2021 — Rapports de la vérificatrice générale du Canada au Parlement du CanadaRapport 13 — La santé et la sécurité des travailleurs agricoles étrangers temporaires pendant la COVID-19
Rapport de l’auditeur indépendant
Table des matières
- Introduction
- Constatations, recommandations et réponses
- Inspections en 2020 et en 2021
- Les inspections ont permis d’obtenir peu d’assurance quant à la protection de la santé et de la sécurité des travailleuses et travailleurs étrangers temporaires
- Des inspections de quarantaine incomplètes et de mauvaise qualité
- Des problèmes de qualité et des retards liés aux inspections en cas d’éclosion
- Les piètres résultats des inspections postérieures à la quarantaine
- L’accumulation importante d’inspections en retard
- Les nombreux facteurs qui expliquent les inspections inadéquates
- Le peu d’assurance pour Agriculture et Agroalimentaire Canada que tous les employeurs bénéficiaires respectaient les modalités du programme
- Les inspections ont permis d’obtenir peu d’assurance quant à la protection de la santé et de la sécurité des travailleuses et travailleurs étrangers temporaires
- Conditions de vie des travailleuses et travailleurs étrangers temporaires
- Emploi et Développement social Canada n’a pas apporté de solution aux préoccupations de longue date liées à l’hébergement des travailleuses et travailleurs
- Le manque de progrès concrets à l’égard des modifications au programme pour améliorer les conditions de vie des travailleuses et travailleurs
- L’impossibilité de savoir si le Fonds d’urgence pour les mesures de soutien à la ferme a amélioré l’hébergement des travailleuses et travailleurs
- Le peu d’assurance que les inspections ont aidé à protéger les travailleuses et travailleurs étrangers temporaires vulnérables
- Emploi et Développement social Canada n’a pas apporté de solution aux préoccupations de longue date liées à l’hébergement des travailleuses et travailleurs
- Inspections en 2020 et en 2021
- Conclusion
- À propos de l’audit
- Tableau des recommandations
- Pièces :
- 13.1 — Plus de 79 000 travailleuses et travailleurs étrangers temporaires du secteur agricole sont entrés au Canada pendant la pandémie
- 13.2 — Les modifications apportées au Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés en avril 2020 ont imposé de nouvelles exigences
- 13.3 — Le Ministère a réalisé trois types d’inspections pendant la pandémie
- 13.4 — Emploi et Développement social Canada (EDSC) a modifié l’orientation de ses inspections au cours de la pandémie
- 13.5 — Emploi et Développement social Canada exige que les inspections de quarantaine soient réalisées en temps opportun
- 13.6 — La qualité des inspections de quarantaine s’est dégradée en 2021
- 13.7 — Des conditions d’isolement inadéquates ont fait augmenter les risques de propagation du virus parmi les travailleuses et travailleurs étrangers temporaires
- 13.8 — Emploi et Développement social Canada exige aussi que les inspections postérieures à la quarantaine soient réalisées en temps opportun
- 13.9 — Engagements pris par Emploi et Développement social Canada pour améliorer les conditions de vie des travailleuses et travailleurs étrangers temporaires
Introduction
Information générale
13.1 Le Canada fait venir des travailleuses et travailleurs agricoles au pays dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires depuis la fin des années 1960 afin de combler le manque de main-d’œuvre. Chaque année, des milliers d’exploitations et d’entreprises agricoles font venir des dizaines de milliers de travailleuses et de travailleurs étrangers temporaires au Canada pour occuper des emplois saisonniers comme la culture des fruits et des légumes, la production de bœuf et de volaille, ainsi que l’exploitation de serres et de pépinières. Cette main-d’œuvre aide les entreprises à optimiser leur productivité lorsqu’il n’y a pas suffisamment de travailleuses et travailleurs canadiens ou de résidentes et résidents permanents pour faire le travail. Elle contribue aussi au bon fonctionnement du système d’approvisionnement alimentaire du Canada.
13.2 Le secteur agricole du Canada est fortement tributaire de cette main-d’œuvre. Ainsi, en 2019, environ 54 000 travailleuses et travailleurs étrangers temporaires sont arrivés au Canada pour occuper des postes dans près de 4 700 exploitations ou entreprises agricoles. Il s’agit du plus grand nombre d’arrivées dans l’histoire du programme. Ils ont pratiqué à la fois des activités agricoles et horticoles : ensemencement, entretien et récolte de cultures produites à l’extérieur et en serres, élevage d’animaux et production de produits animaux. (Ces données ne comprennent pas les personnes œuvrant dans le secteur des pêches, des services alimentaires ou de la transformation de la viande.)
13.3 Le Programme des travailleurs étrangers temporaires est régi par la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés. Il est administré par Emploi et Développement social Canada en partenariat avec certains ministères fédéraux. Pour embaucher des travailleuses et travailleurs étrangers temporaires, les employeurs doivent être approuvés aux fins de participation au programme et ils doivent satisfaire à certains critères établis dans les règlements pour conserver leur admissibilité au programme. Emploi et Développement social Canada réalise des inspections en vue de vérifier la conformité des employeurs et déterminer les conséquences qui s’imposent en cas de non-conformité.
13.4 Le 11 mars 2020, l’Organisation mondiale de la santé a déclaré que l’éclosion de la maladie à coronavirus (COVID-19)Définition 1 était devenue une pandémie mondiale. Le Canada a alors pris une série de mesures et de décrets, notamment des décrets d’urgence aux termes de la Loi sur la mise en quarantaine. Un décret d’urgence imposé le 18 mars 2020 a interdit l’entrée au pays de la plupart des étrangères et étrangers, et un décret du 25 mars 2020 a exigé que toutes les personnes arrivant au pays se mettent en quarantaine pendant 14 jours. Vu l’importance, parmi d’autres priorités, du rôle des travailleuses et travailleurs étrangers temporaires pour la sécurité alimentaire du Canada, un décret est entré en vigueur le 26 mars 2020 pour permettre l’entrée au pays. Ces personnes devaient toutefois respecter le décret concernant la mise en quarantaine pendant 14 jours après leur arrivée.
13.5 Ces restrictions ont été imposées alors que la plus grande proportion de travailleuses et travailleurs étrangers temporaires du secteur agricole devait arriver au pays pour la saison 2020. Elles étaient toujours en vigueur en juin 2021, qui correspond à la fin de la période visée par notre audit. Le Canada a aussi instauré de nouvelles exigences relatives aux tests de dépistage et aux déplacements en 2021, dont la réalisation d’un test de dépistage de la COVID‑19 à l’arrivée au pays.
13.6 Le Canada a modifié le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés en avril 2020 afin de confier des responsabilités supplémentaires aux employeurs des travailleuses et travailleurs étrangers temporaires en vue de prévenir la propagation de la COVID-19 et d’aider à protéger la santé et la sécurité de ces personnes.
13.7 Les travailleuses et travailleurs étrangers temporaires du secteur agricole peuvent entrer au Canada en tout temps au cours de l’année. Certains commencent à arriver au pays dès janvier, mais d’autres arrivent tout au long du printemps et de l’été pendant la saison agricole. De mars 2020 à juin 2021, plus de 79 000 travailleuses et travailleurs sont entrés au pays pour travailler dans le secteur agricole (voir la pièce 13.1).
Pièce 13.1 — Plus de 79 000 travailleuses et travailleurs étrangers temporaires du secteur agricole sont entrés au Canada pendant la pandémie
Note : Au cours du premier semestre de 2021, le nombre de travailleurs entrés au pays chaque mois était supérieur à celui de la même période en 2020.
Source : Selon les données obtenues d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada
Pièce 13.1 — version textuelle
Le graphique présente le nombre de travailleuses et travailleurs étrangers temporaires du secteur agricole qui sont arrivés au Canada chaque mois entre mars 2020 et juin 2021.
Pour lutter contre la pandémie, un décret d’urgence a été publié le 18 mars 2020 en vue de limiter l’entrée au pays de la plupart des voyageurs provenant de l’étranger. Un nouveau décret d’urgence entré en vigueur le 26 mars permettait l’entrée au pays de certains ressortissants étrangers, dont des travailleuses et travailleurs étrangers temporaires titulaires d’un permis de travail valide délivré en vertu du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés.
Du 26 mars au 31 décembre 2020, un total de 36 916 travailleuses et travailleurs étrangers temporaires du secteur agricole sont arrivés au Canada.
Du 1er janvier au 30 juin 2021, un total de 42 339 travailleuses et travailleurs étrangers temporaires du secteur agricole sont arrivés au Canada.
Au total, 79 255 travailleuses et travailleurs étrangers temporaires du secteur agricole sont arrivés au Canada du 26 mars 2020 au 30 juin 2021.
La répartition du nombre d’arrivées par mois est la suivante :
- En avril 2020, 11 058 travailleuses et travailleurs étrangers temporaires du secteur agricole sont arrivés au Canada. Il s’agit du nombre mensuel d’entrées le plus élevé observé entre avril et décembre 2020. Ce nombre comprend les 49 travailleuses et travailleurs étrangers temporaires qui sont arrivés entre le 26 et le 31 mars 2020.
- En mai 2020, 6 186 travailleuses et travailleurs étrangers temporaires du secteur agricole sont arrivés au Canada.
- En juin 2020, 6 273 travailleuses et travailleurs étrangers temporaires du secteur agricole sont arrivés au Canada.
- En juillet 2020, 4 937 travailleuses et travailleurs étrangers temporaires du secteur agricole sont arrivés au Canada.
- En août 2020, 4 358 travailleuses et travailleurs étrangers temporaires du secteur agricole sont arrivés au Canada.
- En septembre 2020, 1 288 travailleuses et travailleurs étrangers temporaires du secteur agricole sont arrivés au Canada.
- En octobre 2020, 815 travailleuses et travailleurs étrangers temporaires du secteur agricole sont arrivés au Canada. Il s’agit du nombre mensuel d’entrées le plus bas observé entre avril et décembre 2020.
- En novembre 2020, 1 069 travailleuses et travailleurs étrangers temporaires du secteur agricole sont arrivés au Canada.
- En décembre 2020, 932 travailleuses et travailleurs étrangers temporaires du secteur agricole sont arrivés au Canada.
- En janvier 2021, 3 868 travailleuses et travailleurs étrangers temporaires du secteur agricole sont arrivés au Canada. Il s’agit du nombre mensuel d’entrées le plus bas observé entre janvier et juin 2020.
- En février 2021, 3 909 travailleuses et travailleurs étrangers temporaires du secteur agricole sont arrivés au Canada.
- En mars 2021, 8 337 travailleuses et travailleurs étrangers temporaires du secteur agricole sont arrivés au Canada.
- En avril 2021, 11 391 travailleuses et travailleurs étrangers temporaires du secteur agricole sont arrivés au Canada. Il s’agit du nombre mensuel d’entrées le plus élevé observé entre avril 2020 et juin 2021.
- En mai 2021, 7 529 travailleuses et travailleurs étrangers temporaires du secteur agricole sont arrivés au Canada.
- En juin 2021, 7 305 travailleuses et travailleurs étrangers temporaires du secteur agricole sont arrivés au Canada.
Globalement, dans la première moitié de 2021, plus de travailleuses et travailleurs sont entrés au pays chaque mois que dans la première moitié de 2020.
13.8 Plusieurs éclosions de COVID‑19 parmi les travailleuses et travailleurs étrangers temporaires ont été signalées dans le secteur agricole du Canada à la fois en 2020 et en 2021, et il y a eu au moins trois décès attribuables à la COVID‑19. Notre audit n’a permis d’établir aucun lien de causalité entre ces événements et les inspections que nous avons examinées dans le cadre de l’audit.
13.9 Emploi et Développement social Canada — Le Ministère est responsable de la gestion du Programme des travailleurs étrangers temporaires. Il évalue les demandes des employeurs qui veulent embaucher des travailleuses et travailleurs, et vérifie, au moyen de ses inspections, si les employeurs se conforment aux exigences du programme et aux dispositions applicables du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés. Au cours des inspections réalisées pendant la pandémie, le Ministère devait aussi vérifier que les employeurs avaient respecté les modifications apportées au Règlement en avril 2020 en vue de prévenir la propagation de la COVID‑19 et d’aider à protéger la santé et la sécurité des travailleuses et travailleurs étrangers temporaires.
13.10 En juillet 2020, dans le cadre d’un plan pour mieux protéger les travailleuses et travailleurs étrangers temporaires pendant la pandémie, le gouvernement fédéral a annoncé que le Ministère recevrait des crédits de 16,2 millions de dollars pour effectuer un plus grand nombre d’inspections en milieu agricole et inspecter une plus grande diversité d’exigences applicables tout au long de la saison agricole, particulièrement les exigences relatives à l’hébergement de ces personnes.
13.11 Agriculture et Agroalimentaire Canada — Le Ministère assurait la gestion du Programme d’aide pour l’isolement obligatoire des travailleurs étrangers temporaires. Rendu public par le gouvernement fédéral en avril 2020 dans le cadre d’une série de mesures d’aide pour lutter contre la COVID‑19, ce programme prévoyait verser 142 millions de dollars aux employeurs pour les aider à prendre en charge les frais associés au respect de la mise en quarantaine des travailleuses et travailleurs étrangers temporaires. Le Programme d’aide pour l’isolement obligatoire des travailleurs étrangers temporaires a pris fin en août 2021.
13.12 Agriculture et Agroalimentaire Canada était aussi chargé d’assurer la gestion du Fonds d’urgence pour les mesures de soutien à la ferme, en collaboration avec les provinces et une tierce partie responsable de la prestation des services. Le gouvernement fédéral a annoncé ce programme doté de 35 millions de dollars en juillet 2020, à titre de mesure provisoire pour aider les employeurs à améliorer la santé et la sécurité des travailleuses et travailleurs sur leur exploitation, notamment à améliorer les logements offerts. Le Fonds d’urgence pour les mesures de soutien à la ferme a pris fin en février 2021.
13.13 Les employeurs ayant bénéficié d’un de ces programmes devaient également se conformer à la nouvelle réglementation liée à la COVID-19. Agriculture et Agroalimentaire Canada effectuait des vérifications initiales de la conformité avant d’approuver les employeurs puis s’appuyait sur les résultats des inspections d’Emploi et Développement social Canada pour détecter les employeurs qui ne respectaient peut-être pas les modalités de ces programmes.
Objet de l’audit
13.14 Le présent audit visait à déterminer si Emploi et Développement social Canada a géré le Programme des travailleurs étrangers temporaires de façon à protéger les travailleuses et travailleurs agricoles contre la COVID‑19 en 2020 et en 2021. Nous avons porté une attention particulière au Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés modifié et aux inspections réalisées par le Ministère qui visaient à vérifier si les employeurs respectaient les nouvelles exigences réglementaires relatives à la COVID‑19. Ces nouvelles exigences sont entrées en vigueur en avril 2020 et étaient en place pour toute la période visée par l’audit. Nous avons aussi examiné si Agriculture et Agroalimentaire Canada avait vérifié si les bénéficiaires de deux de ses programmes d’aide financière liés à la COVID‑19 avaient satisfait aux modalités des programmes. Ces programmes avaient été conçus pour aider à mieux protéger la santé et la sécurité des travailleuses et travailleurs agricoles et favoriser une mise en quarantaine sécuritaire.
13.15 Cet audit est important parce que les travailleuses et travailleurs étrangers temporaires du secteur agricole font partie intégrante de la main-d’œuvre qui appuie le système alimentaire du Canada. Depuis 2017, Emploi et Développement social Canada considère les travailleuses et travailleurs étrangers temporaires du secteur agricole comme étant grandement vulnérables. La protection des personnes qui vivent en groupe, ce qui comprend les travailleuses et travailleurs étrangers temporaires du secteur agricole, est devenue d’autant plus importante pendant la pandémie de COVID‑19.
13.16 La section intitulée À propos de l’audit, à la fin du présent rapport donne des précisions sur l’objectif, l’étendue, la méthode et les critères de l’audit.
13.17 Les rapports de la vérificatrice générale du Canada de 2021 comprennent aussi les résultats d’un audit sur la protection du système alimentaire du Canada. Le rapport examine si les organisations fédérales sélectionnées ont protégé le système alimentaire canadien pendant la pandémie grâce à certains programmes liés à la sécurité alimentaire. L’audit sur la protection du système alimentaire du Canada n’a pas examiné le Programme d’aide pour l’isolement obligatoire des travailleurs étrangers temporaires ni le Fonds d’urgence pour les mesures de soutien à la ferme.
Constatations, recommandations et réponses
Message général
13.18 Dans l’ensemble, nous avons constaté que les inspections réalisées par Emploi et Développement social Canada dans le cadre de son Programme des travailleurs étrangers temporaires avaient permis d’obtenir peu d’assurance quant à la protection de la santé et de la sécurité des travailleuses et travailleurs étrangers temporaires du secteur agricole canadien pendant les saisons agricoles 2020 et 2021.
13.19 Nous avons amorcé notre examen des inspections qu’Emploi et Développement social Canada avait débuté en avril 2020 et, à la fin de l’année, nous avions relevé des problèmes importants à l’égard des politiques et des processus d’inspection du Ministère. Nous avons notamment constaté que le Ministère avait déterminé que la plupart des employeurs se conformaient aux exigences relatives à la COVID‑19 telles qu’énoncées dans le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés modifié, et ce, même s’il avait recueilli peu ou pas d’éléments pour le démontrer. À notre avis, les inspections n’ont pas été réalisées avec toute la diligence voulue et l’empressement qu’exigeaient la situation pandémique et les propres politiques du Ministère.
