou annulées. Nous avons constaté que les tendances étaient similaires pour les hommes et les femmes et pour les programmes correctionnels tenant compte des particularités culturelles des délinquants autochtones. Des fonctionnaires nous ont fait savoir que les exigences de distanciation physique imposées par les autorités de la santé publique avaient grandement nui à la prestation en temps opportun des programmes pendant la pandémie. Au moment de l’audit, Service correctionnel Canada examinait des solutions pour accélérer la prestation des programmes correctionnels, notamment grâce à une amélioration du calendrier des programmes et au recours à un accès virtuel.

Des lacunes dans la collecte de données sur les minorités visibles

4.40 Service correctionnel Canada a élaboré des programmes correctionnels qui répondent aux besoins uniques des femmes et des Autochtones (voir la pièce 4.6) et il a confirmé leur efficacité dans une série de rapports d’étude. Toutefois, l’efficacité des programmes n’avait pas été évaluée expressément pour les délinquants appartenant à des minorités visibles. Une récente évaluation a prouvé l’efficacité des programmes correctionnels offerts dans la collectivité à divers groupes de délinquants en liberté conditionnelle. Cependant, faute de recherches sur les personnes détenues, Service correctionnel Canada ne peut pas déterminer si ses programmes répondent aux besoins uniques des minorités visibles, comme le prévoit la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.

Pièce 4.6 — Service correctionnel Canada a conçu des programmes correctionnels adaptés aux hommes, aux femmes et aux Autochtones

Les programmes de Service correctionnel Canada visent à réduire le risque de récidive et à renforcer la sécurité publique. Ils enseignent la responsabilisation et des compétences pour gérer les facteurs de risque. Ces programmes ciblent les facteurs de risque qui sont directement liés à des comportements criminels afin de réduire le risque de récidive. Ils ciblent les crimes motivés par l’appât du gain, la violence en général, la violence conjugale et familiale, la toxicomanie et les infractions sexuelles.

Service correctionnel Canada a conçu des programmes correctionnels adaptés aux hommes, aux femmes et aux Autochtones
Programmes pour hommes Programmes pour femmes Programmes pour Autochtones

Modèle de programme correctionnel intégré (MPCI)

Ce Modèle prévoit la détermination de facteurs de risque criminel pour chaque délinquant. Il montre aux délinquants à reformuler ces facteurs en tant qu’objectifs personnels et à travailler à leur réinsertion sociale en gardant ces objectifs en tête.

Le Modèle enseigne aussi aux délinquants des compétences qui ciblent de nombreux facteurs de risque : la résolution de problèmes, l’établissement d’objectifs, la communication, la maîtrise émotionnelle, l’autogestion et la capacité à identifier, à remettre en question et à changer des idées qui sont propices aux risques et aux comportements criminels.

Approche holistique qui reconnaît les réalités sociales des femmes

Les programmes pour femmes visent des comportements problématiques liés à la criminalité, comme la violence, la toxicomanie et les infractions sexuelles.

Les programmes, qui sont d’intensité variable, portent notamment sur l’engagement, la maîtrise de soi, l’intervention modulaire pour délinquantes, et il y a un programme conçu expressément pour les délinquantes sexuelles.

Les programmes s’inscrivent dans un continuum de soins qui offre aux délinquantes des mesures de soutien à partir de leur admission jusqu’à la fin de leur peine.

Programmes tenant compte des particularités culturelles

Les programmes sont offerts dans la plupart des établissements pour hommes et dans tous les établissements pour femmes. Ils sont animés par des agents de programmes correctionnels autochtones ou culturellement compétents. Ils :

  • contiennent du matériel pertinent sur le plan culturel;
  • considèrent l’histoire sociale des Autochtones;
  • impliquent la participation des aînés.

Le modèle de programmes pour les hommes autochtones et inuits est fondé sur le MPCI. Les programmes comprennent :

  • le MPCI pour délinquants autochtones;
  • le MPCI pour délinquants inuits;
  • les programmes correctionnels pour délinquantes autochtones.

Source : Selon des renseignements fournis par Service correctionnel Canada

4.41 Nous avons constaté que, même si Service correctionnel Canada était tenu par la loi en 2019 de fournir des programmes et des services adaptés aux besoins uniques des délinquants qui avaient déclaré appartenir à une minorité visible, il n’avait pas actualisé sa méthode de collecte de ces données au sein de la population de délinquants pour l’harmoniser avec celle utilisée par Statistique Canada pour la population canadienne.

4.42 Pour recueillir des données sur les minorités visibles au sein de la population canadienne, Statistique Canada offre aux répondants un choix de 11 groupes (Noir, Japonais, et ceteraetc.) et une case pour ajouter des détails. Service correctionnel Canada, en revanche, offre un choix de plus de 30 groupes qui recoupent diverses caractéristiques raciales, ethniques et géographiques, et aucune case pour y ajouter des détails. Des fonctionnaires ont noté que les délinquants avaient eu des difficultés à choisir parmi les groupes offerts qui se chevauchaient.

4.43 Au moment de leur admission, les délinquants sont invités à indiquer eux‑mêmes leurs origines raciales et ethniques. Ces données doivent être consignées dans les dossiers des délinquants par le personnel correctionnel. Nous avons constaté que de plus en plus de dossiers ne contenaient pas de données sur l’identification ethnique des délinquants incarcérés au cours des 3 dernières années. Par exemple, nous avons constaté que les taux d’information manquante sur l’identification ethnique étaient passés de 2 % en avril 2018 à 6 % en avril 2021. Des représentants de Service correctionnel Canada nous ont expliqué que cela était dû à un processus de consignation incorrect dans l’une de ses plus importantes régions administratives.

4.44 Nous avons noté que Service correctionnel Canada n’avait pas réalisé une analyse comparative entre les sexes plus (ACS+)Définition 2 pour les programmes et services correctionnels destinés aux divers groupes de délinquants.

4.45 Recommandation — Service correctionnel Canada devrait examiner les options de restructuration de la prestation des programmes correctionnels afin d’accélérer l’accès aux programmes et leur achèvement par les personnes détenues. En s’inspirant des évaluations menées récemment des programmes correctionnels, Service correctionnel Canada devrait plus particulièrement examiner l’efficacité des programmes pour les détenus qui appartiennent aux minorités visibles, en particulier les détenus noirs.

