Rapports de la commissaire à l’environnement et au développement durable — Automne 2015
Déclaration d’ouverture au comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles
Rapports de la commissaire à l’environnement et au développement durable — Automne 2015
Le 18 février 2016
Julie Gelfand
Commissaire à l’environnement et au développement durable
Je vous remercie, Monsieur le Président, de nous avoir invités. Je suis heureuse d’être ici ce matin pour informer les honorables Sénateurs et Sénatrices sur nos travaux en cours. Je suis accompagnée aujourd’hui de Andrew Ferguson, Kimberley Leach et Kari Swarbrick, qui étaient responsables de mes rapports de l’automne 2015.
Permettez-moi tout d’abord de vous donner un bref aperçu de notre mandat.
Au nom du vérificateur général du Canada, le commissaire à l’environnement et au développement durable offre aux parlementaires de l’information objective et factuelle et des conseils experts sur les mesures prises par le gouvernement fédéral pour protéger l’environnement et favoriser le développement durable. Nous nous acquittons de ces responsabilités en vertu de deux lois.
Tout d’abord, en vertu de la Loi sur le vérificateur général, notre bureau effectue des audits de performance et surveille les progrès réalisés par les ministères sur les questions d’environnement et de développement durable. Nos travaux visent à déterminer si les activités des ministères pour mettre en œuvre les politiques et programmes fédéraux en matière d’environnement et de développement durable sont menées de manière efficace et si elles donnent des résultats. Nous gérons aussi le processus de pétitions environnementales qui permet aux Canadiens d’obtenir des réponses directement des ministres fédéraux sur des questions précises en matière d’environnement et de développement durable qui sont de compétence fédérale.
Selon la Loi fédérale sur le développement durable, notre Bureau effectue des examens et fait des observations sur la stratégie fédérale de développement durable. De plus, nous surveillons dans quelle mesure les ministères fédéraux contribuent à l’atteinte des cibles et des objectifs prévus dans la stratégie fédérale de développement durable, et nous faisons rapport à ce sujet.
Je présente mes rapports au Parlement au moins une fois par année. Monsieur le Président, si vous me le permettez, j’aimerais maintenant vous parler des principales constatations découlant de mes rapports de l’automne 2015 qui ont été déposés au Parlement le 26 janvier 2016.
Rapport 1 — La sécurité des pesticides
Dans le premier audit, nous avons examiné comment l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire a géré certains aspects de son mandat. Bien que nous choisissions nos audits de manière indépendante, nous avons effectué cet audit en partie à cause d’un grand intérêt qu’a manifesté le Comité sénatorial de l’agriculture et des forêts.
L’agence est chargée de déterminer quels pesticides peuvent être utilisés au Canada, et dans quelles conditions.
Il y a actuellement sur le marché canadien quelque 7 000 pesticides qui contiennent environ 600 ingrédients actifs.
L’Agence est tenue de réévaluer tous les 15 ans la valeur des pesticides homologués et les risques qui leur sont associés. Quatre-vingt-quinze pour cent des réévaluations faites par l’Agence ont donné lieu à des précautions additionnelles pour protéger la santé humaine ou l’environnement.
Pendant la période visée par notre audit, l’Agence a terminé environ 14 réévaluations par année. À la fin de notre audit, le nombre de réévaluations qui restait à terminer s’élevait à plus de six fois ce chiffre. Compte tenu du nombre de réévaluations que l’Agence prévoit déclencher chaque année, elle doit accélérer la cadence pour prévenir les risques inacceptables pour la santé humaine et l’environnement que pose l’utilisation dangereuse des pesticides.
Je suis aussi préoccupée par le fait que l’Agence a mis en moyenne cinq ans — et parfois jusqu’à 11 ans — pour retirer du marché certains pesticides après avoir établi que le produit posait des risques inacceptables pour toutes les utilisations.
L’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire peut homologuer un pesticide sous conditions lorsqu’elle conclut qu’elle a besoin d’information complémentaire pour confirmer son évaluation de la valeur d’un produit et des risques qu’il pose pour la santé humaine ou l’environnement. Tant qu’un pesticide demeure homologué sous conditions, il peut être vendu et utilisé, et d’autres produits qui contiennent le même ingrédient actif peuvent être commercialisés.