13.20 En décembre 2020 et février 2021, nous avons porté ces manquements à l’attention du Ministère. Celui-ci s’était alors engagé à améliorer ses inspections en vue de la prochaine vague d’arrivées de travailleuses et travailleurs étrangers temporaires pour la saison 2021. Vu l’importance de ces problèmes, nous avons prolongé la période d’audit à la saison 2021. Nous avons constaté que la qualité et la rigueur des inspections s’étaient dégradées. De plus, un arriéré important d’inspections en retard s’était accumulé, de sorte que le Ministère n’a pas terminé la vaste majorité des inspections dans les délais voulus. De nombreuses inspections qui devaient permettre de déterminer si les employeurs se conformaient aux exigences réglementaires relatives à la mise en quarantaine sécuritaire n’étaient toujours pas terminées et étaient inactives bien après la fin de la quarantaine des travailleuses et travailleurs. Nous avons aussi constaté qu’il y avait des problèmes importants dans les inspections des éclosions dans le secteur agricole réalisées par le Ministère en 2021. Les éléments probants n’avaient pas été recueillis avec suffisamment de diligence et un arriéré d’inspections s’était accumulé, c’est-à-dire que les inspections avaient été amorcées rapidement, mais demeuraient inactives pendant de longues périodes.
13.21 Nous avons constaté que, dans le cadre des inspections de la conformité aux conditions courantes, comme la vérification des conditions de vie de base comme l’eau courante, le taux d’occupation ainsi que l’existence de risques graves pour la santé et la sécurité des travailleuses et travailleurs dans les logements, le Ministère n’avait pas recueilli d’information, mais avait tout de même conclu que les employeurs étaient en conformité dans presque tous les cas. Ces conditions de vie fondamentales ont pris une plus grande importance en temps de pandémie alors qu’il fallait respecter des règles de distanciation physique et des protocoles de désinfection.
13.22 Les problèmes importants que nous avons relevés dans les inspections d’Emploi et Développement social Canada ont aussi touché Agriculture et Agroalimentaire Canada, car ce ministère s’appuyait sur ces inspections pour repérer les bénéficiaires de certains programmes d’aide financière liés à la COVID-19 qu’il gérait, à savoir le Programme d’aide pour l’isolement obligatoire des travailleurs étrangers temporaires et le Fonds d’urgence pour les mesures de soutien à la ferme, qui pourraient ne pas avoir satisfait aux conditions du programme.
13.23 Nous avons aussi constaté qu’Emploi et Développement social Canada avait pris peu de mesures pour respecter les engagements qu’il avait pris au cours des années antérieures envers l’amélioration des conditions des logements des travailleuses et travailleurs sur les exploitations agricoles du Canada. Au cours des années qui ont précédé le début de la pandémie, les personnes qui défendent les droits des travailleuses et travailleurs étrangers temporaires se sont inquiétées de leurs piètres conditions d’hébergement. Avant la pandémie, le Ministère avait reconnu ces préoccupations et s’était engagé à établir des exigences minimales d’hébergement dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires et à renforcer ses processus d’inspection. Au cours de la pandémie, il a réitéré ces engagements, mais nous avons constaté qu’il n’y avait aucune preuve indiquant qu’il avait donné suite à l’un ou l’autre de ces engagements.
Inspections en 2020 et en 2021
Les inspections ont permis d’obtenir peu d’assurance quant à la protection de la santé et de la sécurité des travailleuses et travailleurs étrangers temporaires
13.24 Nous avons constaté qu’il y avait des faiblesses dans la qualité des inspections réalisées par Emploi et Développement social Canada pendant la pandémie. Ces inspections avaient permis d’obtenir peu d’assurance que les employeurs répondaient aux exigences visant à aider à protéger la santé et la sécurité des travailleuses et travailleurs étrangers temporaires du secteur agricole canadien en 2020 et en 2021.
13.25 En 2020, le Ministère avait évalué presque tous les employeurs comme étant en conformité avec les exigences réglementaires liées à la COVID‑19 établies par le gouvernement, même si la plupart des inspections de quarantaine que nous avons examinées avaient peu ou pas d’éléments probants pour justifier cette évaluation. Dans certains cas, nous avons trouvé des preuves que les employeurs ne suivaient peut-être pas les règles. Dans ces cas, rien ne montrait que le Ministère avait alors procédé à un examen plus approfondi ou effectué un suivi auprès de l’employeur. Pourtant, le Ministère avait quand même conclu que les employeurs se conformaient aux exigences. Au total, nous avons relevé des problèmes dans environ 73 % des inspections de quarantaine que nous avons examinées.
13.26 En décembre 2020 et en février 2021, nous avons informé le sous-ministre et les hauts fonctionnaires à Emploi et Développement social Canada que notre audit avait fait ressortir des préoccupations importantes quant aux inspections de quarantaine menées en 2020. Nous avons constaté que la qualité des inspections de quarantaine du Ministère s’était dégradée au printemps et à l’été 2021 et qu’il y avait des problèmes dans environ 88 % des inspections examinées. La situation était en outre compromise par un arriéré volumineux d’inspections incomplètes, y compris dans les inspections de quarantaine et les inspections en cas d’éclosion, qui étaient des priorités du Ministère. Même si la majorité des dossiers d’inspection de quarantaine que nous avons examinés comprenaient certains renseignements provenant des employeurs, environ 80 % des dossiers étaient demeurés inactifs : c’est-à-dire qu’il n’y avait pas d’éléments pour prouver qu’un suivi avait été effectué auprès des employeurs, et ce, même s’il y avait des indications de conditions de quarantaine problématiques pour les travailleuses et travailleurs. C’est donc dire que le Ministère n’a pas pris de mesures rapides pour vérifier les conditions de mise en quarantaine et corriger les problèmes dans les meilleurs délais.
13.27 Nous avons constaté des problèmes semblables dans les inspections en cas d’éclosion que nous avons examinées en 2021. Ainsi, 60 % de ces dossiers d’inspection ne comprenaient pas suffisamment d’informations pour déterminer si les travailleuses et travailleurs malades ou symptomatiques avaient été hébergés dans des logements séparés leur permettant de respecter les règles en matière d’isolement. Il s’agit d’une préoccupation parce que bon nombre de travailleuses et travailleurs étrangers temporaires habitent dans des logements partagés fournis par l’employeur. Même si le Ministère amorçait rapidement les inspections initiales à la suite d’une éclosion, environ 80 % des inspections en cas d’éclosion que nous avons examinées sont aussi restées inactives pendant au moins un mois ou deux, soit longtemps après la période d’isolement des travailleuses et travailleurs.
13.28 Nous avons constaté que les éléments probants de mauvaise qualité et les arriérés étaient également des problèmes liés aux inspections postérieures à la quarantaine d’Emploi et Développement social Canada. Nous avons constaté que le Ministère avait achevé environ la moitié de ses inspections postérieures à la quarantaine, c’est-à-dire que le Ministère n’avait pas terminé l’inspection exigée ou qu’il avait conclu quant à la conformité ou non de l’employeur avec les exigences évaluées dans seulement la moitié des cas. Nous avons aussi relevé des problèmes dans la qualité des inspections achevées par le Ministère. Ces inspections visaient à vérifier la conformité avec les conditions dans le contexte de la COVID‑19 ainsi que les exigences réglementaires courantes, plus particulièrement les exigences courantes concernant les conditions d’hébergement qui s’appliquaient aux travailleuses et travailleurs pendant la plus grande partie de leur séjour au Canada au cours de la pandémie.
13.29 Notre analyse à l’appui de cette constatation porte sur :
- des inspections de quarantaine incomplètes et de mauvaise qualité;
- des problèmes de qualité et des retards liés aux inspections en cas d’éclosion;
- les piètres résultats des inspections postérieures à la quarantaine;
- l’accumulation importante d’inspections en milieu agricole;
- les nombreux facteurs expliquant les inspections inadéquates;
- le peu d’assurance pour Agriculture et Agroalimentaire Canada que tous les employeurs bénéficiaires respectaient les conditions du programme.
13.30 Cette constatation est importante parce que les inspections sont le principal outil dont se sert Emploi et Développement social Canada pour savoir si les employeurs respectent les exigences établies pour prévenir la propagation de la COVID‑19 et offrir des conditions sécuritaires aux travailleuses et travailleurs étrangers temporaires du secteur agricole. Il était d’autant plus important qu’Emploi et Développement social Canada mette en œuvre un régime d’inspection efficace puisqu’il a été déterminé que les travailleuses et travailleurs étrangers temporaires dans ce secteur constituaient une population extrêmement vulnérable pendant la pandémie.
13.31 Avant la pandémie de COVID‑19, Emploi et Développement social Canada s’était engagé à améliorer ses inspections, notamment à mieux garantir le droit des travailleuses et travailleurs à un logement sécuritaire et adéquat. Pendant la pandémie, au cours des saisons agricoles de 2020 et de 2021, le Ministère s’est aussi engagé à accroître et à renforcer les inspections des employeurs du secteur agricole afin de vérifier s’ils respectaient à la fois les nouvelles exigences liées à la COVID‑19 présentées dans le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés modifié et les exigences courantes établies dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires. Il a reçu des crédits de 16,2 millions de dollars en juillet 2020 pour appuyer ces engagements.
13.32 Il incombe aux provinces et aux territoires du Canada d’établir des normes qui sont applicables aux logements fournis par les employeurs pour héberger les travailleuses et travailleurs étrangers temporaires. Certains territoires et certaines provinces et municipalités ont des lignes directrices concernant l’hébergement des travailleuses et travailleurs, mais celles-ci varient grandement. Par conséquent, les normes diffèrent dans l’ensemble du pays. La plupart des contrats des travailleuses et travailleurs exigent que ces derniers soient hébergés dans un logement fourni par l’employeur. Ils ont donc peu de contrôle quant à la nature et à la qualité de leur logement.
13.33 Lorsqu’un employeur soumet une demande dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires, il doit inclure un rapport d’inspection du logement qui démontre que les autorités provinciales, territoriales, municipales ou de santé publique pertinentes ont inspecté les logements qu’il mettra à la disposition de ces personnes et que ces autorités ont jugé que le logement respectait les normes applicables dans le lieu en question. Le rapport doit aussi confirmer que les travailleuses et travailleurs auront accès aux commodités telles que l’eau courante, un nombre de lits suffisant et des salles de bain et des cuisines en bon état.
13.34 Une fois que les travailleuses et travailleurs sont installés dans les logements mis à leur disposition par l’employeur, Emploi et Développement social Canada est censé mener des inspections pour vérifier si ces logements continuent de correspondre à ce qui a été approuvé par les autorités provinciales, territoriales ou locales dans les rapports d’inspection des logements. Les inspections du Ministère visent aussi à s’assurer que le nombre de personnes dans un même logement ne dépasse pas la limite d’occupation établie par les autorités provinciales, territoriales ou locales et qu’il n’y a pas de risques importants pour la santé et la sécurité de ces personnes. Pendant la pandémie, ces vérifications ont été comprises dans la portée des inspections postérieures à la quarantaine du Ministère (voir la pièce 13.3 ci-après).
13.35 Les inspections d’Emploi et Développement social Canada sont essentielles pour garantir que les employeurs honorent leurs obligations et que les travailleuses et travailleurs étrangers temporaires sont en sécurité au Canada. Avant la pandémie, les employeurs devaient satisfaire à jusqu’à 21 exigences réglementaires fédérales (certaines exigences visent seulement certains secteurs), notamment à des exigences relatives aux conditions d’emploi et de logement et au versement des salaires.
13.36 Au cours de la pandémie, le Ministère devait aussi vérifier que les employeurs avaient respecté les nouvelles exigences du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés visant à lutter contre la propagation de la COVID-19 et à aider à protéger les travailleuses et travailleurs (voir la pièce 13.2).
Pièce 13.2 — Les modifications apportées au Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés en avril 2020 ont imposé de nouvelles exigences
Les modifications en question exigeaient la mise en oeuvre des mesures suivantes par les employeurs qui fournissaient un hébergement aux travailleurs dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers :
- Fournir aux travailleuses et travailleurs un logement pendant leur quarantaine de 14 jours obligatoire, tel que prescrit par la Loi sur la mise en quarantaine ou la Loi sur les mesures d’urgence, qui leur permet de garder une distance de deux mètres avec les autres, et qui est séparé de celui fourni aux personnes qui ne sont pas en quarantaine.
- Fournir des produits de nettoyage aux travailleuses et travailleurs pour désinfecter leur logement régulièrement pendant la période de mise en quarantaine obligatoire.
- Fournir un logement distinct (chambre et salle de bain) aux travailleuses et travailleurs contaminés par la COVID‑19 ou qui en présentent des signes ou des symptômes.
En vertu des modifications en question, tous les employeurs qui embauchaient des travailleurs étrangers étaient également tenus d'appliquer les mesures suivantes :
- Verser un salaire aux travailleuses et travailleurs pendant leur quarantaine, conformément à la Loi sur la mise en quarantaine.
- Ne pas prendre de mesures qui empêchent les travailleuses et travailleurs de respecter tout décret pris en vertu de la Loi sur la mise en quarantaine et de la Loi sur les mesures d’urgence.
- Ne pas prendre de mesures qui empêchent les travailleuses et travailleurs de respecter toute loi provinciale ou territoriale qui régit la santé publique adoptée en réponse à la pandémie de COVID‑19.
Les conséquences pour les employeurs qui ne respectaient pas ces règlements comprenaient des sanctions pécuniaires allant de 1 000 $ jusqu’à concurrence de 1 million de dollars. Les employeurs pouvaient aussi se voir interdire l’embauche de travailleuses et travailleurs étrangers temporaires pendant une période donnée (une interdiction d’un an jusqu’à une interdiction à vie).
13.37 Tout au long de 2020 et de 2021, Emploi et Développement social Canada a aussi entrepris des initiatives pour faciliter l’entrée continue des travailleuses et travailleurs étrangers temporaires au Canada pendant la pandémie et pour assurer leur sécurité dès leur arrivée au pays. Il s’agissait notamment de faire connaître aux employeurs leurs responsabilités consistant à respecter les nouvelles exigences liées à COVID‑19 établies dans le Règlement, de communiquer aux travailleuses et travailleurs étrangers temporaires de l’information sur les mesures de santé publique liées à la COVID‑19 et la prévention de la propagation du virus, et d’obtenir de l’information des provinces et des territoires concernant leurs initiatives de vaccination et de dépistage de la COVID‑19 chez ces personnes. Une fois les travailleuses et travailleurs installés au Canada, les inspections d’Emploi et Développement social Canada étaient essentielles pour vérifier que les employeurs respectaient les nouvelles exigences.
13.38 Lorsque la pandémie a été déclarée en mars 2020, Emploi et Développement social Canada a interrompu toutes ses inspections. Le Ministère a établi de nouvelles politiques et procédures pour la réalisation d’inspections virtuellesDéfinition 2 qui avaient pour but de vérifier la conformité des employeurs aux exigences courantes et nouvelles du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés. Ces nouvelles politiques et procédures présentaient les renseignements précis à obtenir et les étapes à suivre dans le cadre d’une inspection visant à vérifier la conformité d’un employeur. Les employeurs devaient soumettre des éléments probants sous forme de photos et de vidéos pour confirmer qu’ils respectaient les exigences du Règlement modifié ainsi qu’aux exigences courantes. Le Ministère a commencé à mener de telles inspections le 24 avril 2020. Depuis, il a réalisé plus de 95 % de ses inspections du milieu agricole par la voie d’inspections virtuelles. Ces inspections reposaient essentiellement sur des photos et des vidéos, de même que sur des entretiens avec des travailleuses et travailleurs étrangers temporaires, pour vérifier la conformité des employeurs aux exigences applicables.
13.39 Au début de la pandémie et tout au long des saisons agricoles de 2020 et de 2021, le Ministère a déterminé que le secteur agricole devait être inspecté en priorité parce que les travailleuses et travailleurs devaient compter sur leurs employeurs pour se loger. Le Ministère a aussi déterminé que la période de mise en quarantaine posait le plus grand risque de propagation du virus et que les inspections de quarantaine seraient donc sa priorité absolue. Les nouvelles politiques et procédures du Ministère pour les inspections virtuelles prévoyaient de courts délais d’exécution pour toutes les inspections réalisées pendant la pandémie. De tels délais visaient à faciliter l’évaluation en temps voulu des conditions des travailleuses et travailleurs, particulièrement en ce qui a trait à la quarantaine et à l’isolement. La pièce 13.3 explique les différents types d’inspections du Ministère. La pièce 13.4 présente les priorités en matière d’inspection du Ministère pendant la pandémie.
Pièce 13.3 — Le Ministère a réalisé trois types d’inspections pendant la pandémie
Inspection de quarantaine
Les inspectrices et inspecteurs évaluent la conformité de l’employeur à 6 nouvelles exigences énoncées dans le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (qui sont présentées dans la pièce 13.2). L’exigence relative à l’isolement des travailleuses et travailleurs dans des logements séparés n’est vérifiée que si l’inspection permet de découvrir qu’une de ces personnes est malade ou présente des symptômes.
