Déclaration d’ouverture au Comité permanent sur les opérations gouvernementales et les comptes publics
Les services à l’enfance et à la famille au Nunavut
(Rapport de 2023 de la vérificatrice générale du Canada à l’Assemblée législative du Nunavut)
Le 19 et 20 septembre 2023
Andrew Hayes
Sous-vérificateur général
Ullaakkut. Bonjour. Monsieur le Président, nous sommes heureux d’être à Iqaluit aujourd’hui pour discuter de notre rapport d’audit sur les services à l’enfance et à la famille au Nunavut, qui a été déposé à l’Assemblée législative le 30 mai 2023. Je suis accompagné aujourd’hui de James McKenzie, directeur principal de l’audit, et de Liliane Cotnoir, directrice.
Nous avons examiné si le ministère des Services à la famille et le ministère de la Santé, avec l’aide du ministère des Ressources humaines, avaient fourni des services pour protéger et favoriser le bien‑être des enfants et des jeunes vulnérables ainsi que de leurs familles.
Nous avons relevé des lacunes dans tous les secteurs que nous avons examinés, tout d’abord dans la façon dont le ministère des Services à la famille donnait suite aux signalements de cas de préjudices soupçonnés visant les enfants. Nous avons examiné 92 renvois et constaté que, dans 20 de ces renvois, le Ministère n’avait pas effectué l’évaluation requise du risque que courait l’enfant et de ses circonstances. Quant aux autres renvois, 60 d’entre eux devaient faire l’objet d’une enquête en raison de risques pesant sur l’enfant. Nous avons constaté que la moitié des enquêtes n’avaient pas été achevées.
Dans le cas des enfants et des jeunes placés dans des foyers d’accueil au sein du territoire, le Ministère n’avait pas d’éléments probants pour démontrer que les évaluations et les suivis essentiels avaient été effectués. Dans le cas de 23 enfants, jeunes et jeunes adultes qui avaient été placés dans des établissements de soins à l’extérieur du territoire, nous n’avons retracé aucun élément probant démontrant que les travailleuses et travailleurs des services sociaux communautaires avaient effectué un suivi mensuel auprès de ces jeunes vulnérables, comme ils étaient tenus de le faire. Ces suivis sont importants pour assurer leur bien‑être et pour confirmer qu’ils obtiennent le niveau de soins dont ils ont besoin.
Nous avons relevé un certain nombre de causes profondes persistantes qui étaient liées à l’incapacité du Ministère à protéger les enfants et les jeunes à risque du Nunavut. Ces causes comprennent le financement, l’incapacité d’embaucher et de maintenir en poste du personnel permanent, le manque de logements et d’espaces de bureau, ainsi que le manque d’occasions de formation en temps opportun pour les travailleuses et travailleurs des services sociaux communautaires.
Ces difficultés étaient aggravées par de mauvaises pratiques de gestion de l’information. Par exemple, le ministère des Services à la famille n’avait pas de données fiables permettant de répondre à la question élémentaire du nombre d’enfants et de jeunes dont il avait la charge. Pour assurer la continuité du savoir et la prise de décisions éclairées, il est essentiel d’avoir accès à des renseignements fiables, exacts et à jour dans un système central, et de former le personnel à son utilisation.
Au cours des 12 dernières années, les ministères que nous avons audités ont tous accepté nos recommandations, mais nous n’avons pas encore pu constater que les enfants vulnérables bénéficient de la protection qu’ils méritent. En fait, nos 3 rapports distincts depuis 2011 brossent le tableau d’un système qui a laissé tomber les enfants et les familles qu’il vise pourtant à protéger et à appuyer. Pour cette raison, nous avons décidé de ne pas formuler d’autres recommandations dans ce troisième rapport, car nos recommandations précédentes demeurent en vigueur.
Le présent rapport constitue plus que des statistiques, des tendances et une compilation de faits. En mai, lors de la publication du rapport, la vérificatrice générale a fait état d’un système en crise. Alors que la pandémie de COVID‑19 a suscité une mobilisation rapide des ressources afin d’opérer une intervention prompte et de grande portée, la crise persistante que vivent les enfants et les familles vulnérables au Nunavut n’a pas encore incité le gouvernement à prendre des mesures qui sont à la hauteur de l’urgence des enjeux.
Compte tenu de la gravité de la situation, nous avons estimé qu’il était de notre devoir d’adopter une approche différente. Nous n’avons donc pas formulé de recommandations, et nous avons envoyé des lettres à la sous‑ministre pour lui faire part de la nature profondément troublante de nos constatations préliminaires. De même, lorsque la vérificatrice générale du Canada a publié le rapport en question en mai, elle a lancé un appel à l’adoption d’une approche pangouvernementale visant à protéger les enfants et les jeunes vulnérables du territoire. Nous avons demandé au gouvernement du Nunavut de contraindre les trois ministères, à savoir les ministères des Services à la famille, de la Santé et des Ressources humaines, à unir leurs efforts et à prendre urgemment les mesures concrètes qui s’imposent pour aider à protéger les enfants du Nunavut et à appuyer les familles et les collectivités du territoire.
En réponse à nos constatations, le ministère des Services à la famille prépare actuellement un plan d’action; celui‑ci devrait comprendre les mesures et les contributions prévues par les autres ministères de l’ensemble du gouvernement du Nunavut. Notre Bureau surveillera la mise en œuvre du plan et travaillera de concert avec le gouvernement et l’Assemblée législative à la mise en œuvre de solutions qui permettront d’améliorer la situation des enfants et des jeunes vulnérables.
Les problèmes que nous avons relevés sont systémiques et de longue date. Nous reconnaissons qu’ils tirent leur origine d’enjeux socioéconomiques qui dépassent le cadre d’un seul audit. Toutefois, ils doivent amener chacune et chacun de nous à se demander : Que faut‑il changer pour que ces enfants et leurs familles reçoivent l’aide et le soutien dont ils ont besoin?
Monsieur le Président, je termine ainsi ma déclaration d’ouverture. Nous serions heureux de répondre aux questions des membres du Comité. Nakurmiik. Merci!