Réponse de Service correctionnel Canada — Recommandation acceptée.

Le Tableau de recommandations, à la fin du rapport, présente les réponses détaillées de Service correctionnel Canada.

4.46 Recommandation — Service correctionnel Canada devrait améliorer sa méthode de collecte des données sur la diversité au sein de la population de détenus afin d’avoir l’assurance que les données recueillies sont exhaustives. Il devrait aussi harmoniser sa méthode de collecte avec celle de Statistique Canada. Il devrait utiliser l’information ainsi recueillie pour surveiller l’incidence de ses politiques et pratiques correctionnelles sur les divers groupes de délinquants et recenser et supprimer les obstacles à la réussite de leur réinsertion sociale.

Réponse de Service correctionnel Canada — Recommandation acceptée.

Le Tableau de recommandations, à la fin du rapport, présente les réponses détaillées de Service correctionnel Canada.

Les délinquants autochtones sont restés en détention plus longtemps que les autres groupes de délinquants

4.47 Nous avons constaté que même si la majorité des délinquants étaient mis en liberté conditionnelle avant la fin de leur peine, peu de détenus autochtones bénéficiaient d’une libération conditionnelle à leur première date d’admissibilité. De fait, un nombre plus élevé de délinquants autochtones sont demeurés en détention jusqu’à leur libération d’office et ont été libérés d’établissements à sécurité élevée directement dans la société. Résultat, les délinquants autochtones ont été désavantagés sur le plan de l’accès à une réinsertion sociale progressive et structurée dans la collectivité, sous surveillance, avant la fin de leur peine de détention.

4.48 L’analyse à l’appui de cette constatation porte sur :

4.49 Cette constatation est importante parce qu’il a été démontré à maintes reprises que l’accès à la libération conditionnelle, notamment la surveillance des délinquants en libération conditionnelle, favorisait le succès de leur réinsertion sociale. La libération conditionnelle en temps opportun a une incidence directe sur la sécurité publique : des recherches de Service correctionnel Canada indiquent que les délinquants qui ont bénéficié d’une libération conditionnelle présentent des taux de récidive plus faibles avant l’expiration de leur peine que ceux libérés d’office.

4.50 La semi‑liberté ou la libération conditionnelle totale sont des formes de libérations conditionnelles qui sont accordées par la Commission des libérations conditionnelles du Canada. Il s’agit ainsi de permettre aux délinquants de purger le reste de leur peine dans la collectivité sous la surveillance de Service correctionnel Canada et sous réserve du respect de conditions précises. S’ils ne bénéficient pas d’une semi‑liberté ou d’une libération conditionnelle totale, la plupart des détenus dont la peine est d’une durée déterminée sont admissibles à une libération d’office après avoir purgé les deux tiers de leur peine dans un établissement correctionnel.

4.51 La libération d’office est une autre forme de libération conditionnelle qui permet aux délinquants de purger le tiers restant de leur peine dans la collectivité, sous surveillance. Aux termes de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, Service correctionnel Canada est tenu de libérer les délinquants à leur date de libération d’office, sauf s’il y a des motifs raisonnables de croire qu’un délinquant risque de commettre une infraction qui causerait un dommage grave. Les délinquants détenus dans des établissements correctionnels à sécurité maximale et moyenne qui sont mis en liberté pour la première fois à leur date de libération d’office ne bénéficient pas de tous les avantages de la réinsertion planifiée et progressive dans la collectivité qui est offerte dans les établissements à sécurité minimale ou au moyen de la surveillance exercée pendant la période de libération conditionnelle.

4.52 Notre recommandation relativement au secteur examiné est présentée au paragraphe 4.58.

Une préparation tardive à la libération conditionnelle des détenus

4.53 Nous avons constaté que peu de délinquants avaient été préparés en vue de leur mise en liberté à leur première date d’admissibilité : seulement 16 % des hommes et 31 % des femmes, en moyenne, d’avril 2018 à décembre 2021 (voir la pièce 4.7). Nous avons aussi constaté que pendant ces 4 années, les femmes et les hommes autochtones avaient constamment été libérés dans une proportion moindre.

Pièce 4.7 — Peu de délinquants ont été préparés en vue de leur libération conditionnelle à leur première date d’admissibilité

Peu de délinquants ont été préparés en vue de leur libération conditionnelle à leur première date d’admissibilité
Libérations conditionnelles — HommesNote * Nombre de délinquants % libérés à la 1re date d’admissibilité Nombre de mois après la 1re date d’admissibilité
Blanc 4 441 16 % 6
Autochtone 1 394 11 % 8
Noir 620 16 % 7
Arabe/Asiatique occidental 191 20 % 5
Asiatique oriental/Asiatique du Sud‑Est 186 22 % 6
Sud‑Asiatique 135 20 % 5
Latino-américain 98 16 % 6
Autre 324 - -
Toutes les libérations conditionnelles 7 389 16 % 6
Peu de délinquants ont été préparés en vue de leur libération conditionnelle à leur première date d’admissibilité
Libérations conditionnelles — FemmesNote * Nombre de délinquantes % libérées à la 1re date d’admissibilité Nombre de mois après la 1re date d’admissibilité
Blanche 536 32 % 3
Autochtone 303 20 % 6
Autre 149 - -
Toutes les libérations conditionnelles 988 31 % 4

Note :

Remarque : Les pourcentages dans les tableaux ci‑dessus ont été arrondis.

Source : Selon des renseignements fournis par Service correctionnel Canada

4.54 Nous avons aussi constaté que les délinquants avaient été préparés en vue de leur libération conditionnelle plus tard pendant leur peine. Au cours de la période visée par l’audit, les hommes ont été libérés en moyenne 6 mois après leur première date d’admissibilité. Les femmes ont, quant à elles, été libérées en moyenne 4 mois après leur première date d’admissibilité (voir la pièce 4.7). Par ailleurs, au cours des 4 années visées par notre examen, tant les hommes que les femmes autochtones ont été mis en liberté 2 mois plus tard au cours de leur peine que les détenus non autochtones (voir la pièce 4.8). Ces résultats sont similaires à ceux de nos audits antérieurs.

Pièce 4.8 — Les délinquants autochtones bénéficiaient d’une liberté conditionnelle des mois plus tard que les autres délinquants

Graphique illustrant combien de mois après leur première date d’admissibilité à la libération conditionnelle les délinquantes et délinquants autochtones et non autochtones ont bénéficié d’une liberté conditionnelle

Remarque : Les groupes de population illustrés sont fondés sur les réponses données par les délinquants.