Nous avons constaté que neuf produits sont demeurés homologués sous conditions pendant plus de 10 ans. Huit d’entre eux appartiennent à la classe des néonicotinoïdes. Ces produits continuent d’être largement utilisés au Canada même s’ils sont soupçonnés d’être dangereux pour les abeilles, d’autres pollinisateurs, et des écosystèmes plus vastes. Nous avons noté que l’Agence a annoncé qu’elle cesserait d’accorder des homologations sous conditions à compter du 1er juin de cette année.
Rapport 2 — La surveillance des pipelines de compétence fédérale
Notre deuxième audit a porté sur la surveillance des pipelines de compétence fédérale exercée par l’Office national de l’énergie. L’Office établit les exigences que doivent respecter les compagnies afin d’exploiter de façon sécuritaire les quelques 73 000 kilomètres de pipelines qui transportent du pétrole et du gaz naturel pour le compte de clients au Canada et à l’étranger.
Notre audit a conclu que l’Office n’avait pas surveillé de manière appropriée la mise en œuvre des conditions d’approbation des pipelines ni effectué de suivi adéquat des écarts de conformité des compagnies. Nous avons constaté que les systèmes de suivi de l’Office étaient désuets et inefficaces.
Nous avons aussi conclu que l’Office national de l’énergie a de la difficulté à recruter et à maintenir en poste des employés dans des domaines spécialisés comme l’intégrité des pipelines et la conformité réglementaire.
Étant donné l’augmentation escomptée de la capacité des pipelines et l’entrée en vigueur de la Loi sur la sûreté des pipelines d’ici juin 2016, il est clair que l’Office national de l’énergie doit redoubler d’efforts pour rester au fait de l’évolution rapide du contexte dans lequel il opère.
Rapport 3 — Progrès réalisés par les ministères et organismes dans la mise en œuvre des stratégies de développement durable
Notre dernier audit a porté sur les progrès réalisés par certains ministères pour respecter les engagements pris dans leurs stratégies de développement durable en vue de renforcer leurs pratiques d’évaluation environnementale.
Depuis 1990, le Cabinet exige de 26 ministères et organismes gouvernementaux qu’ils fassent une évaluation environnementale stratégique des projets de politique ou de programme soumis aux ministres lorsque la mise en œuvre pourrait avoir des effets environnementaux importants, que ceux-ci soient positifs ou négatifs.
Notre audit de 2015 a montré que la Directive du Cabinet avait été appliquée à seulement cinq des plus de 1 700 projets soumis aux ministres responsables d’Agriculture Canada, de l’Agence du revenu du Canada, de Patrimoine canadien, et de Pêches et Océans Canada. Cela signifie, par exemple, qu’il n’y a pas eu d’information fournie sur d’importants effets environnementaux possibles pour le projet des Jeux panaméricains et parapanaméricains de 2015. De même, la Directive du Cabinet n’a pas été appliquée au projet de transfert, dans le but de construire un hôpital, de 60 acres de terrain ayant une importance historique reconnue.
Rapport 4 — Rapport annuel sur les pétitions en matière d’environnement
Nous avons aussi remis au Parlement notre rapport annuel sur les pétitions environnementales Cette année, nous avons reçu 15 pétitions environnementales sur divers sujets, y compris le transport de matières dangereuses et des préoccupations touchant l’environnement et la santé humaine.
Honorables Sénateurs et Sénatrices, avant de conclure, j’aimerais parler du développement durable et des changements climatiques. Je soulève ces deux sujets dans la préface de nos rapports. Je considère que ces deux sujets sont indissociables, et qu’ils s’inscrivent parmi les plus pressants de notre époque.
En septembre 2015, le Canada et 192 autres pays ont adopté le Programme de développement durable à l’horizon 2030 et se sont engagés à atteindre les 17 objectifs de développement durable qui en découlent.
