Rapports du printemps 2016 du vérificateur général du Canada
Déclaration d’ouverture au Comité permanent des comptes publics
Rapports du printemps 2016 du vérificateur général du Canada
Le 5 mai 2016
Michael Ferguson, CPA, CA
FCA (Nouveau-Brunswick)
Vérificateur général du Canada
Monsieur le Président, j’ai le plaisir de vous présenter mes rapports du printemps 2016, qui ont été déposés en Chambre mardi dernier. Je suis accompagné de Jerome Berthelette, vérificateur général adjoint ainsi que de Richard Domingue et Nicholas Swales, tous deux directeurs principaux. Les rapports réunissent les constatations de cinq audits et de deux examens spéciaux.
Un thème relie plusieurs de ces audits. Il s’agit du fait que les données que collectent beaucoup d’organisations publiques ne sont pas utilisables, ou ne sont pas utilisées, ou ne déclenchent pas d’action.
Rapport 1 — Le plan d’action sur le capital de risque
Dans le premier de nos audits, nous avons examiné comment Finances Canada, la Banque de développement du Canada, et Innovation, Sciences et Développement économique Canada ont conçu et mis en œuvre le Plan d’action sur le capital de risque du gouvernement. Ce plan remonte à 2012, lorsque le gouvernement a annoncé son intention de consacrer 400 millions de dollars à renforcer l’investissement de capital de risque au Canada.
Au terme de cet audit, on ignore quelle sera l’incidence du Plan d’action du gouvernement sur le capital de risque et l’innovation.
Dans l’ensemble, nous avons constaté que les investisseurs avaient d’abord été réticents à participer au Plan d’action sur le capital de risque et ce, pour des raisons diverses, y compris les frais de gestion élevés et les contraintes réglementaires. Par ailleurs, nous avons observé que le processus de sélection des gestionnaires de fonds avait manqué d’équité, d’ouverture et de transparence.
En ce qui concerne la surveillance et la présentation d’information, les activités qui ont découlé du Plan d’action sur le capital de risque ont été adéquatement suivies et des rapports internes au gouvernement ont été remis. Cependant, peu d’information a été rendue publique. Nous avons aussi constaté que peu d’indicateurs de rendement avaient été mis en place, de sorte qu’il est difficile d’évaluer les retombées éventuelles du Plan d’action pour les Canadiens.
Rapport 2 — La détection et la prévention de la fraude dans le programme de citoyenneté
Parlons maintenant du Programme de citoyenneté. Dans cet audit, nous avons conclu que les efforts d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada visant à détecter et à prévenir la fraude liée à la citoyenneté ne sont pas adéquats.
Certains contrôles importants, qui sont conçus pour aider les agents de la citoyenneté à repérer les risques de fraude, n’avaient pas été appliqués de manière systématique. Du fait de faiblesses dans la base de données du Ministère, les agents ne disposaient pas toujours d’information exacte ou à jour sur des adresses associées à la fraude, ou soupçonnées de l’être.
Par exemple, une même adresse a été utilisée par 50 personnes pour demander la citoyenneté, mais elle n’est pas ressortie comme étant problématique. Sept de ces personnes ont obtenu la citoyenneté canadienne. De plus, même lorsque l’information se trouvait dans le système, les agents n’ont pas toujours pris de mesures en conséquence. Le travail du Ministère est aussi compliqué par le mauvais échange d’informations avec la Gendarmerie royale du Canada et l’Agence des services frontaliers du Canada.
Nous avons aussi constaté que Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada n’avait pas en place tous les éléments qu’il lui faudrait pour bien gérer les risques de fraude dans le Programme de citoyenneté. Par exemple, le Ministère n’avait pas de processus rigoureux pour cerner, comprendre et documenter la nature et la portée des risques de fraude liée à la citoyenneté. Il n’avait pas non plus moyen de confirmer si les mesures prises pour détecter et prévenir la fraude fonctionnaient comme prévu.
À cause de ces lacunes, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada peut difficilement évaluer l’impact de ses efforts pour lutter contre la fraude liée à la citoyenneté ou s’assurer qu’il cible efficacement ces efforts.