Source : Selon des renseignements fournis par Service correctionnel Canada

Pièce 4.8 — version textuelle

Ce graphique illustre le nombre de mois qui se sont écoulés depuis la première date d’admissibilité à la libération conditionnelle avant que les délinquantes et délinquants autochtones et non autochtones soient libérés sous condition. La période visée par l’audit allait d’avril 2018 à décembre 2021, et les groupes de populations illustrés sont fondés sur les réponses données par les délinquants.

En général, au cours de la période de près de quatre années visée par l’audit, les délinquantes et délinquants autochtones ont été libérés sous condition environ deux mois plus tard que les délinquantes et délinquants non autochtones après leur première date d’admissibilité à la libération conditionnelle.

En 2018‑2019, les délinquants autochtones de sexe masculin ont été libérés 7,47 mois après leur première date d’admissibilité à la libération conditionnelle. Les délinquants non autochtones de sexe masculin ont été libérés 5,42 mois après leur première date d’admissibilité à la libération conditionnelle.

En 2019‑2020, les délinquants autochtones de sexe masculin ont été libérés 7 mois après leur première date d’admissibilité à la libération conditionnelle. Les délinquants non autochtones de sexe masculin ont été libérés 5,68 mois après leur première date d’admissibilité à la libération conditionnelle.

En 2020-2021, les délinquants autochtones de sexe masculin ont été libérés 8,13 mois après leur première date d’admissibilité à la libération conditionnelle. Les délinquants non autochtones de sexe masculin ont été libérés 6,42 mois après leur première date d’admissibilité à la libération conditionnelle.

Entre avril et décembre 2021, les délinquants autochtones de sexe masculin ont été libérés 8,28 mois après leur première date d’admissibilité à la libération conditionnelle. Les délinquants non autochtones de sexe masculin ont été libérés 6,20 mois après leur première date d’admissibilité à la libération conditionnelle.

En 2018‑2019, les délinquantes autochtones ont été libérées 4,33 mois après leur première date d’admissibilité à la libération conditionnelle. Les délinquantes non autochtones ont été libérées 3,09 mois après leur première date d’admissibilité à la libération conditionnelle.

En 2019‑2020, les délinquantes autochtones ont été libérées 5,30 mois après leur première date d’admissibilité à la libération conditionnelle. Les délinquantes non autochtones ont été libérées 2,96 mois après leur première date d’admissibilité à la libération conditionnelle.

En 2020-2021, les délinquantes autochtones ont été libérées 5,88 mois après leur première date d’admissibilité à la libération conditionnelle. Les délinquantes non autochtones ont été libérées 4,16 mois après leur première date d’admissibilité à la libération conditionnelle.

Entre avril et décembre 2021, les délinquantes autochtones ont été libérées 6,25 mois après leur première date d’admissibilité à la libération conditionnelle. Les délinquantes non autochtones ont été libérées 3,83 mois après leur première date d’admissibilité à la libération conditionnelle.

Des périodes de détention plus longues pour les délinquants autochtones

4.55 Nous avons constaté que la pandémie de COVID‑19 avait fait augmenter le nombre de délinquants mis en liberté à leur date de libération d’office. Plus particulièrement, des taux constamment plus élevés que la moyenne d’hommes et de femmes autochtones avaient été mis en liberté à leur date de libération d’office : 33 % et 52 % respectivement. Nous avons constaté des taux de libération similaires pour les délinquants autochtones au cours de nos audits antérieurs. C’est donc dire que les délinquants autochtones ont purgé une plus grande partie de leur peine dans un établissement correctionnel que la moyenne des délinquants, ce qui les a empêchés d’avoir un accès plus rapide à une libération conditionnelle sous surveillance dans la collectivité.

4.56 Parmi les délinquants libérés d’office, nous avons constaté que 15 % des hommes et 21 % des femmes détenus dans un établissement à sécurité maximale avaient été relâchés directement dans la collectivité. Nous avons aussi constaté que les délinquants autochtones et noirs étaient surreprésentés au sein des détenus d’établissements à sécurité maximale libérés d’office directement dans la collectivité : 37 % et 12 % des libérations d’office, respectivement. Les femmes autochtones représentaient 66 % des détenues d’établissements à sécurité maximale qui ont été libérées directement dans la collectivité. Or, les délinquants qui sont détenus dans un établissement à sécurité maximale, puis mis en liberté pour la première fois à leur date de libération d’office ne bénéficient pas de tous les avantages d’une mise en liberté planifiée et progressive dans la collectivité.

4.57 La politique de Service correctionnel Canada exige que le classement par niveau de sécurité des détenus soit réévalué à la suite d’un événement important dans leur plan correctionnel, comme l’achèvement d’un programme correctionnel. Nous avons constaté que, parmi les délinquants libérés d’office, le niveau de sécurité de presque tous les délinquants autochtones avait été réévalué. Le niveau de sécurité d’environ le quart d’entre eux avait été réduit, ce qui peut contribuer au succès de leur réinsertion sociale. Toutefois, les réévaluations n’avaient pas été réalisées en temps opportun : le niveau de sécurité de seulement 34 % des délinquants autochtones avait été réévalué dans le délai de 30 jours suivant l’achèvement d’un programme correctionnel comme il le fallait. Bien que Service correctionnel Canada n’ait pas de délai fixe pour les délinquants non autochtones, le niveau de sécurité des trois quarts d’entre eux avait été réévalué, et il avait été réduit pour le cinquième d’entre eux.

4.58 Recommandation — Service correctionnel Canada devrait cerner les causes profondes des retards dans la préparation des détenus, particulièrement les détenus autochtones, en vue d’une libération conditionnelle à leur première date d’admissibilité, et prendre des mesures pour les corriger. Service correctionnel Canada devrait aussi accélérer l’exécution des réévaluations des niveaux de sécurité des personnes détenues afin de favoriser leur réinsertion sécuritaire dans la société.

Réponse de Service correctionnel Canada — Recommandation acceptée.

Le Tableau de recommandations, à la fin du rapport, présente les réponses détaillées de Service correctionnel Canada.

