Automne 2014 — Rapport de la commissaire à l’environnement et au développement durable

Déclaration d’ouverture au comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles

Automne 2014 — Rapport de la commissaire à l’environnement et au développement durable

Le 2 décembre 2014

Julie Gelfand
Commissaire à l'environnement et au développement durable

Monsieur le Président, il me fait plaisir de vous présenter mon premier rapport au Parlement, qui a été déposé le 7 octobre. Je suis accompagnée de Kimberley Leach, Bruce Sloan, et Jim McKenzie, les directeurs principaux qui étaient responsables des audits.

J’aimerais d’abord partager quelques renseignements sur mon parcours professionnel et sur la façon dont je compte m’acquitter de mon mandat. Comme certains d’entre vous le savent peut-être déjà, j’ai travaillé au sein de la fonction publique fédérale, ainsi que dans des organismes nationaux et internationaux de conservation et dans le secteur minier. Ces expériences m’ont permis de comprendre l’importance et les avantages de mettre en commun différents points de vue sur les questions liées à l’environnement et au développement. Selon moi, il est manifeste qu’une économie prospère, une société dynamique et un environnement sain vont ensemble. Pendant mon mandat, je compte me concentrer sur le rôle du gouvernement fédéral dans la promotion d’un développement durable qui, à long terme, répond aux besoins des générations actuelles sans compromettre la capacité de répondre à ceux des générations futures.

Les audits que j’ai présentés dans mon rapport d’octobre font ressortir que le gouvernement n’a pas les réponses à plusieurs questions qui ont un impact sur l’avenir du développement durable au Canada. Je reviendrai sur ce point plus tard.

Chapitre 1 — L’atténuation des changements climatiques

En 2012, nous avons examiné les engagements relatifs aux changements climatiques. À l’époque, nous avons conclu qu’il était peu probable que l’approche du gouvernement d’introduire des règlements dans un secteur à la fois réduirait assez les émissions pour atteindre la cible de Copenhague. Avec l’Accord de Copenhague, le Canada s’est engagé à réduire de 17 pour 100, par rapport aux niveaux de 2005, ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2020.

L’audit que nous avons effectué cette année a montré que la situation a peu changé depuis deux ans. Nous avons constaté que les mesures mises en place par le gouvernement fédéral auront peu d’effet sur les émissions d’ici 2020. Le gouvernement a introduit des règlements dans les secteurs du transport et de la production d’électricité. Cependant, les règlements dans le secteur du pétrole et du gaz — où les émissions augmentent le plus vite — ne sont toujours pas en vigueur huit ans après que le gouvernement ait déclaré son intention de réglementer ce secteur.

Tout indique que le Canada n’atteindra pas sa cible internationale de réduction des émissions en gaz à effet de serre en 2020. Le gouvernement fédéral n’a pas de plan global qui montre comment le Canada atteindra cette cible. Les Canadiens et Canadiennes ignorent quels règlements seront élaborés quand, et quelles réductions sont attendues. Enfin, le gouvernement fédéral n’a pas assuré la coordination qu’il aurait fallu pour que tous les niveaux de gouvernement puissent travailler ensemble pour atteindre la cible nationale d’ici 2020.

Chapitre 2 — La surveillance environnementale des sables bitumineux

Le deuxième chapitre a porté sur la surveillance des sables bitumineux. Le gouvernement fédéral travaille avec la province de l’Alberta pour mettre sur pied un programme plus complet de surveillance des impacts environnementaux de l’exploitation des sables bitumineux.

Notre audit a examiné le travail accompli par Environnement Canada en vertu du Plan de mise en œuvre conjoint Canada-Alberta pour la surveillance des sables bitumineux. Nous avons constaté que, dans l’ensemble, Environnement Canada a respecté les budgets et les échéances fixés pour les projets de surveillance que nous avons examinés.

Il reste toutefois du travail à faire. L’information provenant des projets de surveillance de l’air, de l’eau et de la biodiversité doit être mieux intégrée pour comprendre les effets environnementaux à long terme de l’exploitation des sables bitumineux, y compris les effets cumulatifs. Environnement Canada doit mieux intégrer le savoir écologique traditionnel, et mieux engager les Premières nations, les Métis et d’autres groupes. Enfin, les parties prenantes veulent savoir quel sera le rôle d’Environnement Canada dans la surveillance des sables bitumineux après mars 2015.

Chapitre 3 — La navigation maritime dans l’Arctique canadien

Le troisième chapitre a porté sur les services fournis par Environnement Canada, Transports Canada et Pêches et Océans Canada pour soutenir la navigation maritime dans l’Arctique. Nous avons constaté une amélioration de l’information sur les conditions météorologiques et l’état des glaces. Cependant, nous avons aussi relevé des lacunes et des risques émergents, qui, si rien n’est fait, vont s’aggraver avec l’augmentation du trafic maritime dans l’Arctique.

Par exemple, nous avons noté des faiblesses dans les levés et les cartes de nombreux endroits de l’Arctique canadien où les risques sont élevés. Certains levés et cartes ont plus de 40 ans, et moins du quart sont qualifiés de « bon » par Pêches et Océans Canada.

