2022 — Rapports du commissaire à l’environnement et au développement durable au Parlement du CanadaRapport 3 — Le potentiel de l’hydrogène pour réduire les émissions de gaz à effet de serre
Rapport de l’auditeur indépendant
Table des matières
- Introduction
- Constatations, recommandations et réponses
- Les voies à suivre pour éclairer les politiques possibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre
- Ressources naturelles Canada a surestimé le potentiel de l’hydrogène pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre
- Le scénario transformateur privilégié
- Des hypothèses non fondées quant à l’adoption des politiques par l’ensemble des provinces et des territoires
- Des hypothèses irréalistes quant aux faibles coûts de production
- Des coûts de l’infrastructure de soutien non pris en compte
- Des hypothèses trop ambitieuses quant à l’adoption de technologies
- Environnement et Changement climatique Canada s’est servi d’une approximation inadéquate pour modéliser le potentiel de l’hydrogène
- Environnement et Changement climatique Canada s’est appuyé sur des politiques qui n’avaient pas encore été annoncées pour justifier que son plan était suffisant pour atteindre la cible originale de 2030
- Ressources naturelles Canada a surestimé le potentiel de l’hydrogène pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre
- Les voies à suivre pour éclairer les politiques possibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre
- Conclusion
- Événement subséquent
- À propos de l’audit
- Tableau des recommandations
- Pièces :
- 3.1 — Coûts de production et émissions (intensité carbonique) de différents types d’hydrogène comparés au gaz naturel, 2020
- 3.2 — Phases de la Stratégie canadienne pour l’hydrogène
- 3.3 — Le potentiel de réduction à long terme des émissions de gaz à effet de serre dans des secteurs clés de l’économie, selon la Stratégie canadienne pour l’hydrogène
- 3.4 — Plans et objectifs climatiques du Canada
- 3.5 — Environnement et Changement climatique Canada s’est appuyé sur des hypothèses irréalistes au moment d’établir sa modélisation
Introduction
Information générale
3.1 L’hydrogène est l’élément chimique le plus léger et le plus abondant. Il est un vecteur énergétique sans carbone qui ne libère aucun gaz à effet de serreDéfinition 1 ou polluant. Lorsqu’il brûle, il n’émet que de l’eau et de la chaleur. De plus, brûler un kilogramme d’hydrogène produit trois fois plus d’énergie que brûler un kilogramme d’essence. Pour ces raisons, l’hydrogène est considéré comme une voie possible pour réduire la dépendance du Canada et d’autres pays à l’égard des carburants à haute teneur en carbone et pour atteindre la cible de carboneutralité. L’hydrogène peut produire de l’énergie de deux façons :
- en étant brûlé (par exemple, dans un moteur ou une turbine);
- en étant utilisé dans une pile à combustible pour produire de l’électricité.
3.2 L’hydrogène se retrouve uniquement dans des molécules complexes, comme l’eau ou les hydrocarbures. C’est pourquoi il doit d’abord être produit et stocké avant de pouvoir être utilisé dans sa forme pure. La production d’hydrogène, contrairement à sa combustion, peut exiger une grande quantité d’énergie et, selon la source d’énergie, pourrait donner lieu à des émissions de gaz à effet de serre.
3.3 Le rôle que pourrait jouer l’hydrogène dans les systèmes énergétiques carboneutres et la décarbonisationDéfinition 2 suscite un intérêt mondial important. L’hydrogène peut servir à réduire les émissions lorsque l’électrification n’est pas réalisable sur le plan technique ou économique, notamment dans les industries à forte intensité énergétique. Par exemple :
- le transport longue distance qui exige une production d’énergie élevée (trains, navires, aéronefs, camions longue distance et autobus);
- les véhicules miniers;
- les petits réseaux électriques stationnaires;
- la production et le stockage d’énergie (le stockage et la diffusion d’électricité renouvelable excédentaire, communément appelée « transformation de l’électricité en gaz »);
- le combustible de chauffage pour les industries qui requièrent une chaleur de haute température (par exemple, dans le secteur pétrolier et gazier ou la fabrication de ciment et d’acier);
- le combustible pour le chauffage des locaux et de l’eau dans les bâtiments (comme option de rechange au gaz naturel);
- les matières premières pour les procédés industriels (le raffinage du pétrole, la valorisation du bitume, la production d’ammoniac, la production de méthanol et la production d’acier).
3.4 Le potentiel de l’hydrogène en tant que voie pour la décarbonisation dépend de la façon dont l’hydrogène est produit et utilisé. Au cours des dernières années, des couleurs ont été utilisées pour identifier les différentes méthodes de production d’hydrogène et l’intensité carboniqueDéfinition 3 du processus de production.
- L’hydrogène gris est produit à partir de gaz naturel par reformage du méthane à la vapeurDéfinition 4 sans que des émissions de dioxyde de carbone soient captées.
- L’hydrogène bleu est produit à partir de combustibles fossiles, et les émissions de gaz à effet de serre sont réduites grâce à des technologies de captage et de séquestration du carbone.Définition 5
- L’hydrogène vert est produit par électrolyseDéfinition 6 en utilisant de l’électricité renouvelable sans rejeter de dioxyde de carbone dans l’atmosphère.
En 2018, l’hydrogène gris représentait 99 % de la production d’hydrogène mondiale, alors que la production d’hydrogène bleu et vert commençait à peine. Il convient de souligner qu’au‑delà des couleurs, ce qui importe pour évaluer le potentiel de l’hydrogène en tant que voie pour la décarbonisation, ce sont les émissions nettes de carbone dans le système énergétique.
3.5 Les différentes couleurs d’hydrogène représentent la source d’énergie utilisée pour le produire (voir la pièce 3.1). Par exemple, une comparaison, en 2020, entre les coûts et les émissions de l’hydrogène par rapport à ceux du gaz naturel, une source d’énergie répandue au Canada, démontre l’ampleur et l’étendue des variations :
- Pour ce qui est du coût, l’hydrogène gris était l’hydrogène le moins cher à produire, et il coûtait 4,4 fois plus cher que le gaz naturel. Le coût de l’hydrogène bleu et de l’hydrogène vert produits à partir d’hydroélectricité se situait au milieu de la fourchette. La production d’hydrogène vert à l’aide de l’énergie solaire et éolienne était beaucoup plus onéreuse, soit environ 16 fois le prix du gaz naturel.
- En ce qui concerne les émissions, au bas de la fourchette se situe l’hydrogène vert, qui ne produit aucune émission. Au haut de la fourchette se situe l’hydrogène gris, qui produit 2,2 fois plus d’émissions que le gaz naturel.
La hausse de la tarification de la pollution causée par le carbone pourrait faire augmenter le prix relatif des différents types d’hydrogène, selon leur intensité carbonique et leur taux de captage. Cela s’explique par le fait que le prix du marché tient compte de certains coûts rattachés aux émissions.
Pièce 3.1 — Coûts de production et émissions (intensité carbonique) de différents types d’hydrogène comparés au gaz naturel, 2020
Type de gaz | Procédé de production (et % de captage et de séquestration du carboneDéfinition 5) |
Coût de production (par gigajoule) |
Émissions (intensité carboniqueDéfinition 3) |
---|---|---|---|
Gaz naturelNote * |
3,79 $ |
60 kilogrammes d’équivalent en dioxyde de carbone par gigajoule |
|
Hydrogène gris |
Reformage du méthane à la vapeurDéfinition 4 (0 %) |
16,70 $ |
2,2 fois le taux d’émissions du gaz naturel |
Hydrogène bleu foncé |
Reformage du méthane à la vapeurDéfinition 4 (53 %) |
19,60 $ |
1,1 fois le taux d’émissions du gaz naturel |
Hydrogène bleu pâle |
Reformage du méthane à la vapeurDéfinition 4 (89 %) |
23,90 $ |
0,25 fois le taux d’émissions du gaz naturel |
Hydrogène vert |
ÉlectrolyseNote *Définition 6 (énergie solaire) |
62,60 $ |
Aucune émission |
ÉlectrolyseNote *Définition 6 (énergie éolienne) |
63,80 $ |
Aucune émission |
|
ÉlectrolyseNote *Définition 6 (énergie hydraulique) |
22,00 $ |
Aucune émission |
|
Remarques : Les coûts du gaz naturel comprennent le capital, la main‑d’œuvre et les combustibles pour les procédés au gaz naturel. Les émissions de gaz naturel représentent la somme des émissions issues de la combustion et de la production.
Source : adaptation à partir de données d’Environnement et Changement climatique Canada
3.6 Au cours des dernières années, plusieurs pays et administrations ont élaboré des stratégies pour exploiter le potentiel de l’hydrogène. En décembre 2020, Ressources naturelles Canada a publié la Stratégie canadienne pour l’hydrogène. Cette stratégie a aussi été mentionnée dans le plan climatique renforcé du Canada intitulé Un environnement sain et une économie saine, qui a lui aussi été publié au cours du même mois. Par ailleurs, certaines provinces canadiennes, notamment l’Alberta, la Colombie-Britannique, l’Ontario et le Québec, ont aussi pris des mesures dans les dernières années pour établir des cadres visant à développer le secteur de l’hydrogène.