Il n’y avait aucun plan ni calendrier pour établir un effectif correctionnel qui reflète mieux la diversité de la population de délinquants

4.59 Nous avons constaté que Service correctionnel Canada n’avait fixé aucune échéance pour atteindre son objectif d’avoir un effectif qui reflète mieux la diversité de la population de délinquants. Nous avons aussi constaté que les stratégies et les programmes de Service correctionnel Canada visant à favoriser un renforcement de la diversité et de l’inclusion en milieu de travail n’avaient pas été suffisants, ce qui avait permis à des obstacles de perdurer. Service correctionnel Canada n’avait pas revu ses systèmes d’emploi en vue de définir un plan pour supprimer les obstacles relevés. À l’échelle nationale, la représentation de la main‑d’œuvre dépassait les cibles relatives à l’équité en matière d’emploi pour les Autochtones et les minorités visibles, mais il y avait des écarts dans la représentation des femmes et des personnes en situation de handicap.

4.60 L’analyse à l’appui de cette constatation porte sur :

4.61 Cette constatation est importante parce que, aux termes de la Loi sur l’équité en matière d’emploi, Service correctionnel Canada doit veiller à ce que la représentation des groupes désignés (femmes, Autochtones, personnes en situation de handicap, minorités visibles) au sein de sa direction et de son personnel reflète la disponibilité dans la population canadienne apte au travail. Même si Service correctionnel Canada a dépassé les cibles relatives à l’équité en matière d’emploi pour les peuples autochtones et les groupes des minorités visibles, il s’est engagé à aller au‑delà de ces cibles en visant à établir un effectif qui reflète davantage la composition de la population de délinquants. Il est primordial de recenser et de supprimer les obstacles qui nuisent aux groupes en quête d’équité et de créer un milieu de travail qui favorise la diversité pour honorer cet engagement. De plus, Service correctionnel Canada a admis qu’un effectif plus diversifié pouvait améliorer les résultats obtenus par les délinquants au sein du système correctionnel.

4.62 Le greffier du Conseil privé a souligné la nécessité pour les organisations fédérales d’aller au‑delà des responsabilités décrites dans la Loi sur l’équité en matière d’emploi. Dans l’Engagement 2021‑2022 des sous‑ministres en matière de diversité et d’inclusion, chacun a reçu l’ordre de traiter les cibles relatives à l’équité en matière d’emploi comme des objectifs minimaux à atteindre. De plus, dans la lettre de mandat adressée à la commissaire de Service correctionnel Canada, le ministre de la Sécurité publique indiquait que, dans l’intérêt de la réhabilitation efficace, il était important que toute la diversité de la population de délinquants soit reflétée au sein du personnel et de la direction de Service correctionnel Canada.

4.63 Service correctionnel Canada est aussi tenu de créer un milieu de travail qui favorise une plus grande diversité. En 2020, le Conseil du Trésor a publié sa Directive sur l’équité en matière d’emploi, la diversité et l’inclusion à l’appui de politiques et de pratiques internes qui favorisent un milieu de travail inclusif. En 2021, le greffier du Conseil privé a lancé un Appel à l’action en faveur de la lutte contre le racisme, de l’équité et de l’inclusion dans la fonction publique fédérale pour demander aux dirigeants de définir un plan d’action à même de renforcer les voix des groupes marginalisés et de créer un milieu de travail plus inclusif. La commissaire a indiqué que cet appel à action était prioritaire et elle s’est engagée à prendre des mesures et à participer à des initiatives qui favorisent l’atteinte de ces objectifs.

4.64 Nos recommandations relativement au secteur examiné sont présentées aux paragraphes 4.69 et 4.76.

Des écarts de représentation dans les établissements correctionnels

4.65 En plus de satisfaire à ses obligations relatives à l’équité en matière d’emploi, Service correctionnel Canada s’est donné l’objectif d’établir un effectif qui reflète la diversité de la population de délinquants. En 2021, il a défini des objectifs en matière de représentation pour les populations de délinquants autochtones et de membres des minorités visibles pour chaque établissement, ajustés en fonction de la disponibilité dans la main‑d’œuvre régionale. Service correctionnel Canada n’a toutefois pas défini de plan ni de calendrier pour atteindre ces objectifs. Nous avons noté que l’objectif de représentation pour les minorités visibles ne cadrait pas avec la surreprésentation de certains groupes, en particulier les délinquants noirs.

4.66 En avril 2021, au sein de ses établissements, Service correctionnel Canada employait près de 7 000 agents correctionnels de première ligne et 2 700 agents de probation de première ligne et agents responsables des programmes. Nous avons constaté qu’il y avait des écarts dans la représentation des Autochtones entre le personnel correctionnel et les délinquants dans chaque région. Ces écarts étaient plus prononcés dans les établissements pour femmes. Dans les établissements correctionnels pour hommes, les écarts étaient plus considérables dans les régions des Prairies et du Pacifique, où les populations de délinquants autochtones sont les plus importantes (voir la pièce 4.9).

Pièce 4.9 — Écarts de représentation pour les Autochtones entre les agents correctionnels et les délinquants dans les établissements par région (avril 2021)

Graphique illustrant le pourcentage par région du personnel correctionnel et des délinquants qui s’identifiaient comme Autochtones

Source : Selon des renseignements fournis par Service correctionnel Canada

Pièce 4.9 — version textuelle

Ce graphique compare le pourcentage des agents correctionnels qui s’identifiaient comme Autochtones à celui des délinquants qui s’identifiaient comme Autochtones dans les établissements pour hommes et pour femmes de chaque région.

Dans toutes les cinq régions, tant au sein des établissements pour hommes que des établissements pour femmes, le pourcentage de délinquants qui s’identifiaient comme autochtones était au moins deux fois plus élevé que le pourcentage des agents correctionnels qui s’identifiaient comme Autochtones. Le plus grand écart de représentation, tant au sein des établissements pour hommes que des établissements pour femmes, a été constaté dans les régions des Prairies et du Pacifique. En outre, l’écart de représentation était plus élevé au sein des établissements pour femmes dans toutes les régions qu’au sein des établissements pour hommes.

Voici les pourcentages pour les établissements pour hommes de chaque région :

Dans la région du Pacifique, sur l’ensemble de la population, 10,3 % des agents correctionnels et 38,3 % des délinquants s’identifiaient comme Autochtones.

