Rapports 6 à 10 de 2023 du commissaire à l’environnement et au développement durable

Déclaration d’ouverture au Comité permanent de l’environnement et au développement durable

Rapports 6 à 10 de 2023 du commissaire à l’environnement et au développement durable

Le 9 novembre 2023

Jerry V. DeMarco
Commissaire à l’environnement et au développement durable

Merci monsieur le Président. Nous sommes heureux de comparaître devant votre comité pour parler de cinq rapports, qui ont été déposés à la Chambre des communes mardi. Je tiens à reconnaître que cette audience se déroule sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinaabe. Je suis accompagné de Kimberley Leach, James McKenzie, Susan Gomez et David Normand, qui étaient responsable des audits.

Trois de ces rapports abordent les réductions des émissions de gaz à effet de serre qui s’imposent d’urgence pour gérer la crise climatique mondiale.

Les émissions au Canada sont plus élevées aujourd’hui que lorsque le pays et le monde se sont engagés pour la première fois à lutter contre les changements climatiques, il y a de cela plus de 30 ans. Des objectifs et des plans ont été établis et abandonnés, et le Canada tarde encore à obtenir des résultats. Entre‑temps, la nécessité de renverser la tendance des émissions de gaz à effet de serre au Canada est devenue de plus en plus pressante. Ce n’est pas la première fois que je lance ce cri d’alarme, et je continuerai à le faire tant que le Canada n’aura pas renversé cette tendance.

Notre premier audit porte sur le Plan de réduction des émissions pour 2030 établi par Environnement et Changement climatique Canada au titre de la nouvelle Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité. Même si nous n’étions pas tenus de rendre compte de la mise en œuvre de ce plan avant la fin de 2024, étant donné le besoin pressant pour le Canada d’intensifier ses efforts dans la lutte contre les changements climatiques, nous avons décidé de présenter un rapport plus rapidement.

Nous avons constaté que le plan ne suffisait pas à atteindre l’objectif du Canada de réduire les émissions de 40 % à 45 % par rapport au niveau de 2005 d’ici 2030. Selon ses projections les plus récentes, Environnement et Changement climatique Canada a indiqué que les mesures détaillées dans le plan entraîneraient une réduction des émissions de seulement 34 % par rapport au niveau de 2005.

Les mesures qui s’imposent pour atteindre l’objectif de 2030 n’ont pas obtenu la priorité des ministères ou ont été retardées. Nous avons constaté un manque de fiabilité et de transparence en ce qui concerne la modélisation économique et celle des émissions, ce qui a porté le gouvernement à avancer des hypothèses trop optimistes sur les réductions attendues.

Je suis aussi préoccupé par le fait que la responsabilité de réduire les émissions était répartie entre des organisations fédérales multiples qui ne relèvent pas directement du ministre de l’Environnement et du Changement climatique. Le ministre n’a donc pas le pouvoir d’obliger les autres entités à atteindre l’objectif.

Sur une note positive, les mesures prévues dans le plan, comme la tarification du carbone et les mesures réglementaires, pourraient entraîner des réductions considérables des émissions, si elles sont assez rigoureuses et appliquées à grande échelle. Le gouvernement fédéral peut encore réduire ses émissions et atteindre son objectif pour 2030 en faisant preuve de leadership et en prenant des mesures ciblées et dynamiques. La mise en œuvre de nos recommandations serait un pas dans la bonne direction.

Passons maintenant à notre rapport sur la mise en œuvre des stratégies de développement durable par des ministères et organismes. Nous avons évalué les progrès de la Défense nationale, Parcs Canada, Pêches et Océans Canada et l’Agence des services frontaliers du Canada quant à la cible de convertir 80% de la flotte automobile du gouvernement fédéral en véhicules à émission zéro d’ici 2030. Collectivement, ces quatre organisations détiennent la plupart des véhicules appartenant au gouvernement fédéral.

Nous avons constaté que le pourcentage de véhicules à émission zéro dans les quatre organisations en 2022 était très faible, soit entre 1 % et 3 %. À ce rythme, seulement 13 % des véhicules fédéraux seront sans émission d’ici 2030, ce qui est très loin de la cible de 80 %. Aucune des organisations n’avait d’approche stratégique pour indiquer comment elles comptaient atteindre la cible.

Avec 2030 comme objectif et étant donné que le gouvernement renouvelle habituellement ses véhicules aux sept ans, ces organisations doivent agir rapidement pour élaborer et mettre en œuvre des plans réalistes qui leur permettront d’acquérir des véhicules à émission zéro afin que la flotte du gouvernement puisse contribuer à réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Toujours au sujet des véhicules à émission zéro, notre audit du Programme d’infrastructure pour les véhicules à émission zéro a montré que Ressources naturelles Canada avait contribué, dans l’ensemble, à l’expansion de l’infrastructure de recharge. Le Programme est en voie de dépasser l’objectif d’installer 33 500 points de recharge d’ici 2026. En date de juillet 2023, 33 887 points de recharge étaient soit en chantier ou achevés.