3.7 Selon Ressources naturelles Canada, la Stratégie canadienne pour l’hydrogène était un appel à l’action qui visait à démontrer le plein potentiel de l’hydrogène (sur les plans économique, environnemental et social) dans le cadre de la modernisation des systèmes énergétiques du Canada dans le contexte de l’engagement à atteindre la carboneutralité d’ici 2050. Selon la Stratégie :
- l’hydrogène pourrait permettre la réduction des émissions de gaz à effet de serre annuelles du Canada entre 22 et 45 mégatonnes d’équivalent en dioxyde de carboneDéfinition 7 par année d’ici 2030 et jusqu’à 190 mégatonnes par année d’ici 2050 selon les mesures qui seront prises et les investissements qui seront faits à travers le pays;
- l’occasion qu’offre l’hydrogène pourrait créer plus de 350 000 emplois dans le secteur et mener à des revenus annuels directs de plus de 50 milliards de dollars d’ici 2050;
- l’hydrogène pourrait représenter jusqu’à 15 % de toutes les réductions d’émissions d’ici 2030 et jusqu’à 26 % des réductions d’ici 2050;
- le Canada pourrait devenir un chef de file mondial en matière d’exportation d’hydrogène d’ici 2050.
3.8 Selon la Stratégie canadienne pour l’hydrogène, la production actuelle d’hydrogène au Canada est de 3 mégatonnes, et il s’agit presque entièrement d’hydrogène gris. La Stratégie prévoit qu’en 2030, 4 mégatonnes d’hydrogène pourraient être produites, ce qui représenterait 6 % de la demande énergétique au Canada. Les projections de la Stratégie indiquent que la demande potentielle pour l’hydrogène sera de 20,5 mégatonnes en 2050, ce qui représentera 30 % de l’énergie livrée.
3.9 La Stratégie canadienne pour l’hydrogène définit les phases à court, à moyen et à long terme pour sa mise en œuvre (voir la pièce 3.2). Par ailleurs, grâce à la collaboration avec des parties prenantes des secteurs public et privé, la Stratégie définit aussi la contribution projetée à long terme de l’hydrogène aux réductions d’émissions des gaz à effet de serre dans des secteurs clés de l’économie (voir la pièce 3.3).
Pièce 3.2 — Phases de la Stratégie canadienne pour l’hydrogène
Phase | Thème | Période | Objectifs/attentes |
---|---|---|---|
Court terme |
Préparation du terrain |
2020‑2025 |
Mise au point de nouvelles infrastructures d’approvisionnement et de distribution et élaboration d’applications commerciales matures. Lancement de projets pilotes dans des centres régionaux (notamment des applications précommerciales pour les camions lourds, l’équipement de transport des marchandises de port maritime, la production d’électricité, les solutions de chauffage pour les bâtiments et les matières premières industrielles). Élaboration et mise en œuvre de mesures stratégiques et réglementaires additionnelles requises pour atteindre la carboneutralité d’ici 2050. |
Moyen terme |
Croissance et diversification |
2025‑2030 |
Création de nouveaux centres régionaux. Phase d’expansion rapide de l’adoption des véhicules électriques à pile combustible et des autobus de transport en commun à pile combustible. Augmentation de la nouvelle production d’hydrogène à grande échelle, aux fins de commercialisation dans les centres régionaux, qui devrait permettre le mélange d’hydrogène et de gaz naturel pour l’industrie ainsi que comme matière première pour la production chimique. Déploiement de l’hydrogène dans les exploitations minières. Lancement de projets pilotes visant à explorer l’hydrogène comme moyen de stocker l’énergie. |
Long terme |
Expansion rapide du marché |
2030‑2050 |
Augmentation des nouvelles applications commerciales appuyées par des infrastructures d’approvisionnement et de distribution. Lancement commercial et expansion rapide de nouvelles façons d’utiliser l’hydrogène dans les transports. Construction de nouveaux hydrogénoducs. Augmentation de l’approvisionnement d’hydrogène à faible teneur en carbone partout au Canada, ce qui devrait permettre aux industries à fortes émissions d’adapter leurs activités afin de réduire leurs émissions de carbone. Accroissement de la production d’hydrogène, ce qui pourrait aussi positionner le Canada en tant qu’exportateur d’hydrogène à grande échelle. |
Pièce 3.3 — Le potentiel de réduction à long terme des émissions de gaz à effet de serre dans des secteurs clés de l’économie, selon la Stratégie canadienne pour l’hydrogène
Secteur de l’économie qui utilise l’hydrogène | Réduction des gaz à effet de serre en 2030 (mégatonnes d’équivalent en dioxyde de carbone par année) |
Réduction des gaz à effet de serre en 2050 (mégatonnes d’équivalent en dioxyde de carbone par année) |
---|---|---|
Mélange dans le gaz naturel | 1,7 | 57,4 |
Pétrole et gaz | 25,0 | 22,3 |
Procédés industriels | 3,3 | 24,4 |
Transports | 14,8 | 61,5 |
Combustibles à faible teneur en carbone | 0,2 | 24,4 |
Total | 45,0 | 190,0 |
Source : Ressources naturelles Canada
3.10 Environnement et Changement climatique Canada — Le Ministère a la responsabilité d’appuyer et de coordonner l’établissement et la mise en œuvre des politiques, des programmes et des règlements du Canada visant à lutter contre les changements climatiques ainsi que des plans visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre en vue d’atteindre les objectifs climatiques que le Canada s’est fixés pour 2030 et 2050. Pour ce faire, le Ministère collabore avec d’autres ministères fédéraux, des partenaires autochtones, les provinces et territoires et d’autres parties intéressées. Il mène notamment les activités suivantes :
- définir des plans de réduction des émissions crédibles et fondés sur la science, à savoir des voies à suivre, pour atteindre chaque cible annoncée par le gouvernement;
- appuyer et coordonner la mise en œuvre du plan climatique du Canada; s’employer à réduire les émissions de gaz à effet de serre produites par le Canada; favoriser une croissance propre; élaborer des instruments réglementaires; aider les entreprises et la population canadienne à s’adapter et à devenir plus résilientes face aux changements climatiques; contribuer aux actions menées à l’international pour lutter contre les changements climatiques afin d’en accroître les bienfaits à l’échelle mondiale;
- définir et mettre en œuvre une approche de tarification du carbone.
3.11 Ressources naturelles Canada — Le Ministère est responsable de l’élaboration et de la mise en œuvre de la Stratégie canadienne pour l’hydrogène. Il doit notamment fournir au ministre des Ressources naturelles et au gouvernement du Canada une analyse, les résultats de la modélisation et des avis sur l’hydrogène dans le système énergétique canadien.
Objet de l’audit
Bâtir une infrastructure résiliente, promouvoir une industrialisation durable qui profite à tous et encourager l’innovation
Source : Nations UniesNote de bas de page 1
Prendre d’urgence des mesures pour lutter contre les changements climatiques et leurs répercussions
Source : Nations Unies
3.12 Cet audit visait à déterminer si Environnement et Changement climatique Canada et Ressources naturelles Canada avaient fait une évaluation exhaustive du rôle que l’hydrogène devrait jouer comme voie pour atteindre les objectifs climatiques du Canada. L’audit a pris en compte la cible de réduction des émissions de 2030, à savoir la réduction des émissions de gaz à effet de serre de 30 % par rapport aux niveaux de 2005, qui était en vigueur au moment de l’élaboration de la Stratégie canadienne pour l’hydrogène.
3.13 Cet audit est important parce que l’hydrogène pourrait jouer un rôle significatif dans l’atteinte des objectifs de réduction des émissions du Canada. En outre, il se rattache à l’objectif 9 (Industrie, innovation et infrastructure) et à l’objectif 13 (Mesures relatives à la lutte contre les changements climatiques) des Objectifs de développement durable des Nations Unies. Si les deux ministères ne projettent pas de manière appropriée l’incidence de l’hydrogène sur la réduction des émissions, le Canada pourrait ne pas atteindre ses cibles de réduction des émissions.
3.14 La section intitulée À propos de l’audit, à la fin du présent rapport, précise l’objectif, l’étendue, la méthode et les critères de l’audit.
Constatations, recommandations et réponses
Message général
3.15 Dans l’ensemble, nous avons constaté que les approches en matière d’évaluation du rôle que l’hydrogène devrait jouer dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre d’Environnement et Changement climatique Canada et de Ressources naturelles Canada différaient. Environnement et Changement climatique Canada s’attendait à atteindre une réduction de 15 mégatonnes d’équivalent en dioxyde de carbone en 2030, alors que cette réduction atteignait jusqu’à 45 mégatonnes selon les prévisions de la Stratégie canadienne pour l’hydrogène publiée par Ressources naturelles Canada. À notre avis, Environnement et Changement climatique Canada aurait dû faire preuve d’une plus grande coordination dans l’estimation du rôle que l’hydrogène devrait jouer pour atteindre les objectifs de réduction des émissions du Canada.
3.16 Nous avons constaté que les 2 ministères utilisaient des hypothèses irréalistes pour modéliser le potentiel de réduction des émissions de gaz à effet de serre de l’hydrogène. D’après nos constatations, nous estimons que le plan Un environnement sain et une économie saine ne cadrait pas avec l’engagement climatique pris par le Canada de réduire les émissions de 30 % d’ici à 2030 qui était en vigueur au moment de l’élaboration de ce plan.
