Rapports du vérificateur général du Canada — Automne 2015
Déclaration d’ouverture au Comité permanent des comptes publics
Rapports du vérificateur général du Canada — Automne 2015
Le 18 février 2016
Michael Ferguson, CPA, CA
FCA (Nouveau-Brunswick)
Vérificateur général du Canada
Monsieur le Président, j’ai le plaisir de vous présenter mes rapports de l’automne 2015, qui ont été déposés en Chambre récemment. Les rapports réunissent les constatations de sept audits que nous avons achevés à l’automne de 2015. Je suis accompagné de Nancy Cheng, Jerome Berthelette, Glenn Wheeler et Martin Dompierre.
Les ministères et organismes du gouvernement sont chargés de mettre en œuvre des programmes et des services pour répondre aux besoins et questions qui importent à la population canadienne. Si les intentions sont bonnes au départ, pourquoi voyons-nous souvent, dans nos audits, des programmes gouvernementaux qui manquent la cible?
Rapport 7 — La création de la Régie de la santé des Premières Nations en Colombie-Britannique
Je vais parler d’abord de la création de la Régie de la santé des Premières Nations en Colombie-Britannique. L’étude et audit que nous avons menés ont montré que la Régie de la santé des Premières Nations est le produit d’une collaboration réussie, mais qu’elle doit maintenant mieux assumer l’engagement de rendre compte.
Notre étude a montré que grâce à leur collaboration soutenue, les Premières Nations et les partenaires fédéral et provincial ont surmonté les obstacles structurels faisant entrave à la prestation de services aux Premières Nations que nous avions recensés en 2011, y compris les incertitudes entourant le financement et la mise en œuvre des programmes. Ainsi, nous avons noté que la Régie bénéficie d’une entente de financement sur 10 ans alors que par le passé, le financement était habituellement alloué une année à la fois.
Par contre, le travail d’audit que nous avons mené a révélé que le cadre de reddition de comptes et de gouvernance de la Régie de la santé comporte certaines faiblesses. Par exemple, nous avons constaté que la Régie n’avait pas toujours suivi de la même façon sa politique d’enquêter sur les allégations d’inconduite au travail. La Régie devra corriger ces faiblesses pour appuyer la prestation réussie des services de santé pour les Premières Nations en Colombie-Britannique.
Rapport 3 — La mise en œuvre de l’Accord sur les revendications territoriales des Inuit du Labrador
Dans notre audit de la mise en œuvre de l’Accord sur les revendications territoriales des Inuit du Labrador, nous avons constaté que le gouvernement fédéral avait réalisé des progrès pour mettre en œuvre certaines de ses obligations aux termes de l’Accord. Par exemple, nous avons constaté que Parcs Canada avait géré le parc national du Canada des Monts-Torngat de façon à créer des emplois et des débouchés économiques pour les Inuit du Labrador.
Cependant, nous avons aussi constaté qu’en raison de différends persistants liés à l’interprétation des obligations prévues dans l’Accord, des défis demeurent dans certains domaines, notamment les pêches et le logement. Par exemple, Pêches et Océans Canada et le gouvernement nunatsiavut ne s’entendent pas sur l’accès à la pêche de la crevette nordique que doit recevoir le gouvernement nunatsiavut en vertu de l’Accord. De plus, l’absence d’un programme fédéral de logement pour les Inuit a limité la capacité du gouvernement nunatsiavut à satisfaire les engagements en matière de logement qu’il a assumés.
Ces désaccords persistants compliquent la relation entre le gouvernement fédéral et le gouvernement nunatsiavut. Pourtant, le mécanisme de règlement des différends prévu dans l’Accord n’a pas été invoqué pour tenter de régler ces enjeux. Les constatations de notre audit devraient être prises en compte par le nouveau comité de surveillance des sous-ministres sur la mise en œuvre des traités modernes, dont la création a été annoncée à l’été 2015.
Rapport 5 — Les logements des Forces armées canadiennes
Passons maintenant à notre audit des logements militaires. Cet audit fait ressortir des enjeux qui reviennent régulièrement dans nos audits qui portent sur la planification et l’exécution de programmes gouvernementaux.