Inspection en cas d’éclosion
Si le Ministère prend connaissance d’une éclosion à n’importe quel moment pendant la saison, il effectue une inspection pour déterminer si l’employeur a mis à la disposition de chaque travailleuse ou travailleur étranger temporaire contaminé ou présentant des symptômes dans sa propre chambre et salle de bain afin de pouvoir s’isoler.
Inspection postérieure à la quarantaine
Les inspectrices et inspecteurs évaluent si les employeurs ont respecté à la fois les 6 nouvelles exigences et les conditions courantes du programme que le Ministère devait toujours inspecter, notamment les salaires, l’instauration d’un milieu de travail sans violence et la fourniture d’un logement aux travailleuses et travailleurs.
Note : Emploi et Développement social Canada choisit au hasard les employeurs qui seront inspectés. Le Ministère peut aussi effectuer une inspection à la suite d’une dénonciation ou d’une allégation. L’étendue de ce type d’inspection peut cibler la source de la plainte, mais peut être élargie à la discrétion de l’inspectrice ou de l’inspecteur.
Pièce 13.4 — Emploi et Développement social Canada (EDSC) a modifié l’orientation de ses inspections au cours de la pandémie
Pièce 13.4 — version textuelle
Le graphique chronologique présente la manière dont Emploi et Développement social Canada a modifié l’orientation de ses inspections en milieu agricole au cours de la pandémie.
Le 18 mars 2020, Emploi et Développement social Canada cesse 1 000 inspections lancées avant la pandémie de COVID‑19.
Le 20 avril 2020, modification du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés avec l’ajout de 6 nouvelles exigences en lien avec la pandémie pour aider à prévenir la propagation de la COVID‑19 et protéger la santé et sécurité des travailleuses et travailleurs.
Du 24 avril 2020 au 12 octobre 2020, le Ministère réalise 2 016 inspections de quarantaine, qui portent sur l’évaluation de la conformité des employeurs aux 6 nouvelles exigences découlant du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés.
Le 24 avril 2020, le Ministère amorce les inspections en cas d’éclosion en réaction aux informations et aux reportages sur les éclosions de COVID‑19. Du 24 avril 2020 au 31 décembre 2020, le Ministère réalise 60 inspections en cas d’éclosion.
Le 31 juillet 2020, Emploi et Développement social Canada annonce un plan pour mieux protéger les travailleuses et travailleurs étrangers temporaires et remédier aux éclosions dans le milieu agricole, comprenant 16,2 millions de dollars pour renforcer les inspections — engagement à continuer de mettre l’accent sur les exploitations agricoles et à élargir ses inspections pour inclure la période postérieure à la quarantaine.
En octobre 2020, le Ministère élargit ses inspections et se concentre sur la période postérieure à la quarantaine pour évaluer la conformité aux 6 nouvelles exigences en période de pandémie et aux exigences existantes. Du 13 octobre 2020 au 21 mars 2021, le Ministère réalise 1 230 inspections postérieures à la quarantaine.
En 2021, le Ministère commence à obtenir de façon plus systématique des renseignements sur les éclosions de COVID‑19 de la part de certaines autorités de santé provinciales afin de lancer des inspections en cas d’éclosion. Du 1er janvier 2021 au 30 juin 2021, le Ministère lance 116 inspections en cas d’éclosion.
En mars 2021, le Ministère rétablit la priorité des inspections de conformité aux 6 nouvelles exigences en période de pandémie en raison des variants de la COVID‑19 et en prévision de la période de pointe des entrées au pays des travailleuses et travailleurs étrangers temporaires de la saison 2021. Du 22 mars 2021 au 30 juin 2021, le Ministère réalise 1 131 inspections de quarantaine.
13.40 Nos recommandations relativement au secteur examiné sont présentées aux paragraphes 13.69, 13.70, 13.71 et 13.72.
Des inspections de quarantaine incomplètes et de mauvaise qualité
13.41 Emploi et Développement social Canada a déterminé que la période de quarantaine posait le risque le plus élevé de propagation du virus qui cause la COVID‑19. Nous avons constaté qu’il y avait des problèmes importants en ce qui concerne la qualité des inspections de quarantaine que le Ministère a réalisées en 2020. Il avait été conclu dans la plupart des inspections que les employeurs se conformaient aux nouvelles exigences du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés sans avoir recueilli des éléments probants suffisants, et même parfois sans aucune preuve. Dans certains cas, le Ministère a accepté des renseignements indiquant une non-conformité possible, mais a tout de même conclu que les employeurs se conformaient aux exigences.
13.42 En décembre 2020, la vérificatrice générale du Canada a rencontré le sous-ministre et de hauts fonctionnaires du Ministère pour discuter de la gravité de ces constatations d’audit préliminaires. Les hauts fonctionnaires se sont engagés à intervenir. En février 2021, une lettre de suivi décrivant nos constatations et la nécessité de prendre des mesures immédiates a été envoyée au sous-ministre. Nous avons prolongé notre audit et retardé la communication de nos constatations pour permettre au Ministère de concentrer ses efforts sur ses inspections vu qu’un grand nombre de travailleuses et travailleurs étrangers temporaires étaient sur le point d’arriver en mars et en avril. Nous nous attendions à voir des améliorations dans les inspections du Ministère pour la saison 2021. Toutefois, les problèmes que nous avions relevés en 2020 ont persisté et se sont aggravés en 2021. En plus des préoccupations liées à la qualité, un arriéré volumineux d’inspections s’est accumulé. Le Ministère n’a pas réalisé en temps opportun ses inspections de quarantaine ni ses inspections en cas d’éclosion, conformément aux exigences énoncées dans ses processus. (Les paragraphes 13.60 à 13.64 donnent des précisions sur l’accumulation d’inspections en retard.)
13.43 La pièce 13.5 présente les étapes et les échéanciers établis par Emploi et Développement social Canada pour les inspections de quarantaine. Le Ministère a raccourci les délais d’exécution pour favoriser l’évaluation rapide des conditions de quarantaine des travailleuses et travailleurs. La plupart des inspections de quarantaine menées en 2020 ont respecté l’échéancier établi. Toutefois, les décisions prises à la suite des inspections concernant l’état de conformité des employeurs n’étaient souvent pas appuyées par des éléments probants. Nous avons constaté qu’en 2021, même si le Ministère avait amorcé la plupart des inspections de quarantaine rapidement, environ 80 % des dossiers d’inspection que nous avons examinés comprenaient des renseignements fournis par les employeurs, mais étaient restés inactifs pendant un mois ou deux, ou plus, sans qu’une évaluation ou une décision ait été consignée au dossier. C’est donc dire que le Ministère a raté des occasions d’intervenir pendant la période critique pour vérifier les conditions de quarantaine et prendre les mesures nécessaires.
Pièce 13.5 — Emploi et Développement social Canada exige que les inspections de quarantaine soient réalisées en temps opportun
Note : Certaines inspections pourraient être plus complexes et nécessiter des étapes supplémentaires ou plus de temps pour être traitées. Des prolongations peuvent être accordées dans certaines circonstances, ce qui pourrait repousser l’échéancier global. Le ministère peut également lancer une inspection en réponse à des informations obtenues ou à des allégations.
Pièce 13.5 — version textuelle
Le graphique présente les étapes des inspections de quarantaine exigées par Emploi et Développement social Canada.
À leur arrivée au Canada, les travailleuses et travailleurs étrangers temporaires amorcent une quarantaine de 14 jours.
L’employeur avertit Emploi et Développement social Canada de l’arrivée des travailleuses et travailleurs étrangers temporaires. Le Ministère choisit au hasard les employeurs qui seront inspectés.
Lorsqu’il est informé d’une éclosion à n’importe quel moment au cours de la saison, le Ministère lance une inspection en cas d’éclosion. Les inspections en cas d’éclosion doivent suivre les étapes et les échéanciers établis pour les inspections de quarantaine.
Après avoir choisi au hasard un employeur qui sera inspecté, le Ministère ouvre un dossier d’inspection.
Le jour 1 de l’inspection, le Ministère transmet le dossier d’inspection à une inspectrice ou un inspecteur.
Le jour 3 est la date limite de l’inspectrice ou l’inspecteur en vue d’amorcer l’inspection et de demander des photos ou des documents à l’employeur.
Le jour 6 est la date limite de remise des photos et des documents par l’employeur.
Le jour 8 est la date limite à laquelle l’inspectrice ou l’inspecteur examine les documents et demande un complément d’information, au besoin.
L’inspectrice ou l’inspecteur doit mener des entretiens avec les travailleuses et travailleurs étrangers temporaires avant la fin de leur quarantaine de 14 jours.
Le jour 28 est la date limite à laquelle l’employeur doit fournir une preuve de versement de salaire aux travailleuses et travailleurs étrangers temporaires pendant la quarantaine.
Le jour 30 est la date limite à laquelle l’inspectrice ou l’inspecteur doit évaluer tous les documents définitifs et prendre une décision.
Ce graphique chronologique présente les étapes établies par le Ministère, toutefois certaines inspections pourraient être plus complexes et nécessiter des étapes supplémentaires ou plus de temps pour être traitées. Des prolongations peuvent être accordées dans certaines circonstances, ce qui pourrait repousser l’échéancier global.
Le Ministère peut également lancer une inspection en réponse à des informations obtenues ou à des allégations.
13.44 Des fonctionnaires du Ministère nous ont indiqué que les inspectrices et inspecteurs avaient reçu la consigne en 2021 de commencer les inspections de quarantaine, et d’obtenir et d’examiner rapidement les renseignements que les employeurs devaient fournir. Si les renseignements obtenus montraient que les conditions de quarantaine étaient respectées, l’inspectrice ou l’inspecteur pouvait passer à la prochaine inspection et revenir fermer le dossier à une date ultérieure. Nous n’avons rien trouvé qui prouvait que les inspectrices et inspecteurs avaient reçu la consigne d’adopter une telle approche fondée sur le risque dans le cadre de ces inspections. Plus important encore, nous n’avons trouvé aucun élément pour prouver que les inspectrices et inspecteurs avaient réalisé une évaluation initiale ou pris une décision avant de laisser les dossiers inactifs. Les dossiers d’inspection laissés inactifs comprenaient souvent des informations de piètre qualité, ou il y manquait des informations, ce qui empêchait les inspectrices et inspecteurs de déterminer si les exigences en matière de quarantaine étaient respectées. Dans certains cas, les informations consignées au dossier indiquaient que les employeurs ne respectaient pas les exigences en matière de quarantaine, mais les inspectrices et inspecteurs n’avaient pas effectué de suivi.
13.45 En tout, nous avons relevé des problèmes dans 73 % des inspections de quarantaine que nous avons examinées en 2020. Ce pourcentage a augmenté, pour atteindre 88 %, en 2021. C’est donc dire qu’au cours des deux années, les inspections du Ministère fournissaient peu d’assurance que les employeurs s’étaient conformés aux exigences visant à protéger les travailleuses et travailleurs étrangers temporaires pendant la quarantaine. La pièce 13.6 donne des exemples de nos constatations pour chacune des exigences réglementaires liées à la COVID‑19 que nous avons examinées.
Pièce 13.6 — La qualité des inspections de quarantaine s’est dégradée en 2021
Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés — hébergement pendant la quarantaine
Emploi et Développement social Canada devait évaluer si les employeurs offraient aux travailleuses et travailleurs étrangers temporaires un hébergement conforme aux exigences fédérales pendant la quarantaine
Constatations de 2020 (fondées sur un échantillon représentatif de 57 inspections de quarantaine) |
Constatations de 2021 (fondées sur un échantillon représentatif de 50 inspections de quarantaine) |
---|---|
Pour 50 % des inspections, les employeurs ont été jugés être en conformité en raison d’éléments probants de piètre qualité ou en l’absence de preuves. Pour 2 % des inspections, les employeurs ont été jugés être en conformité même si des informations consignées au dossier indiquaient une non-conformité possible. |
74 % des inspections étaient accompagnées d’éléments probants de piètre qualité ou n’étaient pas accompagnées de preuves du tout avant que les employeurs soient jugés être en conformité ou que le dossier d’inspection devienne inactif. 16 % des dossiers d’inspection présentaient des indices d’une non-conformité possible, mais les employeurs ont tout de même été jugés être en conformité ou le dossier d’inspection est devenu inactif. |
Exemples de cas :
- Dans une inspection menée en 2020, les logements pour la mise en quarantaine de 26 travailleuses ou travailleurs étrangers temporaires avaient fait l’objet d’une évaluation. Les seules preuves recueillies pour montrer que toutes ces personnes pouvaient maintenir la distanciation physique nécessaire étaient 2 photos d’une table et 2 photos d’une chambre qui ne montraient que les dispositions pour dormir d’un petit nombre de personnes. Aucun suivi n’a été effectué et l’employeur a été jugé être en conformité avec les exigences.
- Dans une inspection menée en 2020, les logements pour la mise en quarantaine de 3 travailleuses ou travailleurs étrangers temporaires avaient fait l’objet d’une évaluation. Les photos fournies montraient clairement que la distance entre les lits de ces personnes et leur chambre partagée était de beaucoup inférieure aux 2 mètres exigés. Aucun suivi n’a été effectué et l’employeur a été jugé être en conformité avec les exigences.
- Nous avons examiné le dossier d’une inspection amorcée en 2021 qui est resté inactif pendant plus de 2 mois. Les logements pour la mise en quarantaine d’au moins 10 travailleuses ou travailleurs avait fait l’objet d’une évaluation. Seule 1 photo d’une chambre a été fournie par l’employeur. Il n’y avait pas d’information sur le nombre de logements utilisés pour mettre ces personnes en quarantaine et indiquant comment ces logements permettaient la distanciation physique requise.
Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés — Produits de nettoyage pendant la quarantaine
Emploi et Développement social Canada devait évaluer si les employeurs avaient donné aux travailleuses et travailleurs étrangers temporaires l’accès à des produits de nettoyage pendant la quarantaine conformément aux exigences fédérales
Constatations de 2020 (fondées sur un échantillon représentatif de 57 inspections de quarantaine) |
Constatations de 2021 (fondées sur un échantillon représentatif de 50 inspections de quarantaine) |
---|---|
Pour 37 % des inspections, les employeurs ont été jugés être en conformité en raison d’éléments probants de piètre qualité ou en l’absence de preuves. Pour 2 % des inspections, les employeurs ont été jugés être en conformité même si des informations consignées au dossier indiquaient une non-conformité possible. |
30 % des inspections menées étaient accompagnées d’éléments probants de piètre qualité ou n’étaient pas accompagnées de preuves du tout avant que les employeurs soient jugés être en conformité ou que le dossier d’inspection devienne inactif. |
Exemple de cas :
Dans une inspection menée en 2020, plusieurs travailleuses ou travailleurs étrangers temporaires qui vivaient dans le même logement ont indiqué ne pas avoir eu accès à des produits de nettoyage pendant les 2 semaines de leur quarantaine. L’employeur a été jugé être en conformité à l’égard de l’exigence sans qu’un suivi n’ait été effectué. Or, le dossier comprenait des éléments prouvant que ces fournitures avaient été achetées après la fin de la période de quarantaine. L’employeur avait aussi demandé aux travailleuses et travailleurs de signer un document attestant qu’ils avaient eu accès à des produits de nettoyage adéquats. Ces personnes ont signalé à l’inspectrice ou à l’inspecteur qu’ils n’avaient pas compris le document qu’ils avaient signé.
Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés — Conformité aux exigences en matière de quarantaine
Le Ministère a évalué si les employeurs avaient empêché ou non les travailleuses ou travailleurs de suivre les exigences fédérales en matière de quarantaine
Constatations de 2020 (fondées sur un échantillon représentatif de 57 inspections de quarantaine) |
Constatations de 2021 (fondées sur un échantillon représentatif de 50 inspections de quarantaine) |
---|---|
Pour 55 % des inspections, les employeurs ont été jugés être en conformité en raison d’éléments probants de piètre qualité ou en l’absence de preuves. Pour 4 % des inspections, les employeurs ont été jugés être en conformité même si des informations consignées au dossier indiquaient une non-conformité possible. |
58 % des inspections menées étaient accompagnées d’éléments probants de piètre qualité ou n’étaient pas accompagnées de preuves du tout avant que les employeurs soient jugés être en conformité ou que le dossier d’inspection devienne inactif. 2 % des dossiers d’inspection présentaient des indices d’une non-conformité possible, mais les employeurs ont tout de même été jugés être en conformité ou le dossier d’inspection est devenu inactif. |
Exemple de cas :
Un dossier d’inspection de 2021 que nous avons examiné était inactif depuis plus de 2 mois au moment de notre examen. L’inspection avait débuté, mais aucun entretien n’avait été mené avec l’employeur ni avec les travailleuses ou travailleurs étrangers temporaires pour vérifier si les travailleuses ou travailleurs pouvaient se mettre en quarantaine tel que requis. Or, les entretiens sont le principal outil servant à évaluer la conformité avec cette exigence.