Nous avons cependant aussi constaté que, lors du financement des bornes de recharge, le ministère n’avait pas accordé la priorité aux régions mal desservies, comme les collectivités rurales, éloignées, autochtones et à faible revenu. La grande majorité des points de recharge étaient situés en Ontario, au Québec et en Colombie-Britannique.

Même si le gouvernement fédéral n’est pas le seul responsable du financement des bornes de recharge pour les véhicules à émission zéro, il peut en faire plus pour aider à corriger les écarts d’infrastructure qui sont peu susceptibles d’être comblés par le secteur privé. Nous avons constaté que Ressources naturelles Canada n’avait pas recueilli des données pour l’aider à cerner ces lacunes, et il n’avait pas établi d’objectifs pour les régions mal desservies.

Il reste un large écart entre le nombre actuel de bornes de recharge et le nombre requis d’ici 2035. Ressources naturelles Canada doit collaborer avec les autres ordres de gouvernement et avec le secteur privé afin de combler les manques qui touchent l’infrastructure de recharge pour faire en sorte que les Canadiennes et les Canadiens se sentent en confiance de passer aux véhicules à émission zéro.

Passons maintenant à notre audit de la surveillance des prises de pêche maritime commerciale. Nous avons constaté que Pêches et Océans Canada n’avait pas réussi à recueillir des données fiables et opportunes sur les prises de poissons. Le Ministère n’avait pas une vue d’ensemble de la santé des stocks de poissons du Canada. Nous avons aussi signalé que le Ministère devait améliorer sa surveillance des renseignements fournis par de tierces parties.

Nous avons constaté qu’un grand nombre des faiblesses que nous avions signalées il y a sept ans, lors de notre dernier audit de ce secteur, posent toujours problème. Par exemple, le Ministère a créé une politique de surveillance des pêches en réponse à une recommandation formulée dans notre rapport de 2017, mais nous avons constaté qu’il ne l’avait pas mise en œuvre et que cette politique n’était pas soutenue par des ressources ou un plan d’action.

Il y a sept ans, nous avions également signalé que les systèmes de gestion de l’information du Ministère devaient être modernisés pour appuyer la collecte de données fiables et opportunes. Nous avons constaté que les progrès réalisés dans ce secteur étaient très lents. Pêches et Océans Canada a dépensé environ 31 millions de dollars pour mettre en œuvre un système qui fournit des données facilement accessibles et qui intègre les renseignements de toutes les régions. Cependant, nous avons constaté que le déploiement de ce nouveau système était incomplet et que le lancement de l’ensemble du système avait été reporté de 10 ans.

Sans données fiables et à jour sur les prises de poissons, Pêches et Océans Canada ne sait pas si les stocks de poissons commerciaux sont surexploités. L’effondrement de la population de morue franche dans les années 1990, avec des conséquences économiques et sociales profondes, a démontré qu’il est beaucoup plus difficile et coûteux de rétablir des stocks épuisés que d’éviter le problème en veillant plutôt à maintenir des niveaux sains.

Mardi dernier, nous avons également publié le rapport annuel sur les pétitions en matière d’environnement. Les pétitions permettent à la population canadienne de soulever leurs préoccupations en matière d’environnement et de développement durable et d’obtenir des réponses des ministres responsables.

En conclusion, je souhaite réitérer qu’il sera bientôt trop tard pour éviter les effets catastrophiques des changements climatiques. Les feux de forêt intenses, la fumée dans le ciel, les vagues de chaleur, les orages violents et les inondations sont de plus en plus graves et fréquents, et ce sont les Canadiennes et Canadiens partout au pays qui en subissent les conséquences.

Le Canada est le seul pays du groupe des 7G7 qui n’a réalisé aucune réduction des émissions depuis 1990. La prise de mesures concrètes pour réduire les émissions est l’action la plus importante que le Canada puisse prendre pour remédier à l’urgence climatique mondiale. Des solutions existent, comme le renouvellement de la flotte automobile du gouvernement avec des véhicules à émission zéro ou la mise en œuvre de mesures financières et réglementaires efficaces pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Le problème n’est pas que les solutions manquent, mais plutôt qu’elles sont mises en œuvre bien trop lentement. Il faut que cela change maintenant.

Monsieur le Président, je termine ainsi ma déclaration d’ouverture. Nous serions heureux de répondre aux questions des membres du comité. Merci.