De plus, avant l’ouverture de la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques tenue à Paris en décembre 2015, le Canada avait indiqué qu’il réduirait ses émissions de gaz à effet de serre de 30 pour cent par rapport aux niveaux de 2005 et ce, d’ici 2030. Le gouvernement a précisé depuis qu’il considère cette cible comme étant un minimum, et il s’est engagé à travailler avec les provinces pour élaborer un plan canadien de lutte contre les changements climatiques.
La prochaine stratégie fédérale de développement durable du Canada est attendue en 2016. La pleine intégration dans cette stratégie du Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations Unies et des engagements en matière de changements climatiques issus de la Conférence de Paris donnera une indication nette de l’engagement du Canada envers le développement durable et la lutte aux changements climatiques. J’attends avec intérêt de rendre compte au Parlement des progrès accomplis par le gouvernement pour atteindre ces objectifs des plus importants.
Finalement, j’ai joint à ma déclaration d’ouverture une liste de questions que vous souhaiteriez peut-être poser aux représentants des ministères, si des audiences sur nos rapports avaient lieu. J’espère que vous trouverez ces renseignements utiles.
Monsieur le Président, je termine ainsi ma déclaration d’ouverture. Nous serions heureux de répondre à vos questions.
Liste de questions que les parlementaires voudront peut-être poser aux représentants des ministères pour orienter leur examen des rapports de la commissaire à l’environnement et au développement durable de l’automne 2015
Rapport 1 — La sécurité des pesticides
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L’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire a décidé d’éliminer l’utilisation des homologations conditionnelles de pesticides. Qu’arrivera-t-il avec les pesticides qui ont été homologués sous conditions?
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Comment l’Agence prévoit-elle faire plus de réévaluations chaque année vu que les réévaluations doivent être faites en temps opportun afin de contrer les risques pour la santé humaine et l’environnement?
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Pouvez-vous expliquer pourquoi l’Agence permet toujours l’utilisation de néonicotinoïdes alors que d’autres administrations ont adopté une approche de précaution et les ont bannis ou en ont fortement restreint l’utilisation?
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L’Agence a-t-elle un plan d’action pour régler les problèmes relevés dans cet audit?
Rapport 2 — La surveillance des pipelines de compétence fédérale
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Vu les lacunes mises au jour lors de l’audit, qu’a fait l’Office national de l’énergie au regard de ses nouvelles responsabilités en matière de protection civile dictées dans la Loi sur la sûreté des pipelines, qui entrera en vigueur au printemps? L’Office est-il prêt à prendre en charge un incident, si cela s’avérait nécessaire?
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Pourquoi l’Office est-il incapable de suivre adéquatement la conformité des entreprises aux conditions d’approbation et aux activités de vérification? Qu’a-t-il fait pour régler les problèmes soulevés dans le rapport d’audit à ce sujet?
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Que peut faire l’Office pour régler les problèmes de capacité mentionnés dans le rapport d’audit afin que les bonnes personnes occupent les bons postes au bon moment, favorisant ainsi l’exécution du mandat de l’organisation?
Rapport 3 — Progrès réalisés par les ministères et organismes dans la mise en œuvre des stratégies de développement durable
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Nos audits ont révélé que les ministres ne recevaient pas l’information au sujet des impacts environnementaux importants possibles de la grande majorité de leurs propositions de politique, de plan ou de programme, conformément à la Directive du cabinet en matière d’évaluation environnementale stratégique. Que fait-on pour que les représentants des ministères appliquent correctement la Directive et fournissent aux ministres l’information requise?
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Vu les piètres résultats des ministères dans l’application de la Directive du cabinet, les organismes centraux, tels que le Bureau du Conseil privé, ne devraient-ils pas jouer un rôle plus actif dans le processus?
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Les réponses des ministères indiquent qu’ils n’ont pas encore bien compris les concepts déterminants à la base de la Directive du Cabinet, par exemple :
- ce qu’on entend par « impact environnemental important »;
- ce qu’est une proposition.
Quand les ministères mettront-ils en œuvre des mesures visant à clarifier ces concepts et d’autres peut-être également importants?