Exigence en matière d’inspection par le Ministère — Entretiens
Le Ministère devait avoir des entretiens avec les travailleuses et travailleurs étrangers temporaires pour confirmer les conditions d’hébergement en quarantaine et les salaires
Constatations de 2020 (fondées sur un échantillon représentatif de 57 inspections de quarantaine) |
Constatations de 2021 (fondées sur un échantillon représentatif de 50 inspections de quarantaine) |
---|---|
Pour 32 % des inspections, des entretiens n’ont pas eu lieu avec le nombre requis de travailleuses ou travailleurs — dans certains cas même, aucun entretien n’a eu lieu — avant de conclure que les employeurs se conformaient à l’exigence. |
Pour 50 % des inspections, des entretiens n’ont pas eu lieu avec le nombre requis de travailleuses ou travailleurs — dans certains cas même, aucun entretien n’a eu lieu — avant de conclure que les employeurs se conformaient à l’exigence ou de laisser le dossier d’inspection inactif. |
- Au moment de notre examen, un dossier d’inspection de 2021 était inactif depuis 2 mois, et aucun entretien n’avait eu lieu avec aucun des 6 travailleurs.
- Un autre dossier était aussi inactif depuis 2 mois au moment de notre examen, et des entretiens avaient eu lieu avec seulement 6 des 16 travailleuses ou travailleurs. Les travailleuses ou travailleurs qui passaient leur quarantaine dans 1 des 2 logements prévus à cette fin n’avaient pas été interrogés.
Note : En 2021, même si nous examinions les inspections à mesure que la saison agricole progressait, nous avions laissé suffisamment de temps à Emploi et Développement social Canada pour terminer les inspections de quarantaine selon l’échéancier établi. Un échantillon représentatif des inspections de quarantaine a été prélevé au sein d’une population de dossiers dont l’échéance était déjà dépassée.
13.46 En juin 2021, les résultats des inspections de quarantaine réalisées par Emploi et Développement social Canada ont montré ce qui suit :
- en 2020, il a été établi que 99,6 % des employeurs inspectés s’étaient conformés aux nouvelles exigences (en se basant sur les 1 964 inspections que le Ministère a réalisées);
- en 2021, il a été établi que 100 % des employeurs inspectés s’étaient conformés aux nouvelles exigences (en se basant sur les 186 inspections que le Ministère a réalisées).
D’après les problèmes observés dans notre examen des dossiers, nous avons déterminé que les inspections n’avaient pas permis d’obtenir l’assurance que les employeurs se conformaient aux exigences. Elles donnaient plutôt une image inexacte quant à savoir si les employeurs respectaient les exigences établies pour aider à prévenir la propagation de la COVID‑19 et à protéger les travailleuses et travailleurs.
13.47 En plus de servir à vérifier la conformité aux exigences en matière de santé et de sécurité, les inspections de quarantaine examinaient aussi si un salaire avait été versé aux travailleuses et travailleurs étrangers temporaires pendant la période de quarantaine obligatoire de 14 jours. Nous avons constaté qu’il y avait des problèmes dans les évaluations que le Ministère avait réalisées en 2020 des salaires versés à ces personnes pendant leur quarantaine. Nous avons remarqué que les inspectrices et inspecteurs accordaient une attention accrue à l’évaluation des salaires puisqu’il s’agissait d’un aspect important des inspections menées avant la pandémie. Toutefois, nous avons constaté que 32 % des dossiers d’inspection de quarantaine ne comprenaient pas suffisamment d’information pour évaluer les salaires versés : soit les inspectrices et inspecteurs avaient vérifié les salaires pour un nombre inférieur de travailleuses et travailleurs que le nombre prescrit dans la politique du Ministère, soit le dossier ne comprenait aucune preuve du versement d’un salaire. Pourtant, dans ces cas de figure, les inspectrices et inspecteurs avaient tout de même conclu que les employeurs étaient en conformité avec les exigences. Nous n’avons pas pu examiner l’évaluation réalisée par le Ministère des salaires versés en 2021, puisque bon nombre d’inspections de quarantaine de 2021 étaient en retard et que les processus d’inspection du Ministère prévoient l’examen des salaires vers la fin d’une inspection.
Des problèmes de qualité et des retards liés aux inspections en cas d’éclosion
13.48 Nous avons constaté que les inspections en cas d’éclosion menées par Emploi et Développement social Canada tout au long de la pandémie présentaient des problèmes importants, c’est-à-dire qu’elles offraient peu d’assurance que les employeurs avaient procuré aux travailleuses et travailleurs contaminés ou présentant des symptômes les conditions d’isolement requises conformément au nouveau règlement fédéral lors d’une éclosion. Emploi et Développement social Canada estime que les inspections en cas d’éclosion sont prioritaires et nécessitent une intervention immédiate.
13.49 Dans l’échantillon représentatif de 57 inspections de quarantaine prélevé pour 2020, il y avait dans quatre exploitations agricoles des travailleuses ou travailleurs malades ou présentant des symptômes. Dans chacun de ces cas, il fallait vérifier les conditions d’isolement. Dans deux de ces cas, l’employeur a été évalué comme s’étant conformé aux exigences en matière d’isolement pour ces personnes, même s’il n’y avait pas suffisamment d’éléments probants dans le dossier. Puisque cette constatation a fait ressortir des problèmes de qualité liés aux inspections en cas d’éclosion, nous avons élargi l’étendue de nos travaux afin d’examiner plus en profondeur ces inspections, au cours de la saison agricole de 2021.
13.50 À la suite d’éclosions de COVID‑19 parmi des travailleuses et travailleurs étrangers temporaires du secteur agricole canadien en 2020, le Ministère a amélioré l’échange d’informations avec certaines autorités de santé provinciales afin de favoriser une intervention rapide à la suite d’éclosions. Même si le Ministère avait accès à de meilleures informations sur les éclosions dans les exploitations agricoles au cours de la saison de 2021, nous avons constaté avec inquiétude, d’après les périodes d’inactivité que nous avons relevées, le peu d’empressement avec lequel il évaluait les conditions d’isolement dans le cadre de ces inspections. Nous étions aussi préoccupés par le fait que ces inspections n’avaient pas permis d’obtenir l’assurance qu’un logement avait été offert aux travailleuses ou travailleurs pour leur permettre de s’isoler correctement. Les étapes et les échéanciers des inspections en cas d’éclosion sont les mêmes que pour les inspections de quarantaine (voir la pièce 13.5).
13.51 À la fin de juin 2021, Emploi et Développement social Canada avait entrepris 116 inspections en cas d’éclosion depuis le 1er janvier 2021. Nous avons examiné les 62 inspections en cas d’éclosion réalisées par le Ministère entre le 1er mars et la mi‑mai 2021, afin de déterminer si celui‑ci avait obtenu l’assurance que les employeurs avaient offert les conditions requises pour permettre aux travailleuses et travailleurs malades ou symptomatiques de s’isoler correctement, conformément aux exigences réglementaires fédérales. Nous avons constaté que pour près de 60 % des inspections en cas d’éclosion examinées, les dossiers ne comprenaient pas l’information exigée par le processus d’inspection (notamment des photos de l’espace d’isolement mis à la disposition des travailleuses et travailleurs et la confirmation de l’isolement au moyen d’entretiens) pour déterminer si les employeurs avaient offert ce qu’il fallait aux travailleuses et travailleurs pour leur permettre de s’isoler correctement. Cela s’expliquait surtout par le fait que les inspections n’avaient pas :
- de preuves d’entretiens menés auprès des travailleuses et travailleurs étrangers temporaires qui devaient s’isoler afin de confirmer les conditions de leur isolement;
- de photos des logements ayant servi à l’isolement des travailleuses et travailleurs pour vérifier que ceux‑ci avaient une chambre et une salle de bain privées, ou de reçus pour confirmer que ces personnes s’étaient isolées dans des hôtels;
- de preuves d’un suivi effectué auprès des employeurs lorsque les photos transmises ne permettaient pas de confirmer que les travailleuses ou travailleurs contaminés ou présentant des symptômes avaient pu s’isoler dans une chambre privée comprenant une salle de bain privée.
13.52 En outre, environ 15 % de ces dossiers d’inspection indiquaient une non-conformité possible aux conditions d’isolement. Nous n’avons rien trouvé pour prouver que des mesures supplémentaires avaient été prises. Dans deux cas en particulier, des travailleuses ou travailleurs qui avaient obtenu un résultat positif à un test de dépistage de la COVID‑19 avaient continué de partager un logement avec d’autres personnes non atteintes, augmentant ainsi le risque de propagation du virus. La pièce 13.7 présente un exemple d’un tel cas.
Pièce 13.7 — Des conditions d’isolement inadéquates ont fait augmenter les risques de propagation du virus parmi les travailleuses et travailleurs étrangers temporaires
Dans le cadre d’une inspection en cas d’éclosion en particulier, un entretien a eu lieu avec l’employeur une semaine après l’ouverture du dossier. L’entretien a permis de relever que les travailleuses ou travailleurs étrangers temporaires qui avaient reçu un résultat positif au test de dépistage de la COVID-19 n’avaient pas été logés séparément pour qu’ils puissent s’isoler, comme l’exige le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés. L’employeur a déclaré que les personnes dont le test était positif et celles dont le test était négatif partageaient le même logement, y compris la salle de bain et la cuisine. L’employeur a ajouté qu’il avait refusé de l’aide des autorités de santé publique afin d’isoler ces personnes dans une chambre d’hôtel.
Malgré cette information, Emploi et Développement social Canada n’a pas fait de suivi avant plus d’un mois et n’a fait le suivi auprès des autorités de santé publique que trois mois plus tard. À ce moment-là, l’unité de santé publique locale a communiqué les résultats de l’inspection qu’elle avait menée au début de l’éclosion qui avait relevé, entre autres, que les travailleuses ou travailleurs habitaient dans un environnement collectif avec des salles de bains partagées et que les produits de nettoyage étaient inadéquats.
Au moment de notre audit, quatre mois s’étaient écoulés depuis l’ouverture du dossier d’inspection. Les responsables de l’inspection n’avaient reçu de l’employeur aucune photo du logement qui devait servir à la quarantaine et il n’y avait pas non plus d’éléments pour prouver que des entretiens avaient eu lieu avec les travailleuses ou travailleurs en question, conformément à ce qui est prévu dans les procédures d’inspection du Ministère.
13.53 De plus, comme c’était le cas pour les inspections de quarantaine, bon nombre des inspections en cas d’éclosion en 2021 faisaient partie de l’accumulation d’inspections en retard. Même si le Ministère avait amorcé ces inspections rapidement dans la plupart des cas, elles ont par la suite connu des retards importants. Nous avons constaté que près de 80 % de ces inspections étaient inactives, et ce, depuis au moins un mois ou deux. Lorsque nous avons achevé notre examen des dossiers à la fin juin, nous avons constaté que moins de 30 % des dossiers d’inspection comportaient des décisions quant à la conformité des employeurs avec l’exigence d’isoler les travailleuses et travailleurs malades ou qui présentent des symptômes. C’est donc dire que le Ministère n’agissait pas rapidement pour vérifier si les travailleuses et travailleurs étaient en mesure de s’isoler adéquatement ou pour résoudre rapidement les problèmes qui pourraient survenir en ce qui concerne leur isolement.
Les piètres résultats des inspections postérieures à la quarantaine
13.54 Le 31 juillet 2020, en réponse aux éclosions de COVID‑19 dans le secteur agricole canadien, le gouvernement fédéral a annoncé qu’Emploi et Développement social Canada recevrait des crédits de 16,2 millions de dollars pour entreprendre plus d’inspections et pour évaluer la conformité aux exigences réglementaires courantes qui s’appliquent à la période postérieure à la quarantaine. Le Ministère s’était engagé à se concentrer sur les employeurs du secteur agricole qui fournissaient un logement aux travailleuses et travailleurs étrangers temporaires et à réaliser 3 000 inspections postérieures à la quarantaine avant la fin de l’exercice 2020-2021. Lorsque le financement a été annoncé, le Ministère réalisait encore surtout des inspections de quarantaine. À la mi‑octobre 2020, le Ministère a tourné ses efforts vers les inspections postérieures à la quarantaine plutôt que les inspections de quarantaine. La pièce 13.8 montre les étapes et l’échéancier des inspections postérieures à la quarantaine établies par le Ministère.
Pièce 13.8 — Emploi et Développement social Canada exige aussi que les inspections postérieures à la quarantaine soient réalisées en temps opportun
Notes :
Certains cas pourraient être plus complexes et nécessiter des étapes supplémentaires ou plus de temps pour être traités.
Des prolongations peuvent être accordées dans certaines circonstances qui pourraient allonger les délais.
Le ministère peut également lancer une inspection en réponse à des informations obtenues ou à des allégations.
Pièce 13.8 — version textuelle
Le graphique présente les étapes des inspections postérieures à la quarantaine exigées par Emploi et Développement social Canada.
Emploi et Développement social Canada choisit au hasard les employeurs qui seront inspectés et ouvre un dossier d’inspection.
Le jour 1 de l’inspection, le Ministère assigne le dossier à une inspectrice ou un inspecteur.
Le jour 3 est la date limite de l’inspectrice ou l’inspecteur en vue d’amorcer l’inspection et de demander des photos ou des documents à l’employeur.
Le jour 18 est la date limite de remise des photos et des documents par l’employeur.
Le jour 33 est la date limite à laquelle l’inspectrice ou l’inspecteur examine les documents et demande un complément d’information, au besoin.
L’inspectrice ou l’inspecteur doit mener des entretiens auprès des travailleuses et travailleurs étrangers temporaires.
Le jour 40 est la date limite à laquelle l’employeur doit fournir les documents définitifs exigés si un complément d’information était demandé.
Le jour 45 est la date limite à laquelle l’inspectrice ou l’inspecteur doit évaluer tous les documents définitifs et prendre une décision.
Ce graphique chronologique présente les étapes établies par le Ministère, toutefois certains cas pourraient être plus complexes et nécessiter des étapes supplémentaires ou plus de temps pour être traités. Des prolongations peuvent être accordées dans certaines circonstances qui pourraient allonger les délais.
Le Ministère peut également lancer une inspection en réponse à des informations obtenues ou à des allégations.
13.55 Nous avons constaté que malgré l’objectif du Ministère de se concentrer sur les travailleuses et travailleurs du secteur agricole grâce à ces crédits additionnels de 16,2 millions de dollars, environ la moitié des inspections postérieures à la quarantaine du Ministère (1 230 sur 2 491) étaient axées sur le secteur agricole. Nous avons aussi constaté, qu’en juin 2021, date à laquelle notre période d’audit a pris fin, seulement la moitié de ces inspections (609 sur 1 230) avaient été achevées. De plus, nous avons constaté des problèmes importants dans la qualité des inspections postérieures à la quarantaine dans le secteur agricole achevées que nous avons examinées.
13.56 Nous avons examiné un échantillon représentatif de 43 inspections postérieures à la quarantaine menées dans le secteur agricole qui avaient été achevées. Nous avons concentré notre attention sur les vérifications faites par le Ministère des logements des travailleuses et travailleurs. Nous avons constaté que les vérifications requises des conditions de logement de base des travailleuses et travailleurs n’avaient pas été effectuées, notamment les contrôles pour garantir la disponibilité de l’eau courante, pour s’assurer que le nombre de travailleuses et travailleurs dans un même logement ne dépassait pas les limites d’occupation et pour déterminer qu’il n’y avait pas de problème de sécurité important :
- 93 % des dossiers d’inspection comprenaient peu ou pas d’information sur les logements des travailleuses et travailleurs. Pour 84 % des inspections, aucune photo n’a été recueillie, contrairement à ce qui est exigé dans le cadre des procédures d’inspection virtuelles.
- Dans 81 % des entretiens auprès de l’employeur et 68 % des entretiens auprès des travailleuses et travailleurs étrangers, aucune question n’a été posée sur les logements des travailleuses et travailleurs après la période de quarantaine de 14 jours, même si c’était cette période qui était visée par l’inspection.
- Dans un petit nombre de cas (3 sur 43), lorsque les rapports d’inspection du logement présentés par d’autres administrations comportaient des exigences additionnelles en matière de logement en raison de la COVID‑19, les inspections n’avaient pas vérifié si les employeurs continuaient d’offrir ces conditions aux travailleuses et travailleurs. Parmi ces exigences additionnelles, il y avait notamment celles permettant aux travailleuses et travailleurs de respecter en tout temps la distanciation physique et d’accéder aux produits de nettoyage dans leurs logements après la quarantaine.
Le Ministère n’avait donc pas les preuves nécessaires pour tirer une conclusion sur les conditions de vie des travailleuses et travailleurs. Néanmoins, tous les employeurs ont été jugés conformes aux exigences.
13.57 Confirmer que les employeurs n’empêchent pas les travailleuses et travailleurs de respecter toute loi provinciale ou territoriale qui régit la santé publique adoptée en réponse à la pandémie de COVID‑19 est un autre élément important de la vérification de la conformité avec les nouvelles exigences liées à la COVID‑19 dans la période postérieure à la quarantaine. Cette vérification est importante parce que c’est l’une des quelques exigences qui vont au-delà de la période de quarantaine des travailleuses et travailleurs (l’autre est la vérification des conditions d’isolement, qui s’applique en tout temps pendant la saison si les travailleuses et travailleurs présentent des signes ou des symptômes de la COVID‑19). De plus, cette vérification est importante parce que les travailleuses et travailleurs étrangers temporaires ont peu de contrôle sur leurs milieux de vie et de travail. Le Ministère a déterminé que le non‑respect de cette exigence constituait une infraction des plus graves, puisque cette exigence constitue un volet important du filet de protection des travailleuses et travailleurs étrangers temporaires après la quarantaine. Pourtant, il a communiqué peu de directives à ses inspectrices et inspecteurs pour procéder à une évaluation en bonne et due forme de la conformité à cette exigence. En juin 2020, le Ministère a demandé à ses inspectrices et inspecteurs de cesser d’évaluer la conformité des employeurs à cette exigence, même si elle fait toujours partie du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés. En octobre 2020, les politiques pour la réalisation d’inspection exigeaient des inspectrices et inspecteurs qu’ils adoptent une approche fondée sur les risques pour évaluer cette exigence, en menant des entretiens auprès des travailleuses et travailleurs et en cherchant toute autre indication de non‑conformité pendant ces inspections. Toutefois, dans la pratique, les consignes de ne pas évaluer cette exigence étaient toujours en vigueur à la fin de notre période d’audit.