La Défense nationale dépense des millions en logements militaires, mais elle n’a pas clairement cerné ses besoins. Nous avons constaté que le Ministère n’avait pas déterminé qui, parmi les membres des Forces armées, devraient bénéficier de logement, ni sous quelle forme, ni à quel endroit.
Nous avons aussi constaté que l’Agence de logement des Forces canadiennes, qui gère les logements militaires au nom de la Défense nationale, subit des contraintes qui limitent sa capacité d’utiliser efficacement les fonds affectés aux logements militaires, de façon à satisfaire les besoins actuels et futurs des membres des Forces canadiennes. Par exemple, en 2015, l’Agence a reçu 6 millions de dollars de financement, mais avec seulement 2 mois pour les dépenser.
Rapport 2 — Le contrôle des exportations à la frontière
Dans un audit, qui a porté sur les activités de contrôle des exportations qu’exerce l’Agence des services frontaliers du Canada, nous avons constaté qu’il y avait des faiblesses dans les pouvoirs, l’information et les méthodes sur lesquels se fonde l’Agence pour évaluer les risques d’exportation, allouer ses ressources et donner suite à ses priorités. Par conséquent, l’Agence a manqué des occasions d’empêcher des marchandises non conformes aux lois de contrôle des exportations du Canada de quitter le pays.
Par exemple, l’Agence des services frontaliers du Canada se servait des déclarations d’exportation pour repérer les envois à risque élevé qui devaient être examinés, mais elle n’était pas en mesure de revoir toutes les déclarations qu’elle reçoit. Par ailleurs, même quand l’Agence ciblait des envois à risque élevé, elle manquait d’en examiner environ un sur cinq.
Nous avons aussi relevé des lacunes systématiques dans la couverture des exportations. Par exemple, à cause de difficultés de dotation, l’Agence n’avait examiné aucun des colis qui quittaient le Canada à partir d’un grand centre de traitement.
Rapport 1 — La mise en œuvre de l’analyse comparative entre les sexes
Un autre de nos audits a examiné la question de l’analyse comparative entre les sexes, que nous avions auditée auparavant, en 2009. Dans notre audit de 2015, nous avons constaté que l’analyse comparative entre les sexes n’est toujours pas entièrement mise en œuvre dans l’administration fédérale alors que cela fait 20 ans que le gouvernement s’est engagé à l’intégrer à ses décisions politiques.
Nous avons constaté que Condition féminine Canada, le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada et le Bureau du Conseil privé ont fait des progrès en ce qui concerne l’appui à la pratique de l’analyse comparative entre les sexes dans l’administration fédérale. Néanmoins, nous avons aussi constaté que les analyses faites par les ministères et organismes n’étaient pas toujours complètes, et que la qualité était inégale.
Cela signifie que les impacts selon le sexe — y compris les obstacles à la pleine participation de divers groupes de femmes et d’hommes — ne sont pas toujours intégrés aux décisions du gouvernement. Nous avions constaté sensiblement la même chose en 2009.
Rapport 6 — Le Programme de prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada
Parlons maintenant de notre audit du Programme de prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada. Nous avons observé que l’arriéré des décisions en appel s’était accru depuis la création du Tribunal de la sécurité sociale du Canada. Pourtant, ce Tribunal a été créé pour améliorer la rapidité et l’efficience du processus d’appel.
En 2014-2015, alors que des nouveaux appels venaient augmenter l’arriéré, le délai moyen pour obtenir une décision a dépassé les 800 jours, soit plus du double du temps que cela prenait trois ans avant. Près de trois ans après sa création, le Tribunal a encore du mal à rendre des décisions en temps opportun.
Pour tenter de réduire l’arriéré, Emploi et Développement social Canada a examiné de nouveau certains des dossiers en appel. Le Ministère a alors déterminé qu’environ le tiers de ces dossiers satisfaisait les conditions d’admissibilité aux prestations. Cela veut dire que dans ces cas, les demandes auraient pu être approuvées plus tôt.