3.17 À notre avis, ce plan n’est pas totalement transparent, car il comprend des hypothèses qui ne sont pas claires et il repose sur certaines politiques qui n’ont pas été rendues publiques ou qui ne sont pas en vigueur. Cela compromet la crédibilité des réductions d’émissions attendues. Cela est également préoccupant, car les émissions de gaz à effet de serre du Canada ont considérablement augmenté depuis la signature de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques en 1992, ce qui en fait, depuis lors, le pays le moins performant du Groupe des septG7.
Les voies à suivre pour éclairer les politiques possibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre
3.18 Ressources naturelles Canada s’est fondé sur une voie de production de combustible pour éclairer les options stratégiques. Une voie de production de combustible s’entend du parcours de l’énergie de son départ en tant que ressource naturelle brute jusqu’à son état de combustible raffiné. L’intensité carbonique de l’hydrogène dépend de ses modes de production, de transport et de consommation. L’hydrogène n’émet presque aucun gaz à effet de serre lorsqu’il est produit avec de l’électricité renouvelable comparativement à plus de 100 grammes d’équivalent de dioxyde de carbone par mégajoule pour l’essence et le diesel.
Ressources naturelles Canada a surestimé le potentiel de l’hydrogène pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre
3.19 Nous avons constaté qu’au moment d’estimer le potentiel de l’hydrogène pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre du système énergétique canadien, Ressources naturelles Canada avait accordé la priorité à une approche transformative. Cette approche supposait l’adoption de politiques audacieuses et parfois inexistantes. Le Ministère présumait également dans ses modèles que des technologies ambitieuses seraient adoptées. À notre avis, ces hypothèses sont trop optimistes et pourraient compromettre l’atteinte des objectifs de la Stratégie canadienne pour l’hydrogène. Enfin, des fonctionnaires du Ministère nous ont affirmé que les décideurs ne s’appuyaient pas sur la Stratégie pour éclairer leurs décisions stratégiques.
3.20 L’analyse à l’appui de cette constatation porte sur :
- le scénario transformateur privilégié;
- des hypothèses non fondées quant à l’adoption des politiques par l’ensemble des provinces et des territoires;
- des hypothèses irréalistes quant aux faibles coûts de production;
- des coûts d’infrastructure de soutien qui ne sont pas pris en compte;
- des hypothèses trop ambitieuses quant à l’adoption de technologies.
3.21 Cette constatation est importante parce que les émissions de gaz à effet de serre au Canada ont considérablement augmenté depuis la signature de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques en 1992, ce qui en fait le pays le moins performant du G7 depuis. Des modélisations judicieuses sont requises pour réussir à changer la trajectoire des émissions de gaz à effet de serre du Canada. De telles modélisations sont essentielles pour assurer un meilleur processus décisionnel concernant les politiques et les programmes qui évaluent le rôle que l’hydrogène pourrait jouer pour aider le Canada à atteindre ses cibles de réduction des émissions de 2030 et de 2050.
3.22 Ressources naturelles Canada a réalisé des exercices de modélisation afin d’avoir une idée du rôle que l’hydrogène pourrait jouer dans la décarbonisation du système énergétique canadien et de l’ampleur que pourrait représenter la demande en hydrogène. Les modèles aident à :
- comprendre comment les systèmes complexes fonctionnent et se comportent lorsqu’ils font l’objet d’une intervention au moyen d’une politique;
- étudier les différentes options et isoler les meilleures au moment d’évaluer l’incidence des politiques ou de prévoir l’adoption future d’une technologie ou d’un combustible;
- cerner les occasions et alimenter le débat public.
3.23 Dans le cadre de ses exercices de modélisation, le Ministère a examiné 2 scénarios :
- le scénario graduel — il s’agit d’une modélisation de la demande agrégée ascendante fondée sur le maintien du statu quo. C’est‑à‑dire qu’il s’appuie sur des technologies et des règlements connus de même que sur des politiques légères. Ce scénario présente une adoption plus lente et une demande en hydrogène minimale;
- le scénario transformateur — il s’agit d’un modèle audacieux qui suppose que les règlements futurs, les avancées technologiques et les taux de croissance d’adoption les plus favorables seront en place pour atteindre la carboneutralité d’ici 2050.
3.24 Nos recommandations relativement au secteur examiné sont présentées aux paragraphes 3.34 et 3.35.
Le scénario transformateur privilégié
3.25 Nous avons constaté qu’au moment d’estimer les avantages possibles de l’hydrogène, Ressources naturelles Canada avait privilégié un scénario transformateur pour démontrer le potentiel de l’hydrogène. Toutefois, le scénario transformateur ne tenait pas compte de certains des coûts associés à ce scénario. Dans la Stratégie canadienne pour l’hydrogène, Ressources naturelles Canada a présenté l’hydrogène comme solution pour combler le déficit de la demande énergétique qui n’est pas comblé par d’autres vecteurs de décarbonisation (comme l’électrification, les biocarburants et les crédits compensatoires pour les émissions liées aux combustibles fossiles). La modélisation présumait qu’atteindre la carboneutralité au Canada était l’objectif ultime, mais ne proposait ni politiques ni programmes distincts sur lesquels le gouvernement était censé prendre des décisions.
3.26 Il est indiqué dans la Stratégie canadienne pour l’hydrogène que le scénario transformateur devrait être considéré comme une mesure de l’ampleur potentielle des possibilités offertes par l’hydrogène et qu’il ne devrait pas servir à prédire la future demande en hydrogène. Malgré cela, nous avons constaté que le Ministère s’était servi du scénario transformateur comme projection de la demande en hydrogène pour quantifier les réductions d’émissions associées. Au lieu de s’appuyer sur un modèle ascendant, qui aurait présenté le résultat possible des politiques menant à des utilisations finales de l’hydrogène plus importantes, la projection a plutôt tenu pour acquis l’objectif de carboneutralité du Canada sans savoir comment l’atteindre. Selon les fonctionnaires de Ressources naturelles Canada, les projections et les mesures précises présentées dans la Stratégie n’ont été prises en compte dans aucune décision stratégique.
3.27 Selon le scénario transformateur de Ressources naturelles Canada, l’hydrogène pourrait permettre une réduction allant jusqu’à 15 % des émissions nécessaires pour atteindre la cible de 2030. Par contre, nous avons constaté que dans l’un de ses rapports sur les demandes croissantes en hydrogène, Ressources naturelles Canada estimait qu’en 2030, l’hydrogène ne représenterait que 0,5 % de la cible de 2030 et 5,5 % de la cible de 2040. Le Ministère n’a pas trouvé cette projection attrayante et a choisi d’adopter des chiffres plus ambitieux dans la modélisation de la Stratégie canadienne pour l’hydrogène.
3.28 Enfin, nous avons constaté que le scénario transformateur n’avait pas évalué systématiquement le rapport coût-efficacité des différentes solutions de rechange ni si les différentes technologies seraient prêtes et déployables. Cette approche n’a pas pleinement pris en compte les infrastructures de soutien et le risque de retirer des actifs avant la fin de leur vie utile. Ces lacunes ont limité la capacité du Ministère à obtenir une image claire et complète des meilleures utilisations de l’hydrogène.
Des hypothèses non fondées quant à l’adoption des politiques par l’ensemble des provinces et des territoires
3.29 Nous avons constaté qu’il était présumé dans la Stratégie canadienne pour l’hydrogène que plusieurs mesures et politiques provinciales devraient être en vigueur dans toutes les provinces. Par exemple, le Ministère a proposé l’idée d’un mélange dans le gaz naturel qui s’appliquerait à l’hydrogène et dans toutes les provinces. Cependant, si la Norme sur les combustibles propres est adoptée telle quelle, l’exclusion des carburants gazeux proposée ne soutiendra pas l’élargissement du mandat de mélange à d’autres provinces. La norme proposée favoriserait le mélange pour les liquides, mais pas le mélange d’hydrogène dans le gaz naturel. Voici d’autres exemples de généralisation :
- la Stratégie reposait sur l’hypothèse selon laquelle les exigences relatives aux véhicules à zéro émission qui ne s’appliquent qu’à la Colombie-Britannique et au Québec seraient adoptées de façon similaire par toutes les provinces;
- la Stratégie reposait sur l’hypothèse selon laquelle le gouvernement fédéral mettrait en œuvre un mandat relatif aux autobus à zéro émission semblables à celui en vigueur en Californie.
Ces hypothèses sont non fondées parce qu’elles ne sont appuyées ni par des politiques provinciales ni par des politiques fédérales.
3.30 Nous avons constaté que le Ministère avait présumé que des mesures et des politiques uniformes pouvaient être mises en œuvre dans toutes les provinces. Toutefois, même dans les cas où ces politiques ou mesures étaient uniformes, elles pourraient entraîner différents niveaux de réduction des émissions. Cela s’explique par la variation dans la distribution des ressources naturelles et des réseaux économiques. Selon les pratiques exemplaires, pour qu’une modélisation de la demande soit fiable, elle devrait être fondée sur la demande provinciale en hydrogène, établie en fonction de la réglementation provinciale et fédérale, puis agrégée pour obtenir la demande totale du Canada.
