2024 — Rapports 2 à 4 de la vérificatrice générale du Canada au Parlement du Canada
Rapport 3 — Le Programme des services de police des Premières Nations et des Inuit
Survol
Le Programme des services de police des Premières Nations et des Inuit est un programme à frais partagés entre le gouvernement fédéral et les provinces ou les territoires qui a pour but de contribuer à l’amélioration de la sûreté et de la sécurité dans les collectivités des Premières Nations et des Inuit. Dans l’ensemble, Sécurité publique Canada, en tant que ministère responsable de la gestion et de la surveillance du Programme, n’a pas travaillé en partenariat avec les collectivités autochtones afin de fournir l’accès à des services de police équitables et adaptés à leurs besoins. Dans le cadre du Programme, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) joue parfois le rôle de prestataire de services. Nous avons constaté que, dans un tel cas, la GRC n’avait pas travaillé en partenariat avec les collectivités autochtones afin de fournir des services de police dédiés et adaptés qui complétaient ceux fournis dans le cadre des ententes avec la province ou le territoire concerné.
Même si le financement accordé au Programme des services de police des Premières Nations et des Inuit a augmenté de façon importante depuis notre dernier audit en 2014, nous avons encore constaté des lacunes importantes dans sa gestion. Les fonds attribués au Programme ne sont pas tous dépensés, ce qui est préoccupant dans le contexte d’un programme visant à soutenir la sécurité des collectivités autochtones; nous avons constaté que 13 millions de dollars des fonds du Programme liés à l’exercice 2022‑2023 n’avaient pas été dépensés. En date d’octobre 2023, Sécurité publique Canada risquait de ne pas débourser des fonds totalisant plus de 45 millions de dollars pour l’exercice 2023‑2024.
Dans sa gestion du Programme, Sécurité publique Canada n’avait aucune approche pour répartir les fonds équitablement entre les collectivités. Le Ministère nous a indiqué qu’il s’était plutôt fié à la mesure dans laquelle les provinces et les territoires étaient prêts à financer leur part du Programme et au financement antérieur reçu par les collectivités pour déterminer les sommes attribuées. Nous avons également constaté une insuffisance dans les consultations menées auprès des collectivités et dans les partenariats conclus avec celles‑ci par le Ministère.
Nous avons constaté que la Gendarmerie royale du Canada n’avait pas systématiquement respecté les conditions des ententes communautaires tripartites. Par exemple, dans notre échantillon de 26 collectivités où le service était assuré par la GRC dans le cadre du Programme, nous avons constaté que le service de seulement 38 % de ces collectivités était assuré par des détachements de la GRC qui indiquaient que leurs policières et policiers pouvaient consacrer 100 % de leur temps à la collectivité, conformément aux exigences. Nous avons également constaté qu’en raison de pénuries de personnel, la GRC n’avait pas été en mesure de pourvoir tous les postes pour lesquels elle recevait du financement dans le cadre des ententes du Programme au cours des cinq dernières années, ce qui faisait en sorte que les collectivités des Premières Nations et des Inuit étaient mal servies.
Ni Sécurité publique Canada ni la Gendarmerie royale du Canada n’avaient recueilli suffisamment de renseignements ou analysé l’information recueillie pour déterminer si les exigences énoncées dans les ententes de services de police étaient respectées et si le Programme produisait les résultats prévus. Il importe de surveiller et d’analyser les données non seulement pour répondre aux besoins en matière de sûreté et de sécurité des collectivités, mais aussi pour appuyer l’autodétermination de celles-ci. Les lacunes des mesures du rendement du Programme effectuées par Sécurité publique Canada avaient également été relevées par notre audit de 2014.
En ne s’acquittant pas de certaines de leurs responsabilités dans le cadre du Programme, Sécurité publique Canada et la Gendarmerie royale du Canada ont pris des mesures qui ne s’arriment pas à l’objectif visant à renforcer la confiance des collectivités des Premières Nations et des Inuit et à l’engagement à l’égard de la vérité et de la réconciliation du gouvernement du Canada.