Dans la région des Prairies, sur l’ensemble de la population, 20,8 % des agents correctionnels et 52,8 % des délinquants s’identifiaient comme Autochtones.

Dans la région de l’Ontario, sur l’ensemble de la population, 8,5 % des agents correctionnels et 16,9 % des délinquants s’identifiaient comme Autochtones.

Dans la région du Québec, sur l’ensemble de la population, 4,9 % des agents correctionnels et 14,9 % des délinquants s’identifiaient comme Autochtones.

Dans la région de l’Atlantique, sur l’ensemble de la population, 8 % des agents correctionnels et 20,6  % des délinquants s’identifiaient comme Autochtones.

Voici les pourcentages pour les établissements pour femmes de chaque région :

Dans la région du Pacifique, sur l’ensemble de la population, 14 % des agents correctionnels et 58,1 % des délinquantes s’identifiaient comme Autochtones.

Dans la région des Prairies, sur l’ensemble de la population, 5,9 % des agents correctionnels et 63,3 % des délinquantes s’identifiaient comme Autochtones.

Dans la région de l’Ontario, sur l’ensemble de la population, 8,1 % des agents correctionnels et 31,4 % des délinquantes s’identifiaient comme Autochtones.

Dans la région du Québec, sur l’ensemble de la population, 3,4 % des agents correctionnels et 16,7 % des délinquantes s’identifiaient comme Autochtones.

Dans la région de l’Atlantique, sur l’ensemble de la population, 6,7 % des agents correctionnels et 30,1 % des délinquantes s’identifiaient comme Autochtones.

4.67 À l’échelle régionale, la population de délinquants noirs était plus importante dans les établissements pour hommes en Ontario : 18 % des détenus. Dans certains établissements correctionnels, ce taux était beaucoup plus élevé. Dans un établissement à sécurité maximale, 41 % des détenus avaient déclaré être de race noire, mais seulement 2 % du personnel correctionnel de première ligne était de race noire et il n’y avait aucun agent de probation ni agent responsable des programmes de première ligne qui s’était identifié comme étant de race noire. Ces écarts ne concernaient pas uniquement la région de l’Ontario. Nous avons constaté que dans plus de la moitié des établissements correctionnels où les délinquants noirs constituaient plus de 10 % de la population carcérale, Service correctionnel Canada n’avait aucun agent de probation ni agent responsable des programmes de première ligne qui avait déclaré être de race noire.

4.68 En plus d’atteindre ses objectifs relatifs à l’équité en matière d’emploi pour le groupe des femmes, Service correctionnel Canada vise à ce que les femmes forment jusqu’à 75 % du personnel correctionnel dans ses 5 établissements et son pavillon de ressourcement pour femmes. En mars 2021, le pavillon de ressourcement et 3 de ses 5 établissements avaient atteint cet objectif. Les deux autres établissements avaient raté la cible par environ 10 %. Nous avons aussi noté que l’objectif de 75 % de femmes n’avait pas été officialisé et qu’il n’était pas appuyé par un plan visant les difficultés liées aux ressources.

4.69 Recommandation — Service correctionnel Canada devrait définir des objectifs en matière de représentation qui cadrent avec les populations de détenus, en prêtant une attention particulière aux groupes surreprésentés (comme les délinquants autochtones et noirs). Il devrait aussi officialiser ses objectifs de représentation des femmes dans les établissements correctionnels réservés aux femmes. Dans les deux cas, Service correctionnel Canada devrait surveiller les progrès réalisés en fonction d’un calendrier préétabli et déterminer les rôles et fonctions (par exemple le personnel de première ligne dans les établissements) qui sont prioritaires.

Réponse de Service correctionnel Canada — Recommandation acceptée.

Le Tableau de recommandations, à la fin du rapport, présente les réponses détaillées de Service correctionnel Canada.

Des écarts persistants relatifs à l’équité en matière d’emploi

4.70 Comme elles se sont engagées à renforcer la diversité au sein de leurs effectifs, les organisations fédérales doivent traiter les cibles relatives à l’équité en matière d’emploi comme des objectifs minimaux, non maximaux. Service correctionnel Canada a indiqué qu’il avait dépassé les cibles relatives à l’équité en matière d’emploi (qui sont en phase avec la disponibilité dans la population apte au travail au Canada) pour les Autochtones et les minorités visibles à l’échelon national pour l’exercice 2020‑2021. Il a aussi toutefois indiqué qu’il n’avait pas atteint les cibles nationales pour les femmes et les personnes en situation de handicap au cours des trois derniers exercices, notamment pour ce qui est du personnel correctionnel de première ligne.

4.71 Aux termes de la Loi sur l’équité en matière d’emploi, Service correctionnel Canada est tenu de passer en revue ses systèmes, ses politiques et ses pratiques en matière d’emploi et d’éliminer les obstacles qui nuisent aux groupes en quête d’équité. Par ailleurs, la commissaire s’est engagée à combler les écarts d’équité en matière d’emploi au sein de son organisation d’ici 2025. Service correctionnel Canada a relevé les problèmes suivants qui touchent les groupes en quête d’équité :

Service correctionnel Canada nous a indiqué qu’il prévoyait terminer l’examen de ses systèmes, politiques et pratiques en matière d’emploi en 2022.

4.72 Au cours de l’exercice 2016‑2017, Service correctionnel Canada a instauré une formation obligatoire sur la diversité et la compétence culturelle en vue de pouvoir travailler avec des délinquants de diverses origines. Au début de 2021, cette formation obligatoire a été intégrée aux programmes d’orientation des nouveaux employés afin que tous les nouveaux employés suivent la formation. Le personnel en place avait jusqu’en mars 2020 pour suivre la formation. En mars 2021, un an après la date butoir fixée, environ 24 % du personnel en place n’avaient toujours pas suivi la formation. La plupart des employés qui n’avaient pas suivi la formation faisaient partie du personnel correctionnel. De plus, environ 16 % des cadres supérieurs de Service correctionnel Canada n’avaient pas suivi la formation obligatoire.

4.73 Nous avons aussi noté que cette formation devait être suivie une fois seulement et qu’en dépit des changements apportés à son contenu en 2021, il n’y avait pas de cours de remise à niveau. À la fin de la période visée par l’audit, la formation était de nouveau en voie d’être révisée. C’est donc dire que le personnel qui avait déjà suivi la formation n’aura pas des connaissances actualisées. Cette formation est importante afin d’accroître les compétences culturelles du personnel et ainsi favoriser un environnement diversifié et inclusif.

