Rapports du vérificateur général du Canada — Printemps 2015

Déclaration d’ouverture au Comité permanent des comptes publics

Rapports du vérificateur général du Canada — Printemps 2015

Le 29 avril 2015

Michael Ferguson, CPA, CA
FCA (Nouveau-Brunswick)
Vérificateur général du Canada

Monsieur le Président, j’ai le plaisir de vous présenter mes rapports du printemps 2015, qui ont été déposés en Chambre hier. Je suis accompagné de Nancy Cheng, vérificatrice générale adjointe, Joe Martire et Frank Barrett, directeurs principaux et André Côté, directeur.

Nous avons présenté sept audits que nous avons terminés depuis l’automne passé.

Comme vous allez pouvoir le constater, certains de ces audits font ressortir des secteurs d’activité gouvernementale qui ne livrent pas les résultats attendus pour les Canadiens, et dans lesquels les problèmes sous-jacents pourraient devenir plus graves s’il n’y a pas une intervention rapide.

Rapport 1 — La résistance aux antimicrobiens

Parlons d’abord de notre audit de la résistance aux antimicrobiens. Les données indiquent une progression de certaines infections résistantes aux antibiotiques au Canada. Déjà, uniquement dans les hôpitaux, environ 18 000 Canadiens contractent chaque année des infections causées par des organismes résistants aux médicaments. Nous avons constaté que Santé Canada et l’Agence de la santé publique du Canada n’ont pas fait assez pour aider à contenir la prolifération des organismes résistants aux médicaments.

Santé Canada n’a pas pris d’importantes mesures pour protéger l’efficacité des antimicrobiens utilisés pour traiter les infections graves chez les humains. En effet, le Ministère exige une ordonnance pour ces médicaments quand ils sont destinés aux humains, mais non nécessairement quand ils servent à soigner des animaux d’élevage. L’utilisation imprudente des antimicrobiens chez les animaux d’élevage peut introduire dans la chaîne alimentaire des organismes résistants aux médicaments.

Santé Canada sait qu’il y a des lacunes dans les règlements qui permettent aux éleveurs d’importer pour leurs propres bêtes des antimicrobiens non homologués et des ingrédients pharmaceutiques actifs. Pourtant, le Ministère n’a pas agi pour resserrer les contrôles sur l’importation.

Nous avons aussi constaté que l’Agence de la santé publique du Canada ne collecte pas toutes les informations de surveillance nécessaires pour comprendre l’étendue de la résistance aux antimicrobiens au Canada.

En 1997, le gouvernement fédéral a affirmé pour la première fois la nécessité d’une stratégie pancanadienne sur la résistance antimicrobienne. Ce besoin a été réitéré en 2009, et l’Agence a reconnu la nécessité d’un leadership plus fort. Cependant, il n’y avait pas de consensus avec les provinces ou les territoires quant au rôle que devrait jouer l’Agence de la santé publique du Canada. Il n’y a actuellement pas de stratégie nationale et à notre avis, il faudra probablement plusieurs années avant qu’il en ait une.

Rapport 4 — L’accès aux services de santé pour les communautés éloignées des Premières Nations

Toujours dans le domaine de la santé, nous avons examiné ce que Santé Canada a fait pour appuyer l’accès aux services de santé pour les communautés éloignées des Premières Nations.

Santé Canada a pour objectif de donner aux membres de Premières Nations vivant dans des communautés éloignées un accès aux services de santé qui soit comparable à celui d’autres résidents de la province qui habitent aussi en région éloignée. Nous avons constaté que le Ministère n’a pas atteint cet objectif.

Dans la plupart des cas, l’accès aux soins de santé dans ces communautés passe d’abord par des infirmières et infirmiers déployés dans des postes de soins. Nous avons relevé des lacunes dans la gestion du personnel infirmier et des postes de soins. Par exemple, seulement une infirmière sur les 45 incluses dans notre échantillon avait suivi tous les cours de formation requis par Santé Canada.