13.58 En 2020, nous avons constaté que dans près de 50 % des inspections de notre échantillon de 57 inspections de quarantaine, qui étaient censées évaluer toutes les exigences applicables du règlement modifié, Emploi et Développement social Canada avait conclu que les employeurs se conformaient à cette exigence sans avoir mené d’évaluation à cet égard. Nous avons aussi relevé plusieurs exemples de ce genre dans notre examen des inspections de 2021.
13.59 Le Ministère nous a indiqué qu’il comptait sur le signalement par les provinces et les territoires des cas de non‑respect des lois en matière de santé publique en vigueur, afin qu’il puisse ensuite vérifier s’il s’agissait de cas où les employeurs empêchaient les travailleuses et travailleurs de respecter ces lois. Toutefois, en 2020, le Ministère ne disposait pas d’un mécanisme pour recevoir ces informations. En 2021, le Ministère avait commencé à mettre en œuvre des mécanismes avec certaines provinces pour assurer l’échange d’informations et de données sur la COVID‑19.
L’accumulation importante d’inspections en retard
13.60 Tout au long de la pandémie, Emploi et Développement social Canada a affirmé que sa priorité était de protéger les travailleuses et travailleurs étrangers temporaires vulnérables dans le milieu agricole. Pendant les six premiers mois de la pandémie, les inspections étaient axées sur les inspections de quarantaine dans le secteur agricole et les six nouvelles exigences liées à la COVID‑19, conformément à cette priorité. Nous avons constaté qu’un arriéré avait commencé à s’accumuler lorsque le Ministère a tourné ses efforts vers les inspections postérieures à la quarantaine qu’il s’est engagé à effectuer avant la fin de l’exercice 2020-2021. En date d’avril 2021, les inspectrices et inspecteurs n’ont pas pu prendre une décision initiale sur environ 60 % (709 sur 1 230) des inspections en milieu agricole postérieures à la quarantaine. Au même moment, un grand nombre de travailleuses et travailleurs étrangers temporaires arrivait pour la saison 2021. Par conséquent, de nombreux dossiers sont restés incomplets lorsque les nouvelles inspections de la mise en quarantaine sont devenues prioritaires.
13.61 Nous avons aussi constaté que le taux d’achèvement des inspections de quarantaine avait diminué, passant de 85 % en 2020 à 20 % en 2021. À notre avis, une des raisons pour lesquelles l’arriéré a continué à s’accumuler est que les inspectrices et inspecteurs étaient aussi chargés d’inspections moins urgentes que les inspections de quarantaine — par exemple, les inspections postérieures à la quarantaine qui n’avaient pas été achevées en 2020-2021. Le Ministère a aussi réactivé l’examen de 1 000 inspections antérieures à la pandémie, ce qui a augmenté la charge de travail des inspectrices et inspecteurs.
13.62 De plus, nous avons constaté qu’en date du 30 juin 2021, l’arriéré comprenait 1 385 inspections en milieu agricole de tout type (c’est-à-dire des inspections pour lesquelles aucune décision n’avait été prise). Cet arriéré comprenait 894 nouvelles inspections de quarantaine que le Ministère avait lancées entre le 22 mars et la fin mai 2021 et qui auraient dû être terminées à la fin de notre période d’audit. Cependant, nous avons constaté que 80 % de ces inspections (714 sur 894) étaient encore en attente d’une décision quant au respect des exigences par les employeurs, soit des mois après la fin des périodes de quarantaine. C’est donc dire que le Ministère n’a pas agi assez rapidement afin de permettre la prise de mesures correctives, au besoin.
13.63 L’arriéré a aussi eu une incidence sur le nouveau processus de contrôle qualité du Ministère, instauré en février 2021 en réponse à nos préoccupations. Ce nouveau processus exigeait un deuxième examen des inspections (y compris les inspections de quarantaine) afin de confirmer que des éléments probants suffisants avaient été recueillis pour étayer la conclusion sur la conformité de l’employeur, avant d’informer ce dernier du résultat de l’inspection. Cette accumulation importante d’inspections signifiait que la plupart des inspections de quarantaine n’avaient pas fait l’objet d’une décision; elles n’ont donc pas franchi l’étape du nouveau processus de contrôle qualité.
13.64 Vu l’importance des inspections d’Emploi et Développement social Canada et de ses engagements envers l’amélioration, nous avons continué de surveiller l’arriéré des inspections en milieu agricole après la période visée par l’audit. En date du 10 septembre 2021, selon les résultats de notre suivi, l’arriéré des inspections n’avait pas diminué et les retards persistaient, et ce, même si les données d’inspection du Ministère indiquaient qu’il avait considérablement réduit le nombre de nouvelles inspections en milieu agricole qu’il avait commencées entre juillet et septembre 2021. Par exemple, en septembre 2021, l’arriéré des inspections en milieu agricole comprenait 1 377 inspections, y compris 765 inspections de quarantaine pour lesquelles aucune décision n’avait été rendue. Ces 765 inspections de quarantaine étaient en retard depuis 3,5 mois en moyenne. Notre analyse indique que, même avec un nombre inférieur d’inspections débutant chaque mois, l’arriéré des inspections et les longs délais pour la prise d’une décision seront maintenus pour une bonne partie de la saison 2022.
Les nombreux facteurs qui expliquent les inspections inadéquates
13.65 Le nouveau règlement et le régime d’inspection peuvent seulement être efficaces dans la mesure où ils sont mis en œuvre de manière adéquate. Il a été difficile de déterminer les causes profondes des problèmes importants que nous avons relevés dans les inspections d’Emploi et Développement social Canada. Les règlements, les politiques et les procédures confirment que les procédures devaient être réalisées en temps opportun et de façon diligente et rigoureuse. Selon notre examen, nous avons déterminé que la plupart des inspections ne satisfaisaient pas à ces exigences, car elles manquaient de rigueur et d’urgence. À notre avis, certains facteurs aggravants des inspections inadéquates comprenaient :
- Une mauvaise compréhension de l’urgence des nouvelles exigences et de l’incidence sur la santé des travailleuses et travailleurs — Généralement, l’importance et l’urgence des nouvelles exigences relatives à la pandémie et leur incidence sur le bien-être des travailleuses et travailleurs ne semblaient pas avoir été bien comprises par le Ministère. Nous avons constaté que certains dossiers comportaient des preuves de questions urgentes (comme des problèmes liés aux logements pour la mise en quarantaine ou aux conditions d’isolement des travailleuses et des travailleurs) qui n’avaient fait l’objet d’aucun suivi pendant des semaines ou parfois des mois, si un suivi avait été fait.
- Une mauvaise compréhension de la charge de travail des inspectrices et des inspecteurs et de leur capacité — Le Ministère n’a pas évalué sa capacité à réaliser le volume d’inspections qu’il s’était engagé à réaliser pendant la pandémie. Selon diverses sources de renseignements, notamment des entretiens auprès d’inspectrices et inspecteurs ainsi que notre examen détaillé des dossiers d’inspection, les inspectrices et inspecteurs ont eu des difficultés à gérer le volume d’inspections qui leur était confié, en particulier au cours de la saison 2021. À preuve, les longues périodes d’inactivité de la plupart des dossiers que nous avons examinés.
- Des inspectrices et inspecteurs laissés à eux-mêmes — Certains inspecteurs et inspectrices ont indiqué qu’ils n’avaient pas bénéficié d’une supervision ni d’un soutien suffisants lors de leurs inspections. Cela est important parce que, d’après les informations d’Emploi et Développement social Canada, jusqu’à environ 50 % de ses 220 inspectrices et inspecteurs n’avaient pas déjà travaillé dans le Programme des travailleurs étrangers temporaires, soit parce qu’ils avaient été transférés d’un autre programme d’inspection, soit parce qu’ils avaient été embauchés par le Ministère dans les 6 à 24 derniers mois. Les inspectrices et inspecteurs nous ont aussi fait savoir qu’ils avaient eu des difficultés à suivre les fréquentes mises à jour des directives.
- Des entretiens de piètre qualité avec les travailleuses et travailleurs — Le Ministère a élaboré des directives supplémentaires pendant l’année 2020 pour aider les inspectrices et inspecteurs à améliorer la qualité de leurs entretiens, mais nous n’avons constaté aucune amélioration. Dans un grand nombre des inspections que nous avons examinées en 2020 et en 2021, nous avons constaté qu’il y avait des incohérences entre l’information que les travailleuses et travailleurs et les employeurs communiquaient aux inspectrices et inspecteurs, notamment des divergences dans les descriptions des logements d’isolement et de quarantaine et le nombre de travailleuses ou travailleurs logés ensemble et que ces divergences n’avaient pas fait l’objet d’une enquête en profondeur. Nous avons aussi constaté qu’il y avait des cas où les travailleuses ou travailleurs soulevaient de graves préoccupations, comme le manque de nourriture lorsqu’ils étaient en isolement, mais nous n’avons rien vu qui indiquait que les inspectrices et inspecteurs avaient pris des mesures pour rectifier la situation.
- Un faible contrôle qualité — Nous avons constaté qu’il y avait des problèmes dans les vérifications de contrôle qualité du Ministère tout au long de la pandémie. En mai et en août 2020, le Ministère a vérifié un échantillon des inspections et relevé beaucoup de problèmes que nous avons nous-mêmes constatés. Toutefois, nous n’avons constaté aucune preuve indiquant que la qualité des inspections s’était améliorée après ces vérifications. De plus, pour le petit nombre d’inspections de quarantaine, d’inspections en cas d’éclosion ou d’inspections postérieures à la quarantaine assujetti au processus amélioré de contrôle qualité établi par le Ministère en février 2021, nous avons constaté que les examinatrices et examinateurs avaient raté de nombreux problèmes flagrants. À notre avis, ces derniers semblaient vérifier si les inspectrices et inspecteurs avaient obtenu des éléments probants, mais ne vérifiaient pas la nature ni la qualité de ces éléments probants.
Le peu d’assurance pour Agriculture et Agroalimentaire Canada que tous les employeurs bénéficiaires respectaient les modalités du programme
13.66 Les employeurs bénéficiant d’une aide financière dans le cadre du Programme d’aide pour l’isolement obligatoire des travailleurs étrangers temporaires et du Fonds d’urgence pour les mesures de soutien à la ferme d’Agriculture et Agroalimentaire Canada doivent se conformer aux nouvelles dispositions du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés instaurées pendant la pandémie. Les employeurs doivent notamment offrir des logements pour la mise en quarantaine qui permet la distanciation physique, fournir des produits de nettoyage aux travailleuses et travailleurs mis en quarantaine et verser un salaire à ces personnes pendant la période de quarantaine.
13.67 Nous avons constaté qu’en raison de tous les problèmes liés aux inspections d’Emploi et Développement social Canada, Agriculture et Agroalimentaire Canada ne savait pas si des employeurs bénéficiaires de ces programmes pouvaient ne pas avoir respecté les modalités. Plus particulièrement, le Programme d’aide pour l’isolement obligatoire des travailleurs étrangers temporaires visait à offrir une aide financière aux employeurs pour les coûts liés à la mise en quarantaine des travailleuses et travailleurs. Cependant, dans la plupart des cas, les inspections d’Emploi et Développement social Canada n’ont pas permis d’obtenir une assurance que la mise en quarantaine des travailleuses et travailleurs respectait les exigences.
13.68 Il faut noter qu’Agriculture et Agroalimentaire Canada a la capacité de récupérer les fonds auprès des employeurs dont on juge après coup qu’ils n’ont pas respecté les modalités du programme. Toutefois, en raison des problèmes généralisés que nous avons relevés dans la qualité des inspections réalisées par Emploi et Développement social Canada pendant la pandémie et de l’arriéré d’inspections qui s’est constitué en 2021, Agriculture et Agroalimentaire Canada ne pouvait pas s’appuyer sur les résultats des inspections pour relever les employeurs qui pouvaient ne pas avoir respecté les modalités du programme.
13.69 Recommandation — Étant donné l’importance d’évaluer avec rigueur la conformité des employeurs avec le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, Emploi et Développement social Canada devrait sans plus tarder :
- revoir son système de détermination et d’affectation des inspections en fonction de la capacité de charge de travail collective de ses inspectrices et inspecteurs afin de réaliser ces inspections en temps opportun;
- offrir une formation et un soutien aux inspectrices et inspecteurs pour veiller à ce qu’ils recueillent des éléments probants suffisants et appropriés, comme le prévoient les politiques et les procédures ministérielles;
- améliorer son système de contrôle qualité afin de surveiller la progression et la qualité des inspections à diverses étapes d’avancement, et d’assurer en temps opportun un suivi adéquat et la mise en œuvre de mesures correctives ou de conséquences, conformément aux politiques et aux procédures de Ministère.
Réponse du Ministère — Recommandation acceptée. Le Programme des travailleurs étrangers temporaires n’a pas été conçu pour offrir du soutien en cas de pandémie. Par conséquent, des règles, des procédures et des formations ont dû être élaborées en temps réel. Le régime d’inspection de quarantaine aux fins de conformité a été élaboré en deux semaines. Des inspections virtuelles ont été menées à titre de solution intermédiaire afin que les exigences en matière de santé, selon lesquelles les visites en personne étaient interdites, soient respectées. Le programme a dû être adapté en fonction des directives changeantes en matière de santé et des conditions de crise qui ont évolué tout au long de la pandémie.
Au cours de la pandémie, Emploi et Développement social Canada a tenté a) d’adapter son processus d’inspection pour y inclure de nouvelles conditions liées à la COVID‑19; b) de vérifier la qualité des inspections et les délais d’exécution connexes; et c) de fournir aux inspectrices et aux inspecteurs des directives, des formations et des outils mis à jour.
Selon les constatations du Bureau du vérificateur général du Canada, l’obtention de résultats adéquats à la suite des inspections posait des problèmes évidents. Un comité directeur national, formé en mai 2021, a élaboré un plan d’action afin de cibler les améliorations à apporter aux inspections, de mettre en œuvre ces améliorations et d’assurer un suivi à cet égard. Le Ministère suivra de près les répercussions de ce plan d’action.
13.70 Recommandation — Étant donné la responsabilité d’Emploi et Développement social Canada d’évaluer la conformité de l’employeur avec toutes les modifications apportées au Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés en réponse à la pandémie de COVID‑19, y compris l’exigence selon laquelle les employeurs ne doivent pas empêcher les travailleuses et travailleurs étrangers temporaires de respecter les lois en matière de santé publique adoptées par les provinces ou les territoires en réponse à la pandémie de COVID‑19, le Ministère devrait :
- obtenir des informations auprès des autorités provinciales et territoriales sur les lois en matière de santé publique en vigueur afin de faciliter l’adoption d’une approche fondée sur les risques pour l’inspection de la conformité de l’employeur avec cette exigence;
- informer, former et appuyer les inspectrices et inspecteurs au sujet de l’utilisation d’une approche fondée sur les risques pour leur permettre de détecter dans le cadre de leurs inspections les cas possibles de situations où des employeurs pourraient empêcher des travailleuses et travailleurs de se conformer aux lois en matière de santé publique applicables.
Réponse du Ministère — Recommandation acceptée. Les territoires et les provinces sont responsables d’établir des lois et des politiques en matière de santé et de sécurité publiques, notamment celles liées à la COVID‑19, et de les faire appliquer respectivement à l’échelle de leurs territoires ou de leurs provinces.
En avril 2020, l’une des nouvelles exigences imposées aux employeurs aux termes du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés visait à s’assurer que les employeurs ne puissent pas empêcher les travailleuses et travailleurs étrangers temporaires de respecter les lois en matière de santé publique adoptées par les provinces ou les territoires en réponse à la pandémie de COVID‑19.
Emploi et Développement social Canada a adopté une approche de gestion du risque dans ses directives d’inspection à l’intention des inspectrices et des inspecteurs afin d’évaluer la situation lorsque le Ministère est avisé d’un manquement potentiel d’un employeur par le biais d’informations obtenues ou d’allégations ou lorsqu’un tel manquement est détecté au cours d’une inspection.
Le Ministère collabore avec les provinces et les territoires depuis le début de la pandémie et assurera la continuité de ses accords d’échange de renseignements avec eux, afin de veiller à ce que des protocoles soient en place pour permettre l’échange de renseignements lorsque l’on soupçonne ou constate qu’un employeur empêche une travailleuse étrangère temporaire ou un travailleur étranger temporaire de respecter les lois provinciales ou territoriales applicables en réponse à la COVID‑19.