Des hypothèses irréalistes quant aux faibles coûts de production
3.31 Nous avons constaté qu’au moment d’évaluer les possibilités de production d’hydrogène par électrolyse, Ressources naturelles Canada avait supposé un prix de l’électricité très faible dans l’ensemble des provinces. Par exemple, le Ministère a utilisé un prix de l’électricité de 40 $ par mégawattheure pour l’ensemble des provinces. Ce prix était nettement inférieur aux prix récents observés dans les provinces canadiennes en 2020, qui allaient de 52 $ à 124 $ par mégawattheure pour les gros consommateurs. C’est donc dire que le Ministère a surestimé la possibilité de produire de l’hydrogène à faible coût par électrolyse.
Des coûts de l’infrastructure de soutien non pris en compte
3.32 Nous avons constaté que, dans sa modélisation, Ressources naturelles Canada n’avait pas pris en compte la façon dont l’approvisionnement en hydrogène serait déployé ni les coûts associés pour satisfaire à la demande projetée. Nous avons aussi constaté que le Ministère n’avait pas tenu compte de la manière dont l’infrastructure et le réseau électrique existants pourraient accommoder les projets d’électrification ainsi que la production d’hydrogène à partir de sources d’énergie renouvelable. Par exemple, la modélisation n’a pas tenu compte des éléments suivants :
- la taille du réseau requise pour soutenir le déploiement de l’hydrogène et les contrats à long terme pour l’approvisionnement en électricité aux États‑Unis;
- le taux réel de captage, d’utilisation et de stockage du carbone,Définition 8 qui se situe actuellement à moins de 89 %, taux requis pour rendre concurrentielle la réduction des émissions de l’hydrogène bleu par rapport au gaz naturel (voir la pièce 3.1);
- les besoins en hydrogénoducs et en infrastructure de stockage;
- le temps requis pour construire l’infrastructure de soutien.
Des hypothèses trop ambitieuses quant à l’adoption de technologies
3.33 Nous avons constaté que l’approche de modélisation de Ressources naturelles Canada comportait des hypothèses ambitieuses quant à l’adoption et au déploiement de technologies :
- Il a été estimé que la séquestration d’équivalent en dioxyde de carbone par année d’ici 2050 serait multipliée par 34, passant de 4 mégatonnes au moment de l’audit à 135 mégatonnes.
- La modélisation prenait en compte le captage du dioxyde de carbone dans l’air, une nouvelle technologie qui nécessite davantage de recherche et de développement pour atteindre la maturité.
3.34 Recommandation — Ressources naturelles Canada devrait réaliser une modélisation exhaustive ascendante pour l’utilisation de l’hydrogène. Cette modélisation devrait tenir compte des éléments suivants :
- les gains d’efficacité en matière de réduction d’émissions par secteur (les coûts de réduction d’émissions par mégatonne d’équivalent en dioxyde de carbone);
- les combustibles de rechange (par exemple, biocarburants, électrification, systèmes de crédits);
- le déploiement réalisable des technologies et des infrastructures de soutien.
Réponse du Ministère — Recommandation acceptée
Le Tableau des recommandations à la fin du rapport contient les réponses détaillées du Ministère.
3.35 Recommandation — En se fondant sur la modélisation mise à jour, Ressources naturelles Canada, en partenariat avec les parties prenantes intéressées, devrait publier une feuille de route pour le développement du marché de l’hydrogène afin de surveiller les progrès et les résultats du déploiement de l’hydrogène au Canada.
Réponse du Ministère — Recommandation acceptée.
Le Tableau des recommandations à la fin du rapport contient les réponses détaillées du Ministère.
Environnement et Changement climatique Canada s’est servi d’une approximation inadéquate pour modéliser le potentiel de l’hydrogène
3.36 Nous avons constaté qu’Environnement et Changement climatique Canada s’était servi d’une approximation inadéquate – appelée indicateur – pour modéliser la demande potentielle en hydrogène pour son plan Un environnement sain et une économie saine et que cette approximation avait été utilisée pour commenter la Stratégie canadienne pour l’hydrogène. L’indicateur, soit l’obligation de mélange d’hydrogène et de gaz naturel, ne reposait pas sur une politique provinciale ou fédérale existante. Par ailleurs, il était non économique selon la tendance actuelle concernant la tarification du carbone. Cette faiblesse liée à l’indicateur utilisé remet en question le caractère plausible et réalisable de cette voie de réduction des émissions.
3.37 L’analyse à l’appui de cette constatation porte sur :
- l’effet de distorsion de l’indicateur de mélange d’hydrogène et de gaz naturel;
- la faisabilité économique douteuse.
3.38 Cette constatation est importante parce qu’une modélisation rigoureuse constitue un élément clé pour définir des plans crédibles et fondés sur la science de réduction des émissions afin d’aider le Canada à atteindre ses cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
3.39 En modélisation, il existe 2 mécanismes principaux pour intégrer la production d’hydrogène dans le bouquet énergétique :
- l’approche concurrentielle fondée sur la dynamique du marché — cette approche repose sur le principe qui veut que la technologie de production la moins coûteuse réponde à la demande d’hydrogène ou que les subventions directes à l’hydrogène soient suffisantes pour rendre la technologie de l’hydrogène efficiente. La contrainte de cette approche est que la personne qui effectue la modélisation doit définir des hypothèses quant au coût de production et au taux de subventions et indiquer comment ceux‑ci pourraient influer sur l’offre et la demande d’hydrogène;
- l’approche réglementaire — un exemple de cette approche serait le recours à un mandat de mélange d’hydrogène dans le gaz naturel qui suppose que l’hydrogène sera utilisé, du moins en partie, au lieu du gaz naturel. Dans une telle approche, la modélisation aide à déterminer les technologies les moins coûteuses pour produire l’hydrogène nécessaire en vue de remplir ce mandat.
Dans les cas où le coût de l’hydrogène par unité énergétique (le gigajoule par exemple) est relativement plus élevé que celui des autres énergies, un mandat de mélange, plutôt qu’une dynamique de marché, est nécessaire pour inciter à l’adoption de l’hydrogène.
3.40 Le Canada est le quatrième plus grand producteur de gaz naturel au monde, produisant 16,6 milliards de pieds cubes par jour. Il est le sixième plus grand exportateur de gaz naturel. Le gaz naturel joue un rôle déterminant dans le système énergétique canadien, fournissant 35,7 % de la demande en énergie. Il sert à produire de l’électricité et à chauffer les locaux et l’eau dans les bâtiments et les procédés industriels.
3.41 Pour mélanger de l’hydrogène au gaz naturel, les fournisseurs de gaz naturel doivent surmonter de nombreux obstacles techniques, comme la fragilisation des conduites, l’absence de normes de mesure et le manque d’équipement pour l’utilisation finale. Le taux de mélange sera principalement déterminé par l’offre et les limites techniques du réseau et de l’équipement permettant l’utilisation finale.
3.42 Notre recommandation relativement au secteur examiné est présentée au paragraphe 3.50.
L’effet de distorsion de l’indicateur de mélange d’hydrogène et de gaz naturel
3.43 Nous avons constaté que dans son plan Un environnement sain et une économie saine, Environnement et Changement climatique Canada avait utilisé un indicateur qui est un mélange de 7,3 % d’hydrogène dans le réseau de gaz naturel pour simuler la demande en hydrogène. Cette hypothèse de modélisation visait à orienter la réflexion sur les futurs travaux devant informer les politiques. Toutefois, ce mélange de 7,3 % ne s’appuyait sur aucune réglementation relative au mélange, tant à l’échelle provinciale qu’à l’échelle fédérale. Nous avons remarqué que le Ministère n’était pas à l’aise avec l’idée d’un taux de mélange plus élevé comme hypothèse de modélisation jusqu’à ce que les résultats des projets pilotes et des travaux sur les codes et les normes soient disponibles.
3.44 Dans le cadre de sa modélisation de la voie à suivre, le Ministère a présumé que tous les acheteurs de gaz naturel existants devraient passer à un mélange de gaz naturel avec 7,3 % d’hydrogène. Nous avons constaté que cette adoption unique obligatoire de l’hydrogène présentait de manière inexacte la part d’autres options de mélange (par exemple, un mélange de gaz naturel renouvelable et de gaz naturel). Cela impose une substitution de fait vers un mélange d’hydrogène et de gaz naturel même si d’autres types de mélanges et d’énergie pourraient être plus efficaces sur le plan économique. Par ailleurs, nous avons constaté que le plan Un environnement sain et une économie saine attribuait seulement une demande limitée en hydrogène au secteur des transports puisque celui‑ci utilisait peu de gaz naturel. Cela ne concorde pas avec la Stratégie canadienne pour l’hydrogène publiée par Ressources naturelles Canada dans laquelle il est indiqué que l’hydrogène peut être utilisé dans les transports. Ainsi, la modélisation de l’hydrogène à l’aide d’un indicateur de 7,3 % de mélange d’hydrogène et de gaz naturel pourrait fausser les projections quant aux choix des entreprises et des consommatrices et consommateurs entre les combustibles existants, l’hydrogène et d’autres carburants à faible teneur en carbone et fausser la part respective de chaque combustible dans le système énergétique.