4.74 Conformément aux engagements énoncés dans la lettre de mandat du ministre de la Sécurité publique, Service correctionnel Canada doit fournir une formation sur les préjugés inconscients. Après avoir examiné les cours offerts en ligne par l’École de la fonction publique du Canada sur ce sujet, Service correctionnel Canada a déterminé que les cours n’étaient pas adaptés à son contexte opérationnel et il a commencé à élaborer sa propre formation. À la fin de la période visée par l’audit, la mise en œuvre de la formation sur les préjugés inconscients était toujours à l’étape de projet pilote et sa mise en œuvre à l’échelle nationale était prévue pour l’exercice 2022‑2023.

4.75 Service correctionnel Canada évalue le succès de ses efforts de promotion de la diversité et de l’inclusion au sein de son effectif à l’aide des résultats du Sondage annuel auprès des employés de la fonction publique. Les résultats ont toutefois révélé de graves lacunes. Ainsi, de 2018 à 2020, moins des deux tiers du personnel de Service correctionnel Canada convenaient que les activités et les pratiques de Service correctionnel Canada favorisaient un milieu de travail diversifié. Les résultats globaux de Service correctionnel Canada étaient inférieurs de 21 % aux résultats obtenus dans l’ensemble de la fonction publique, et relativement plus faibles au sein des agents correctionnels et des employés des établissements correctionnels qui s’identifiaient comme Autochtones, membres d’une minorité visible ou personnes en situation de handicap.

4.76 Recommandation — Pour corriger les écarts de représentation relatifs à l’équité en matière d’emploi et renforcer la diversité et l’inclusion au sein de son personnel, Service correctionnel Canada devrait :

Réponse de Service correctionnel Canada — Recommandation acceptée.

Le Tableau de recommandations, à la fin du rapport, présente les réponses détaillées de Service correctionnel Canada.

Conclusion

4.77 Nous avons conclu que Service correctionnel Canada n’avait pas fourni un accès en temps opportun aux programmes correctionnels, notamment à des programmes adaptés aux femmes, aux Autochtones et aux membres des minorités visibles, en vue de favoriser la réinsertion sociale des délinquants. Des obstacles systémiques ont limité l’accès aux programmes et aux services qui favorisent la réussite de la réinsertion sociale des délinquants, en particulier des délinquants autochtones et noirs.

4.78 En raison du processus de classement par niveau de sécurité de Service correctionnel Canada, y compris du recours à l’Échelle de classement par niveau de sécurité et des dérogations fréquentes aux recommandations de l’Échelle par le personnel correctionnel, un nombre disproportionnellement élevé de délinquants autochtones et noirs ont été classés à des niveaux de sécurité plus élevée. Très peu de délinquants ont réussi à achever leurs programmes correctionnels avant d’être admissibles à une libération conditionnelle, ce qui a retardé leur accès à des mesures qui leur auraient permis de purger le reste de leur peine au sein de la collectivité, sous surveillance. Même si la majorité des délinquants ont été libérés sous condition avant la fin de leur peine, un nombre plus élevé de délinquants autochtones et de race noire sont restés en détention plus longtemps et dans des établissements à sécurité plus élevée jusqu’à leur mise en liberté.

4.79 Nous avons aussi constaté que Service correctionnel Canada n’avait pas réussi à promouvoir la diversité et l’inclusion, selon les résultats du Sondage auprès des employés de la fonction publique. Service correctionnel Canada a signalé des écarts persistants par rapport à ses objectifs relatifs à l’équité en matière d’emploi à la fois au sein de ses cadres supérieurs et de son personnel à l’échelle nationale. De plus, il ne possède pas de plan pour établir un effectif qui reflète la diversité des populations de délinquants, ce qui est particulièrement important dans les établissements qui comptent un nombre élevé de détenus autochtones et noirs.

À propos de l’audit

Le présent rapport de certification indépendant sur les obstacles systémiques qui nuisent aux délinquants dans les établissements de Service correctionnel Canada a été préparé par le Bureau du vérificateur général du Canada. Notre responsabilité était de donner de l’information, une assurance et des avis objectifs au Parlement en vue de l’aider à examiner soigneusement la gestion que fait le gouvernement des ressources et des programmes, et d’exprimer une conclusion quant à la conformité de Service correctionnel Canada, dans tous ses aspects importants, aux critères applicables.

Tous les travaux effectués dans le cadre du présent examen ont été réalisés à un niveau d’assurance valable, conformément à la Norme canadienne de missions de certification (NCMC) 3001 — Missions d’appréciation directe de Comptables professionnels agréés Canada (CPA), présentée dans le Manuel de CPA Canada — Certification.

Le Bureau du vérificateur général du Canada applique la Norme canadienne de contrôle qualité 1 et, en conséquence, maintient un système de contrôle qualité exhaustif qui comprend des politiques et des procédures documentées en ce qui concerne la conformité aux règles de déontologie, aux normes professionnelles et aux exigences légales et réglementaires applicables.

Lors de la réalisation de nos travaux d’audit, nous nous sommes conformés aux règles sur l’indépendance et aux autres règles de déontologie des codes de conduite pertinents applicables à l’exercice de l’expertise comptable au Canada, qui reposent sur les principes fondamentaux d’intégrité, d’objectivité, de compétence professionnelle et de diligence, de confidentialité et de conduite professionnelle.

Conformément à notre processus d’audit, nous avons obtenu ce qui suit de la direction de l’entité :

Objectif de l’audit

L’objectif de l’audit consistait à déterminer si Service correctionnel Canada avait offert des programmes et des services correctionnels qui étaient adaptés à la diversité de la population de délinquants et qui favorisaient la réussite de leur réinsertion sociale grâce à l’appui d’un effectif à l’image de la diversité de la population de délinquants et à ses politiques et pratiques en matière d’équité, de diversité et d’inclusion en milieu de travail.

Étendue et méthode

Nous avons recueilli de l’information et des éléments probants dans le cadre de l’audit en menant des entretiens avec des fonctionnaires de Service correctionnel Canada, en examinant des documents et en analysant des données sur les délinquants et les ressources humaines. Les populations de délinquants étaient fondées sur les renseignements d’auto‑identification des délinquants recueillis par les agents correctionnels.