Le Ministère s’engage à fournir aux inspectrices et aux inspecteurs d’autres outils de formation et de soutien pour a) fournir des précisions sur les rôles et les responsabilités du gouvernement fédéral, des provinces et des territoires; b) aider à cibler les cas possibles de non-conformité chez les employeurs; et c) faire un suivi auprès des autorités provinciales ou territoriales appropriées.
13.71 Recommandation — Emploi et Développement social Canada devrait prendre des mesures immédiates pour faire en sorte que les inspections postérieures à la quarantaine et son programme général d’inspections après la pandémie vérifient que les logements fournis par les employeurs sont conformes aux exigences applicables pendant la totalité du séjour des travailleuses et travailleurs étrangers temporaires, conformément à ses politiques pour la réalisation d’inspections. En particulier, le Ministère devrait :
- vérifier que les conditions de logement et que les descriptions du logement ne diffèrent pas de celles présentées dans les rapports d’inspection des logements approuvées par l’autorité provinciale, territoriale ou locale compétente;
- vérifier que les logements ne dépassent pas les limites d’occupation et qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que les logements présentent un risque important pour la santé et la sécurité des travailleuses et travailleurs.
Réponse du Ministère — Recommandation acceptée. Emploi et Développement social Canada reconnaît l’importance d’offrir des logements sûrs et reste déterminé à travailler avec les provinces et les territoires pour aider à protéger la santé et la sécurité des travailleuses et travailleurs étrangers temporaires.
Les provinces et les territoires sont responsables d’établir des normes en matière de logement, de procéder à des inspections en tenant compte de ces normes et d’approuver le rapport d’inspection du logement, ce qui est une condition préalable pour les employeurs souhaitant participer au Programme des travailleurs étrangers temporaires. Une fois que les travailleuses et les travailleurs ont commencé à vivre dans le logement fourni par l’employeur, le Ministère peut effectuer une inspection de la conformité de l’employeur.
Conformément aux secteurs de compétence et à l’aide des politiques et des procédures ministérielles, les inspectrices et inspecteurs se servent du rapport d’inspection du logement comme outil de référence pour vérifier si les logements sont adéquats. Ils doivent notamment vérifier que les logements n’excèdent pas les limites d’occupation et qu’il n’existe aucun motif raisonnable de croire que les logements présentent un risque important pour la santé et la sécurité des travailleuses et des travailleurs. Si de tels problèmes sont observés ou découverts dans le cadre d’une inspection, le Ministère informera immédiatement les autorités provinciales, territoriales et municipales compétentes. Si l’autorité compétente confirme l’existence d’une infraction, le Ministère prendra alors une décision relative à la conformité de l’employeur avec le programme.
13.72 Recommandation — Une fois que les périodes de quarantaine et les éclosions sont terminées depuis longtemps, Emploi et Développement social Canada devrait se servir d’une approche de gestion du risque et de l’information qui est actuellement consignée en dossier pour déterminer s’il est pertinent et utile de terminer les inspections qui sont en retard. Le Ministère devrait ensuite trouver un juste équilibre entre la nécessité de terminer les inspections en cours et celle d’amorcer et de terminer de nouvelles inspections dans les délais prévus.
Réponse du Ministère — Recommandation acceptée. Emploi et Développement social Canada reconnaît l’importance de tenir compte du volume d’inspections tout en restant réactif face à la pandémie qui continue de sévir. Dans le cadre du continuum des activités qui font partie du régime de vérification de la conformité, les inspections sont une composante essentielle de la protection des travailleuses et des travailleurs étrangers temporaires.
Durant la pandémie, le Ministère a élargi la portée de son régime d’inspection et a tenté de s’adapter au contexte sans précédent et en pleine évolution. Le comité directeur national nouvellement mis sur pied est chargé d’orienter l’élaboration et la mise en œuvre d’une stratégie nationale de la gestion de la charge de travail au moyen d’une approche fondée sur les risques afin de tenir compte du nombre d’inspections actives.
Le Ministère ayant désigné les inspections de quarantaine et les inspections en cas d’éclosions comme étant prioritaires durant la pandémie, la stratégie nationale de gestion de la charge de travail sera un outil clé permettant d’établir un équilibre entre la réalisation des inspections en cours et la mise en œuvre et l’achèvement en temps opportun de nouveaux cas d’inspection.
Le Ministère utilisera aussi les données du programme pour orienter l’apport d’améliorations futures au modèle opérationnel.
Conditions de vie des travailleuses et travailleurs étrangers temporaires
Emploi et Développement social Canada n’a pas apporté de solution aux préoccupations de longue date liées à l’hébergement des travailleuses et travailleurs
13.73 Nous avons constaté que, malgré les engagements pris par le Ministère depuis 2018 d’apporter des changements au programme pour améliorer les conditions de vie des travailleuses et travailleurs, Emploi et Développement social Canada avait fait peu de progrès en vue d’établir des normes minimales de logement comme condition d’admissibilité au programme. De plus, comme nous l’avons indiqué précédemment, nous avons constaté que parce que les inspections du Ministère pendant la pandémie n’ont pas vérifié les conditions de base dans les logements des travailleuses et des travailleurs, le Ministère ne veillait pas à l’application des normes de logement actuelles.
13.74 Notre analyse à l’appui de cette constatation porte sur :
- le manque de progrès concrets à l’égard des modifications au programme pour améliorer les conditions de vie des travailleuses et travailleurs;
- l’impossibilité de savoir si le Fonds d’urgence pour les mesures de soutien à la ferme a amélioré l’hébergement des travailleuses et travailleurs;
- le peu d’assurance que les inspections ont contribué à protéger les travailleuses et travailleurs étrangers temporaires vulnérables.
13.75 Cette constatation est importante parce que la plupart des travailleuses et travailleurs étrangers temporaires qui viennent travailler au Canada dans le secteur agricole doivent vivre dans des logements fournis par l’employeur. Ils dépendent donc de l’employeur pour qu’il mette à leur disposition des logements sécuritaires et adéquats. Les conditions de vie sont devenues d’autant plus importantes dans le contexte de la pandémie.
13.76 Chaque province et territoire établit ses propres normes de logement s’appliquant aux logements pour les travailleuses et travailleurs étrangers temporaires sur son territoire. Par conséquent, il n’y a pas de norme nationale uniformisée. Cela veut dire que le type de logement offert aux travailleuses et travailleurs étrangers temporaires varie énormément, allant de bâtiments à double usage (comme des entrepôts) sans salle de bain ni cuisine sur les lieux à des maisons ayant toutes les commodités.
13.77 Emploi et Développement social Canada exige que les employeurs présentent des rapports d’inspection des logements produits par les autorités provinciales, territoriales ou locales dans leur demande d’embauche de travailleuses et travailleurs étrangers temporaires. Ces rapports visent à vérifier la conformité aux exigences de base du code du bâtiment et à vérifier que certaines installations (comme une toilette) sont présentes sur le site. Ces rapports ne garantissent pas que des conditions de vie de base soient offertes aux travailleuses et travailleurs étrangers temporaires, car il n’y a actuellement aucune norme minimale en la matière.
13.78 Emploi et Développement social Canada a pris un certain nombre d’engagements avant et pendant la pandémie visant à modifier le Programme des travailleurs étrangers temporaires afin d’améliorer les conditions de vie des travailleuses et travailleurs et d’atténuer les risques liés aux piètres conditions de vie (voir la pièce 13.9).
Pièce 13.9 — Engagements pris par Emploi et Développement social Canada pour améliorer les conditions de vie des travailleuses et travailleurs étrangers temporaires
Pièce 13.9 — version textuelle
Le graphique chronologique présente les engagements pris par Emploi et Développement social Canada de 2017 à 2021 pour améliorer les conditions de vie des travailleuses et travailleurs étrangers temporaires.
En avril 2017, en réponse à un rapport de 2016 du Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées de la Chambre des communes, le Ministère a amorcé l’examen du volet agriculture du Programme des travailleurs étrangers temporaires, notamment en ce qui a trait au manque d’uniformité des normes de logement partout au pays.
En janvier 2018, le Ministère a reconnu qu’il était responsable de protéger les droits des travailleuses et travailleurs étrangers temporaires de bénéficier d’un logement sécuritaire et adéquat et il s’est engagé à définir des exigences uniformes en matière de logement pour l’ensemble du Canada dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires.
En août 2018, le Ministère a commencé un examen de programme axé sur le secteur agricole dans le cadre duquel il a commandé une étude indépendante en vue d’évaluer les normes d’hébergement actuelles et de présenter des recommandations sur la façon d’établir des exigences minimales à l’échelle nationale pour l’hébergement des travailleuses et travailleurs. L’examen confirme l’existence d’écarts importants dans les normes en matière de logement et d’inspections de même que le besoin urgent d’établir des exigences nationales minimales en matière de logement.
En février 2019, dans son rapport rendu public après l’examen, le Ministère a reconnu que des logements inadéquats pouvaient poser des risques pour la santé et la sécurité des travailleuses et travailleurs.
En septembre 2019, le Ministère s’est de nouveau engagé à collaborer avec les provinces et territoires en vue d’améliorer les logements des travailleuses et travailleurs étrangers temporaires et d’assurer l’uniformité des normes à l’échelle nationale.
En juillet 2020, à la suite d’éclosions en milieu agricole, le Ministère annonce un plan visant à mieux protéger les travailleuses et travailleurs étrangers temporaires et à contrer les éclosions, notamment grâce à l’élaboration d’exigences minimales obligatoires pour les logements fournis par les employeurs dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires.
En mars 2021, le Ministère annonce un plan exhaustif visant à mieux protéger les travailleuses et travailleurs étrangers temporaires, notamment en poursuivant l’élaboration des exigences obligatoires pour les logements dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires.
13.79 Au cours des années qui ont précédé la pandémie, les défenseurs des travailleuses et travailleurs étrangers temporaires et certains gouvernements de pays étrangers qui envoyaient des travailleuses et travailleurs au Canada se sont inquiétés des piètres conditions de vie de ces personnes, notamment du surpeuplement des logements. Emploi et Développement social Canada a pris acte de ces préoccupations et, dès 2018, s’est engagé à améliorer les conditions de vie des travailleuses et travailleurs, notamment en menant des efforts coordonnés avec les provinces et les territoires pour définir des exigences de logement minimales que les employeurs devraient respecter pour bénéficier du Programme des travailleurs étrangers temporaires.
13.80 La pandémie a accentué l’urgence de régler les questions relatives au logement. Des experts en soins de santé et des défenseurs des droits des travailleuses et travailleurs ont réitéré des préoccupations en avril 2020 et plus tard au cours de la pandémie, et ont souligné le risque de propagation du virus au sein des travailleuses et travailleurs vivant dans des logements surpeuplés.
13.81 À l’été 2020, à la suite de nombreuses éclosions au sein des travailleuses et travailleurs étrangers temporaires dans le secteur agricole canadien, l’Agence de la santé publique du Canada a réalisé neuf inspections conjointes avec Emploi et Développement social Canada et des provinces sélectionnées. Peu après, l’Agence a adressé un rapport au Ministère qui concluait que les conditions de vie des travailleuses et travailleurs étrangers temporaires les exposaient à des risques accrus d’exposition au virus qui causait la COVID‑19 et favorisaient sa transmission entre les travailleuses et travailleurs. Le rapport relevait les facteurs suivants comme principaux facteurs d’aggravation :
- les logements partagés densément peuplés qui ont rendu difficile pour les travailleuses et les travailleurs de respecter les mesures de santé publique essentielles, comme la distanciation physique;
- le manque d’uniformité des normes en matière de logement.
13.82 Dans le cadre du plan du gouvernement fédéral de juillet 2020 destiné à mieux protéger les travailleuses et travailleurs et à lutter contre les éclosions dans le secteur agricole canadien, Emploi et Développement social Canada s’était de nouveau engagé à définir des normes minimales de logement dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires. Ces normes établiraient des exigences uniformes et obligatoires relatives aux conditions de vie que tous les employeurs devront respecter pour être admissibles au programme, comme le nombre de travailleuses ou travailleurs par chambre ou par salle de bain.
13.83 Nos recommandations relativement au secteur examiné sont présentées aux paragraphes 13.88 et 13.95.
Le manque de progrès concrets à l’égard des modifications au programme pour améliorer les conditions de vie des travailleuses et travailleurs
13.84 Nous avons constaté qu’Emploi et Développement social Canada avait réalisé peu de progrès à l’égard de ses engagements, pris à compter de 2018, d’améliorer les conditions de vie des travailleuses et travailleurs étrangers temporaires. Le Ministère s’était engagé à apporter des améliorations en établissant des conditions minimales d’admissibilité dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires pour les logements offerts par les employeurs à ces personnes.
13.85 Cet engagement est devenu encore plus important en 2020, compte tenu du lien entre le risque de propagation du virus qui cause la COVID‑19 et les conditions de vie dans un logement type de travailleuses ou travailleurs étrangers temporaires, comme des logements surpeuplés ou collectifs. Dans le cadre de sa réponse à la pandémie, le Ministère s’est engagé de nouveau à établir ces exigences et à les mettre en application au moyen d’inspections.
13.86 En octobre 2020, le Ministère a procédé à des consultations avec des parties prenantes concernant des propositions liées aux normes minimales de logement, qui obligeraient les employeurs à apporter des changements aux logements offerts aux travailleuses et travailleurs, notamment à :
- limiter le nombre de travailleuses ou travailleurs qui partagent une chambre à coucher et définir des spécifications pour les types de lits appropriés et assurer un minimum d’espace entre les lits;
- établir le nombre maximal de travailleuses ou travailleurs qui peuvent partager une salle de bain dans les logements qui leur sont destinés;
- fixer le nombre d’occupants maximal pour les espaces communs et offrir des logements qui ont suffisamment de meubles pour le nombre de travailleuses ou travailleurs;
- s’assurer que les logements ont des dispositifs de chauffage et de climatisation en bon état de fonctionnement et une cuisine équipée d’un réfrigérateur, d’un four, d’une table, de chaises et d’entreposage suffisants pour les travailleuses et travailleurs hébergés.
Dans ses consultations, Emploi et Développement social Canada a confirmé que ces exigences proposées n’exigeraient pas de changements aux normes de logement provinciales et territoriales en vigueur. Les exigences minimales proposées seraient plutôt un complément aux éléments du logement qui sont de compétence provinciale, territoriale ou municipale et qui sont visés par les rapports d’inspection des logements des provinces et des territoires, comme le code du bâtiment, les règlements de zonage et le code de prévention des incendies.
13.87 En juin 2021, sept mois après la fin des consultations, le Ministère n’avait toujours pas terminé l’analyse des réponses obtenues et n’avait pas établi d’échéanciers ni de plan d’action pour faire progresser l’élaboration de ces exigences. Les fonctionnaires du Ministère n’étaient pas en mesure de nous indiquer à quel moment les exigences minimales en matière d’hébergement seraient en place.
13.88 Recommandation — Vu les engagements répétés pris par Emploi et Développement social Canada au fil des ans en vue d’améliorer les conditions de vie des travailleuses et travailleurs par l’intermédiaire du Programme des travailleurs étrangers temporaires, le Ministère devrait accélérer l’élaboration et la mise en œuvre de normes minimales de logement à titre de condition d’admissibilité de ce programme fédéral, en consultation avec les provinces, les territoires et d’autres administrations.
Réponse du Ministère — Recommandation acceptée. Emploi et Développement social Canada reconnaît l’importance d’offrir des logements sécuritaires. Les conditions de vie des travailleuses et travailleurs étrangers temporaires dans le secteur agricole représentent un défi pour de nombreux intervenants, qui demande une forte collaboration multilatérale. Le rôle fédéral dans le contexte du Programme des travailleurs étrangers temporaires consiste à établir des conditions d’admissibilité et à faire appliquer les règlements applicables régissant le programme. Les gouvernements provinciaux et territoriaux ont généralement la compétence exclusive à l’égard de l’élaboration des règlements en matière de logement. En 2020, le Ministère a entrepris des consultations sur les normes minimales proposées avec les provinces, les territoires et les municipalités ainsi qu’avec les principales parties intéressées, dans l’optique d’améliorer les logements fournis par les employeurs.
Bien que le gouvernement fédéral ne puisse pas établir de normes dans les secteurs relevant de la compétence exclusive des territoires et des provinces, il collaborera avec ces derniers pour proposer des changements afin d’aider à résoudre les problèmes de santé et de sécurité liés aux logements. Les employeurs devront démontrer qu’ils répondent aux exigences provinciales ou territoriales afin de participer au programme.
Le Ministère met également en œuvre d’autres mesures, comme le Programme de soutien aux travailleurs migrants, qui fournira 49,5 millions de dollars sur trois ans aux organismes qui offrent des services d’aide aux personnes migrantes, et des modifications réglementaires visant à prévenir les mauvais traitements.
Tout en poursuivant ces travaux, le Ministère met également en œuvre des mesures immédiates pour améliorer l’examen des rapports d’inspection des logements afin que les problèmes de surpeuplement puissent être réglés avant l’arrivée des travailleuses et travailleurs étrangers temporaires.