Les constatations et les données clés
- Le Programme des services de police des Premières Nations et des Inuit a été créé en 1991. La politique du Programme, mise à jour en 1996, visait à fournir aux collectivités des Premières Nations et des Inuit l’accès à des services de police professionnels, efficaces, adaptés à la culture et responsables envers les collectivités servies.
- D’après Services aux Autochtones Canada et Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada, en 2021, le Canada comptait environ 680 collectivités des Premières Nations et des Inuit. Selon des données de Sécurité publique Canada, au cours de l’exercice 2020‑2021, le Programme avait 36 ententes sur les services de police autogérés qui visaient 155 collectivités et 140 ententes communautaires tripartites qui visaient 230 collectivités.
- Des rapports, des appels à la justice, des plaintes relatives aux droits de la personne et un litige ont soulevé des préoccupations et des défis liés au Programme des services de police des Premières Nations et des Inuit.
- En 2021, un financement supplémentaire de plus de 500 millions de dollars a été annoncé pour Sécurité publique Canada pour stabiliser le Programme et en élargir la portée, mais l’élargissement de la portée a été limité.
- La Gendarmerie royale du Canada est responsable de l’affectation de policières et de policiers aux collectivités des Premières Nations et des Inuit dans le cadre du Programme des services de police des Premières Nations et des Inuit, qui s’ajoutent aux services de police provinciaux et territoriaux fournis dans le cadre de contrats distincts.
- La Gendarmerie royale du Canada n’a pas réussi à pourvoir tous les postes financés par le Programme. Pendant l’exercice 2022‑2023, 61 postes financés dans le cadre des ententes communautaires tripartites sont demeurés vacants.
Pourquoi avons-nous effectué cet audit?
- Comme de nombreux systèmes de police au Canada ont été mis en place dans les collectivités autochtones lors de la colonisation, il est primordial de veiller à ce que les collectivités autochtones reçoivent des services de police qui reconnaissent et respectent leur culture, leur histoire et leurs droits.
- L’accès à des services de police appropriés et adaptés à la culture fournis par le Programme des services de police des Premières Nations et des Inuit est indispensable au renforcement de la sécurité et au bien‑être des collectivités autochtones ainsi qu’aux efforts visant à appuyer l’autodétermination et la réconciliation.
- L’objectif du Programme des services de police des Premières Nations et des Inuit est de fournir aux collectivités des services de police dédiés et adaptés aux besoins des collectivités des Premières Nations et des Inuit.
Aperçu de nos recommandations
- Compte tenu des problèmes de longue date liés au Programme des services de police des Premières Nations et des Inuit, et étant donné la volonté du gouvernement fédéral à l’égard de la vérité et de la réconciliation, Sécurité publique Canada devrait travailler avec les collectivités des Premières Nations et des Inuit, avec les provinces et les territoires et avec la Gendarmerie royale du Canada à l’élaboration et à la mise en œuvre d’une approche renouvelée pour le Programme.
- Sécurité publique Canada et la Gendarmerie royale du Canada devraient collaborer avec les collectivités des Premières Nations et des Inuit ainsi qu’avec les provinces et les territoires avant la signature d’ententes communautaires tripartites nouvelles ou renouvelées afin de déterminer quels services peuvent être offerts en fonction de la capacité en matière de ressources humaines.
- La Gendarmerie royale du Canada devrait élaborer et mettre en œuvre une stratégie nationale visant à remédier à la pénurie de personnel dans les postes liés aux ententes communautaires tripartites afin de s’assurer que les membres du corps policier de la GRC affectés aux collectivités des Premières Nations et des Inuit peuvent s’acquitter de leurs responsabilités dans le cadre du Programme. À cette fin, la GRC devrait consulter les collectivités des Premières Nations et des Inuit ainsi que Sécurité publique Canada afin de comprendre l’intérêt pour le Programme, les besoins des collectivités et les tendances.
Consultez le rapport intégral pour lire toutes nos observations, analyses, recommandations et les réponses des entités auditées.
