Déclaration d’ouverture au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants
L’approvisionnement en matière de défense et l’industrie de défense canadienne
Le 3 juin 2024
Andrew Hayes
Sous-vérificateur général
Monsieur le Président, je vous remercie de nous donner l’occasion de témoigner devant le Comité dans le cadre de son étude sur l’approvisionnement en matière de défense et l’industrie de défense canadienne. Je tiens à souligner que cette audience se déroule sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinaabe. Je suis accompagné aujourd’hui de Nicholas Swales qui était responsable de plusieurs de nos audits dans ce domaine.
Je souhaite attirer l’attention du Comité sur un certain nombre de thèmes qui ressortent de nos audits et qui sont liés à l’approvisionnement en matière de défense. Je parlerai d’abord des retards et des changements de portée ainsi que de leur incidence sur le renouvellement des flottes en temps opportun.
Lorsque le renouvellement de la flotte est retardé, les aéronefs et les navires vieillissants demeurent en service au-delà de leur durée de vie utile prévue ou sont retirés avant que les appareils ou navires de remplacement soient opérationnels. Le maintien en service des aéronefs et des navires vieillissants entraîne également une augmentation des coûts d’exploitation et d’entretien.
En 2021, nous avons audité la Stratégie nationale de construction navale, dont le lancement a eu lieu en 2010. La Stratégie prévoit la construction d’au moins 50 grands navires de science et de défense de différentes catégories sur environ 30 ans.
Dans l’ensemble, nous avons constaté que la livraison de nombreux navires avait connu d’importants retards en raison de difficultés liées à la conception et à la construction. Par exemple, des soudures problématiques avaient été découvertes dans les navires hauturiers de science halieutique, et il avait fallu du temps pour procéder à leur examen et à leur réparation. Ces problèmes avaient retardé les calendriers de construction d’autres navires, augmentant ainsi le risque que les navires ne soient pas prêts à répondre aux besoins au moment voulu.
Dans notre rapport d’audit de 2022 sur la surveillance des eaux arctiques du Canada, nous avons constaté que les retards persistaient, tout comme leurs répercussions. L’audit a également permis de constater qu’il existait des risques de lacunes sur le plan des capacités de surveillance, de patrouille et de présence, car les satellites et les aéronefs de patrouille vieillissants peuvent également atteindre la fin de leur durée de vie utile avant que l’équipement ou les appareils de remplacement ne deviennent disponibles.
Le remplacement de la force aérienne de combat du Canada est un autre exemple de l’incidence des retards sur l’état de préparation. Le Canada a acheté ses CF‑18 au début des années 1980 et prévoyait les remplacer au bout d’environ 20 années de service, ce qui ne s’est pas produit. En 2016, le gouvernement a demandé à la Défense nationale d’avoir chaque jour un nombre suffisant d’avions de combat disponibles pour répondre au niveau d’alerte le plus élevé du Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du NordNORAD et honorer dans le même temps l’engagement du Canada envers l’Organisation du Traité de l’Atlantique NordOTAN. Cela signifiait que la Défense nationale devait augmenter de 23 % le nombre d’avions de combat disponibles pour ses opérations. Pour répondre à la demande, le gouvernement a acheté de l’Australie des avions de combat usagés qui avaient environ 30 ans et qui avaient les mêmes limites opérationnelles que celles des appareils de la flotte canadienne de CF‑18.
Cela m’amène au deuxième thème que je souhaite souligner, à savoir que si on ne dispose pas du personnel nécessaire à l’utilisation et à l’entretien de l’équipement, le problème lié à l’état de préparation demeure.
Dans le cas des avions de combat du Canada, la Défense nationale prévoyait dépenser environ 3 milliards de dollars pour acheter et exploiter les aéronefs australiens et pour prolonger la durée de vie de sa flotte. Cependant, le Ministère n’avait pas de plan pour gérer la pénurie de pilotes d’expérience et le déclin de la capacité de combat des CF‑18. L’achat d’aéronefs supplémentaires ne suffisait pas à répondre aux besoins du NORAD et de l’OTAN.
En 2022, dans le cadre de notre suivi concernant des audits antérieurs, nous avons constaté que la Défense nationale avait augmenté le nombre d’aéronefs et de pilotes disponibles pour les opérations, mais pas le nombre de techniciennes et de techniciens. Comme la mise en œuvre des stratégies de recrutement et de maintien en poste de la Défense nationale était en cours, il restait certains postes à combler.
Le dernier thème que je souhaite porter à votre attention aujourd’hui est la gestion des stocks. Nous soulevons des problèmes à ce sujet dans le cadre de nos travaux d’audit d’états financiers depuis une vingtaine d’années. Nous avons examiné de façon approfondie la chaîne d’approvisionnement des Forces armées au cours d’un audit de performance en 2020. Nous avons constaté que dans 50 % des cas, les unités militaires avaient reçu le matériel en retard, notamment des pièces de rechange, des uniformes et des vivres. Les articles prioritaires requis pour satisfaire aux besoins opérationnels critiques étaient livrés en retard encore plus souvent, soit dans 60 % des cas. Ces retards, qui étaient souvent attribuables à des pénuries de stock, ont réduit la capacité de la Défense nationale de s’acquitter de ses missions et de gérer ses ressources avec efficience.
Ces audits soulignent l’importance d’approvisionner les forces militaires canadiennes et de renouveler les flottes en temps opportun pour prévenir des lacunes sur le plan des capacités qui pourraient empêcher le Canada de respecter ses engagements relatifs à la défense et à la science à l’échelle nationale et internationale.
Monsieur le Président, je termine ainsi ma déclaration d’ouverture. Nous serions heureux de répondre aux questions des membres du Comité. Merci!