Nous avons aussi constaté que Santé Canada n’avait pas corrigé 26 des 30 cas de non-conformité avec les exigences de santé et de sécurité ou les codes du bâtiment qui avaient été relevés dans les huit postes de soins infirmiers que nous avons examinés. Les lacunes variaient d’installations de chauffage et de climatisation défectueuses à des escaliers, rampes et portes non sécuritaires. Dans une communauté, des spécialistes de la santé ont annulé des visites parce qu’ils ne pouvaient pas occuper la résidence prévue pour eux, à cause de problèmes avec l’installation septique qui persistaient depuis plus de deux ans.

Rapport 5 — Les investissements dans les technologies de l’information — Agence des services frontaliers du Canada

Dans un autre audit, nous avons vérifié si l’Agence des services frontaliers du Canada a géré ses investissements dans les technologies de l’information pour que ses projets atteignent leurs objectifs. Le portefeuille actuel de l’Agence regroupe 30 projets en technologies de l’information, avec un budget de plus de un milliard de dollars. 

En décembre 2013, l’Agence des services frontaliers du Canada a mis en place une approche par portefeuille pour renforcer la gestion de ses investissements dans les technologies de l’information. Nous avons trouvé que cette approche était complète. Toutefois, notre examen de cinq projets à la lumière de ce nouveau cadre a montré que celui-ci n’avait pas été entièrement appliqué.

Par exemple, l’information fournie aux comités supérieurs chargés de superviser le portefeuille des projets en technologies de l’information ne contenait pas de données financières exactes, d’information sur l’avancement des projets, ou d’échéanciers.

Pour ces raisons, l’Agence fait face à des défis importants pour gérer ces projets, ce qui cause parfois des chevauchements ou des retards.

Rapport 3 — Les dépenses faites au moyen du système fiscal

Passons maintenant à notre audit des dépenses faites au moyen du système fiscal. La somme des dépenses faites au moyen du système fiscal totalisent des milliards de dollars par année. Ces dépenses sont semblables aux dépenses de programmes directes, mais nous avons constaté que le Parlement reçoit moins d’information sur les premières que sur les dépenses directes du gouvernement.

Nous avons constaté que Finances Canada fait un bon travail pour analyser les nouvelles mesures fiscales et surveiller celles qui sont en place. Cependant, Finances Canada n’évalue pas systématiquement les dépenses faites au moyen du système fiscal pour s’assurer qu’elles continuent à donner les résultats attendus.

Nous croyons que le Parlement doit recevoir une information complète et consolidée au sujet des dépenses faites au moyen du système fiscal pour comprendre non seulement l’ensemble des dépenses de l’État, mais aussi les résultats concrets des dépenses faites au moyen du système fiscal.

Rapport 6 — La préparation des détenus à la mise en liberté — Service correctionnel Canada

Dans notre audit du Service correctionnel du Canada, la préparation des détenus non autochtones de sexe masculin à la mise en liberté, nous avons constaté que les délinquants restent plus longtemps en établissement, et qu’ils passent moins de temps sous surveillance dans la collectivité.

En 2013-2014, environ 1 500 détenus ont été libérés d’établissements à sécurité moyenne ou maximale directement dans la collectivité, sans bénéficier pleinement d’une réinsertion graduelle dans la société.

Quatre-vingt pour cent des détenus étaient incarcérés au-delà de la date à laquelle ils étaient admissibles pour la première fois à la liberté conditionnelle, même si plusieurs d’entre eux étaient considérés comme présentant un faible risque de récidive.

Nous avons aussi constaté que dans de nombreux cas, les détenus ne bénéficiaient pas de programmes correctionnels et de réadaptation avant de devenir admissibles à la libération. Bien des détenus n’étaient pas affectés à ces programmes, même s’ils présentaient des antécédents d’associations criminelles ou de toxicomanie.