Le rapport final de 2019 de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées demandait au gouvernement fédéral de recueillir des données fondées sur les distinctions (la façon dont chaque collectivité inuit et des Premières Nations est différente) et des données intersectionnelles (la façon dont les aspects de l’identité se chevauchent pour créer et aggraver la discrimination et les inégalités) sur les femmes, les filles et les personnes bispirituelles, lesbiennes, gaies, bisexuelles, transgenres, queers, intersexuées et autres personnes de diverses identités sexuelles et de genre (2ELGBTQI+) des collectivités autochtones. En ne recueillant pas ces données, Sécurité publique Canada ne pouvait pas examiner si le Programme aidait à réduire les inégalités vécues par ces groupes. Le Ministère manquait aussi une occasion de contribuer à l’avancement de l’objectif 5 (Égalité entre les sexes), de l’objectif 10 (Inégalités réduites) et de l’objectif 16 (Paix, justice et institutions efficaces) du Programme de développement durable des Nations Unies.
Visitez notre page « Le développement durable et le Bureau du vérificateur général du CanadaBVG » pour en apprendre davantage sur le développement durable au BVG.
Visuels choisis
Ententes communautaires tripartites et ententes sur les services de police autogérés au Canada
Source : D’après l’information fournie par Sécurité publique Canada
Version textuelle
Cette carte illustre la répartition des ententes communautaires tripartites et des ententes sur les services de police autogérés partout au Canada. Elle montre également la taille de la population des collectivités.
Dans le cadre d’une entente sur les services de police autogérés, le service de police d’une collectivité inuit ou d’une Première Nation fournit les services de police quotidiens. Aux termes d’une entente communautaire tripartite, la Gendarmerie royale du Canada fournit des services de police spécialisés dans une collectivité inuit ou d’une Première Nation qui complètent les services déjà offerts dans la province ou le territoire.
Les ententes communautaires tripartites se trouvent principalement en Colombie-Britannique, dans les provinces des Prairies et de l’Atlantique et au Yukon, tandis que les ententes sur les services de police autogérés sont principalement en Ontario et au Québec. Il y a quelques ententes sur les services de police autogérés dans quelques collectivités en Colombie-Britannique et dans les provinces des Prairies.
Il n’y a aucune entente dans les Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut.
La plupart des populations des collectivités étaient inférieures à 2 000 personnes. Toutefois, certaines provinces ont aussi des collectivités de taille importante, notamment les suivantes :
- La Colombie-Britannique, les provinces des Prairies, l’Ontario, le Québec, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse ont également des collectivités dont la population se situe entre 2 000 et 3 999 personnes.
- Les provinces des Prairies et le Québec avaient également des collectivités dont la population se situait entre 4 000 et 5 999 personnes.
- L’Alberta et la Saskatchewan ont également des collectivités dont la population se situe entre 6 000 et 7 999 personnes.
- L’Alberta, l’Ontario et le Québec ont aussi des collectivités dont la population est égale ou supérieure à 8 000 $.
Nouveau financement fédéral annoncé pour le Programme des services de police des Premières Nations et des Inuit en 2018 et en 2021
Année | Nouveau financement du Programme |
---|---|
2018 |
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2021 |
|
Source : Site Web de Sécurité publique Canada et budget fédéral de 2021
Les dépenses de Sécurité publique Canada et de la Gendarmerie royale du Canada dans le cadre du Programme des services de police des Premières Nations et des Inuit, de 2018‑2019 à 2022‑2023
Source : D’après des renseignements fournis par Sécurité publique Canada et la Gendarmerie royale du Canada
Version textuelle
Ce graphique à barres montre les dépenses de Sécurité publique Canada et de la Gendarmerie royale du Canada, ou GRC, dans le cadre du Programme des services de police des Premières Nations et des Inuit au cours des exercices 2018‑2019 à 2022‑2023. Les dépenses se répartissent comme suit :
Exercice | Dépenses de la GRC | Dépenses de Sécurité publique Canada | Total des dépenses |
---|---|---|---|
2018-2019 | 49 millions de dollars | 106 millions de dollars | 155 millions de dollars |
2019-2020 | 51 millions de dollars | 113 millions de dollars | 164 millions de dollars |
2020-2021 | 54 millions de dollars | 125 millions de dollars | 179 millions de dollars |
2021-2022 | 58 millions de dollars | 131 millions de dollars | 189 millions de dollars |
2022-2023 | 63 millions de dollars | 179 millions de dollars | 242 millions de dollars |
Remarque : Les dépenses de Sécurité publique Canada ne comprennent pas les charges salariales du Ministère ni les autres frais d’exploitation.