Nous avons également constaté que la Garde côtière canadienne a de la difficulté à répondre aux demandes de l’industrie maritime qui veut des changements ou des ajouts aux aides à la navigation, comme les phares et les feux côtiers. De plus, la Garde côtière n’a pas évalué les risques associés à la diminution de la présence de brise-glace dans l’Arctique.

Je suis préoccupée car il ne semble pas y avoir de vision d’ensemble de ce que le gouvernement fédéral compte fournir dans cette vaste région. Je parle ici de cartes modernes, d’aide à la navigation et de services de brise-glace, compte tenu de l’augmentation prévue du trafic maritime.

Chapitre 4 — La mise en œuvre de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (2012)

Dans un autre de nos audits, nous avons examiné si l’Agence canadienne d’évaluation environnementale, l’Office national de l’énergie et la Commission canadienne de sûreté nucléaire prennent des mesures pour mettre en œuvre la nouvelle Loi canadienne sur l’évaluation environnementale de 2012.

Nous avons constaté deux aspects qui risquent de compromettre l’atteinte des objectifs de la Loi. Le premier est qu’il n’est pas clair sur quoi se fonde la recommandation qu’un projet fasse l’objet d’une évaluation environnementale. Je crains donc que certains projets importants échappent à l’évaluation, et que les décideurs n’aient pas l’information dont ils ont besoin pour tenir compte des impacts environnementaux.

Notre deuxième préoccupation a trait à la participation du public. Un objectif de la nouvelle Loi était d’augmenter la participation des Autochtones. Or de nombreux groupes, y compris les peuples autochtones, s’inquiètent de ne pas avoir la capacité de participer de manière significative. Cette difficulté peut limiter la contribution de ces groupes et diminuer la confiance du public dans les évaluations environnementales.

Chapitre 5 — Progrès réalisés par les ministères et organismes dans la mise en œuvre des stratégies de développement durable

Le dernier audit présenté dans mon rapport s’inscrit dans le contexte du suivi annuel que nous faisons de la façon dont les ministères exécutent leurs engagements en matière de développement durable. Cette année, nous avons regardé comment les ministères audités utilisent les évaluations environnementales stratégiques pour intégrer des considérations environnementales dans leurs propositions au Cabinet et au Conseil du Trésor.

Malgré des améliorations aux processus, il demeure un risque que les ministres ne reçoivent pas toute l’information sur les impacts environnementaux des programmes, plans et politiques proposés par les ministères.

Chapitre 6 — Rapport annuel sur les pétitions en matière d’environnement

Certains membres du Comité savent peut-être que mon bureau assure la gestion du processus de pétition en matière d’environnement au nom du vérificateur général. En plus de faire le suivi des pétitions et des réponses et de présenter des rapports à cet égard, nous publions les pétitions et les réponses sur le site Web du Bureau du vérificateur général et nous nous efforçons de faire connaître le processus de pétition en matière d’environnement.

Le dernier chapitre est notre rapport annuel sur les pétitions environnementales. Cette année, nous avons reçu 16 pétitions demandant à des ministres de l’information sur plusieurs enjeux environnementaux, y compris la gestion des pêches et les menaces pour la santé humaine et l’environnement posées par les substances toxiques.

En conclusion, comme le montrent les audits que nous avons réalisés cette année, malgré des bonnes initiatives et certains progrès, de nombreuses questions restent sans réponse. Dans bien des domaines importants que nous avons examinés, il n’est pas clair comment le gouvernement entend relever les défis environnementaux importants que la croissance et le développement futur amèneront.

Entre autres, le gouvernement ne sait pas quel rôle Environnement Canada jouera dans la surveillance des sables bitumineux au-delà de mars 2015. Il n’a pas expliqué comment seront choisis les projets qui seront soumis à des évaluations environnementales, et je crains que certains projets importants échappent à l’évaluation. Il n’a pas non plus défini les services qu’il mettra en œuvre dans l’Arctique pour soutenir la navigation accrue et réduire les risques pour la sécurité et l’environnement. Enfin, il n’a pas établi de plan national, avec les provinces et les territoires, pour atteindre la cible de réduction des émissions de gaz à effet de serre du Canada.

Je m’attends à ce que le gouvernement ait les réponses à ces questions. Dans mon rapport, j’avance de nombreuses recommandations que les ministères ont acceptées. J’ai hâte de voir les initiatives qui seront mises en place pour y répondre.

Monsieur le Président, je suis intéressée à en savoir davantage sur les intérêts et les préoccupations des parlementaires et je serais heureuse de rencontrer les Sénateurs qui souhaiteraient m’en faire part. Notre Bureau considère aussi les comités parlementaires comme un allié très précieux pour encourager le gouvernement à rendre compte de la gestion de l’environnement et je serai heureuse de pouvoir servir les parlementaires en contribuant à ce rôle important.

Monsieur le Président, je termine ainsi ma déclaration d’ouverture. Nous serions heureux de répondre à vos questions.