3.45 La Régie de l’énergie du Canada a effectué diverses analyses sur l’offre et la demande d’énergie au Canada. Dans son rapport Avenir énergétique du Canada en 2021, la Régie a présumé que le mélange d’hydrogène dans le gaz naturel serait de 1 % d’ici 2030. Ce taux s’explique par les limites physiques quant à la quantité d’hydrogène pouvant être mélangé dans les gazoducs existants et la quantité pouvant être utilisée dans les appareils d’utilisation finale conventionnels. Nous avons constaté que ce taux de mélange était beaucoup plus bas que le taux de mélange d’hydrogène dans le gaz naturel de 7,3 % établi par Environnement et Changement climatique Canada pour 2030. La Régie de l’énergie du Canada a présumé que le taux de mélange d’hydrogène dans le gaz naturel atteindrait 7 % seulement en 2050.
3.46 Alors que le Canada travaille à décarboniser son économie, bon nombre de fournisseurs de services publics étudient la possibilité de mélanger le gaz naturel et l’hydrogène pour réduire les émissions. Des fournisseurs de services publics en Alberta et en Ontario ont reçu du financement pour réaliser des projets pilotes sur le mélange de l’hydrogène. Nous avons constaté que Ressources naturelles Canada avait réalisé un sondage dans le cadre de la préparation de la Stratégie canadienne pour l’hydrogène. Ce sondage a révélé que la plupart des fournisseurs de services publics convenaient du rôle important que l’hydrogène pouvait jouer dans l’avenir de l’industrie du gaz naturel. Toutefois, la plupart des répondantes et répondants estimaient que cela ne se produirait que si des cibles plus rigoureuses liées à la Norme sur les combustibles propres étaient mises en œuvre. De plus, les fournisseurs de services publics ont souligné que les consommatrices et consommateurs ne demandaient pas un gaz naturel plus propre et que, pour garantir un prix concurrentiel, le mélange de gaz naturel et d’hydrogène devrait être produit à un prix de rentabilité de moins de 15 $ par gigajoule. À l’heure actuelle, comme le démontre la pièce 3.1, le coût de production de l’hydrogène, qui permettrait de réduire les émissions en étant mélangé au gaz naturel, est d’au moins 23,90 $ par gigajoule (hydrogène bleu) et d’au moins 22 $ par gigajoule (hydrogène vert produit par hydroélectricité).
3.47 Environnement et Changement climatique Canada s’attendait à ce que le taux de mélange de 7,3 % entraîne des réductions d’émissions de 15 mégatonnes d’équivalent en dioxyde de carbone en 2030. Nous avons constaté que cette projection pour 2030 ne correspondait pas à celle présentée dans la Stratégie canadienne pour l’hydrogène publiée par Ressources naturelles Canada qui était de jusqu’à 45 mégatonnes d’équivalent en dioxyde de carbone. Ces chiffres démontrent une différence claire en ce qui concerne l’ampleur projetée de la possibilité de décarbonisation de l’hydrogène. Ils démontrent aussi l’absence de méthodes normalisées dans l’ensemble des ministères pour estimer les réductions possibles d’émissions.
3.48 En outre, l’hypothèse concernant un taux de mélange de 7,3 % utilisée par Environnement et Changement climatique Canada dans sa modélisation supposait une capacité accrue en ce qui concerne le captage, l’utilisation et le stockage du carbone étant donné que le gaz naturel serait principalement mélangé avec de l’hydrogène bleu. Nous avons constaté que, dans son plan Un environnement sain et une économie saine, le Ministère avait projeté qu’en 2030, la capacité annuelle du Canada en matière de captage, d’utilisation et de stockage du carbone serait de 57 mégatonnes, comparativement à la capacité actuelle qui est de 4 mégatonnes. Pour atteindre cette projection, une hausse importante de l’adoption et de l’utilisation des procédés de captage, d’utilisation et de stockage de carbone serait requise au cours de la présente décennie. Selon Environnement et Changement climatique Canada, 30 mégatonnes sur les 57 mégatonnes appuieraient la production de l’hydrogène requis pour atteindre le taux de mélange de gaz naturel obligatoire de 7,3 %.
La faisabilité économique douteuse
3.49 Nous avons constaté que même s’il semblait réalisable sur le plan technique d’atteindre un taux de mélange de 7,3 % d’hydrogène dans le gaz naturel au sein de certains réseaux de gaz, cela n’était pas justifiable sur le plan économique. D’après une analyse fournie à Ressources naturelles Canada, une tarification du carbone plus rigoureuse d’au moins 500 $ par tonne serait requise pour encourager les entreprises à adopter un tel taux dans le mélange. De plus, au moment de l’audit, le gaz naturel, puisqu’il s’agit d’un combustible gazeux, était exclu de la récente Norme sur les combustibles propres proposée par Environnement et Changement climatique Canada. Il était contradictoire de présumer que les fournisseurs de services publics procéderaient à un tel mélange puisqu’il n’est pas économique pour eux de le faire à l’heure actuelle et qu’il en sera de même lorsque le prix du carbone atteindra 170 $ par tonne d’équivalent en dioxyde de carbone en 2030.
3.50 Recommandation — Pour assurer l’uniformité entre les ministères, Environnement et Changement climatique Canada, en collaboration avec les autres ministères fédéraux, devrait adopter un cadre normalisé en vue d’évaluer l’incidence des politiques, des technologies propres et des combustibles proposés sur les émissions.
Réponse du Ministère — Recommandation acceptée.
Le Tableau des recommandations à la fin du rapport contient les réponses détaillées du Ministère.
Environnement et Changement climatique Canada s’est appuyé sur des politiques qui n’avaient pas encore été annoncées pour justifier que son plan était suffisant pour atteindre la cible originale de 2030
3.51 Lors de nos travaux d’audit de la modélisation pour l’hydrogène d’Environnement et Changement climatique Canada, nous avons constaté que l’atteinte de la cible originale pour 2030 énoncée dans le plan Un environnement sain et une économie saine dépendait de certaines politiques qui n’avaient pas encore été annoncées ou utilisées et que, dans certains cas, elle reposait sur des hypothèses beaucoup trop optimistes. En outre, nous avons constaté que les modèles du Ministère avaient fait l’objet d’un contrôle d’assurance de la qualité et d’un examen par des pairs et des parties prenantes limités. Enfin, des fonctionnaires du Ministère nous ont indiqué qu’il n’était pas du ressort de la division responsable de la modélisation au sein d’Environnement et Changement climatique Canada d’établir des voies de décarbonisation économiquement rentables. Selon le Ministère, cette responsabilité a été confiée à diverses organisations fédérales.
3.52 L’analyse à l’appui de cette constatation porte sur :
- le manque de transparence et des hypothèses trop optimistes dans le modèle;
- un contrôle qualité et un examen par des pairs et des parties prenantes limités.
3.53 Cette constatation est importante parce que si les modèles ne reposent pas sur des hypothèses réalistes, ils ne peuvent pas indiquer la voie la plus économique pour permettre au Canada d’atteindre ses cibles de réductions des émissions. L’absence d’hypothèses rigoureuses peut aussi compromettre la fiabilité des plans et la capacité du Canada à atteindre sa cible de réduction des émissions.
3.54 En décembre 2020, après une série de plans et d’engagements, le gouvernement du Canada a publié un plan climatique renforcé intitulé Un environnement sain et une économie saine (voir la pièce 3.4). Le nouveau plan s’appuie sur les efforts déjà en cours sous le Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques pour réduire davantage la pollution. Le plan Un environnement sain et une économie saine donne des précisions sur des initiatives visant à réduire les émissions d’au moins 30 % par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2030. Il comprend des mesures telles que les suivantes :
- une tarification du carbone plus stricte;
- la conservation de l’énergie et l’efficacité énergétique dans les bâtiments;
- des transports propres et des véhicules à zéro émission;
- des technologies qui retirent le carbone (par exemple, le captage, l’utilisation et le stockage du carbone);
- des technologies et des carburants propres (par exemple, l’hydrogène).
Pièce 3.4 — Plans et objectifs climatiques du Canada
Plans et objectifs | Intentions générales |
---|---|
2015 — Accord de Paris | Le Canada signe l’Accord de Paris en 2016 et s’engage à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 30 % par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2030. |
2016 — Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques | Le gouvernement publie son cadre pour atteindre sa cible de réduction des émissions de 30 % par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2030. |
2020 — Un environnement sain et une économie saine | Le plan s’appuie sur les efforts du Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques. Il donne des précisions sur les initiatives qui visent à réduire les émissions de 30 % par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2030. |
2021 — Nouvelle cible de réduction des émissions de gaz à effet de serre du Canada | Le Canada s’engage à atteindre une cible plus ambitieuse : la réduction des émissions de 40 % à 45 % par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2030. Cela signifie que le Canada pourrait émettre un maximum de 401 à 438 mégatonnes d’équivalent en dioxyde de carbone en 2030. (En 2019, le Canada a émis 730 mégatonnes d’équivalent en dioxyde de carbone.) |
2021 — Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité | La Loi requiert que le ministre de l’Environnement fixe des cibles nationales de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour 2030, 2035, 2040 et 2045 dans le but d’atteindre la carboneutralité d’ici 2050. La Loi exige aussi le dépôt d’un plan de réduction des émissions, d’un rapport d’étape et d’un rapport d’évaluation concernant chaque cible devant chaque chambre du Parlement. |
2022 — Plan de réduction des émissions : Prochaines étapes du Canada pour un air pur et une économie forte | Le Plan de réduction des émissions décrit comment le Canada atteindra ses cibles de réductions des émissions de gaz à effet de serre de 40 % par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2030. Il comprendra aussi un objectif provisoire lié aux gaz à effet de serre pour 2026, qui servira de point de contrôle de mi‑parcours entre maintenant et 2030. |
3.55 En atteignant ses objectifs climatiques, le gouvernement du Canada peut sensibiliser la population canadienne et gagner sa confiance en faisant preuve de transparence quant à ses plans et à ses progrès. La transparence peut également aider à tenir le gouvernement responsable de ses actions. Comme nous l’avons mentionné dans le rapport 5, « Leçons tirées de la performance du Canada dans le dossier des changements climatiques », présenté dans le cadre des Rapports du commissaire à l’environnement et au développement durable au Parlement du Canada 2021, de nombreux audits liés au climat ont examiné la transparence et ont relevé des enjeux persistants quant à la manière dont les ministères font rapport sur leurs modèles d’émissions. En outre, le rapport 4, « Fonds de réduction des émissions — Ressources naturelles Canada », a fait ressortir le manque de transparence du processus utilisé pour estimer les réductions attendues.