La Gendarmerie royale du Canada a reçu un financement au titre d’ententes communautaires tripartites pour un nombre de postes de policières et de policiers plus élevé que le nombre de postes qu’elle était en mesure de pourvoir de 2018‑2019 à 2022‑2023
Source : D’après l’information fournie dans les rapports de fin d’exercice de la Gendarmerie royale du Canada
Version textuelle
Ce graphique linéaire montre le nombre de postes de policières et policiers de la Gendarmerie royale du Canada, ou GRC, qui ont été financés et pourvus dans le cadre d’ententes communautaires tripartites pour les exercices 2018‑2019 à 2022‑2023. Pour chaque exercice de cette période, le nombre total de postes financés a toujours été plus élevé que le nombre de postes pourvus. Les données sont les suivantes :
Exercice | Nombre total de postes financés | Nombre total de postes pourvus |
---|---|---|
2018-2019 | 409 | 399 |
2019-2020 | 422 | 400 |
2020-2021 | 463 | 407 |
2021-2022 | 467 | 402 |
2022-2023 | 467 | 406 |
Remarque : Aux termes d’une entente communautaire tripartite, la Gendarmerie royale du Canada fournit des services de police dédiés dans une collectivité inuit ou d’une Première Nation qui viennent compléter les services déjà offerts dans la province ou le territoire.
Infographie
Version textuelle
Le Programme des services de police des Premières Nations et des Inuit
Le Programme des services de police des Premières Nations et des Inuit est un programme à frais partagés entre le gouvernement fédéral et les provinces ou les territoires qui a pour but de contribuer à l’amélioration de la sûreté et de la sécurité dans les collectivités des Premières Nations et des Inuit.
Faits saillants
En 1991, le Programme des services de police des Premières Nations et des Inuit a été créé.
Il y a environ 680 collectivités des Premières Nations et des Inuit au Canada.
Le nombre de collectivités visées par deux principaux types d’ententes dans le cadre du Programme s’élève à 385.
Programme à frais partagés
Les coûts sont partagés entre le gouvernement fédéral (52 %) et les provinces ou les territoires (48 %).
Deux principaux types d’ententes sur les services de police
Il y a 36 ententes sur les services de police autogérés qui visaient 155 collectivités. Le service de police d’une collectivité des Premières Nations ou des Inuit assure les services de police quotidiens.
Il y a 140 ententes communautaires tripartites qui visaient 230 collectivités. La Gendarmerie royale du CanadaGRC assure des services de police dédiés aux collectivités qui complètent les services de police fournis dans une province ou un territoire.
Sécurité publique Canada avait mal géré le Programme
Il y a eu une mauvaise surveillance de la gestion financière, et l’élargissement de la portée du programme était limité malgré le financement additionnel.
Au cours de l’exercice 2022‑2023, 13 millions de dollars n’ont pas été dépensés.
La GRC n’a pas été en mesure de pourvoir la totalité des postes financés par le Programme
En effet, des 467 postes financés dans le cadre d’ententes communautaires tripartites, 61 sont demeurés vacants au cours de l’exercice 2022‑2023.
En ne s’acquittant pas de certaines de leurs responsabilités dans le cadre du Programme, Sécurité publique Canada et la GRC ont pris des mesures qui ne s’arriment pas à l’objectif visant à renforcer la confiance des collectivités des Premières Nations et des Inuit et à l’engagement à l’égard de la vérité et de la réconciliation du gouvernement du Canada.
Information connexe
Date de dépôt
- 19 mars 2024
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