Critères

Pour déterminer si Service correctionnel Canada a offert des programmes et des services correctionnels qui étaient adaptés à la diversité de la population de délinquants et qui favorisaient la réussite de leur réinsertion sociale grâce à l’appui d’un effectif à l’image de la diversité de la population de délinquants et à ses politiques et pratiques en matière d’équité, de diversité et d’inclusion en milieu de travail, nous avons utilisé les critères suivants :

Critères
Critères Sources

Service correctionnel Canada recueille et analyse de l’information sur sa population de délinquants afin de comprendre l’évolution de la diversité au sein de cette population.

Service correctionnel Canada veille à ce que les outils et les pratiques qu’il utilise pour toute la population diversifiée de délinquants soient appropriés pour être utilisés aux fins voulues.

Service correctionnel Canada surveille les résultats de ses principales activités — comme les évaluations faites lors de l’admission des détenus, les plans correctionnels des délinquants, les interventions, les demandes de libération conditionnelle examinées par la Commission des libérations conditionnelles du Canada — au sein des divers groupes de délinquants afin de déterminer les groupes qui obtiennent des résultats différents.

Service correctionnel Canada s’occupe des différences dans les résultats obtenus par des groupes identifiables à des moments clés de leur peine afin d’avoir l’assurance qu’il n’y a pas de différences importantes entre les résultats obtenus par les différents groupes de délinquants.

Les cadres supérieurs et le personnel de Service correctionnel Canada reflètent la diversité de la population de délinquants.

Service correctionnel Canada a des stratégies, des politiques et des programmes de gestion des ressources humaines qui favorisent l’équité, la diversité et l’inclusion et portent sur les indicateurs issus du Sondage auprès des employés de la fonction publique qui se rattachent à un milieu de travail sain.

Service correctionnel Canada a instauré une formation afin que son personnel soit outillé pour répondre aux besoins d’une population de délinquants diversifiée.

Période visée par l’audit

Ce rapport a porté sur la période allant du 1er avril 2018 au 31 décembre 2021. Il s’agit de la période à laquelle s’applique la conclusion de l’audit. Toutefois, afin de mieux comprendre l’objet considéré de l’audit, nous avons aussi examiné certains dossiers antérieurs à cette période.

Date du rapport

Nous avons fini de rassembler les éléments probants suffisants et appropriés à partir desquels nous avons fondé notre conclusion le 20 mai 2022, à Ottawa, au Canada.

Équipe d’audit

L’audit a été réalisé par une équipe multidisciplinaire du Bureau du vérificateur général du Canada dirigée par Carol McCalla, directrice principale. La directrice principale est responsable de la qualité de l’audit dans son ensemble; elle doit s’assurer notamment que les audits sont exécutés conformément aux normes professionnelles, aux exigences des textes légaux et réglementaires applicables ainsi qu’aux politiques et au système de contrôle de la qualité du Bureau.

Tableau des recommandations

Le tableau qui suit regroupe les recommandations et les réponses apparaissant dans le présent rapport. Le numéro qui précède chaque recommandation correspond au numéro du paragraphe de la recommandation dans le rapport.

Tableau des recommandations
Recommandation Réponse

4.33 Service correctionnel Canada devrait améliorer le processus de classement initial par niveau de sécurité des délinquants en prenant les mesures suivantes :

  • réaliser un examen, en collaboration avec des experts externes, de l’Échelle de classement par niveau de sécurité et de son utilisation, surtout pour les décisions de classement concernant les délinquantes, les délinquants autochtones et les délinquants noirs, et à la lumière des conclusions de l’examen, prendre des mesures pour renforcer la fiabilité des décisions de classement par niveau de sécurité;
  • effectuer un suivi des dérogations aux résultats de l’Échelle de classement par niveau de sécurité, pour ce qui est du niveau et des raisons qui les sous‑tendent, dans tous les établissements et pour tous les niveaux de sécurité, en particulier pour les délinquants autochtones, et s’assurer que les antécédents sociaux des Autochtones sont pris en compte comme il se doit dans le cadre des décisions de classement.

Recommandation acceptée. La Direction de la recherche du Service correctionnel du Canada mènera un exercice de validation du recours à l’Échelle de classement par niveau de sécurité pour les délinquants noirs de sexe masculin et un nouvel exercice de validation du recours à l’Échelle de classement par niveau de sécurité pour les délinquantes et les délinquants autochtones avec la collaboration d’experts externes. Les travaux seront amorcés au cours du présent exercice et seront intégrés au plan de recherche de l’exercice en cours. Les résultats de cet examen, qui seront disponibles en décembre 2023, ainsi que ceux d’une initiative dirigée par des Autochtones actuellement menée dans le but d’élaborer un processus de classement par niveau de sécurité adapté aux Autochtones permettront de déterminer les mesures qui s’imposent pour améliorer la fiabilité du classement par niveau de sécurité des membres de ces groupes.

Le Service correctionnel du Canada procédera à un examen trimestriel des raisons pour lesquelles les décisions relatives à l’attribution de la cote de sécurité initiale sont différentes de la recommandation selon l’Échelle de classement par niveau de sécurité, en particulier dans le cas des délinquants autochtones, et veillera à ce que les antécédents sociaux des Autochtones soient dûment pris en compte dans le cadre des décisions relatives à l’attribution de la cote de sécurité initiale et aux placements initiaux.

4.45 Service correctionnel Canada devrait examiner les options de restructuration de la prestation des programmes correctionnels afin d’accélérer l’accès aux programmes et leur achèvement par les personnes détenues. En s’inspirant des évaluations menées récemment des programmes correctionnels, Service correctionnel Canada devrait plus particulièrement examiner l’efficacité des programmes pour les détenus qui appartiennent aux minorités visibles, en particulier les détenus noirs.

Recommandation acceptée. À compter de maintenant, le Service correctionnel du Canada attribuera un besoin de programme ciblé aux délinquants qui purgent une peine de courte durée afin de faciliter l’accès aux programmes correctionnels et l’achèvement de ceux‑ci en temps opportun.

Le Service correctionnel du Canada mène aussi une initiative novatrice à plus long terme appelée Prestation virtuelle des programmes correctionnels dans le but de moderniser la façon dont la planification, les aiguillages et les affectations sont réalisés afin de faciliter l’accès aux programmes correctionnels et l’achèvement de ceux‑ci en temps opportun. Cette principale composante de l’initiative de plus grande envergure sera mise en œuvre d’ici la fin de l’année 2024.