3.56 Environnement et Changement climatique Canada a utilisé une série de modèles pour analyser les décisions politiques concernant le secteur énergétique et leur incidence sur l’économie et l’environnement.
3.57 Nos recommandations relativement au secteur examiné sont présentées aux paragraphes 3.64, 3.65 et 3.73.
Le manque de transparence et des hypothèses trop optimistes dans le modèle
3.58 Nous avons constaté que le plan Un environnement sain et une économie saine d’Environnement et Changement climatique Canada se fondait sur des mesures qui n’avaient pas été mises en œuvre. Il s’appuyait également sur des politiques qui n’avaient pas le soutien législatif ou financier nécessaire comme si elles avaient déjà été mises en place. Par exemple :
- une mesure incitative fiscale semblable à la mesure 45Q adoptée aux États‑Unis pour le captage, l’utilisation et le stockage du carbone. Une telle mesure fiscale n’avait pas encore été annoncée au Canada au moment de la publication du plan Un environnement sain et une économie saine et n’était toujours pas finalisée au moment de l’audit;
- un indicateur composé d’un mélange de 7,3 % d’hydrogène dans le gaz naturel pour représenter la demande en hydrogène ne s’appuyait sur aucune réglementation relative au mélange, tant à l’échelle provinciale qu’à l’échelle fédérale;
- la Norme sur les combustibles propres. Il s’agit d’une norme à venir, mais non finalisée dont l’étendue a été modifiée au cours des dernières années et qui, au moment de l’audit, ne tenait compte que des combustibles liquides.
3.59 Nous avons constaté que le plan Un environnement sain et une économie saine présentait une liste de politiques, de programmes et de stratégies gouvernementaux qui visaient à appuyer l’atteinte de la cible de réduction des émissions du Canada. Toutefois, le plan ne faisait pas la distinction entre les politiques et mesures existantes et celles qui n’avaient pas encore été annoncées ou mises en œuvre. À cet égard, les rapports d’Environnement et Changement climatique Canada sur sa modélisation manquaient de transparence. Malgré le fait que le plan Un environnement et une économie saine comportait un scénario de référence et un scénario actualisé tenant compte d’initiatives annoncées, le document ne présentait aucune liste publique claire et exhaustive des hypothèses pour chaque scénario. Il présentait plutôt des hypothèses générales et vagues. À notre avis, cela a empêché la tenue d’un débat public éclairé sur les choix stratégiques.
3.60 Environnement et Changement climatique Canada nous a fourni une liste complète des hypothèses pour les 2 scénarios. Nous avons constaté que le Ministère s’était appuyé sur des hypothèses gonflées et trop optimistes lors de sa modélisation des mesures requises pour atteindre la cible de réduction des émissions de 30 % d’ici 2030 (voir la pièce 3.5).
Pièce 3.5 — Environnement et Changement climatique Canada s’est appuyé sur des hypothèses irréalistes au moment d’établir sa modélisation
Hypothèse | Faits |
---|---|
Une augmentation, à compter de 2022, de l’efficacité énergétique de tous les éléments structurels des bâtiments (comme les murs extérieurs, les fenêtres, etc.), de 2 % chaque année pour les bâtiments résidentiels et de 2,5 % chaque année pour les bâtiments commerciaux. | Une telle augmentation exigerait des rénovations majeures au sein de l’industrie. Dans le secteur résidentiel, l’efficacité énergétique globale (éclairage, chauffage, structure, électroménagers) s’est améliorée de 1,6 % par année, en moyenne, entre 1990 et 2017. De même, dans les secteurs commerciaux et institutionnels, l’efficacité énergétique globale s’est améliorée de 0,7 % par année, en moyenne, au cours de la même période. |
Une augmentation de la part des ventes des véhicules lourds à zéro émission qui cadre avec la politique de la Californie | Au Canada, aucune politique semblable n’a été mise en œuvre ou annoncée. |
La construction de nouvelles lignes de transport d’électricité entre les provinces d’ici 2028 et 2030 pour fournir de l’électricité propre aux provinces qui dépendent de la production d’électricité à partir de combustibles fossiles. | Cela exigerait un investissement de milliards de dollars et devrait faire l’objet d’un accord entre les diverses parties prenantes, comme les provinces, les Premières Nations, les fournisseurs de services publics, le gouvernement fédéral, etc., pour assurer un droit de passage. |
3.61 Nous avons constaté qu’Environnement et Changement climatique Canada n’avait pas pris en compte chaque initiative en tant que voie distincte. Le Ministère avait plutôt regroupé toutes les initiatives ensemble dans le but d’atteindre l’objectif climatique concernant la réduction des émissions. Des fonctionnaires du Ministère nous ont indiqué que les modèles ne pouvaient pas déterminer l’incidence d’une initiative stratégique en particulier lorsqu’ils étaient regroupés. Ainsi, le Ministère ne pouvait pas :
- assurer le suivi d’une politique en particulier;
- attribuer une quantité de réduction des émissions à une politique donnée;
- isoler les interactions entre les politiques ou les programmes;
- modéliser les mesures dans n’importe quel ordre puisque l’ordre d’ajout d’une mesure dans le modèle influe sur l’estimation de la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
3.62 En outre, nous avons constaté qu’Environnement et Changement climatique Canada ne pouvait pas déterminer la voie la plus économiquement rentable à suivre pour atteindre les cibles de réduction des émissions. Par exemple, lorsqu’il a modélisé l’hydrogène pour le plan Un environnement sain et une économie saine, le Ministère n’a pas démontré qu’il avait tenu compte des coûts du mélange d’hydrogène ou du plan climatique renforcé. Il s’est plutôt concentré sur l’atteinte de la cible de réduction des émissions. Par ailleurs, des fonctionnaires du Ministère nous ont indiqué qu’il n’était pas du ressort de la division responsable de la modélisation au sein d’Environnement et Changement climatique Canada d’établir des voies de décarbonisation économiquement rentables. Selon le Ministère, cette responsabilité a été confiée à diverses organisations fédérales.
3.63 Nous avons constaté que le Canada avait utilisé des fonds ciblés pour appuyer des politiques ou des secteurs en particulier sans avoir publié d’estimations des réductions d’émissions attendues. Par exemple, le Ministère n’avait pas encore effectué d’exercice de modélisation de l’incidence sur les émissions des 5 milliards de dollars prévus dans le cadre de l’initiative Accélérateur net zéro du Fonds stratégique pour l’innovation, qui avait été annoncée dans le Budget de 2021.
3.64 Recommandation — Pour accroître la transparence de ses projections d’émissions, Environnement et Changement climatique Canada devrait établir et publier des résultats pour ses scénarios qui :
- comprennent une liste détaillée des mesures et des hypothèses envisagées;
- font clairement la distinction entre 1) les scénarios fondés sur les politiques et les mesures existantes et 2) les scénarios exploratoires qui intègrent des politiques et des mesures proposées ou ambitieuses.
Réponse du Ministère — Recommandation acceptée.
Le Tableau des recommandations à la fin du rapport contient les réponses détaillées du Ministère.
3.65 Recommandation — Pour mieux éclairer le processus décisionnel, Environnement et Changement climatique Canada, de concert avec Ressources naturelles Canada, devrait améliorer ses modélisations de la voie à suivre en se servant d’hypothèses raisonnables, efficientes et réalisables sur le plan technique.
Réponse du Ministère — Recommandation acceptée.
Le Tableau des recommandations à la fin du rapport contient les réponses détaillées du Ministère.
Un contrôle de la qualité et un examen par des pairs et des parties prenantes limités
3.66 Nous avons constaté qu’Environnement et Changement climatique Canada avait un cadre limité selon lequel ses modèles les plus importants servant à soutenir les décisions sur les politiques de décarbonisation étaient soumis à :
- un examen par des pairs et des parties prenantes;
- un contrôle d’assurance de la qualité.
3.67 En 2014, le Bureau du vérificateur général du Canada a réalisé un audit des méthodes utilisées pour estimer les émissions futures de gaz à effet de serre du Canada et en faire rapport. Nous avions recommandé à Environnement Canada de prendre des mesures visant à améliorer l’examen externe de son cadre de modélisation des changements climatiques afin de renforcer ses méthodes de contrôle de la qualité et d’augmenter la transparence dont il fait preuve. Selon nous, même si des progrès ont été réalisés dans un certain nombre de secteurs, cette recommandation de 2014 reste pertinente.