Pour sa part, Emploi et Développement social Canada a respecté ses normes de service pour l’évaluation des demandes initiales de prestations et pour les révisions. Toutefois, pour les personnes qui présentent une demande, nous avons constaté que le processus est long et complexe. Les requérants doivent remplir de nombreux formulaires, et le tout peut prendre plusieurs mois.
Rapport 4 — Services partagés en technologies de l’information
Parlons maintenant d’un autre de nos audits de l’automne 2015, soit celui qui a examiné les progrès réalisés par Services partagés Canada pour transformer les services de technologies de l’information du gouvernement fédéral. La transformation des services de technologies de l’information du gouvernement a commencé en 2013 et devrait être terminée en 2020.
Selon nous, Services partagés Canada n’a pas mis en place les bases d’une collaboration efficace avec ses partenaires. Nous avons constaté que le Ministère n’avait pas établi d’attentes claires et concrètes quant aux services, au soutien et à l’information que les ministères pouvaient s’attendre à recevoir. À cause de ces faiblesses et d’autres que nous avons relevées dans notre audit, Services partagés Canada n’est pas en mesure de savoir, pour le moment, s’il atteint ses cibles de transformation. De plus, le Ministère ne peut rendre compte avec exactitude des économies réalisées par la transformation des services de technologies de l’information du gouvernement.
Comme cet audit examinait en milieu de parcours les progrès réalisés par Services partagés Canada pour mettre en œuvre des éléments clés de la transformation des services de technologies de l’information du gouvernement, nos recommandations sont porteuses d’occasions concrètes de revoir ce qui a été fait jusqu’à présent, et de repérer les rectifications nécessaires.
Les examens spéciaux des sociétés d’État — 2015
Commission canadienne du tourisme
Administration canadienne de la sûreté du transport aérien
Vous remarquerez que nous incluons maintenant des exemplaires complets des rapports d’examens spéciaux remis récemment aux sociétés d’État, au lieu des rapports sommaires fournis précédemment. Nous voulions ainsi vous donner des renseignements plus complets sur les forces des sociétés d’État auditées ainsi que sur les secteurs nécessitant des améliorations.
En 2015, notre Bureau a réalisé des examens spéciaux de la Commission canadienne du tourisme et de l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien. Nous sommes satisfaits que les moyens et méthodes que nous avons examinés au sein de ces deux organismes leur fournissaient l’assurance raisonnable que leurs ressources et activités étaient gérées de façon économique, efficiente et efficace.
Conclusion
Comme je l’ai mentionné au début de ma déclaration, ces audits font ressortir que la qualité des programmes gouvernementaux est inégale, avec des cas où les résultats sont inférieurs aux intentions initiales et d’autres où ils s’avèrent plus prometteurs.
Prometteur, c’est la création de la Régie de la santé des Premières Nations en Colombie-Britannique, où une approche nouvelle et la considération d’une information existante ont abouti à une autre façon de surmonter des obstacles persistants. Au moment où d’autres gouvernements et Premières Nations ailleurs au pays se penchent sur les façons d’améliorer les programmes et services aux Premières Nations, nous soulignons l’importance de tenir compte de ce qui a donné des bons résultats et de recenser les conditions gagnantes avant d’aller de l’avant.
Par contre, du côté des résultats préoccupants, nous voyons par exemple le cas de l’analyse comparative entre les sexes, qui n’est toujours pas mise en œuvre dans l’administration fédérale 20 ans après son lancement. Nous voyons aussi le cas de la création du Tribunal de la sécurité sociale, où une transition mal planifiée et des attentes imprécises ont accru les délais dans les dossiers d’appel, au lieu de les réduire.
Ces audits donnent à penser que les ministères ne se préoccupent pas toujours assez d’amélioration continue et d’apprentissage, qu’ils ne songent pas à ce qui a fonctionné ou pas, ni à utiliser ce qu’ils ont appris pour jeter les bases de meilleurs programmes et services pour les Canadiens et Canadiennes. Autrement dit, il se peut que les ministères laissent filer des occasions de travailler à améliorer la qualité de leurs programmes et services.
Monsieur le Président, je termine ainsi ma déclaration d’ouverture. Nous serions heureux de répondre à vos questions.