L’impossibilité de savoir si le Fonds d’urgence pour les mesures de soutien à la ferme a amélioré l’hébergement des travailleuses et travailleurs
13.89 Emploi et Développement social Canada nous a indiqué que le Fonds d’urgence pour les mesures de soutien à la ferme de 2020 lui permettrait d’atténuer les risques liés aux conditions de vie des travailleuses et travailleurs pendant la pandémie. Ce programme, géré par Agriculture et Agroalimentaire Canada, a été annoncé en juillet 2020 dans le cadre de la série de mesures prises par le gouvernement en réponse à la COVID‑19. Ces mesures visaient à accroître les mesures de protection sur les exploitations agricoles, destinées à la fois aux travailleuses et travailleurs canadiens et aux travailleuses et travailleurs étrangers temporaires, en améliorant leur santé et leur sécurité. Le Programme comprenait du financement destiné aux employeurs pour qu’ils investissent dans les logements postérieurs à la quarantaine afin d’en améliorer la sécurité.
13.90 Toutefois, nous avons constaté qu’il y avait peu de renseignements disponibles sur les réalisations du programme. Agriculture et Agroalimentaire Canada était en mesure de surveiller quelle part du financement avait été consacrée au logement sur les exploitations agricoles — environ 13,9 millions de dollars — mais n’était pas en mesure d’évaluer si ce financement avait amélioré la santé et la sécurité des travailleuses et travailleurs et limité la propagation de la COVID‑19.
13.91 Nous avons constaté que les indicateurs de rendement du programme étaient axés sur la productivité de l’exploitation agricole et n’étaient pas liés à l’amélioration des logements. Agriculture et Agroalimentaire Canada avait établi un indicateur de rendement pour évaluer l’amélioration de la sécurité des travailleuses et travailleurs, mais le Ministère n’avait recueilli aucune information pour rendre compte des résultats obtenus. En outre, Emploi et Développement social Canada a affirmé que le programme avait aidé les employeurs à mieux se préparer à recevoir des travailleuses et travailleurs étrangers temporaires et à gérer les risques liés à la propagation du virus pour la saison de 2021. Or nous avons constaté que le Ministère n’avait recueilli aucune information sur les résultats du programme pour appuyer son affirmation.
Le peu d’assurance que les inspections ont aidé à protéger les travailleuses et travailleurs étrangers temporaires vulnérables
13.92 Nous avons constaté qu’Emploi et Développement social Canada avait déterminé à de nombreuses occasions que les travailleuses et travailleurs étrangers temporaires dans le secteur agricole étaient une population vulnérable. Il avait toutefois raté des occasions de recueillir des informations et de surveiller les progrès par rapport aux engagements pertinents du gouvernement dans ce secteur.
Source : Nations-Unies
13.93 En septembre 2015, le Canada s’est engagé à réaliser le Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations Unies. Dans son Plan ministériel 2021-2022, Emploi et Développement social Canada avait défini les activités prévues à l’appui des efforts du Canada pour respecter le Programme 2030 des Nations Unies. Il a mis en correspondance les programmes et les objectifs de développement durable auxquels ils contribuent. Toutefois, le Programme des travailleurs étrangers temporaires est absent de la liste des programmes à surveiller pour montrer les progrès par rapport aux objectifs. Nous sommes d’avis qu’il s’agit d’une occasion ratée puisque l’objectif 8 (en faveur d’un travail décent pour tous) est pertinent pour le Programme des travailleurs étrangers temporaires, en particulier la cible 8.8 : « Défendre les droits des travailleurs, promouvoir la sécurité sur le lieu de travail et assurer la protection de tous les travailleurs, y compris les migrants, en particulier les femmes, et ceux qui ont un emploi précaire ».
13.94 De plus, lors de l’élaboration de programmes fédéraux, les ministères doivent tenir compte de considérations liées à l’inégalité systémique à l’aide d’une optique d’analyse comparative entre les sexes plus (ACS+)Définition 3 et y répondre. Dans le contexte du Programme des travailleurs étrangers temporaires, Emploi et Développement social Canada a recensé les travailleuses et travailleurs étrangers temporaires du secteur agricole comme un groupe vulnérable. Le Ministère s’est engagé à protéger ce groupe de personnes grâce à ses inspections. Toutefois, nous n’avons relevé aucune preuve indiquant que le Ministère avait examiné des données désagrégées pour éclairer ses décisions liées aux inspections en vue de soutenir les membres de ce groupe vulnérable. Comme les travailleuses et travailleurs étrangers temporaires du milieu agricole dépendent des employeurs en ce qui concerne leurs conditions de vie et leur capacité de respecter les exigences de la santé publique établies pour prévenir la propagation de la COVID‑19, la piètre qualité des inspections du Ministère signifiait qu’il avait peu d’assurance que les travailleuses et travailleurs étaient protégés.
13.95 Recommandation — En tant que responsable fédéral de l’objectif 8 des objectifs de développement durable des Nations Unies, Emploi et Développement social Canada devrait adopter une optique d’analyse comparative entre les sexes plus (ACS+) afin d’élaborer de nouveaux indicateurs de rendement pour le Programme des travailleurs étrangers temporaires qui contribueraient au Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations Unies, de façon à promouvoir un lieu de travail sécuritaire et sûr pour les travailleuses et travailleurs étrangers temporaires. Le Ministère devrait également surveiller ces indicateurs, faire un suivi des progrès en la matière, et en rendre compte.
Réponse du Ministère — Recommandation acceptée. Emploi et Développement social Canada reconnaît l’importance du Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations Unies et soutient l’objectif de développement durable numéro 8.
La mise en œuvre et l’évaluation des mesures au titre du Programme des travailleurs étrangers temporaires, notamment les processus d’inspection ministériels, comprendront une optique d’analyse comparative entre les sexes plus, ce qui permettra au Ministère d’appuyer la protection des travailleuses et travailleurs dans le cadre de son mandat et de son champ de compétence. Le Ministère travaille actuellement à la mise en œuvre des modifications réglementaires proposées et au lancement du Programme de soutien aux travailleurs migrants, qui s’appuie sur un projet pilote lancé en 2018 en Colombie-Britannique en vue d’aider les travailleuses et travailleurs migrants victimes de mauvais traitements. En 2020, ce financement a été étendu à des organisations ailleurs au Canada pour aider les travailleuses et travailleurs touchés par la pandémie.
Le nouveau Programme de soutien aux travailleurs migrants fait partie d’un engagement vaste du gouvernement fédéral visant à protéger les travailleuses et travailleurs étrangers de mauvais traitement, l’objectif étant d’aider cette population à prendre connaissance de ses droits et à exercer ceux‑ci. Dans le cadre de ce programme, le Ministère mènera une enquête auprès des travailleuses et travailleurs, et les organismes communautaires financés rendront compte des répercussions des mesures de soutien améliorées.
Le Ministère cherchera des occasions d’intégrer les résultats de cette collecte de données dans son analyse comparative entre les sexes plus ainsi que dans le Rapport sur les résultats ministériels et d’autres canaux publics.
Conclusion
13.96 Depuis avril 2020, Emploi et Développement social Canada est responsable de vérifier la conformité aux récentes modifications du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés. Ces modifications ont ajouté des responsabilités additionnelles aux employeurs participant au Programme des travailleurs étrangers temporaires afin de protéger les travailleuses et travailleurs agricoles contre la COVID‑19. Nous avons conclu qu’en 2020 et en 2021, les inspections d’Emploi et Développement social Canada visant à vérifier la conformité des employeurs aux exigences réglementaires nouvelles et courantes avaient été mal exécutées et avaient permis d’obtenir peu d’assurance que les travailleuses et travailleurs étrangers temporaires étaient protégés dans le secteur agricole canadien.
13.97 Même si le Ministère avait élaboré de nouvelles politiques et des procédures pour réaliser des inspections virtuelles, nous avons constaté qu’il y avait des problèmes importants liés à la qualité des inspections tout au long de la pandémie. En 2020, les inspectrices et inspecteurs ont jugé que presque tous les employeurs étaient en conformité avec les nouvelles exigences, mais sans obtenir de preuve adéquate ou en acceptant de la documentation qui indiquait de possibles cas de non-conformité sans aucun suivi. En raison de ces problèmes, 73 % des inspections de quarantaine que nous avons examinées comportaient des problèmes liés à la qualité. En 2021, la qualité des inspections a décliné — 88 % des inspections de quarantaine examinées comportaient des problèmes de qualité. Cette situation a été aggravée davantage par l’accumulation de dossiers d’inspection en retard qui demeuraient inactifs. Environ 80 % des inspections de quarantaine et des inspections en cas d’éclosion, qui exigent une évaluation de la conformité en temps opportun, étaient toujours en attente d’une décision quant à la conformité des employeurs aux exigences des mois après la fin de ces périodes de quarantaine ou d’éclosion.
13.98 Ces problèmes veulent dire que, dans une large mesure, Emploi et Développement social Canada n’avait pas obtenu une assurance que :
- les employeurs offraient les logements adéquats pour la mise en quarantaine des travailleuses et travailleurs à leur arrivée;
- les employeurs n’empêchaient pas les travailleuses et travailleurs de suivre les règlements de la santé publique en vigueur pour la durée de leur séjour au Canada;
- les travailleuses et travailleurs malades ou symptomatiques pouvaient s’isoler adéquatement des autres.
13.99 Nous avons également conclu que les inspections effectuées par Emploi et Développent social Canada n’avaient pas consisté notamment à vérifier si le logement fourni par l’employeur après la quarantaine satisfaisait aux exigences du programme et offrait un logement sécuritaire pour les travailleuses et travailleurs étrangers. Le Ministère n’avait pas non plus réalisé de progrès concrets à l’égard de son engagement de régler les préoccupations de longue date concernant les conditions de vie des travailleuses et travailleurs dans les logements fournis par les employeurs, en procédant à l’élaboration de normes minimales de logement dans le cadre de son programme. Ces inquiétudes sont devenues d’autant plus importantes durant la pandémie.
13.100 Enfin, nous avons conclu qu’en raison des inspections de qualité insatisfaisante effectuées par Emploi et Développement social Canada en 2020 et 2021, Agriculture et Agroalimentaire Canada ne pouvait pas s’appuyer sur ces inspections pour repérer les employeurs dont il avait approuvé le financement dans le cadre de deux de ses programmes établis en réponse à la pandémie qui pouvaient ne pas respecter les modalités des programmes. Ces modalités visaient à soutenir une quarantaine sécuritaire et d’autres mesures de santé et de sécurité pour les travailleuses et travailleurs étrangers temporaires.
À propos de l’audit
Le présent rapport de certification indépendant sur la gestion du Programme des travailleurs étrangers temporaires pendant la pandémie de COVID‑19 a été préparé par le Bureau du vérificateur général du Canada. Notre responsabilité était de donner de l’information, une assurance et des avis objectifs au Parlement en vue de l’aider à examiner soigneusement la gestion que fait le gouvernement des ressources et des programmes et d’exprimer une conclusion quant à la conformité de la gestion du programme, dans tous ses aspects importants, aux critères applicables.
Tous les travaux effectués dans le cadre du présent audit ont été réalisés à un niveau d’assurance raisonnable conformément à la Norme canadienne de missions de certification (NCMC) 3001 — Missions d’appréciation directe de Comptables professionnels agréés du Canada (CPA Canada), qui est présentée dans le Manuel de CPA Canada — Certification.
Le Bureau du vérificateur général du Canada applique la Norme canadienne de contrôle qualité 1 et, en conséquence, maintient un système de contrôle qualité exhaustif qui comprend des politiques et des procédures documentées en ce qui concerne la conformité aux règles de déontologie, aux normes professionnelles et aux exigences légales et réglementaires applicables.
Lors de la réalisation de nos travaux d’audit, nous nous sommes conformés aux règles sur l’indépendance et aux autres règles de déontologie des codes de conduite pertinents applicables à l’exercice de l’expertise comptable au Canada, qui reposent sur les principes fondamentaux d’intégrité, d’objectivité, de compétence professionnelle et de diligence, de confidentialité et de conduite professionnelle.
Conformément à notre processus d’audit, nous avons obtenu ce qui suit de la direction de l’entité :
- la confirmation de sa responsabilité à l’égard de l’objet considéré;
- la confirmation que les critères étaient valables pour la mission;
- la confirmation qu’elle nous a fourni toutes les informations dont elle a connaissance et qui lui ont été demandées ou qui pourraient avoir une incidence importante sur les constatations ou la conclusion contenues dans le présent rapport;
- la confirmation que les faits présentés dans le rapport sont exacts.
Objectif de l’audit
L’objectif de l’audit consistait à déterminer si, afin d’appuyer la continuité de la production agricole au Canada, Emploi et Développement social Canada a géré le Programme des travailleurs étrangers temporaires de façon à protéger les travailleuses et travailleurs du secteur agricole contre la COVID‑19, et si Agriculture et Agroalimentaire Canada a géré efficacement les programmes sélectionnéNote de bas de page 1 liés à la COVID‑19 de manière à soutenir la mise en quarantaine sécuritaire des travailleuses et travailleurs, et à améliorer la santé et la sécurité de ces personnes sur les exploitations agricoles.
Étendue et méthode
Pendant l’audit, nous avons examiné si Emploi et Développement social Canada avait adapté le Programme des travailleurs étrangers temporaires de manière appropriée afin d’y intégrer les mesures additionnelles nécessaires pendant la pandémie, et en particulier, si le Ministère avait modifié l’étendue et la priorisation des inspections des employeurs agricoles. L’audit a aussi examiné si les inspections dans le secteur de l’agriculture avaient été effectuées telles qu’elles ont été conçues afin de garantir que les employeurs se conformaient aux nouvelles exigences réglementaires mises en place (plus particulièrement aux modifications apportées au Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés), pendant et après la période de quarantaine obligatoire, et si le Ministère avait pris des mesures correctives appropriées et en temps opportun en fonction des résultats des inspections. L’audit a examiné ces éléments, tant en 2020 qu’en 2021, par la voie de plusieurs examens détaillés des dossiers ainsi que par une analyse quantitative des données d’inspection d’Emploi et Développement social Canada. Plus précisément, l’équipe d’audit a mené les activités suivantes :
-
Échantillonnage stratifié représentatif de 57 inspections de quarantaine achevées, réalisées entre le 24 avril et le 30 septembre et achevées le 5 novembre 2020 — population de 1 675 inspections.
Remarque : En 2020, les gouvernements provinciaux de la Colombie-Britannique et de l’Île-du-Prince-Édouard ont géré la période de quarantaine de 14 jours des travailleuses et travailleurs étrangers temporaires du secteur agricole. Emploi et Développement social Canada a tout de même réalisé des inspections de quarantaine auprès d’employeurs de ces provinces. Notre approche d’échantillonnage représentatif en a tenu compte pour garantir que nos conclusions concernant les exigences réglementaires liées à la COVID‑19 restaient représentatives de l’ensemble de la population.
-
Échantillonnage stratifié représentatif de 43 inspections postérieures à la quarantaine réalisées entre le 1er novembre 2020 et le 22 mars 2021 — population de 263 inspections.
-
Échantillonnage stratifié représentatif de 50 inspections de quarantaine amorcées entre le 23 mars et le 10 mai 2021Note de bas de page 2 — population de 598 inspections.
Remarque : En 2021, les gouvernements provinciaux du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse ont aussi commencé à gérer la période de quarantaine de 14 jours. Emploi et Développement social n’a pas réalisé d’inspections de quarantaine aléatoires dans ces quatre provinces.
-
Un examen de l’ensemble de la population de toutes les inspections en cas d’éclosion amorcées entre le 1er mars et le 11 mai 2021Note de bas de page 2 — population de 62 inspections.
Nous avons interrogé des fonctionnaires d’Emploi et Développement social Canada ayant participé à différents niveaux du Programme des travailleurs étrangers temporaires et communiqué avec le personnel régional ainsi qu’avec l’administration centrale nationale pour obtenir de plus amples renseignements sur les 212 dossiers d’inspection que nous avons examinés.
En décembre 2020 et février 2021, nous avons signalé des manquements au Ministère. Le Ministère s’est engagé à améliorer ses inspections pour la vague de travailleuses et travailleurs étrangers temporaires qui devait arriver pour la saison 2021. Par conséquent, nous avons prolongé notre période d’audit jusqu’à la saison 2021. Avec la prolongation de l’audit en 2021, nous avons évalué les efforts du Ministère pour améliorer la qualité de ses inspections en réponse aux préoccupations soulevées par le BVG et à ses propres processus internes d’évaluation et d’assurance qualité, ainsi que la façon dont le Ministère a donné suite à son engagement de renforcer les protections des travailleuses et travailleurs par ses inspections au cours de la saison 2021. De plus, nous avons examiné si Emploi et Développement social Canada, en prévision de l’arrivée de travailleuses et travailleurs étrangers temporaires en 2020 et en 2021, a pris en considération à la fois les risques émergents et les préoccupations existantes liés au programme qui posaient un problème particulier dans le contexte de la pandémie de COVID‑19 et si le Ministère avait mis en œuvre des mesures d’atténuation adéquates. Nos travaux à cet égard ont porté expressément sur les conditions de vie des travailleuses et travailleurs étrangers temporaires.