Rapport 2 — Les rapports exigés des organisations fédérales

Passons maintenant à notre audit des rapports récurrents que le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, la Commission de la fonction publique ou la loi exigent des organismes fédéraux. Nous avons constaté que, dans l’ensemble, les rapports destinés à appuyer l’imputabilité et la transparence servaient à ces fins. Cependant, à notre avis, l’efficience et la valeur des rapports fédéraux devraient être améliorées.

Nous avons aussi constaté que le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada exige les mêmes rapports de toutes les organisations fédérales, indépendamment de leur taille ou de leur mandat. Par exemple, la Commission canadienne des affaires polaires — une petite organisation comptant 11 employés — est tenue de préparer 25 rapports annuels ou trimestriels.

Nous avons aussi constaté qu’environ la moitié des plans de sécurité ministériels, qui étaient demandés pour juin 2012, n’étaient pas terminés au moment de notre audit.

Rapport 7 — Le Bureau de l’Ombudsman du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes

Notre audit du Bureau de l’Ombudsman du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes a porté sur la période de février 2009 à août 2014, ce qui coïncidait avec les mandats de deux ombudsmans.

Nous avons constaté que pendant le mandat du premier de ces deux ombudsmans, le Bureau avait en place des contrôles inadéquats pour gérer ses finances, contrats et ressources humaines conformément aux règles et politiques du gouvernement. De plus, les contrôles en place étaient souvent outrepassés par la direction.

Nous avons aussi constaté que le premier des deux ombudsmans et certains cadres supérieurs de son Bureau n’avaient pas respecté le code des valeurs et d’éthique. Ces manquements ont donné lieu à des griefs, des plaintes et de forts taux de congé de maladie et de roulement du personnel. Ces problèmes, combinés avec l’absence de pratiques établies, ont provoqué des retards dans les enquêtes. Après 2012, l’environnement de travail s’est stabilisé, et les efforts pour fermer les dossiers en retard ont porté fruit.

La Défense nationale n’a pas exercé une surveillance suffisante pour s’assurer que le Bureau de l’Ombudsman suivait les règles et les politiques du gouvernement. De plus, le Ministère n’a pas entièrement répondu aux plaintes sur le milieu de travail déposées par des employés entre 2009 et 2013. Vu que le Bureau de l’Ombudsman mène ses enquêtes indépendamment de la Défense nationale, mais que son personnel et son budget relèvent du Ministère, la relation organisationnelle avec la Défense nationale est une question complexe qui doit être tirée au clair pour s’assurer que la surveillance exercée est adéquate en tous points.

Chapitre 8 — Les examens spéciaux des sociétés d’État — 2014

En 2014, notre Bureau a effectué des examens spéciaux de la Société immobilière du Canada Limitée et de la Monnaie royale canadienne. Ce travail n’a pas dégagé de défaut grave. Toutefois, nous avons souligné certaines préoccupations relatives aux pratiques contractuelles et à la gestion des frais de voyage et d’accueil de la Monnaie royale canadienne.

Conclusion

Des sept audits que nous avons présentés, certains font ressortir des activités du gouvernement qui ne livrent pas les résultats attendus pour les Canadiens, et les problèmes sous-jacents pourraient s’aggraver. Prenons l’exemple de la stratégie nationale sur la résistance aux antimicrobiens. Il y a presque 20 ans que le gouvernement a désigné la résistance aux antimicrobiens comme étant une priorité du programme de santé publique, mais il n’y a toujours pas de stratégie nationale.

Notre audit du Service correctionnel du Canada illustre la même problématique, tandis que baisse le nombre de délinquants qui bénéficient pleinement d’une réinsertion sociale graduelle.

Nous craignons qu’à défaut d’une intervention rapide visant à régler les problématiques que nous constatons aujourd’hui, il s’avère un jour que ces problématiques étaient les manifestations de problèmes plus graves. Il est donc important que les ministères s’empressent de les régler, justement pour éviter ces problèmes plus graves qui plus tard coûteront plus cher à régler, autant en temps, qu’en argent et en efforts.

Monsieur le Président, je termine ainsi ma déclaration d’ouverture. Nous serions heureux de répondre à vos questions.