Rapport 3 — Le processus de nomination par le gouverneur en conseil aux tribunaux administratifs
Dans le troisième des audits que nous présentons, nous avons examiné le processus utilisé pour nommer les présidents et autres membres de tribunaux administratifs. Ce processus s’appelle nomination par le gouverneur en conseil.
Les tribunaux administratifs statuent sur des aspects précis de la loi, ou encore ils offrent aux gens un moyen d’en appeler des décisions du gouvernement dans des domaines comme le statut d’immigrant ou les revendications des Premières Nations.
Nous avons audité ce processus auparavant en 2009. Nous avions noté alors que certaines nominations avaient pris beaucoup de temps.
Dans notre audit récent, nous avons constaté que le problème persistait dans certains cas, et que le délai associé à certaines nominations avait nui à la capacité des tribunaux de rendre des décisions en temps opportun.
Par exemple, à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, le délai moyen pour traiter les appels de décisions d’immigration est passé de 10 mois en 2009 à 18 mois. Compte tenu de l’importance du travail que font les tribunaux administratifs, ces délais et les engorgements qu’ils provoquent sont préoccupants.
Nous avons aussi observé que le processus de sélection des présidents et des membres à temps plein avait été ouvert et transparent, mais que plusieurs nominations à temps partiel n’étaient pas documentées. À notre avis, quand ce type de documentation manque, il devient difficile de démontrer que le processus a abouti à la nomination de candidats qui ont l’expertise et les compétences voulues.
Rapport 4 — Les prestations pharmaceutiques — Anciens Combattants Canada
Les résultats de notre dernier audit d’Anciens Combattants Canada figurent aussi parmi nos rapports du printemps. Cet audit a examiné comment le Ministère gère les prestations pharmaceutiques qu’il verse aux vétérans.
Pour résumer en quelques mots, Anciens Combattants Canada n’a pas géré son programme de prestations pharmaceutiques de manière à tenir compte de l’incidence sur les vétérans.
Les décisions d’Anciens Combattants Canada au sujet des médicaments remboursables n’étaient pas suffisamment documentées ou clairement fondées sur des éléments probants comme les besoins des vétérans, la recherche clinique ou la rentabilité. Lorsque des décisions étaient prises, il n’y avait pas d’échéancier pour les exécuter. Dans un cas, la décision de limiter l’accès à un narcotique n’était toujours pas mise en œuvre deux ans après qu’elle ait été prise.
Nous avons établi qu’Anciens Combattants Canada s’était servi de certaines stratégies de rentabilité pour gérer le coût de son programme de prestations pharmaceutiques. Par exemple, il a négocié la substitution de génériques aux médicaments de marque et une marge bénéficiaire réduite sur les frais d’ordonnance exigés par les pharmacies. Toutefois, le Ministère n’a pas évalué si ces stratégies donnent les résultats attendus. Autrement dit, le Ministère ne sait pas si les stratégies qu’il a retenues l’aident à bien gérer les fonds publics qui servent à payer les prestations pharmaceutiques pour les vétérans.
Nous avons aussi constaté que si le Ministère surveillait certains médicaments à haut risque, il n’avait pas adéquatement surveillé les tendances importantes pour la santé des vétérans ou la gestion de son programme de prestations.
Par exemple, le Ministère rembourse le coût de la marijuana dispensée sur ordonnance à des fins médicales, mais il ne vérifie pas si les vétérans qui se servent de la marijuana à des fins médicales prennent aussi des médicaments prescrits pour soigner des maladies comme la dépression. La surveillance efficace de l’utilisation des médicaments peut contribuer à améliorer les résultats de santé pour les vétérans en faisant ressortir les cas d’utilisation de médicaments sur ordonnance où il y a un risque élevé.
Rapport 5 — La Réserve de l’Armée canadienne — Défense nationale
Dans un autre audit aussi lié au secteur militaire, nous avons conclu que le nombre de soldats de la Réserve diminuait et que, à cause de lacunes dans leur entraînement, les soldats de la Réserve n’étaient pas entièrement prêts à prendre part à des missions.
Les soldats de la Réserve représentent près de la moitié de l’effectif de l’Armée canadienne, et ils sont censés fournir jusqu’à vingt pour cent des soldats appelés lors de grandes missions internationales.