3.68 Nous avons aussi constaté qu’Environnement et Changement climatique Canada consultait chaque année les provinces, les territoires et d’autres ministères fédéraux pour discuter des projections. Ainsi, il communiquait des données, des renseignements, des hypothèses et les résultats de ses modélisations pour expliquer les résultats des projections et pour mieux comprendre et refléter toutes les politiques provinciales.
3.69 En outre, des fonctionnaires du Ministère nous ont dit que le rapport Tendances en matière d’émissions au Canada et des rapports d’études universitaires concernant des modèles rédigés par des fonctionnaires d’Environnement et Changement climatique Canada avaient été examinés par des pairs externes. Nous avons constaté que sur les 4 modèles utilisés par le Ministère pour estimer les émissions, un seul modèle avait fait l’objet d’un examen par les pairs en 2018. Nous avons aussi constaté que les expertes-conseils et experts-conseils avaient revu une série de questions.
3.70 Le Ministère estimait que ces examens étaient suffisants pour conclure que sa modélisation était acceptable. Toutefois, à notre avis, la rigueur et la transparence de ces examens étaient insuffisantes comparativement aux pratiques d’autres administrations. Par exemple, certaines administrations ont pour pratique de demander à une autre organisation de choisir les pairs qui feront l’examen, disposent d’un cadre pour éviter les conflits d’intérêts et publient sur le Web les examens du cadre de modélisation réalisé par des pairs.
3.71 Le Royaume‑Uni, par exemple, avait établi, pour ses modèles essentiels, un cadre de contrôle de la qualité s’appliquant à la fois au processus (directives et documentation) et à l’environnement de modélisation (culture, capacité et contrôle). Vu l’utilité et la complexité de ces modèles, il était important de veiller à ce qu’ils soient adaptés aux fins prévues. Le contrôle d’assurance de la qualité englobait habituellement :
- le concept et la conception du modèle, y compris la justification et l’étendue;
- l’élaboration et la réalisation du modèle, y compris le processus d’assurance de la qualité du Ministère;
- les données d’entrée et les hypothèses du modèle;
- des estimations sur la sensibilité du modèle;
- l’utilisation des résultats.
3.72 En 2010, le Royaume‑Uni a lancé la calculatrice 2050, un outil de test de scénario qui permet aux utilisatrices et utilisateurs d’explorer différentes façons de réduire les émissions du Royaume‑Uni d’ici 2050. Cet outil a permis aux spécialistes et aux parties prenantes de formuler des commentaires. Le modèle et les hypothèses qui y sont associées ont été publiés sur le Web. Au cours de l’élaboration de la calculatrice 2050, le ministère britannique des Affaires, de l’Énergie et de la Stratégie industrielle a publié plusieurs demandes visant à recueillir des éléments de preuve et a collaboré avec des centaines de parties prenantes pour améliorer le modèle. Le ministère britannique a aussi discuté ouvertement des incertitudes et des façons dont il les a traitées. Ainsi, il a amélioré la confiance dans le modèle et les observations en découlant et a obtenu un contrôle d’assurance de la qualité de la part de spécialistes du monde entier.
3.73 Recommandation — Pour améliorer la qualité et la transparence de sa modélisation climatique ainsi que la confiance à l’égard de celle‑ci, Environnement et Changement climatique Canada devrait établir un cadre d’examen officiel selon lequel sa modélisation ferait l’objet :
- d’un examen approfondi par des pairs;
- de consultations officielles auprès de parties prenantes;
- d’un contrôle d’assurance de la qualité officiel périodique;
- d’un examen public.
Réponse du Ministère — Recommandation acceptée.
Le Tableau des recommandations à la fin du rapport contient les réponses détaillées du Ministère.
Conclusion
3.74 Nous avons conclu qu’Environnement et Changement climatique Canada et Ressources naturelles Canada avaient modélisé le rôle que l’hydrogène pourrait jouer comme voie possible pour atteindre les objectifs climatiques du Canada. Cependant, Ressources naturelles Canada avait surestimé son potentiel de décarbonisation et Environnement et Changement climatique Canada s’était servi d’un indicateur inadéquat pour effectuer sa modélisation. En outre, nous sommes inquiets que la modélisation des voies possibles présentée par Environnement et Changement climatique Canada dans le plan Un environnement sain et une économie saine se soit appuyée sur des politiques qui n’avaient pas encore été mises en œuvre. De plus, certaines hypothèses étaient trop optimistes, remettant en cause la crédibilité du plan pour permettre au Canada d’atteindre l’objectif de 2030, qui était en vigueur au début de l’audit. Environnement et Changement climatique Canada bénéficierait d’un cadre plus solide pour l’examen par les pairs et le public ainsi que pour l’assurance et le contrôle de la qualité dans ses exercices de modélisation.
Événement subséquent
3.75 Le 29 mars 2022, Environnement et Changement climatique Canada a publié le Plan de réduction des émissions pour 2030 : Prochaines étapes du Canada pour un air pur et une économie forte visant à atteindre son nouvel objectif de 40 %. L’annexe 5 du Plan présente les hypothèses les plus à jour et les facteurs clés qui influenceront les émissions globales de gaz à effet de serre au Canada. Par conséquent, il reconnaît la Stratégie canadienne pour l’hydrogène. Le Plan de réduction des émissions pour 2030 utilise la même approche que le plan climatique renforcé, Un environnement sain et une économie saine, pour refléter le potentiel de l’hydrogène à contribuer à l’atteinte de l’objectif du Canada. Le modèle compris dans le Plan de réduction des émissions pour 2030 suppose un mandat de mélange à 7,3 % dans le gaz naturel en tant qu’indicateur pour les possibles futures réductions d’émissions.
À propos de l’audit
Le présent rapport de certification indépendant sur l’hydrogène comme voie possible pour réduire les émissions de gaz à effet de serre a été préparé par le Bureau du vérificateur général du Canada. Notre responsabilité était de donner de l’information, une assurance et des avis objectifs au Parlement en vue de l’aider à examiner soigneusement la gestion que fait le gouvernement des ressources et des programmes et d’exprimer une conclusion quant à la conformité de la modélisation réalisée par les ministères, dans tous ses aspects importants, aux critères applicables.
Tous les travaux effectués dans le cadre du présent audit ont été réalisés à un niveau d’assurance raisonnable conformément à la Norme canadienne de missions de certification (NCMC) 3001 — Missions d’appréciation directe de Comptables professionnels agréés du Canada (CPA Canada), qui est présentée dans le Manuel de CPA Canada — Certification.
Le Bureau du vérificateur général du Canada applique la Norme canadienne de contrôle qualité 1 et, en conséquence, maintient un système de contrôle de la qualité exhaustif qui comprend des politiques et des procédures documentées en ce qui concerne la conformité aux règles de déontologie, aux normes professionnelles et aux exigences légales et réglementaires applicables.
Lors de la réalisation de nos travaux d’audit, nous nous sommes conformés aux règles sur l’indépendance et aux autres règles de déontologie des codes de conduite pertinents applicables à l’exercice de l’expertise comptable au Canada, qui reposent sur les principes fondamentaux d’intégrité, d’objectivité, de compétence professionnelle et de diligence, de confidentialité et de conduite professionnelle.
Conformément à notre processus d’audit, nous avons obtenu ce qui suit de la direction de l’entité :
- la confirmation de sa responsabilité à l’égard de l’objet considéré;
- la confirmation que les critères étaient valables pour la mission;
- la confirmation qu’elle nous a fourni tous les renseignements dont elle a connaissance et qui lui ont été demandés ou qui pourraient avoir une incidence importante sur les constatations ou la conclusion contenues dans le présent rapport;
- la confirmation que les faits présentés dans le rapport d’audit sont exacts.
Objectif de l’audit
L’objectif de l’audit consistait à déterminer si Environnement et Changement climatique Canada et Ressources naturelles Canada avaient fait une évaluation exhaustive du rôle que l’hydrogène devrait jouer comme voie pour atteindre les objectifs climatiques du Canada.
Étendue et méthode
L’audit sur l’hydrogène et les voies possibles pour réduire les émissions de gaz à effet de serre a porté sur Environnement et Changement climatique Canada et sur Ressources naturelles Canada.
Dans le cadre de l’audit, nous nous sommes entretenus avec des fonctionnaires représentant les ministères. Nous avons examiné et analysé les documents qui nous avaient été fournis par les ministères, des parties prenantes et des organisations internationales. Nous avons aussi mené des entretiens auprès de parties prenantes et de spécialistes du domaine. Enfin, nous avons analysé les pratiques exemplaires internationales relatives aux objets considérés.
Critères
Pour déterminer si Environnement et Changement climatique Canada et Ressources naturelles Canada avaient fait une évaluation exhaustive du rôle que l’hydrogène devrait jouer comme voie pour atteindre les objectifs climatiques du Canada, nous avons utilisé les critères suivants :
Critères | Sources |
---|---|
Environnement et Changement climatique Canada et Ressources naturelles Canada, dans le respect de leurs responsabilités et rôles respectifs, effectuent des exercices de modélisation pour évaluer la réduction des gaz à effet de serre possible associée au développement de l’économie de l’hydrogène, formulent des avis techniques et mènent une analyse exhaustive des voies possibles. |
|
Période visée par l’audit
L’audit a porté sur la période allant du 1er décembre 2019 au 15 janvier 2022. Il s’agit de la période à laquelle s’applique la conclusion de l’audit.