Le Service correctionnel du Canada désagrégera les résultats de la plus récente évaluation des programmes correctionnels de réinsertion sociale et confirmera l’efficacité de ces programmes pour les délinquants noirs d’ici mars 2023.

4.46 Service correctionnel Canada devrait améliorer sa méthode de collecte des données sur la diversité au sein de la population de détenus afin d’avoir l’assurance que les données recueillies sont exhaustives. Il devrait aussi harmoniser sa méthode de collecte avec celle de Statistique Canada. Il devrait utiliser l’information ainsi recueillie pour surveiller l’incidence de ses politiques et pratiques correctionnelles sur les divers groupes de délinquants et recenser et supprimer les obstacles à la réussite de leur réinsertion sociale.

Recommandation acceptée. Pour continuer de faire avancer sa collecte de données globales sur la population diversifiée de délinquants, le Service correctionnel du Canada entreprendra un examen de son approche afin de s’assurer qu’elle est toujours juste et conforme à la méthodologie de Statistique Canada. Le Service correctionnel du Canada continuera de surveiller la diversité de la population de délinquants afin de le guider dans l’élaboration de ses politiques, de ses programmes et de ses pratiques. Il continuera aussi d’examiner les résultats obtenus par sa population diversifiée de délinquants et d’en rendre compte. Les travaux en cours seront rattachés à la publication prévue des données du Recensement de 2021 liées à la proportion des Autochtones et des groupes ethnoculturels au sein de la population canadienne à l’automne 2022.

4.58 Service correctionnel Canada devrait cerner les causes profondes des retards dans la préparation des détenus, particulièrement les détenus autochtones, en vue d’une libération conditionnelle à leur première date d’admissibilité, et prendre des mesures pour les corriger. Service correctionnel Canada devrait aussi accélérer l’exécution des réévaluations des niveaux de sécurité des personnes détenues afin de favoriser leur réinsertion sécuritaire dans la société.

Recommandation acceptée. Le Service correctionnel du Canada a déjà entrepris un exercice opérationnel d’examen des cas afin de cerner les causes premières des retards accusés dans la préparation et la libération des délinquants, et plus particulièrement des délinquants autochtones, avant leur première date d’admissibilité. Il prendra les mesures qui s’imposent à la lumière des constatations qui se dégageront de l’exercice.

Le Service correctionnel du Canada a aussi lancé une initiative de gestion des cas dans le but d’améliorer la planification correctionnelle, qui consiste à fournir des outils plus efficaces au personnel afin de s’assurer que la préparation prélibératoire des cas se fait en temps opportun.

Le Service correctionnel du Canada assurera un suivi plus rigoureux des cas à compter de l’été 2022 pour veiller à ce que les cotes de sécurité des délinquants soient réévaluées en temps opportun et améliorer la surveillance nationale des cas de non‑conformité.

4.69 Service correctionnel Canada devrait définir des objectifs en matière de représentation qui cadrent avec les populations de détenus, en prêtant une attention particulière aux groupes surreprésentés (comme les délinquants autochtones et noirs). Il devrait aussi officialiser ses objectifs de représentation des femmes dans les établissements correctionnels réservés aux femmes. Dans les deux cas, Service correctionnel Canada devrait surveiller les progrès réalisés en fonction d’un calendrier préétabli et déterminer les rôles et fonctions (par exemple le personnel de première ligne dans les établissements) qui sont prioritaires.

Recommandation acceptée. Dans le passé, la représentation des Autochtones et des minorités visibles au Service correctionnel du Canada était supérieure à la disponibilité au sein de la population active. En 2021, le Service correctionnel du Canada a donc fixé des objectifs en matière de représentation des Autochtones et des minorités visibles au sein de l’effectif qui sont davantage supérieurs à la disponibilité au sein de la population active et qui tiennent compte de la population de délinquants.

Le Service correctionnel du Canada officialisera ses objectifs en matière de représentation des sexes visant les établissements pour femmes d’ici mars 2023.

Le Service correctionnel du Canada se penchera sur les progrès réalisés en vue de l’atteinte des objectifs fixés en matière de représentation et accordera la priorité aux activités de dotation touchant les unités opérationnelles et les groupes professionnels au sein desquels les écarts entre le personnel et la population de délinquants sont plus grands. Service correctionnel Canada suivra les progrès réalisés en vue de l’atteinte des objectifs et rendra compte des résultats chaque année.

4.76 Pour corriger les écarts de représentation relatifs à l’équité en matière d’emploi et renforcer la diversité et l’inclusion au sein de son personnel, Service correctionnel Canada devrait :

  • finaliser et mettre en œuvre son plan de réduction des écarts en matière de diversité et d’inclusion, en s’inspirant des résultats de l’examen de ses systèmes d’emploi et du Sondage annuel auprès des employés de la fonction publique, afin d’éliminer les obstacles systémiques qui nuisent aux groupes sous‑représentés;
  • veiller à ce que l’ensemble de son personnel suive la formation obligatoire sur la diversité et offrir un cours de remise à niveau pour avoir l’assurance que son personnel possède des connaissances actualisées sur ces questions et ainsi favoriser un effectif diversifié et inclusif.

Recommandation acceptée. Le Service correctionnel du Canada mènera son examen du système d’emploi d’ici septembre 2022. Les résultats de l’examen et du Sondage auprès des fonctionnaires fédéraux orienteront l’élaboration du nouveau Plan exhaustif sur l’équité en matière d’emploi, la diversité et l’inclusion. Le plan sera mis au point d’ici décembre 2022 et fournira un plan d’action pour remédier aux problèmes auxquels les groupes d’employés en quête d’équité sont confrontés.

Le Service correctionnel du Canada suivra les progrès réalisés dans le cadre de la mise en œuvre du Plan exhaustif et rendra compte des résultats chaque année.

Le Service correctionnel du Canada veillera à offrir la Formation sur la diversité et la compétence culturelle au personnel en poste d’ici mars 2023, et examinera continuellement cette formation ainsi que toutes les autres formations sur la diversité offertes afin de veiller à ce que le personnel dispose de l’information la plus récente au chapitre de la diversité et de la compétence culturelle.

Définitions :