Déclaration d’ouverture au Comité sénatorial permanent des pêches et des océans
La protection des espèces aquatiques en péril
(Rapport 7 — Rapports de 2022 du commissaire à l’environnement et au développement durable)
Progrès réalisés par les ministères et organismes dans la mise en œuvre des stratégies de développement durable — Espèces en péril
(Rapport 9 — Rapports de 2022 du commissaire à l’environnement et au développement durable)
Le 16 février 2023
Jerry V. DeMarco
Commissaire à l’environnement et au développement durable
Monsieur le Président, je vous remercie de nous donner l’occasion de discuter de deux récents rapports d’audit sur les espèces en péril qui ont été déposés au Parlement en octobre 2022. Je tiens à reconnaître que cette audience se déroule sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinaabe. Je suis accompagné de Milan Duvnjak et de David Normand, les directeurs principaux qui étaient responsables des audits.
Nos rapports sur la protection des espèces aquatiques en péril et sur les stratégies ministérielles de développement durable ainsi que le document d’information connexe sur la biodiversité au Canada indiquent que la biodiversité du Canada est sérieusement menacée, la liste des espèces en voie de disparition, des espèces menacées et des espèces préoccupantes s’allongeant chaque année. Chaque disparition d’espèce perturbe davantage l’équilibre délicat de nos écosystèmes et constitue un manquement à notre devoir collectif de protection et de rétablissement des espèces en péril.
Dans notre rapport sur la protection des espèces aquatiques en péril, nous avons cherché à savoir si Pêches et Océans Canada, en collaboration avec des partenaires, protégeait certaines espèces aquatiques évaluées comme étant en péril aux termes de la Loi sur les espèces en péril.
Dans l’ensemble, nous avons constaté que l’approche adoptée par Pêches et Océans Canada pour protéger les espèces évaluées comme étant en péril avait contribué à des retards importants dans l’inscription des espèces devant être protégées au titre de la Loi sur les espèces en péril.
Le Ministère a surtout axé ses activités d’acquisition des connaissances sur les espèces ayant une valeur commerciale. Par conséquent, il y avait un manque de connaissances sur certaines espèces, ce qui a eu une incidence directe sur les mesures requises pour les protéger. Le Ministère n’avait pas encore donné de conseils au Cabinet quant à la nécessité d’assurer une protection légale pour la moitié des espèces évaluées comme étant en péril depuis 2004. Nous avons constaté que les analyses à l’appui des avis d’inscription des espèces devant être protégées n’étaient pas toujours claires et suffisantes et que le Ministère avait évité d’inscrire de nombreuses espèces, comme la morue, si elles avaient une valeur commerciale.
Dans le cas des espèces inscrites sur la liste des espèces à protéger, Pêches et Océans Canada manquait de personnel pour assurer le respect de la Loi sur les espèces en péril et de la Loi sur les pêches, les deux principales lois régissant la protection de la biodiversité aquatique. Par exemple, le nombre de ressources consacrées aux efforts d’application des mesures de protection des espèces d’eau douce en péril dans les plus grandes régions du Ministère était peu élevé.
Le manque de connaissances sur les espèces, le penchant à ne pas protéger des espèces ayant une valeur commerciale au titre de la Loi sur les espèces en péril, les retards importants dans l’inscription des espèces devant être protégées et la capacité limitée pour assurer l’application des lois ont des effets négatifs sur les écosystèmes et les collectivités qui en dépendent.
Passons maintenant à notre rapport annuel sur les progrès réalisés par les ministères et organismes dans la mise en œuvre des stratégies de développement durable. Dans le cadre de cet audit, nous avons examiné comment Environnement et Changement climatique Canada, Pêches et Océans et Canada Parcs Canada avaient contribué à l’atteinte de la cible visant les espèces en péril associée à l’objectif « Populations d’espèces sauvages en santé » établi dans la Stratégie fédérale de développement durable.
Dans l’ensemble, les trois organisations ont déterminé dans leurs stratégies ministérielles respectives les mesures qu’elles prévoyaient prendre. Cependant, il était difficile de voir en quoi ces mesures prévues permettraient d’atteindre la cible relative aux espèces en péril. Cela est dû au fait que les plans des organisations comprenaient seulement certaines activités de conservation et de rétablissement nécessaires pour suivre et démontrer les progrès réalisés.
Compte tenu de ces lacunes dans les stratégies ministérielles, les rapports d’étape des trois organisations concernant leurs mesures prévues ont omis de prendre en considération certains aspects des activités de conservation et de rétablissement qui sont nécessaires pour brosser un tableau complet de la situation. Des actions mesurables et des rapports clairs sur les progrès réalisés sont importants pour indiquer au Parlement et à la population canadienne si le Canada respecte ses engagements en matière de biodiversité.
La production de rapports est importante, mais ce sont les résultats qui comptent vraiment. Malheureusement, à cet égard, le bilan n’est pas positif. Au cours des huit dernières années, les résultats ont stagné et sont restés bien en deçà de la cible liée au rétablissement des espèces en péril.
Comme l’indique notre document d’information sur la biodiversité au Canada, il n’existe pas de loi générale sur la biodiversité à l’échelle fédérale. Toutefois, le gouvernement fédéral s’est engagé à plusieurs reprises à protéger la biodiversité du Canada en adoptant une loi précise pour protéger les espèces en péril, tant sur terre que dans l’eau. Il existe un ensemble de lois disparates liées à la biodiversité, dont la Loi sur les espèces en péril, qui a été adoptée il y a près de 20 ans. Cette loi vise à prévenir toute autre disparition d’espèce grâce à la protection et au rétablissement des espèces en péril partout au Canada, qu’elles aient une valeur commerciale ou non. La protection de la nature pour son propre bien et pour l’importance qu’elle revêt aux yeux des Canadiennes et des Canadiens est au cœur de ces lois.
Le Cadre mondial de la biodiversité des Nations Unies, qui a été adopté à Montréal en décembre 2022, reconnaît l’urgence d’améliorer la réponse à la crise de la biodiversité. Je crains fort que notre pays n’en fasse tout simplement pas assez pour contrer la perte de biodiversité. Il s’agit d’un enjeu que nous avons soulevé dans de nombreux audits, et plus récemment dans les deux présents rapports et dans notre document d’information sur la biodiversité au Canada. Pour mettre fin à la perte d’espèces en déclin ou à risque d’extinction et renverser la vapeur, il est urgent que le gouvernement fédéral et d’autres administrations interviennent. Plus le temps passe, plus les risques qui pèsent sur ces espèces augmentent, de même que les difficultés et les coûts de leur rétablissement. Ce fardeau ne devrait pas être imposé aux générations futures.
Monsieur le Président, je termine ainsi ma déclaration d’ouverture. Nous serions heureux de répondre aux questions des membres du Comité. Merci.