Date du rapport
Nous avons fini de rassembler les éléments probants suffisants et appropriés à partir desquels nous avons fondé notre conclusion le 17 février 2022, à Ottawa, au Canada.
Équipe d’audit
L’audit a été réalisé par une équipe multidisciplinaire du Bureau du vérificateur général du Canada qui était dirigée par Philippe Le Goff, directeur principal. Celui‑ci assume la responsabilité globale de la qualité de l’audit, notamment de la réalisation de l’audit selon les normes professionnelles et les exigences des textes légaux et réglementaires en vigueur et les politiques et le système de gestion de la qualité du BVG.
Tableau des recommandations
Le tableau qui suit regroupe les recommandations et les réponses apparaissant dans le présent rapport. Le numéro qui précède chaque recommandation correspond au numéro du paragraphe de la recommandation dans le rapport.
Recommandation | Réponse |
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3.34 Ressources naturelles Canada devrait réaliser une modélisation exhaustive ascendante pour l’utilisation de l’hydrogène. Cette modélisation devrait tenir compte des éléments suivants :
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Recommandation acceptée. Ressources naturelles Canada convient qu’il est important de modéliser le rôle potentiel de l’utilisation de l’hydrogène dans tous les secteurs de l’économie, y compris le potentiel de réduction des émissions et le coût qui en résulte. La modélisation entreprise pour la Stratégie canadienne pour l’hydrogène était axée sur les utilisations finales les plus probables et économiquement viables à court terme, comme le transport lourd, le mélange de gaz naturel, la fabrication de ciment et d’acier et la production de carburant à faible teneur en carbone. Cette analyse secteur par secteur des utilisations finales de l’hydrogène a porté sur les niveaux de maturité technologique, la compétitivité économique, le potentiel d’adoption et d’autres facteurs, notamment l’infrastructure de soutien. Cette analyse sera mise à jour au fur et à mesure des nouvelles activités de déploiement et de l’arrivée de nouvelles technologies sur le marché. Les résultats de la modélisation de l’utilisation de l’énergie peuvent ensuite être utilisés par Environnement et Changement climatique Canada pour informer leur modélisation des réductions d’émissions potentielles, tout en contribuant aux efforts d’Environnement et Changement climatique Canada pour répondre à la recommandation indiquée au paragraphe 3.65. Nous reconnaissons que la modélisation entreprise n’a pas inclus un coût précis par tonne, étant donné que l’accent a été mis sur le plein potentiel d’utilisation de l’hydrogène dans l’ensemble de l’économie, par opposition à une focalisation sur le coût et les répercussions d’une mesure particulière ou d’une combinaison de mesures particulières. Étant donné que le coût par tonne dépend d’un certain nombre de variables, notamment les technologies de production (et les matières premières), la distribution, le type d’investissement et l’utilisation finale précise, le gouvernement analyse le coût par tonne mesure par mesure lorsqu’il envisage de nouvelles mesures réglementaires, fiscales ou de programme, par opposition à une modélisation à l’échelle de l’économie. |
3.35 En se fondant sur la modélisation mise à jour, Ressources naturelles Canada, en partenariat avec les parties prenantes intéressées, devrait publier une feuille de route pour le développement du marché de l’hydrogène afin de surveiller les progrès et les résultats du déploiement de l’hydrogène au Canada. |
Recommandation acceptée. Ressources naturelles Canada convient qu’il est important d’explorer plus en détail les possibilités de marché précises, d’élaborer et de publier des feuilles de route régionales, puis de suivre les progrès réalisés. Cela fait écho à une recommandation de la Stratégie canadienne pour l’hydrogène, qui préconise l’élaboration de plans directeurs régionaux permettant d’aller plus loin dans la détermination des possibilités et des défis potentiels propres à chaque région, ainsi que des mesures claires à prendre pour saisir ces possibilités. La Stratégie canadienne pour l’hydrogène a également identifié le besoin d’établir un cadre de rapport complet, pour suivre les progrès, comme étant une action initiale essentielle pour la mise en œuvre. Ressources naturelles Canada fait déjà avancer les travaux sur les plans directeurs en partenariat avec les provinces et territoires et les principaux intervenants. Ressources naturelles Canada a apporté un soutien technique et financier à l’élaboration de plusieurs stratégies régionales qui ont été publiées ou sont en cours d’élaboration, notamment celles de la Colombie-Britannique, de l’Alberta, de l’Ontario, du Québec et de la région de l’Atlantique. Étant donné la nature évolutive du marché de l’hydrogène, une analyse supplémentaire se poursuivra par l’entremise des 16 groupes de travail thématiques qui ont été créés pour appuyer la mise en œuvre de la Stratégie canadienne pour l’hydrogène. Cette analyse est axée sur tous les aspects de la chaîne de valeur de l’hydrogène – de la production à la distribution et aux multiples utilisations finales. Ressources naturelles Canada travaille également à l’élaboration du cadre de rapport pour le rapport d’étape biennal, qui permettra de suivre les progrès réalisés à l’égard des recommandations énoncées dans la Stratégie canadienne pour l’hydrogène ainsi que les données et les analyses de marché liées à la croissance prévue au Canada et dans le monde. Le rapport biennal sera un recueil unique de renseignements et de résultats sur toutes les activités liées à l’hydrogène entreprises au pays, y compris les activités bénéficiant directement d’un soutien fédéral ou provincial/territorial ainsi que celles entreprises strictement par le secteur privé. Il comprendra des mesures clés et des données relatives à la production d’hydrogène, à ses utilisations finales, aux investissements, aux emplois et aux exportations. |
3.50 Pour assurer l’uniformité entre les ministères, Environnement et Changement climatique Canada, en collaboration avec les autres ministères fédéraux, devrait adopter un cadre normalisé en vue d’évaluer l’incidence des politiques, des technologies propres et des combustibles proposés sur les émissions. |
Recommandation acceptée. Il est convenu que des estimations cohérentes et fiables des politiques proposées sur les émissions sont nécessaires pour éclairer le processus décisionnel. Le Centre d’expertise de l’Optique intégrée des changements climatiques, récemment créé et situé au sein d’Environnement et Changement climatique Canada, a pour mandat de veiller à ce que les principales décisions gouvernementales, notamment dans le cadre des processus budgétaires et ministériels, tiennent compte de l’atténuation des changements climatiques et de l’adaptation à ceux‑ci de manière rigoureuse, cohérente et, si possible, mesurable. |
3.64 Pour accroître la transparence de ses projections d’émissions, Environnement et Changement climatique Canada devrait établir et publier des résultats pour ses scénarios qui :
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Recommandation acceptée. Cette recommandation est conforme à la pratique actuelle d’Environnement et Changement climatique Canada. Les projections d’émissions de GES d’Environnement et Changement climatique Canada sont publiées conformément aux normes internationales qui exigent une distinction claire entre les initiatives existantes et les initiatives prévues. Environnement et Changement climatique Canada modélise et publie 2 scénarios de GES : le scénario de « référence », qui comprend les politiques et mesures fédérales, provinciales et territoriales qui sont financées, légiférées et mises en œuvre et le scénario « avec des mesures supplémentaires », qui s’appuie sur le scénario de référence en incluant les politiques prévues. Les directives internationales pour l’établissement de rapports de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) sont disponibles en ligne :
Les rapports du Canada à la CCNUCC comprennent la liste détaillée des mesures dans les scénarios de référence et avec des mesures supplémentaires. |
3.65 Pour mieux éclairer le processus décisionnel, Environnement et Changement climatique Canada, de concert avec Ressources naturelles Canada, devrait améliorer ses modélisations de la voie à suivre en se servant d’hypothèses raisonnables, efficientes et réalisables sur le plan technique. |
Recommandation acceptée. Pour les besoins de la modélisation des projections de GES dans le contexte du plan climatique canadien, Environnement et Changement climatique Canada publie à la fois un scénario de référence et un scénario avec mesures supplémentaires. Tous deux utilisent des hypothèses raisonnables, rentables et techniquement réalisables. Ces hypothèses sont éclairées par les travaux d’élaboration de politiques et de programmes menés par d’autres ministères, dont Ressources naturelles Canada, et comprennent d’autres considérations comme l’incertitude des hypothèses sur les coûts futurs et les paramètres techniques, en particulier pour les technologies émergentes ou en évolution rapide. Les hypothèses s’appuient aussi sur l’examen de la documentation universitaire la plus récente. |
3.73 Pour améliorer la qualité et la transparence de sa modélisation climatique ainsi que la confiance à l’égard de celle‑ci, Environnement et Changement climatique Canada devrait établir un cadre d’examen officiel selon lequel sa modélisation ferait l’objet :
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Recommandation acceptée. Environnement et Changement climatique Canada reconnaît l’importance de garantir l’adéquation permanente des modèles eux‑mêmes et partage l’objectif de maximiser la transparence des données utilisées pour ces modèles. En plus des mesures existantes de consultation, d’examen et de transparence, Environnement et Changement climatique Canada examinera les mesures supplémentaires qui pourraient être nécessaires pour garantir que le processus de modélisation reste adapté et fiable en examinant les pratiques exemplaires internationales et en consultant les spécialistes en modélisation. Les détails de la démarche seront déterminés sur la base de ces consultations. |