Nous avons constaté que la Réserve de l’Armée n’avait pas de directives claires sur l’entraînement que devaient suivre ses soldats pour se préparer pour les missions internationales. La Réserve n’avait pas le nombre de soldats dont elle a besoin, et l’Armée canadienne n’avait pas toute l’information voulue pour déterminer si les soldats de la Réserve étaient prêts à être déployés en cas de besoin.
La Défense nationale n’a pas été en mesure de recruter et de garder dans les rangs le nombre de soldats dont la Réserve a besoin, et le nombre de soldats de la Réserve accuse un recul soutenu.
Par exemple, en 2014-2015, l’Armée canadienne a financé environ 21 000 postes de soldats de la Réserve, mais seulement environ 14 000 soldats étaient entraînés et actifs. De plus, en 2015, seulement environ 3 600 soldats de la Réserve ont pris part aux grands exercices annuels d’entraînement collectif.
La Défense nationale a reconnu le besoin d’améliorer l’entraînement des soldats de la Réserve de l’Armée et de mieux intégrer les soldats à temps partiel avec leurs homologues de la force régulière.
Rapports d’examen spéciaux
Je vais passer maintenant au dernier élément de nos rapports du printemps au Parlement, soit les rapports de nos examens spéciaux de PPP Canada Inc. et de VIA Rail Canada Inc. Ces rapports ont été transmis aux sociétés d’État en septembre 2015 et en mars 2016 respectivement.
Dans le cas de PPP Canada, nous sommes satisfaits que pendant la période de notre audit, la Société a appliqué les moyens et méthodes que nous avons examinés de sorte qu’elle avait l’assurance raisonnable que ses ressources et ses activités étaient gérées de façon économique, efficiente et efficace.
Dans le cas de VIA Rail, nous avons relevé des forces dans la façon dont la Société avait géré ses opérations. Cependant, nous avons aussi relevé un défaut grave touchant la gouvernance de la Société. Depuis plusieurs années, le plan d’entreprise et le financement de VIA ne sont approuvés qu’à court terme et souvent tard dans l’exercice financier. Dans ces circonstances, il est difficile pour la Société de mener ses activités avec économie, efficience et efficacité.
Conclusion
Avant de vous laisser la parole, je veux revenir sur mes remarques préliminaires au sujet des données au sein du gouvernement. Les faiblesses dans la façon dont les ministères et organisations gouvernementales collectent des données, les utilisent et les mettent en commun ont une incidence directe et prononcée sur la capacité de la fonction publique à servir et protéger les Canadiens et Canadiennes.
Autant dans ces derniers audits que dans d’autres déjà passés, ce ne sont pas les exemples qui manquent pour justifier mon inquiétude au sujet de la manière dont les organisations publiques collectent et utilisent — ou non — des données.
Ces audits montrent que les conséquences peuvent être graves quand les données que collecte le gouvernement ne sont pas utilisables, ou ne sont pas utilisées, ou ne déclenchent pas d’action. Dans le cas du programme de citoyenneté, on parle de faiblesses qui diminuent l’efficacité des efforts déployés pour combattre les risques de fraude.
Au sein de la Défense nationale, l’Armée canadienne n’a pas de données à jour sur les effectifs, et elle ne sait donc pas si les soldats de la Réserve sont entraînés et prêts à être déployés. Pourtant, l’Armée compte sur ces soldats pour remplir ses missions internationales.
En ce qui concerne Anciens Combattants Canada, le Ministère n’utilise pas les données qu’il collecte pour mieux comprendre comment ses clients utilisent les prestations pharmaceutiques. Cette occasion manquée est contraire à l’intérêt des vétérans. Les données sur l’utilisation des médicaments peuvent servir à appuyer les décisions du Ministère sur les médicaments à rembourser dans des cas particuliers.
Je crois que les ministères et organisations du gouvernement doivent se pencher de toute urgence sur cette question. Ils doivent travailler à obtenir les données dont ils ont vraiment besoin pour appuyer leurs activités. Ensuite, ils doivent s’assurer de les gérer correctement et de les tenir à jour. Enfin, ils doivent se servir de ces données non seulement pour informer les activités qui sont au cœur de leurs mandats, mais aussi pour alimenter la reddition de comptes et l’amélioration continue.
Monsieur le Président, je termine ainsi ma déclaration d’ouverture. Nous serions heureux de répondre à vos questions.