L’audit a également porté sur la façon dont Agriculture et Agroalimentaire Canada a géré le Programme d’aide pour l’isolement obligatoire des travailleurs étrangers temporaires et le Fonds d’urgence pour les mesures de soutien à la ferme, notamment la façon dont le Ministère a vérifié que les modalités des programmes étaient respectées et, plus particulièrement, que les travailleuses et travailleurs étrangers temporaires étaient mis en quarantaine selon les exigences et que des mesures étaient prises dans le cas contraire. En ce qui concerne le Fonds d’urgence pour les mesures de soutien à la ferme, l’audit a examiné si Agriculture et Agroalimentaire Canada, en coordination avec ses partenaires provinciaux et une tierce partie responsable de la prestation des services, a recueilli des informations sur les résultats de programme obtenus par les bénéficiaires de financement quant à l’amélioration de la santé et de la sécurité des travailleuses et travailleurs et quant à la réduction de la propagation de la COVID‑19 sur les exploitations agricoles.
Nous n’avons pas examiné :
- le processus de traitement et d’approbation des évaluations d’impact sur le marché du travail mis en œuvre par Emploi et Développement social Canada au moment d’accorder une autorisation aux employeurs pour embaucher des travailleuses et travailleurs étrangers, ni la gestion des plaintes et des allégations qui ont été portées à son attention par l’intermédiaire de la ligne confidentielle du Ministère, ni le financement que le Ministère a accordé aux travailleuses et travaillants migrants dans le contexte de la réponse du Canada à la pandémie de COVID‑19;
- les travaux entrepris en 2021 par l’équipe spéciale d’Emploi et Développement social Canada pour donner suite à l’évolution des mesures à la frontière et faciliter l’arrivée de travailleuses et travailleurs durant la pandémie, comme la coordination des vols et des vols nolisés, des tests de dépistage de la COVID‑19 au moment de leur arrivée et au huitième jour de leur quarantaine (auparavant au dixième jour), et d’autres protocoles de dépistage;
- les travailleuses et travailleurs étrangers temporaires venus au Canada dans le cadre du Programme de mobilité internationale d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada et toute inspection réalisée par Emploi et Développement social Canada des employeurs inscrits à ce programme pendant la pandémie;
- les initiatives ou les programmes liés au processus de résidence permanente pour les travailleuses et travailleurs étrangers temporaires;
- l’accès aux services de santé et aux programmes connexes dans les provinces et les territoires pour les travailleuses et travailleurs étrangers temporaires, y compris l’accès à la vaccination et aux tests de dépistage de la COVID‑19 avant et après l’arrivée de ces personnes au Canada et alors qu’ils étaient au pays;
- les activités de l’Agence de la santé publique du Canada pour surveiller le respect de la quarantaine obligatoire par les travailleuses et travailleurs étrangers temporaires individuels.
Critères
Pour déterminer si, afin d’appuyer la continuité de la production agricole au Canada, Emploi et Développement social Canada a géré le Programme des travailleurs étrangers temporaires de façon à protéger les travailleuses et travailleurs du secteur agricole contre la COVID‑19, et si Agriculture et Agroalimentaire Canada a géré les programmes sélectionnésNote de bas de page 1 d’aide financière liée à la COVID‑19 de manière à soutenir la mise en quarantaine sécuritaire des travailleuses et travailleurs et à améliorer la santé et la sécurité de ces personnes sur les exploitations agricoles, nous avons utilisé les critères suivants :
Critères | Sources |
---|---|
Emploi et Développement social Canada planifie adéquatementNote de bas de page 3 l’arrivée des travailleuses et travailleurs étrangers temporaires et met à jour ses contrôles en conséquence afin de mieux prévenir la propagation de la COVID‑19 et de simplifier l’accès à ces personnes. |
|
Emploi et Développement social Canada, en collaboration avec ses partenaires (les provinces et territoires, les ministères du Travail et les autorités de santé publique), veille à ce que les employeurs respectent les exigences du Programme des travailleurs étrangers temporaires visant à protéger les travailleuses et travailleurs contre la COVID‑19, y compris la période de quarantaine de 14 jours obligatoire. |
|
Agriculture et Agroalimentaire Canada a l’assurance que les employeurs autorisés à recevoir des fonds se conformaient aux modalités des programmes de financement sélectionnésNote de bas de page 1, y compris la mise en quarantaine obligatoire des travailleuses et travailleurs étrangers temporaires entrant au Canada, et prend des mesures correctives en temps opportun, si nécessaire. |
|
Agriculture et Agroalimentaire Canada [en coordination avec les provinces] établit des mécanismes pour mesurer les résultats du Fonds d’urgence pour les mesures de soutien à la ferme et sa contribution à l’amélioration de la santé et de la sécurité des travailleuses et travailleurs agricoles, et pour rendre compte de ces résultats. |
|
Période visée par l’audit
L’audit a porté sur la période allant de janvier 2020 à juin 2021. Il s’agit de la période à laquelle s’applique la conclusion de l’audit. Toutefois, afin de mieux comprendre l’objet considéré de l’audit, nous avons aussi examiné certains dossiers antérieurs à cette période.
Après la fin de notre période d’audit, nous avons continué de surveiller l’arriéré d’inspections dans le secteur agricole jusqu’au 10 septembre 2021, et nous avons inclus des informations sur l’état de l’arriéré dans le présent rapport.
Date du rapport
Nous avons fini de rassembler les éléments probants suffisants et appropriés à partir desquels nous avons fondé notre conclusion le 12 octobre 2021, à Ottawa, au Canada.
Équipe d’audit
Directeur principal : David Normand
Directrice : Erin Jellinek
Jared Albu
Emma Linton
Rebecca Spencer
Erin Brown
Steve Young
Robyn Meikle
Sacha Lavoie-Guilini
Lizane Hogan
Tableau des recommandations
Le tableau qui suit regroupe les recommandations et les réponses apparaissant dans le présent rapport. Le numéro qui précède chaque recommandation correspond au numéro du paragraphe de la recommandation dans le rapport. Les chiffres entre parenthèses correspondent au numéro des paragraphes où le sujet de la recommandation est abordé.
Recommandation | Réponse |
---|---|
13.69 Étant donné l’importance d’évaluer avec rigueur la conformité des employeurs avec le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, Emploi et Développement social Canada devrait sans plus tarder :
|
Réponse du Ministère — Recommandation acceptée. Le Programme des travailleurs étrangers temporaires n’a pas été conçu pour offrir du soutien en cas de pandémie. Par conséquent, des règles, des procédures et des formations ont dû être élaborées en temps réel. Le régime d’inspection de quarantaine aux fins de conformité a été élaboré en deux semaines. Des inspections virtuelles ont été menées à titre de solution intermédiaire afin que les exigences en matière de santé, selon lesquelles les visites en personne étaient interdites, soient respectées. Le programme a dû être adapté en fonction des directives changeantes en matière de santé et des conditions de crise qui ont évolué tout au long de la pandémie. Au cours de la pandémie, Emploi et Développement social Canada a tenté a) d’adapter son processus d’inspection pour y inclure de nouvelles conditions liées à la COVID‑19; b) de vérifier la qualité des inspections et les délais d’exécution connexes; et c) de fournir aux inspectrices et aux inspecteurs des directives, des formations et des outils mis à jour. Selon les constatations du Bureau du vérificateur général du Canada, l’obtention de résultats adéquats à la suite des inspections posait des problèmes évidents. Un comité directeur national, formé en mai 2021, a élaboré un plan d’action afin de cibler les améliorations à apporter aux inspections, de mettre en œuvre ces améliorations et d’assurer un suivi à cet égard. Le Ministère suivra de près les répercussions de ce plan d’action. |
13.70 Étant donné la responsabilité d’Emploi et Développement social Canada d’évaluer la conformité de l’employeur avec toutes les modifications apportées au Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés en réponse à la pandémie de COVID‑19, y compris l’exigence selon laquelle les employeurs ne doivent pas empêcher les travailleuses et travailleurs étrangers temporaires de respecter les lois en matière de santé publique adoptées par les provinces ou les territoires en réponse à la pandémie de COVID‑19, le Ministère devrait :
|
Réponse du Ministère — Recommandation acceptée. Les territoires et les provinces sont responsables d’établir des lois et des politiques en matière de santé et de sécurité publiques, notamment celles liées à la COVID‑19, et de les faire appliquer respectivement à l’échelle de leurs territoires ou de leurs provinces. En avril 2020, l’une des nouvelles exigences imposées aux employeurs aux termes du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés visait à s’assurer que les employeurs ne puissent pas empêcher les travailleuses et travailleurs étrangers temporaires de respecter les lois en matière de santé publique adoptées par les provinces ou les territoires en réponse à la pandémie de COVID‑19. Emploi et Développement social Canada a adopté une approche de gestion du risque dans ses directives d’inspection à l’intention des inspectrices et des inspecteurs afin d’évaluer la situation lorsque le Ministère est avisé d’un manquement potentiel d’un employeur par le biais d’informations obtenues ou d’allégations ou lorsqu’un tel manquement est détecté au cours d’une inspection. Le Ministère collabore avec les provinces et les territoires depuis le début de la pandémie et assurera la continuité de ses accords d’échange de renseignements avec eux, afin de veiller à ce que des protocoles soient en place pour permettre l’échange de renseignements lorsque l’on soupçonne ou constate qu’un employeur empêche une travailleuse étrangère temporaire ou un travailleur étranger temporaire de respecter les lois provinciales ou territoriales applicables en réponse à la COVID‑19. Le Ministère s’engage à fournir aux inspectrices et aux inspecteurs d’autres outils de formation et de soutien pour a) fournir des précisions sur les rôles et les responsabilités du gouvernement fédéral, des provinces et des territoires; b) aider à cibler les cas possibles de non-conformité chez les employeurs; et c) faire un suivi auprès des autorités provinciales ou territoriales appropriées. |
13.71 Emploi et Développement social Canada devrait prendre des mesures immédiates pour faire en sorte que les inspections postérieures à la quarantaine et son programme général d’inspections après la pandémie vérifient que les logements fournis par les employeurs sont conformes aux exigences applicables pendant la totalité du séjour des travailleuses et travailleurs étrangers temporaires, conformément à ses politiques pour la réalisation d’inspections. En particulier, le Ministère devrait :
|
Réponse du Ministère — Recommandation acceptée. Emploi et Développement social Canada reconnaît l’importance d’offrir des logements sûrs et reste déterminé à travailler avec les provinces et les territoires pour aider à protéger la santé et la sécurité des travailleuses et travailleurs étrangers temporaires. Les provinces et les territoires sont responsables d’établir des normes en matière de logement, de procéder à des inspections en tenant compte de ces normes et d’approuver le rapport d’inspection du logement, ce qui est une condition préalable pour les employeurs souhaitant participer au Programme des travailleurs étrangers temporaires. Une fois que les travailleuses et les travailleurs ont commencé à vivre dans le logement fourni par l’employeur, le Ministère peut effectuer une inspection de la conformité de l’employeur. Conformément aux secteurs de compétence et à l’aide des politiques et des procédures ministérielles, les inspectrices et inspecteurs se servent du rapport d’inspection du logement comme outil de référence pour vérifier si les logements sont adéquats. Ils doivent notamment vérifier que les logements n’excèdent pas les limites d’occupation et qu’il n’existe aucun motif raisonnable de croire que les logements présentent un risque important pour la santé et la sécurité des travailleuses et des travailleurs. Si de tels problèmes sont observés ou découverts dans le cadre d’une inspection, le Ministère informera immédiatement les autorités provinciales, territoriales et municipales compétentes. Si l’autorité compétente confirme l’existence d’une infraction, le Ministère prendra alors une décision relative à la conformité de l’employeur avec le programme. |
13.72 Une fois que les périodes de quarantaine et les éclosions sont terminées depuis longtemps, Emploi et Développement social Canada devrait se servir d’une approche de gestion du risque et de l’information qui est actuellement consignée en dossier pour déterminer s’il est pertinent et utile de terminer les inspections qui sont en retard. Le Ministère devrait ensuite trouver un juste équilibre entre la nécessité de terminer les inspections en cours et celle d’amorcer et de terminer de nouvelles inspections dans les délais prévus. (13.60 à 13.64) |
Réponse du Ministère — Recommandation acceptée. Emploi et Développement social Canada reconnaît l’importance de tenir compte du volume d’inspections tout en restant réactif face à la pandémie qui continue de sévir. Dans le cadre du continuum des activités qui font partie du régime de vérification de la conformité, les inspections sont une composante essentielle de la protection des travailleuses et des travailleurs étrangers temporaires. Durant la pandémie, le Ministère a élargi la portée de son régime d’inspection et a tenté de s’adapter au contexte sans précédent et en pleine évolution. Le comité directeur national nouvellement mis sur pied est chargé d’orienter l’élaboration et la mise en œuvre d’une stratégie nationale de la gestion de la charge de travail au moyen d’une approche fondée sur les risques afin de tenir compte du nombre d’inspections actives. Le Ministère ayant désigné les inspections de quarantaine et les inspections en cas d’éclosions comme étant prioritaires durant la pandémie, la stratégie nationale de gestion de la charge de travail sera un outil clé permettant d’établir un équilibre entre la réalisation des inspections en cours et la mise en œuvre et l’achèvement en temps opportun de nouveaux cas d’inspection. Le Ministère utilisera aussi les données du programme pour orienter l’apport d’améliorations futures au modèle opérationnel. |
13.88 Vu les engagements répétés pris par Emploi et Développement social Canada au fil des ans en vue d’améliorer les conditions de vie des travailleuses et travailleurs par l’intermédiaire du Programme des travailleurs étrangers temporaires, le Ministère devrait accélérer l’élaboration et la mise en œuvre de normes minimales de logement à titre de condition d’admissibilité de ce programme fédéral, en consultation avec les provinces, les territoires et d’autres administrations. (13.84 à 13.87) |
Réponse du Ministère — Recommandation acceptée. Emploi et Développement social Canada reconnaît l’importance d’offrir des logements sécuritaires. Les conditions de vie des travailleuses et travailleurs étrangers temporaires dans le secteur agricole représentent un défi pour de nombreux intervenants, qui demande une forte collaboration multilatérale. Le rôle fédéral dans le contexte du Programme des travailleurs étrangers temporaires consiste à établir des conditions d’admissibilité et à faire appliquer les règlements applicables régissant le programme. Les gouvernements provinciaux et territoriaux ont généralement la compétence exclusive à l’égard de l’élaboration des règlements en matière de logement. En 2020, le Ministère a entrepris des consultations sur les normes minimales proposées avec les provinces, les territoires et les municipalités ainsi qu’avec les principales parties intéressées, dans l’optique d’améliorer les logements fournis par les employeurs. Bien que le gouvernement fédéral ne puisse pas établir de normes dans les secteurs relevant de la compétence exclusive des territoires et des provinces, il collaborera avec ces derniers pour proposer des changements afin d’aider à résoudre les problèmes de santé et de sécurité liés aux logements. Les employeurs devront démontrer qu’ils répondent aux exigences provinciales ou territoriales afin de participer au programme. Le Ministère met également en œuvre d’autres mesures, comme le Programme de soutien aux travailleurs migrants, qui fournira 49,5 millions de dollars sur trois ans aux organismes qui offrent des services d’aide aux personnes migrantes, et des modifications réglementaires visant à prévenir les mauvais traitements. Tout en poursuivant ces travaux, le Ministère met également en œuvre des mesures immédiates pour améliorer l’examen des rapports d’inspection des logements afin que les problèmes de surpeuplement puissent être réglés avant l’arrivée des travailleuses et travailleurs étrangers temporaires. |
13.95 En tant que responsable fédéral de l’objectif 8 des objectifs de développement durable des Nations Unies, Emploi et Développement social Canada devrait adopter une optique d’analyse comparative entre les sexes plus (ACS+) afin d’élaborer de nouveaux indicateurs de rendement pour le Programme des travailleurs étrangers temporaires qui contribueraient au Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations Unies, de façon à promouvoir un lieu de travail sécuritaire et sûr pour les travailleuses et travailleurs étrangers temporaires. Le Ministère devrait également surveiller ces indicateurs, faire un suivi des progrès en la matière, et en rendre compte. (13.92 à 13.94) |
Réponse du Ministère — La mise en œuvre et l’évaluation des mesures au titre du Programme des travailleurs étrangers temporaires, notamment les processus d’inspection ministériels, comprendront une optique d’analyse comparative entre les sexes plus, ce qui permettra au Ministère d’appuyer la protection des travailleuses et travailleurs dans le cadre de son mandat et de son champ de compétence. Le Ministère travaille actuellement à la mise en œuvre des modifications réglementaires proposées et au lancement du Programme de soutien aux travailleurs migrants, qui s’appuie sur un projet pilote lancé en 2018 en Colombie-Britannique en vue d’aider les travailleuses et travailleurs migrants victimes de mauvais traitements. En 2020, ce financement a été étendu à des organisations ailleurs au Canada pour aider les travailleuses et travailleurs touchés par la pandémie. Le nouveau Programme de soutien aux travailleurs migrants fait partie d’un engagement vaste du gouvernement fédéral visant à protéger les travailleuses et travailleurs étrangers de mauvais traitement, l’objectif étant d’aider cette population à prendre connaissance de ses droits et à exercer ceux‑ci. Dans le cadre de ce programme, le Ministère mènera une enquête auprès des travailleuses et travailleurs, et les organismes communautaires financés rendront compte des répercussions des mesures de soutien améliorées. Le Ministère cherchera des occasions d’intégrer les résultats de cette collecte de données dans son analyse comparative entre les sexes plus ainsi que dans le Rapport sur les résultats ministériels et d’autres canaux publics. |